ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
Confronté à une augmentation de la délinquance
juvénile, le ministre de l'Intérieur, Jack Straw, a mis en place,
en juin 1997, un groupe de travail (
Youth Justice Task Force
), dont
les propositions ont été en partie reprises dans la
loi sur la
prévention de la criminalité et des troubles à l'ordre
public
(
Crime and Disorder Act
), adoptée en juillet 1998.
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I. LE RACCOURCISSEMENT DE LA DUREE DES PROCEDURES
Le
Crime and Disorder Act
prévoit de réduire de
moitié le délai s'écoulant entre l'arrestation et le
début de la procédure, et entre la mise en examen et la
condamnation d'un mineur délinquant.
Précédemment, lorsque les délais prévus par le
Prosecution of Offences Act
de 1995 n'étaient pas
respectés, le coupable était acquitté. Afin
d'éviter l'acquittement pour dépassement des délais, la
nouvelle loi a prévu d'accorder des délais variables selon la
gravité des délits ainsi que la possibilité d'ajourner le
procès.
Ces mesures entreront en vigueur au cours de l'été
1999.
II. LE DEVELOPPEMENT DE NOUVELLES MESURES
1) La prévention.
a) Le couvre-feu
Une des
principales mesures de prévention adoptées est la
possibilité
d'instaurer temporairement un couvre-feu dans
certains quartiers.
Cette mesure est
applicable depuis le 30 septembre 1998
et concerne
les mineurs de moins de dix ans
qui se trouvent dans un lieu public
entre 21 heures et 6 heures
, non accompagnés de leurs parents ou
d'un adulte de plus de dix-huit ans.
Le couvre-feu peut imposer des
horaires différents en fonction de l'âge des mineurs.
Les autorités locales doivent soumettre la demande d'instauration d'un
couvre-feu à l'approbation du ministère de l'Intérieur. Le
couvre-feu ne peut être imposé pendant une période
supérieure à quatre-vingt dix jours.
Lorsqu'un enfant de moins de dix ans ne l'a pas respecté, les agents de
police doivent le
reconduire chez ses parents
ou, en leur absence, au
commissariat.
Les autorités locales doivent être informées de cette
infraction et ordonner une enquête, qui est effectuée par les
services sociaux.
b) Le contrôle de l'obligation scolaire
Les
enfants âgés de cinq à seize ans ont
l'obligation de
fréquenter un établissement scolaire
et ils ne peuvent
s'absenter pendant les heures de cours que s'ils ont une autorisation.
Lorsqu'un agent de police rencontre un mineur dans un lieu public, un centre
commercial ou une boutique, et qu'il a de bonnes raisons de croire qu'il fait
l'école buissonnière, il peut le
ramener soit à
l'école, soit dans un endroit désigné par les responsables
locaux de l'enseignement.
2) Les peines alternatives à la prison
a) Les admonestations et les mises en garde
Elles
sont adressées aux mineurs en fonction de l'importance de l'infraction
qu'ils ont commise :
- une admonestation s'il s'agit d'une première infraction peu importante
;
- une mise en garde pour une infraction plus importante ou si le jeune a
déjà reçu précédemment une admonestation ou
une mise en garde depuis plus de deux ans, mais que l'agent de police
considère que l'infraction ne justifie pas une inculpation.
Les admonestations et les mises en garde sont données au poste de
police. Si le mineur a moins de dix-sept ans, la présence d'un
adulte est requise. Il peut s'agir d'un parent ou d'un tuteur, voire d'un
travailleur social ou d'un représentant d'une organisation
bénévole si le mineur a été confié à
une telle organisation.
L'officier de police doit expliquer au mineur,
si ce dernier a plus de
dix-sept ans, ou à l'adulte qui l'accompagne, s'il a moins de dix-sept
ans,
dans un langage clair, les conséquences d'une admonestation ou
d'une mise en garde.
Après avoir délivré la mise en garde, l'officier de police
doit confier le mineur à l'équipe de prise en charge des jeunes
délinquants qui détermine s'il est utile de lui imposer un
programme de réinsertion et de prévention de la récidive.
Lorsqu'un jeune commet une nouvelle infraction dans le délai de deux
ans, ou si l'infraction est trop importante pour n'être passible que
d'une admonestation ou d'une mise en garde, le tribunal ne peut le dispenser de
peine. Il doit le condamner au minimum à une peine avec sursis.
b) Les ordonnances de réparation
Le but
des ordonnances de réparation est de
faire prendre conscience au
jeune
délinquant des conséquences de ses actes.
Une
telle ordonnance consiste
à condamner le mineur à
effectuer des réparations au profit de la victime de l'infraction, si
elle y consent, ou d'une personne à laquelle ont nui les actes
délictueux, voire au profit de la collectivité.
