TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION

DU CONSEIL DES MINISTRES

ÉTUDE D'IMPACT

PROJET DE LOI

d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

NOR : JUST2305124L/Bleue-1

2 mai 2023

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION GÉNÉRALE 7

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 11

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 14

TABLEAU D'INDICATEURS 18

TITRE IER - OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE 20

Article 1 - Orientation et programmation des moyens du ministère de la justice 2023-2027 - Approbation du rapport annexé 20

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ET À LA MODERNISATION DE LA PROCEDURE PÉNALE 29

CHAPITRE IER - HABILITATION RELATIVE À LA RÉÉCRITURE DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE 29

Article 2 - Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale 29

CHAPITRE II - DISPOSITIONS AMÉLIORANT LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE PÉNALE 48

SECTION 1 : DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENQUÊTE, À L'INSTRUCTION, AU JUGEMENT ET À L'EXÉCUTION DES PEINES 48

Article 3 - Enquête, instruction, jugement, exécution 48

A. Perquisition de nuit en enquête de flagrance concernant les crimes contre les personnes 48

B. Dispositions tendant à renforcer le recours au statut de témoin assisté 56

C. Limitation de la détention provisoire en favorisant le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), par la création d'une ARSE sous condition suspensive de faisabilité, avec incarcération provisoire 75

D. Choix laissé au procureur de la République d'ouvrir ou non une information judiciaire en cas de renvoi du ministère public à mieux se pourvoir dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, de comparution à délai différé et de convocation par procès-verbal 90

E. Compétence du juge des libertés et de la détention pour modifier un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique en cas de comparution immédiate, convocation par procès-verbal et comparution différée et unification des délais de jugement en matière de comparution immédiate 102

F. Possibilité de prononcer une assignation à résidence sous surveillance électronique en cas de détention provisoire irrégulière 113

G. Assouplissement du recours aux moyens de télécommunication pour les interprètes pendant la garde à vue et téléconsultation médicale en garde à vue 121

H. Activation à distance des appareils connectés aux fins de géolocalisation et de captation d'images et de sons 133

Article 4 - Dispositions visant à favoriser le recours au travail d'intérêt général 145

SECTION 2 : DISPOSITIONS AMÉLIORANT L'INDEMNISATION DES VICTIMES 159

Article 5 - Dispositions améliorant l'indemnisation des victimes 159

TITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE COMMERCIALE ET AUX JUGES NON PROFESSIONNELS 167

CHAPITRE IER - DIVERSES DISPOSITIONS PORTANT EXPÉRIMENTATION D'UN TRIBUNAL DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES 167

Article 6 - Diverses dispositions portant expérimentation d'un tribunal des activités économiques 167

Article 7 - Expérimentation portant sur la contribution pour la justice économique 184

CHAPITRE II - DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES À LA FORMATION ET À LA RESPONSABILITÉ DES JUGES NON PROFESSIONNELS 195

Article 8 - Diverses dispositions relatives aux conseillers prud'hommes 195

Article 9 - Dispositions concernant sur le statut, la formation et la responsabilité des présidents des tribunaux de commerce et des juges consulaires 212

Article 10 - Formation des assesseurs des pôles sociaux 221

TITRE IV - OUVERTURE ET MODERNISATION DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE 228

CHAPITRE IER - JURIDICTIONS JUDICIAIRES 228

Article 11 - Equipe autour des magistrats 228

Article 12 - Participation des parlementaires au conseil de juridiction 245

CHAPITRE II - JURIDICTIONS DISCIPLINAIRES DES OFFICIERS MINISTÉRIELS ET DES AVOCATS 258

Article 13 - Juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats 258

CHAPITRE III : ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 269

Article 14 - Dispositions relatives au personnel pénitentiaire 269

A. Dispositions relatives à la réserve civile pénitentiaire 269

B. Disposition relative au statut de surveillant adjoint contractuel 276

C. Dispositions relatives à la généralisation du port des caméras individuelles par le personnel de l'administration pénitentiaire 285

TITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT CIVIL ET AUX PROFESSIONS 300

CHAPITRE IER - TRANSFERT DE COMPÉTENCES CIVILES DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION 300

Article 15 - Transfert de compétences civiles du juge des libertés et de la détention 300

CHAPITRE II - DIVERSES DISPOSITIONS PORTANT MODERNISATIONS PROCESSUELLES 317

Article 16 - Création d'un portail unique des déclarations de créances 317

Article 17 - Déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations 324

Article 18 - Dispositions relatives à la légalisation des actes étrangers 339

Article 19 - Rehaussement au niveau master 2 du diplôme pour accéder à la profession d'avocat 347

Article 20 - Rémunération des greffiers des tribunaux de commerce 354

Article 21 - Report de l'habilitation sur la publicité foncière 360

TITRE VI - DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FIANCIÈRES ET À LA RESPONSABILITÉ DES GESTIONNAIRES PUBLICS 364

Article 22 - Modalités d'accès aux corps des magistrats des tribunaux administratifs et des chambres régionales des comptes 364

Article 23 : Modernisation de la gestion des carrières des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes 369

Article 24 - Ratification de l'ordonnance sur le régime de responsabilité des gestionnaires publics 376

Article 25 - Application du régime interministériel de protection sociale complémentaire aux membres des juridictions administratives et financières 377

Article 26 - Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale au juge administratif de droit commun 385

TITRE VII - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES 394

Article 27 - Dispositions relatives à l'Outre-Mer 394

Article 28 - Dispositions transitoires 400

Article 29 - Dispositions d'entrée en vigueur 401

ANNEXE 1 - TABLEAU DE TRANSPOSITION 403

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La justice est tout à la fois un ensemble de grands principes qui fondent la République et la démocratie mais aussi un service public, certes spécifique, qui doit répondre aux exigences d'efficacité et de modernisation.

Dans la poursuite des travaux engagés par les Etats généraux de la justice, ces défis appellent une réponse globale et ambitieuse du Gouvernement à laquelle contribue le présent projet de loi en proposant une augmentation sans précédent des moyens humains et budgétaires de la justice, une rénovation en profondeur de l'organisation du ministère et de ses métiers ainsi que des réponses sectorielles fortes dans de nombreux domaines (civil, pénal, pénitentiaire, économique et social).

1. L'institution judiciaire, au coeur des préoccupations des citoyens, est en proie à un déficit d'accessibilité, de moyens budgétaires et humains et de rapidité des délais de jugement.

1.1. Des efforts à poursuivre dans la continuité des réformes déjà engagées par la loi de programmation pour la justice 2018-2022.

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a apporté une première réponse aux défis posés à notre pays, tant pour renforcer les moyens consacrés à la justice que pour renforcer son accessibilité et sa rapidité.

Elle a ainsi acté un renforcement significatif des moyens dédiés à la justice, dans la lignée de la précédente loi de programmation pluriannuelle pour les finances publiques :

- en portant les crédits de paiement de la mission « Justice », hors charges de pensions, à 8,3 Md euros en 2022.

2018

2019

2020

2021

2022

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

- en prévoyant une trajectoire de créations nettes d'emploi du ministère de 6 500 ETP en 2022.

2018

2019

2020

2021

2022

1 100

1 300

1 620

1 260

1 220

Par ailleurs, elle a engagé une simplification des procédures et de l'organisation de la justice, en créant le tribunal judiciaire issu de la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance.

Enfin elle a oeuvré à une meilleure protection des victimes et une accentuation de la lutte contre la récidive, en étendant les possibilités de condamnation à une peine de travail d'intérêt général et en prévoyant l'expérimentation de l'accueil de personnes condamnées à une telle peine au sein des structures relevant de l'économie sociale et solidaire et des sociétés à missions.

1.2. Une justice restant en proie à des défis importants en matière d'accessibilité, de moyens et d'accélération des délais de jugement.

En dépit des efforts déjà consentis, les travaux menés dans le cadre des Etats généraux de la justice lancés le 18 novembre 2021 par le Président de la République à Poitiers, lesquels ont associé largement les citoyens et professionnels de la justice, ont mis en lumière un besoin de renforcer encore davantage les moyens (tant humains que budgétaires) et l'accessibilité de la justice ainsi que l'accélération des délais de jugement.

En matière de moyens, il convient de poursuivre l'effort budgétaire déjà engagé lors du premier quinquennat pour renforcer les moyens financiers et humains du ministère et les placer à la hauteur des ambitions portées par l'institution judiciaire. Dans la même logique, une réflexion de fond sur l'organisation du ministère et les métiers de la justice conduira à moderniser et à rapprocher la justice des citoyens.

En matière d'accessibilité, les consultations menées ont fait ressortir un besoin de renforcement de la lisibilité du paysage juridictionnel, en particulier en ce qui concerne le contentieux prud'homal et économique, et de la procédure pénale, qui souffre notamment de nombreuses incohérences en raison des réformes successives du code de procédure pénale ;

En matière de délais de jugement, notre système judiciaire souffre encore de délais considérés comme trop longs :

- en 2021, le délai moyen de traitement d'une affaire civile s'établissait à 9,9 mois devant les tribunaux judiciaires, de 15,7 mois devant les cours d'appel, de 16,3 mois devant les conseils de prud'hommes et de 10 mois devant les tribunaux de commerce ;

- le délai moyen de traitement d'une affaire pénale s'élève, toutes infractions confondues, à environ 13 mois, ce chiffre étant stable depuis 2012.

2. Ces défis appellent une augmentation des moyens, une rénovation en profondeur de l'organisation du ministère et de ses métiers et des réponses sectorielles fortes, ambitions dans lesquelles s'inscrit le projet de loi.

2.1. Un plan d'action gouvernemental pour la justice fondé sur trois axes prioritaires

Pour répondre à l'ensemble de ces défis et rapprocher la justice des citoyens, le Gouvernement a donc décidé de mettre en oeuvre un plan d'action complet.

Ce plan d'action vise à répondre à une triple exigence :

- Une augmentation des moyens humains et financiers alloués à la justice, une revalorisation de ses métiers et une réorganisation de son ministère, en particulier sur le plan numérique et immobilier ;

- Un renforcement de l'accessibilité et de la lisibilité de la justice, à travers un ensemble de réformes sectorielles :

o en matière civile : un développement de la culture de l'amiable, une poursuite de la simplification de la procédure et une attention toujours plus marquée pour les personnes vulnérables ;

o en matière sociale et commerciale : un renforcement des moyens et outils à disposition du juge et de la lisibilité du paysage juridictionnel ;

o en matière pénale : une simplification et modernisation sans précédent ;

o en matière pénitentiaire : une recherche d'équilibre entre l'objectif de réinsertion des détenus et la sécurité dans les établissements pénitentiaires.

- Une accélération des délais de traitement des affaires, dans tous les domaines.

2.2. Un projet de loi d'orientation et de programmation, porteur de ce plan d'actions à horizon 2027.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le présent projet de loi, qui constitue la traduction législative du plan d'action gouvernemental de transformation pour la justice

Il porte une augmentation ambitieuse et inédite des moyens humains et budgétaires de la justice.

Le présent projet de loi fixe la trajectoire budgétaire pour le budget du ministère de la justice de 2023 à 2027, en inscrivant une progression des crédits de 21% à horizon 2027 par rapport à la LFI 2022 (soit 11 Md euros en CP) en prévoyant une clause de revoyure avant fin 2025 afin de vérifier, en cours d'exécution, la bonne adéquation entre les objectifs fixés, les réalisations et les moyens consacrés, en particulier en matière de dépenses d'investissements immobiliers.

Il prévoit une revalorisation des métiers et des carrières de la justice.

Ainsi, une véritable équipe sera constituée autour du magistrat afin de l'assister au quotidien dans ses missions, et certains agents contractuels du ministère recrutés sur des contrats de projet bénéficieront d'une transformation de leur contrat en contrat à durée indéterminée.

Enfin, il apporte des réponses sectorielles fortes dans l'ensemble des champs de la justice.