Préalablement à la délivrance d'une ordonnance de
réparation, le tribunal doit prendre connaissance du rapport
établi par un officier de probation
(1(
*
))
, un travailleur social ou un membre de
l'équipe de prise en charge des jeunes délinquants, et indiquant
le travail qu'il serait souhaitable de faire exécuter par le
délinquant en guise de réparation et ce qu'en pensent les
victimes.
Le tribunal doit également expliquer au mineur, dans un langage clair,
les conséquences de l'ordonnance et les obligations qu'elle comporte,
ainsi que ce qui pourrait advenir s'il ne les respectait pas.
La peine doit être proportionnelle au délit, mais ne peut
dépasser vingt-quatre heures. Elle doit être effectuée
dans les trois mois de la délivrance de l'ordonnance. L'ordonnance peut
également contenir l'obligation d'envoyer une lettre d'excuses à
la victime.
L'exécution de cette peine est contrôlée par un officier de
probation, un travailleur social ou un membre de l'équipe de prise en
charge des jeunes délinquants.
c) Les peines d'intérêt général
Les
travaux d'intérêt général font partie d'un programme
dont l'objet est d'
éviter la récidive
et de
favoriser
la réinsertion.
La peine dure trois mois et comporte des obligations (participer à
certaines activités, être présent dans certains lieux
à certaines heures) et des interdictions (ne pas fréquenter
certains endroits). Si la victime y consent, le délinquant peut
également effectuer des travaux de réparation à son profit.
Pendant la durée de la peine, le mineur est placé sous la
surveillance d'un agent de probation, d'un travailleur social ou d'un membre de
l'équipe de prise en charge des jeunes délinquants.
Avant d'imposer une peine d'intérêt général, le
tribunal doit prendre connaissance du rapport qui est établi dans les
mêmes conditions que pour l'ordonnance de réparation. Il doit
donner également des explications au mineur.
Le tribunal fixe la date d'une prochaine audience, qui doit avoir lieu dans le
délai maximum de vingt et un jours suivant la fixation de la peine, et
demande à la personne chargée de la surveillance du mineur
d'établir, pour cette date, un rapport sur l'exécution de la
peine mentionnant éventuellement les modifications qu'il serait
souhaitable d'y apporter. A la lecture de ce rapport, le tribunal peut modifier
les sanctions imposées.
3) Les mesures éducatives
Les
ordonnances d'assistance éducative aux mineurs en danger ont pour but
d'assurer à l'enfant les soins, la protection et le soutien
nécessaires pour lui
éviter de s'engager dans des
activités criminelles ou de récidiver.
Elles sont prononcées par le tribunal lorsqu'un enfant de moins de dix
ans :
- a commis un délit qui aurait été sanctionné s'il
avait eu plus de dix ans ;
- ou risque de s'engager dans des activités criminelles ;
- ou n'a pas respecté le couvre-feu ;
- ou a commis des actes visant à harceler ou effrayer une personne
étrangère à son entourage.
Leur durée ne peut généralement être
supérieure à trois mois, mais, dans des cas exceptionnels, elle
peut atteindre un an.
Le mineur est placé sous la surveillance d'un travailleur social ou d'un
membre d'une équipe de prise en charge des jeunes délinquants.
Préalablement au prononcé de cette ordonnance, le tribunal
doit prendre en considération le milieu social de l'enfant
et
envisager les conséquences probables d'une
telle
ordonnance
. Il doit également expliquer aux parents ou au tuteur,
dans un langage simple, les obligations contenues dans l'ordonnance et leurs
conséquences ainsi que les modifications qui pourraient y être
apportées si toutes les conditions n'étaient pas remplies.
4) Les mesures répressives
a) La peine de formation obligatoire en milieu fermé et de suivi post-carcéral
Il
s'agit d'une nouvelle peine de détention pour les jeunes
délinquants récidivistes de dix à dix-sept ans. La
durée des peines infligées, simultanément ou
successivement, ne peut dépasser vingt-quatre mois et ne peut être
inférieure à quatre mois.
Le mineur est condamné à une peine qu'il effectue pour
moitié en détention (dans un centre d'entraînement
spécial, un établissement pour mineurs, un centre
d'hébergement local...). Pendant la période de détention,
le mineur suit une formation. Ensuite, il est laissé en liberté
sous la surveillance d'un officier de probation, d'un travailleur social ou
d'un membre d'une équipe de prise en charge des jeunes
délinquants. En fonction de ses progrès et de la durée de
la peine, la mise en liberté surveillée peut être
avancée d'un ou deux mois.
b) La libération conditionnelle pour les courtes peines avec port obligatoire d'un bracelet électronique
Les jeunes de plus de dix-huit ans condamnés à une courte peine de prison peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle assortie du port obligatoire d'un bracelet électronique permettant de vérifier qu'ils sont bien présents aux heures et endroits spécifiés.
c) La levée de l'anonymat
Lorsqu'un délinquant mineur a commis des actes particulièrement graves, un officier de police peut autoriser la levée de son anonymat.