- Sur la justice pénale : la procédure sera simplifiée, à travers une habilitation à réécrire à droit constant le code de procédure pénale par ordonnance et par l'adoption de diverses mesures visant à améliorer le déroulement de la procédure pénale et à recentrer les missions du juge des libertés et de la détention sur son coeur de métier ;

- Sur la justice économique et commerciale : les dispositions envisagées, parmi lesquelles l'expérimentation d'un tribunal pour les affaires économiques auprès de neuf territoires expérimentateurs au sein desquels sera mise en place une contribution pour la justice économique et la rénovation de la formation et de la responsabilité des juges non professionnels, assureront son adéquation aux attentes des justiciables ;

- Sur la justice civile : le cadre du procès civil sera modernisé, notamment en matière de redressement judiciaire et de saisie et cession des rémunérations. Le niveau de qualification requis pour accéder à la profession d'avocat sera relevé au niveau master ;

- Sur la matière pénitentiaire : le vivier de la réserve pénitentiaire sera renforcé, et la sécurité assurée au sein des établissements, grâce à la généralisation du port des caméras individuelles par les personnels de surveillance.

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

1

Orientation et programmation des moyens du ministère de la justice 2023-2027 - Approbation du rapport annexé

Néant

Sans objet

2

Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

Ordonnance

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

3

Enquête, instruction, jugement, exécution

Décret simple

Décret en Conseil d'Etat

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

4

Dispositions visant à favoriser le recours au travail d'intérêt général

Décrets en Conseil d'Etat

Direction de l'administration pénitentiaire (DAP)

5

Dispositions améliorant l'indemnisation des victimes

Néant

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)/Secrétariat général

6

Diverses dispositions portant expérimentation d'un tribunal des activités économiques

Décret en Conseil d'Etat

Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS)

Direction des services judiciaires (DSJ)

7

Expérimentation portant sur la contribution pour la justice économique

Décret en Conseil d'Etat

Direction des affaires civiles et du sceaux (DACS)/ Secrétariat général (SG)

8

Diverses dispositions relatives aux conseillers prud'hommes

Néant

Sans objet

9

Formation des présidents des tribunaux de commerce

Décret simple

Direction des services judiciaires (DSJ)

Refus de siéger des juges consulaires

Décret en Conseil d'Etat

10

Formation des assesseurs des pôles sociaux

Décret simple

Direction des services judiciaires (DSJ)

11

Equipe autour des magistrats

Décrets en Conseil d'Etat

Direction des services judiciaires (DSJ)

12

Participation des parlementaires au conseil de juridiction

Décret en Conseil d'Etat

Direction des services judiciaires (DSJ)

13

Juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats

Décret en Conseil d'Etat

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

14

Dispositions relatives à la réserve civile pénitentiaire

Décret simple

Direction de l'administration pénitentiaire (DAP)

Dispositions permettant le recrutement de surveillants adjoints contractuels

Décret en Conseil d'Etat

Dispositions relatives à la généralisation du port des caméras piétons par le personnel de l'administration pénitentiaire

Décret en Conseil d'Etat

15

Transfert de compétences civiles du juge des libertés et de la détention

Décret en Conseil d'Etat

Direction des services judiciaires (DSJ)

16

Création d'un portail unique des déclarations de créances

Décret en Conseil d'Etat

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

17

Déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations

Décret en Conseil d'Etat

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

18

Dispositions relatives à la légalisation des actes étrangers

Décret en Conseil d'Etat

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

19

Rehaussement au niveau master 2 du diplôme pour accéder à la profession d'avocat

Néant

Sans objet

20

Rémunération des greffiers des tribunaux de commerce

Néant

Sans objet

21

Report de l'habilitation sur la publicité foncière

Néant

Sans objet

22

Modalités d'accès aux corps de magistrats des tribunaux administratifs et des chambres régionales des comptes

Décret en Conseil d'Etat

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

23

Modernisation de la gestion des carrières des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes

Néant

Sans objet

24

Ratification de l'ordonnance sur le régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

Néant

Sans objet

25

Application du régime interministériel de protection sociale complémentaire aux membres des juridictions administratives et financières

Décrets en Conseil d'Etat

Sans objet

26

Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale au juge administratif de droit commun

Ordonnance

Ministère de la Justice

27

Dispositions relatives à l'Outre-Mer

Néant

Sans objet

28

Dispositions transitoires

Décrets en Conseil d'Etat

Direction des services judiciaires (DSJ)

29

Dispositions d'entrée en vigueur

Décrets en Conseil d'Etat

Direction des services judiciaires (DSJ)

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS

Les conférences des premiers présidents, procureurs généraux, présidents et procureurs de la République ont été consultées.

La consultation du comité social d'administration ministériel (CSAM) a été initiée le 9 mars 2023. Elle porte sur l'ensemble du texte à l'exclusion du Titre VI.

Le projet de loi a été soumis pour information aux comités sociaux d'administration spéciaux de l'administration pénitentiaire et des services pénitentiaires d'insertion et de probation et des services judiciaires le 6 mars 2023.

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

1

Orientation et programmation des moyens du ministère de la justice 2023-2027 - Approbation du rapport annexé

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Haut conseil des finances publiques

Néant

2

Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

3

Enquête, instruction, jugement, exécution

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Comité social d'administration spécial des services pénitentiaires d'insertion et de probation (CSAS SPIP)

4

Dispositions visant à favoriser le recours au travail d'intérêt général

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

5

Dispositions améliorant l'indemnisation des victimes

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions

Fédération France victimes

6

Diverses dispositions portant expérimentation d'un tribunal des activités économiques

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Conseil national des tribunaux de commerce

Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce

7

Expérimentation portant sur la contribution pour la justice économique

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Conseil national des tribunaux de commerce

Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce

Conseil national de l'aide juridique

8

Diverses dispositions relatives aux conseillers prud'hommes

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Conseil supérieur de la prud'homie

Néant

9

Formation des présidents des tribunaux de commerce

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Conseil national des tribunaux de commerce

Refus de siéger des juges consulaires

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Conseil national des tribunaux de commerce

10

Formation des assesseurs des pôles sociaux

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

11

Equipe autour des magistrats

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Comité social d'administration spécial des services judiciaires (CSAS SJ)

12

Participation des parlementaires au conseil de juridiction

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Comité social d'administration spécial des services judiciaires (CSAS SJ)

13

Juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

14

Dispositions relatives à la réserve civile pénitentiaire

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Comité social d'administration spécial des services pénitentiaires d'insertion et de probation (CSAS SPIP)

Comité social d'administration spécial de l'administration pénitentiaire (CSAS AP)

Dispositions permettant le recrutement de surveillants adjoints contractuels

Dispositions relatives à la généralisation du port des caméras piétons par le personnel de l'administration pénitentiaire

15

Transfert de compétences civiles du juge des libertés et de la détention

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

16

Création d'un portail unique des déclarations de créances

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

17

Déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Chambre nationale des commissaires de justice

Comité social d'administration spécial des services judiciaires (CSAS SJ)

18

Dispositions relatives à la légalisation des actes étrangers

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

19

Rehaussement au niveau master 2 du diplôme pour accéder à la profession d'avocat

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Conseil national des barreaux

20

Rémunération des greffiers des tribunaux de commerce

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce

21

Report de l'habilitation sur la publicité foncière

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

22

Modalités d'accès aux corps de magistrats des tribunaux administratifs et des chambres régionales des comptes

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Conseil supérieur des chambres régionales des comptes

Néant

23

Modernisation de la gestion des carrières des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes

Néant

Néant

24

Ratification de l'ordonnance sur le régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

Néant

Néant

25

Application du régime interministériel de protection sociale complémentaire aux membres des juridictions administratives et financières

Commission supérieure du Conseil d'Etat

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Conseil supérieur de la Cour des comptes

Conseil supérieur des chambres régionales et territoriales des comptes

Néant

26

Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale au juge administratif de droit commun

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Section sociale du Conseil national de l'organisation sanitaire et sociale

27

Dispositions relatives à l'Outre-Mer

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

28

Dispositions transitoires

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Comité social d'administration spécial des services judiciaires (CSAS SJ)

29

Dispositions d'entrée en vigueur

Comité social d'administration ministériel (CSAM)

Néant

TABLEAU D'INDICATEURS

Indicateur

Définition et modalités de l'élaboration

Valeur cible

Horizon temporel

Mesures prévues dans la loi (articles)

Rendre les décisions en première instance en moins d' un an en matière civile

L'évaluation sera réalisée par la DSJ

Proportion d'affaires civiles terminées en moins de douze mois

87%

2027

L'intégralité de la loi

Rendre les décisions en première instance en moins d'un an en matière pénale

L'évaluation sera réalisée par la DSJ

Proportion d'affaires pénales terminées en moins de douze mois

87%

2027

L'intégralité de la loi

Renforcer les moyens humains de la mission justice

L'évaluation sera réalisée par le SG

ETP supplémentaires (magistrats, greffiers et autres personnels de justice)

10 000

2027

Article 1er : fixe la trajectoire budgétaire sur les cinq années de la loi, soit de 2023 à 2027, pour le budget du ministère de la justice.

Généraliser et approfondir la dématérialisation de la procédure pénale

L'évaluation sera réalisée par le SG, en lien avec le ministère de l'intérieur.

Nombre de tribunaux judiciaires ayant déployé une ou plusieurs filières correctionnelles avec poursuite

100%

2027

Rapport annexé

Développer les places pour les peines de travail d'intérêt général

ATIGIP

Nombre de places de TIG actives

45 000

2027

Article 4 : tend à favoriser le recours à la peine de travail général en généralisant la possibilité d'accueil de l'économie sociale et solidaire

TITRE IER - OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Article 1 - Orientation et programmation des moyens du ministère de la justice 2023-2027 - Approbation du rapport annexé

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La Justice, c'est un ensemble de grands principes qui fondent la République, la démocratie et le pacte social. C'est aussi un service public spécifique qui doit répondre aux exigences d'efficacité et de modernisation.

Le président de la République a donc demandé de tout mettre en oeuvre pour une justice plus rapide, plus efficace, plus protectrice et plus proche des justiciables.

Priorité du Gouvernement, le budget du ministère a augmenté de 32 % depuis 2017, au cours de la période correspondant à la précédente de programmation pluriannuelle, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, pour atteindre près de 9 milliards d'euros en 2022.

Le ministère de la justice a bénéficié de trois hausses successives de +8 % de son budget en 2021, en 2022 et en 2023, portant celui-ci à 9,6 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2023, afin notamment de mettre en oeuvre les programmations immobilières et numériques, ou de déployer les effectifs nécessaires à la justice de proximité.

Ces crédits sont conformes à ceux inscrits dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023 à 2027 à l'article 12 pour les années 2024 et 2025. Les trajectoires définies à l'article 3 du projet de LPFP, notamment la trajectoire de dépenses des administrations publiques, sont établies en conformité avec les articles 9 et 12 du même projet. Ainsi le projet de loi de programmation justice est conforme avec les dépenses prévues par le projet de LPFP 2023-2027.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que les lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État. Les lois de programmation ont pour objet d'énoncer des objectifs ou des orientations et de les soumettre au vote du Parlement1(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le rapport du comité des Etats généraux de la justice a dressé le constat d'une justice sous tension, parfois en difficulté pour remplir pleinement son rôle.

Afin de rehausser ses capacités, les moyens alloués à l'institution judiciaire seront largement accrus, poursuivant l'augmentation du budget de la mission « Justice » déjà amorcée lors du précédent quinquennat.

Cet effort budgétaire sans précédent, dont la trajectoire est inscrite dans le projet de loi, vise à répondre aux attentes fortes des citoyens et des professionnels de la justice.

Au-delà d'une augmentation des ressources, le projet de loi d'orientation et de programmation a pour ambition d'accompagner une réforme profonde de la justice, plus rapide notamment dans ses délais de jugement, plus protectrice et efficace, plus proche et exigeante.

Disposer d'une trajectoire budgétaire sécurisée sur cinq ans permettra au ministère de la justice de conduire résolument les investissements d'ampleur indispensables, tant dans les domaines immobilier, informatique ou organisationnel, qu'en matière de ressources humaines, pour évoluer vers un service public davantage attentif aux besoins des justiciables qu'il accueille et plus respectueux encore des personnes qui lui sont confiées.

Aux termes de l'article 34 de la Constitution, les lois de programmation « déterminent les objectifs de l'action de l'Etat ».

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Inscrite dans la présente loi de programmation, la progression des crédits, de 21 % à l'horizon 2027 par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, traduit de manière concrète la priorité réaffirmée par le Gouvernement accordée au renforcement et à la modernisation de la justice.

En cumulé, 7,5 milliards de crédits supplémentaires seront alloués au service public de la justice sur ce quinquennat.