* *
*
Compte
tenu de la recrudescence de la délinquance des mineurs et de la
gravité de certains délits, le gouvernement a approuvé la
construction de
cinq prisons pour enfants
, dont la première a
été ouverte au mois d'avril 1998 à Medway, dans le Kent.
Ces établissements sont destinés aux enfants âgés de
douze à quatorze ans, considérés comme dangereux et
irrécupérables.
Le coût de ces centres de détention sous surveillance est
très élevé : 1.200.000 francs environ par enfant
et par an contre 173.000 francs dans une maison de redressement
traditionnelle.
III. LA CREATION DE NOUVELLES CONDAMNATIONS
1) Les troubles à l'ordre public et les agressions sexuelles
Lorsqu'un mineur âgé de dix ans ou plus est reconnu
coupable d'agression ou de harcèlement envers une personne
étrangère à sa famille, la police ou les autorités
locales peuvent demander aux tribunaux de délivrer au mineur, et
éventuellement aux membres de la famille qui ont également commis
ce délit, une ordonnance leur interdisant d'accomplir certains actes, de
fréquenter certaines personnes ou certains endroits. La durée de
cette ordonnance ne peut excéder deux ans.
S'il s'agit de harcèlement ou d'une agression sexuelle, la durée
de l'ordonnance est de cinq ans.
Le non-respect de ces mesures peut être sanctionné par une peine
de prison dont la durée maximale est de cinq ans.
2) La toxicomanie
Les
toxicomanes de plus de seize ans qui y consentent peuvent se voir imposer une
injonction thérapeutique
pour une durée de six mois
à trois ans. Elle comporte une cure de désintoxication et un
suivi périodique.
Le service de probation est chargé de la mise en oeuvre et du suivi du
traitement.
3) Les agressions à caractère racial
Le nombre des agressions à caractère racial ayant considérablement augmenté depuis quelques années, il a été décidé que ce type de délit constituerait une infraction spécifique, qualifiée d'infraction aggravée à caractère racial , pour laquelle la sanction infligée est une peine de deux à quatre ans de prison, éventuellement doublée d'une amende.
IV. LA RESPONSABILISATION DES PARENTS
L'
ordonnance parentale
, instituée par la loi de 1998,
a pour but de
responsabiliser les parents
d'enfants mineurs
délinquants et de les
inciter à exercer leur autorité
parentale
afin d'éviter que ces enfants récidivent. Sa
durée ne peut être supérieure à un an.
Le tribunal délivre obligatoirement cette ordonnance aux parents dont
l'enfant de moins de seize ans a déjà fait l'école
buissonnière ou commis un délit, a été reconnu
coupable d'actes anti-sociaux ou d'agression sexuelle, ou a fait l'objet d'une
ordonnance d'assistance éducative aux mineurs en danger.
Il a la possibilité d'imposer une telle ordonnance aux parents d'enfants
âgés de seize ans et dix-sept ans.
Les parents
ont les obligations suivantes :
-
assister une fois par semaine
, pendant une période de trois
mois,
à des séminaires les amenant à se
responsabiliser
;
-
surveiller leur enfant
(s'assurer qu'il ne fait pas l'école
buissonnière, qu'il ne fréquente ni des personnes susceptibles
d'avoir une influence néfaste, ni certains lieux).
L'exécution de ces obligations est contrôlée par un agent
de probation, un travailleur social ou un membre d'une équipe de prise
en charge des jeunes délinquants.
Si le mineur a moins de seize ans, le tribunal doit, avant de délivrer
une ordonnance parentale, effectuer une enquête et prendre en
considération la situation familiale du délinquant. Il doit
également expliquer aux parents, dans un langage simple, les
conséquences de la mesure qu'il envisage de prendre et les modifications
qui pourraient y être apportée si toutes les conditions
n'étaient pas respectées.
En cas de manquement
à leurs obligations sans raison valable, les
parents pourront être condamnés à payer une
amende de
1.000 livres
. (soit environ 10.000 francs).
V. LA COLLABORATION DE TOUTES LES INSTITUTIONS CONCERNEES
Dans
chaque circonscription, les autorités locales, les services sociaux,
ainsi que ceux de police, de la probation et de la santé doivent
coopérer pour élaborer des
programmes locaux de lutte contre
la délinquance
et la violence.
Ils établissent, à l'échelon local, un bilan des types de
délits commis et de leur importance, publient une analyse des
résultats et sollicitent l'avis des habitants de la circonscription soit
lors d'une réunion publique, soit d'une autre manière.
Les propositions, qui sont faites pour une période de trois ans, doivent
tenir compte de ces avis.
Les autorités et la police locales doivent publier un document relatant
toutes les étapes du processus et précisant les objectifs
à court et long terme.