Cet effort sur les moyens financiers se décline également sur les moyens humains avec une progression du recrutement sans précédent, de 10 000 emplois supplémentaires d'ici 2027, dont 1 500 magistrats, 1 500 greffiers et un nombre substantiel d'assistants du magistrat. Sont également compris dans les 10 000 emplois, les 605 équivalents temps plein recrutés en gestion 2022 au titre de la justice de proximité. En 5 ans, autant de magistrats auront été recrutés que sur les 20 dernières années.

La mise en oeuvre de ces objectifs fixés par la loi fera l'objet d'un suivi en exécution.

A cet effet, dans les conditions fixées par l'article 15 modifié de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances et dans le respect de l'enveloppe de ressources prévue au titre de la période 2023-2027, le ministère de la justice pourra bénéficier de la reconduction d'une année sur l'autre des moyens immobiliers programmés n'ayant pas été consommés, qui seront donc sanctuarisés.

Cette garantie ira de pair avec un suivi étroit de l'avancement de la programmation immobilière pénitentiaire et judiciaire.

S'agissant des crédits sur les investissements immobiliers, une clause de revoyure sera prévue dans le cadre du PLF 2025 afin d'apprécier le degré d'avancement de la programmation immobilière judiciaire et pénitentiaire et ses conditions économiques. Les crédits immobiliers non consommés en cours de gestion seront reportés sur l'exercice suivant pour permettre le financement des opérations programmées. Les crédits alloués aux investissements immobiliers du ministère ne pourront être utilisés à une autre fin.

S'agissant de la gouvernance des investissements immobiliers, un comité stratégique immobilier, présidé par le ministre de la justice, sera mis en place pour examiner, pour chaque projet d'investissement majeur, la satisfaction du besoin opérationnel, la stratégie de maîtrise des risques, le coût global intégrant les coûts d'investissement, d'exploitation et de maintenance, ainsi que la faisabilité financière d'ensemble.

Compte tenu de son ampleur et de ses enjeux, la programmation immobilière du ministère fera l'objet d'un suivi interministériel régulier associant le ministère chargé du budget, qui procédera à un examen contradictoire de la soutenabilité financière desdits projets de même que, chaque année, de la programmation pluriannuelle.

Le renforcement du pilotage des investissements doit notamment permettre, sous la responsabilité du ministre de la justice, d'assurer la cohérence d'ensemble des décisions ministérielles en matière d'investissement, de maîtriser les coûts, les délais et les spécifications des projets d'investissements majeurs.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Etant donné les attentes fortes des citoyens et des professionnels de la justice, manifestées lors des Etats généraux de la Justice, un statu quo n'était pas envisageable.

L'ampleur des investissements indispensables à financer, tant dans les domaines immobilier, informatique ou organisationnel, qu'en matière de ressources humaines, a nécessité d'augmenter le budget de l'ensemble des programmes de la mission « justice ».

3.2. DISPOSITIF RETENU

Seul un projet de loi d'orientation et de programmation permet de traduire une ambition à la hauteur des besoins identifiés, en garantissant à la Justice, dans la durée, des moyens pour lui permettre d'accomplir les réformes nécessaires à l'amélioration du service dû à nos concitoyens.

Le périmètre budgétaire concerné correspond à celui de la mission « Justice » : programmes « Justice judiciaire » (166), « Administration pénitentiaire » (107), « Protection judiciaire de la jeunesse » (182), « Accès au droit et à la justice » (101), « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (310) et « Conseil supérieur de la magistrature » (335).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

Afin de répondre à l'ensemble des constats des Etats généraux de la justice, la présente loi d'orientation et de programmation pour la justice renforce, dans la continuité des efforts déjà amorcés, les moyens humains, budgétaires, matériels et organisationnels du ministère, pour redonner à la justice les moyens dont elle a besoin pour fonctionner efficacement.

S'agissant des moyens budgétaires, la présente loi fixe une trajectoire pluriannuelle ambitieuse des moyens alloués au ministère.

Sur deux quinquennats, en prenant en compte la loi précédente de programmation pluriannuelle, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le budget du ministère aura augmenté de 60 %, pour atteindre près de 11 milliards d'euros en 2027 (euros courants).

Ces nouveaux moyens permettront notamment de revaloriser les agents du ministère, de doter les prisons de 15 000 places supplémentaires, de moderniser et d'agrandir les palais de justice, en cohérence avec l'exigence de transition écologique, de numériser encore davantage la justice.

S'agissant des moyens humains, la présente loi entérine le recrutement de 10 000 emplois supplémentaires à horizon 2027, parmi lesquels 1 500 magistrats et 1 500 greffiers.

S'agissant enfin des moyens matériels et organisationnels, l'organisation du ministère sera revue afin d'en renforcer la proximité et la digitalisation, à travers une déconcentration accrue du pilotage des services, en particulier s'agissant des chefs de cour et des tribunaux judiciaires2(*), et un plan ambitieux de transformation numérique du ministère, avec un horizon zéro papier en 2027.

Au-delà des renforts budgétaires et des créations d'emplois, la présente loi propose une réforme en profondeur de l'ensemble des champs de la justice : pénale, économique, sociale, civile, pénitentiaire.

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Néant.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La progression des crédits de 21 % à l'horizon 2027 par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, prévue dans la présente loi de programmation, s'inscrit dans le cadre du programme de stabilité (PStab) 2021-2027 transmis à la Commission européenne.

La lettre-plafond du 8 août 2022 de la Première ministre adressée au garde des Sceaux pour lui notifier ses autorisations de dépenses pour 2023/2027 fait explicitement référence au cadre posé par le PStab et au retour à l'équilibre des finances publiques qu'il traduit.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

En cumulé, 7,5 milliards de crédits supplémentaires seront alloués au service public de la justice sur ce quinquennat (en euros courants) : +717 M€ en 2023, +1 219 M€ en 2024 ; +1 819 M€ en 2025 ; +1 829 M€ en 2026 et +1 886 M€ en 2027.

Au total, 10 000 emplois supplémentaires seront créés d'ici 2027(+11% par rapport aux effectifs 2022), dont 1 500 magistrats (+15% par rapport aux effectifs 2022), 1 500 greffiers (+14 % par rapport aux effectifs 2022).

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'organisation du ministère sera revue afin d'en renforcer la proximité et la digitalisation, à travers une déconcentration accrue du pilotage des services.

Les fortes attentes en matière d'une organisation administrative des services judiciaires au plus proche des besoins des juridictions conduisent en effet à proposer une plus grande déconcentration de certains actes de gestion associée à une réforme de l'organisation administrative du réseau judiciaire.

Les ressources humaines, le pilotage budgétaire et le contrôle interne, la gestion de l'immobilier, des besoins en équipement numérique et des achats sont des matières pour lesquelles une organisation moins centralisée de la prise de décision et de la gestion permettrait non seulement de responsabiliser les acteurs locaux mais également de mieux prendre en compte la spécificité des territoires.

A compter de 2024 et progressivement, les pouvoirs de gestion des chefs de cour pour certains actes dans ces matières seront ainsi renforcés afin de gagner en subsidiarité, sous réserve d'études d'impact préalables.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Face aux enjeux massifs de recrutements dans les différents métiers de la justice, le ministère va poursuivre l'engagement d'une action forte de communication sur ses métiers, le sens du travail en son sein et les valeurs spécifiques de la justice.

Il s'inscrit également dans le travail interministériel de valorisation de la « marque employeur » de l'Etat. Les nouvelles possibilités de recrutement, de mobilité et d'évolution dans les parcours professionnels ouvertes par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique3(*) doivent également permettre de répondre aux besoins en compétences du ministère, en particulier s'agissant d'un recours élargi à des agents contractuels. La loi du 6 août 2019 offre de nouvelles souplesses aux responsables publics et instaure de nouvelles garanties pour assurer l'égal accès aux emplois publics. Le recours au contrat est significativement élargi. Un contrat est également créé pour permettre l'embauche sur des missions ponctuelles spécifiques avec une durée minimale d'un an et dans la limite de six ans. Parallèlement, les mobilités sont facilitées et encouragées, et les agents dont les services sont transformés bénéficieront d'un accompagnement amélioré.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

L'attention portée au recrutement de personnes en situation de handicap participera pleinement à la réponse aux enjeux ministériels. La vision pluriannuelle de la politique ministérielle dans le domaine du handicap et des emplois réservés vise à respecter l'objectif d'un taux d'emploi de 6 % des effectifs rémunérés du ministère et à favoriser, au-delà du recrutement de personnes en situation de handicap, leur maintien en fonction et leur déroulement de carrière sans discrimination4(*).

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Les mesures permises par cette trajectoire budgétaire visent à mettre en oeuvre les objectifs gouvernementaux en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

L'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, support d'un plan d'action ministériel, sera renégocié en 2023 pour la mise en oeuvre d'un plan sur l'horizon 2024 à 20265(*).

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Le recrutement au sein de la jeunesse constituera un autre levier pertinent, en particulier par la voie de l'apprentissage qui sera encouragée, via la volonté du ministère de s'inscrire dans le développement de l'apprentissage 6(*).

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La présente programmation budgétaire vise à répondre aux attentes fortes des citoyens, exprimées lors des Etats généraux de la justice.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La présente programmation budgétaire comporte un plan ambitieux de transformation numérique du ministère, avec un horizon zéro papier en 2027.

La programmation immobilière sous-jacente vise à mettre en oeuvre les objectifs gouvernementaux en matière de transition écologique des bâtiments de l'Etat.

5. CONSULTATIONS MENÉES

Le Haut conseil des finances publiques est obligatoirement consulté sur cet article afin de s'assurer de la compatibilité de cette programmation avec la trajectoire de dépenses publiques, en vertu du VII de l'article 61 de la loi organique n° 2021-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Il a été consulté le 17 mars 2023.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ET À LA MODERNISATION DE LA PROCEDURE PÉNALE

CHAPITRE IER - HABILITATION RELATIVE À LA RÉÉCRITURE DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Article 2 - Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le code de procédure pénale, dans sa partie législative, est issu, pour une part, d'une loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 (titre préliminaire et livre I) et, pour l'autre, de l' ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 (livre II à V).

Dans sa rédaction entrée en vigueur le 2 mars 1959, il a pour l'essentiel, comme l'a constaté la doctrine7(*), constitué une oeuvre de rénovation, voire de simple ravalement, du code d'instruction criminelle napoléonien de 1808.

Les modifications qu'il a introduites aux règles issues de ce code étaient en effet bien moins importantes que celles dont il a lui-même fait l'objet par la suite, à l'exception notable de la consécration législative et de l'encadrement (limité) de la garde à vue. Les ruptures avec le code d'instruction criminelle sont intervenues dans un second temps.

Depuis 1958, le code de procédure pénale a en effet fait l'objet de multiples réformes, dont la fréquence s'est régulièrement accrue, pour aboutir à sa rédaction actuelle. Si ces réformes n'ont pas remis en cause sa structure générale, elles ont abouti à des modifications parfois très importantes des règles applicables et des pratiques judiciaires qui en ont résulté.

Le code de procédure pénale est composé de quatre parties imposées par la hiérarchie des normes. La première partie est de nature législative et, l'article 34 de la Constitution prévoyant que la procédure pénale relève de la loi, elle comporte les dispositions les plus nombreuses et les plus importantes. Les trois autres parties réglementaires réunissent cependant un grand nombre de dispositions d'application, parfois également importantes, comme celles relatives à l'organisation de la police judiciaire ou aux traitements de données nominatives. Ces parties comportent respectivement les dispositions issues de décrets en Conseil d'État, celles issues des décrets simples et celles issues d'arrêtés ministériels. Chacune de ces parties suit le plan adopté pour la partie législative. Celle-ci comprend six livres, introduits par un titre préliminaire, lui-même précédé par un article préliminaire.

Les dispositions préliminaires s'ouvrent sur un article préliminaire, introduit par la loi n° 2000-516 du 15 juin 20008(*), consacré aux principes directeurs de la procédure pénale. A l'origine relativement concis, cet article a cependant ensuite été complété par de nombreuses lois. Il est suivi d'un titre préliminaire comportant un premier sous-titre relatif aux deux actions pouvant être exercées au cours du procès pénal : l'action publique « pour l'application des peines » et l'action civile « en réparation du dommage causé » par l'infraction, un second sous-titre, ajouté en 2014, sur la justice restaurative9(*), et un troisième sous-titre, ajouté en 201510(*), relatif aux droits des victimes.

Le livre premier traite de l'exercice de l'action publique et de l'instruction. Selon un plan devenu désormais peu cohérent, au regard notamment des très nombreuses réformes ayant modifié ses dispositions, ce livre traite à la fois de la mise en l'état des procédures pénales, avant la phase de jugement, et des autorités compétentes en la matière. Mais il prévoit également une partie des réponses pénales pouvant être apportées par le procureur à la suite de la commission d'une infraction, lorsque celles-ci ne résultent pas d'un jugement.

Le premier titre est relatif aux autorités chargées de l'action publique et de l'instruction. Le deuxième titre est relatif aux enquêtes et aux contrôles d'identité. Le troisième titre est consacré aux juridictions d'instruction. Le quatrième et dernier titre, résultant d'une loi du 15 novembre 2001, est intitulé « dispositions communes » et comporte des dispositions communes à l'enquête et à l'instruction, qui sont devenues de plus en plus nombreuses.

Le livre deuxième est consacré aux juridictions de jugement. Il traite successivement, dans trois titres, du jugement des crimes par la cour d'assises, la cour criminelle départementale et la cour d'assises d'appel, du jugement des délits par le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels, et, enfin, du jugement des contraventions par le tribunal de police. Un dernier titre transversal réunit un certain nombre de dispositions relatives aux citations et significations.

Le livre troisième est consacré aux voies de recours extraordinaires que sont le pourvoi en cassation (titre I), et les demandes en révision et en réexamen (titre II).

Le livre quatrième est intitulé « De quelques procédures particulières ». Il n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis plus d'une quarantaine d'années, et comporte désormais 42 titres distincts, traitant de questions très disparates susceptibles d'être réunies en deux grandes catégories. La première est constituée par les dispositions communes à plusieurs phases du procès ou de portée générale et ayant pour objet de compléter les dispositions des livres I à III. La seconde, la plus importante, recouvre celles instituant des règles particulières dérogatoires dans le cadre des enquêtes, à ces mêmes dispositions pour le traitement de certains contentieux spécifiques. Des dispositions sont relatives à la fois à l'enquête, à l'instruction, à la procédure de jugement qui sont pourtant déjà évoquées dans d'autres livres.

Le livre cinquième traite « des procédures d'exécution ». Il n'intéresse pas la procédure pénale stricto sensu, mais l'exécution et l'application des peines. De nombreuses dispositions de ce titre, relevant du droit pénitentiaire, ont été récemment transférées par l' ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 dans le code pénitentiaire, institué par cette même ordonnance.

Le livre sixième traite de l'application outre-mer et comprend la totalité des mesures d'adaptation nécessaires à l'application du code de procédure pénale dans les territoires et collectivités d'outre-mer.

Si les principes directeurs de la procédure pénale française sont restés inchangés depuis 1958, c'est principalement dès la fin des années 1980 que le besoin d'une évolution s'est exprimé, à partir des rapports de la commission « Justice pénale et droits de l'Homme » présidée par le professeur Mireille Delmas-Marty relatifs aux principes directeurs de législation pénale (1989) et à la mise en état des affaires pénales (1990)11(*).

Le code de procédure pénale a ainsi fait l'objet de très nombreuses réformes importantes ou même souvent substantielles - qui ont parfois modifié à la fois le droit pénal de fond et la procédure. En remontant le temps, on peut ainsi citer, sans être exhaustif, les réformes intervenues :

- En 2022, avec l'ordonnance relative au code pénitentiaire12(*) et la loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure13(*) ;

- En 2021, avec la loi relative aux crimes et délits sexuels et à l'inceste14(*) (étendant l'incrimination et la définition de viol sur mineur et prévoyant une prescription « glissante ») et la loi sur la confiance pour la justice15(*), généralisant notamment la cour criminelle départementale ;

- En 2020, avec la loi relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée16(*), ayant notamment créé le cadre procédural dans lequel agiront les procureurs européens délégués en France ;

- En 2019, avec la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille17(*), instituant notamment le bracelet anti-rapprochement et la loi de programmation et de réforme pour la justice18(*), procédant notamment à des simplifications procédurales, à la création du « bloc peine » et à la création, à titre expérimental, de la cour criminelle départementale ;

- En 2018, avec la loi sur les violences sexuelles et sexistes19(*), augmentant notamment la prescription des viols sur mineur ;

- En 2017, avec la loi sur la prescription20(*) ;

- En 2016, avec l'ordonnance sur la décision d'enquête européenne21(*) ;

- En 2014, avec la loi relative à l'individualisation des peines et l'efficacité des sanctions22(*) et la loi sur les demandes en révision et de réexamen23(*) ;

- En 2013, avec la loi supprimant les instructions individuelles du ministre de la justice24(*) ;

- En 2011, avec la loi portant réforme de la garde à vue25(*) ;

- En 2010, avec la loi sur le secret des sources26(*) ;

- En 2009, avec la loi pénitentiaire27(*) ;

- En 2008, avec la loi instituant la rétention et la surveillance de sûreté et portant réforme de l'irresponsabilité pénale28(*) ;

- En 2007, avec la loi sur la récidive instituant les peines plancher29(*), et la loi sur l'équilibre de la procédure pénale30(*), instituant les pôles de l'instruction ;

- En 2005, avec la loi sur la récidive instituant la surveillance judiciaire31(*) ;

- En 2004, avec la loi relative à l'évolution de la criminalité32(*), instituant la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, les juridictions interrégionales spécialisées et les techniques spéciales d'enquête ;

- En 2002, avec la loi d'orientation et de programmation pour la justice33(*), créant notamment les centres éducatifs fermés et la loi sur la Cour pénale internationale34(*) ;

- En 2000, avec la loi renforçant la présomption d'innocence35(*), instituant notamment le juge des libertés et de la détention et l'appel en matière criminelle;

- En 1999, avec la loi sur l'efficacité de la procédure pénale36(*) instituant notamment la composition pénale ;

- En 1998, avec la loi relative aux infractions sexuelles37(*) instituant le suivi socio-judiciaire et le fichier national automatisé des empreintes génétiques ;

- En 1997, avec la loi instituant la surveillance électronique38(*) ;

- En 1996, avec la loi sur le terrorisme39(*) et la loi sur les délits d'imprudence40(*) ;

- En 1993, avec la loi portant réforme de la procédure pénale41(*), modifiant en profondeur les règles sur l'instruction, notamment en remplaçant l'inculpation par la mise en examen, et prévoyant, pour la première fois, l'intervention de l'avocat en garde à vue.

Ainsi, depuis son entrée en vigueur en 1959, le code de procédure pénale, dans sa partie législative, est passé d'environ 800 articles à plus de 2 400 articles. Cette augmentation s'est accélérée ces dernières années, puisqu'entre 2008 et 2022, le nombre d'articles est passé de 1 722 à 2 403, sous l'effet conjugué de l'adoption de nouvelles politiques pénales, de la transposition de dispositions supranationales et de la prise en compte de décisions jurisprudentielles.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de se prononcer à maintes reprises sur les dispositions du code de procédure pénale, soit à l'occasion de recours portés a priori, soit dans le cadre des questions prioritaires de constitutionnalité. Que le Conseil ait validé ou censuré les dispositions contestées, il a été ainsi amené à dégager et à préciser les principes constitutionnels applicables en la matière, comme ceux relatifs à la légalité procédurale, à l'égalité devant la justice pénale, à la proportionnalité des atteintes à la personne, au droit au juge, à la séparation entre les autorités de poursuites et de jugement, au respect de la présomption d'innocence, au respect des droits de la défense, au droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, ou au droit à un double degré de juridiction42(*).

Ces décisions ont, du reste, été à l'origine de plusieurs réformes, comme celle sur la garde à vue de 201143(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La Cour européenne des droits de l'Homme a par ailleurs pris de nombreuses décisions, condamnant la France ou d'autres Etats européens, qui ont justifié qu'il soit procédé à des modifications du code de procédure pénale (comme sur celle instituant la procédure de réexamen44(*), ou, celle portant réforme de la garde à vue de 201145(*)).

1.4. ENFIN LE DROIT EUROPÉEN - DÉCISION-CADRES, RÈGLEMENTS, DIRECTIVES - A ÉGALEMENT IMPOSÉ DE NOMBREUSES RÉFORMES46(*).ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Ainsi que l'indique le rapport du comité des États généraux de la justice47(*), l'ensemble des interlocuteurs entendus dans le cadre de cette vaste consultation a souligné l'inadéquation du code de procédure pénale, devenu « illisible » et « peu praticable » selon leurs propres termes, du fait des multiples réformes intervenues depuis sa création. Le rapport du groupe de travail sur la simplification de la procédure pénale décrit les conséquences de cette situation en termes d'insécurité juridique, de complexité procédurale et d'insatisfaction des acteurs. Face à des textes qualifiés de « confus et enchevêtrés », il préconise « de réécrire le code de procédure pénale pour une plus grande lisibilité, cohérence et stabilité et de s'inscrire dans une logique de long terme compte-tenu des délais probables de réécriture ». Cette recodification à droit constant constitue ainsi un chantier pluriannuel absolument indispensable.

Les critiques qui peuvent être apportées à la structure du code de procédure pénale sont en effet multiples.

La plus importante est certainement celle qui constate l'incohérence du plan, qui résulte notamment, mais pas uniquement, de l'empilement des dispositions insérées, années après années, dans le livre IV relatif aux « quelques procédures particulières ».

Cette incohérence est manifeste en ce qui concerne les règles applicables lors de l'enquête ou de l'instruction, les règles relatives aux déroulements des enquêtes étant notamment dispersées dans aux moins six parties différentes du code (sur le dépôt de plainte, sur l'enquête de flagrance, sur l'enquête préliminaire, sur les dispositions communes à l'enquête et l'instruction, sur les dispositions dérogatoires du livre IV, sur des dispositions transversales figurant en fin de code).

Par ailleurs, le code ne respecte nullement la chronologie de la procédure pénale. En particulier, les réponses pénales autres que le jugement (alternatives, composition pénale) sont traitées dans la partie du livre I consacrée au ministère public, avant celles concernant le déroulement des investigations figurant dans les livres II et IV, alors qu'elles s'appliquent nécessairement après celles-ci et qu'elles constituent, en termes statistiques, les réponses les plus fréquemment apportées à la suite de la commission d'une infraction.

D'autres exemples peuvent être donnés :

- Le juge des libertés et de la détention, qui, depuis la loi du 15 juin 2000, joue un rôle fondamental, n'apparaît dans aucun intitulé ;

- Des dispositions générales, mais néanmoins essentielles, comme celles sur la computation des délais (art. 801), la procédure pénale numérique (art. 801-1) ou les nullités (art. 802) sont renvoyées à la fin du code ;

- De nombreux articles sont excessivement longs et peu lisibles (art. 41-1 et 41-2 sur les alternatives aux poursuites et la compositions pénales), et traitent parfois de questions très différentes dont chacune mériterait d'être évoquée dans une disposition propre (art. 41 sur les attributions du procureur, art. 81 sur l'instruction) ;

- Il existe de très nombreux défauts de coordination (renvoi à des articles déplacés, ou à des alinéas qui ne sont plus correctement numérotés) ;

- L'articulation pourtant essentielle entre certaines dispositions, comme entre la question du suspect entendu en audition libre ou entendu en garde à vue, ou entre le statut témoin assisté et celui de personne mise en examen, n'apparaît pas clairement.

Il existe enfin de très nombreuses redondances résultant de l'éclatement des dispositions. On peut citer celles sur l'enquête de flagrance et celles relatives à l'enquête préliminaire, les premières consistant en effet en des dérogations apportées aux secondes dans le cas où l'infraction, objet de l'enquête, est constatée en flagrance, mais le code les répète pourtant à de nombreuses reprises, alors qu'il serait plus simple de les unifier. Il en est de même par exemple des règles concernant la prestation de serment des témoins, que le code répète avec de subtiles différences souvent injustifiées entre la procédure devant la cour d'assises et celle devant le tribunal correctionnel.

De manière générale, il serait donc souhaitable d'unifier la présentation des règles chaque fois que les mêmes dispositions sont applicables à tous les stades de la procédure, ainsi par exemple des mesures d'investigations ou de contraintes, non seulement lorsqu'il s'agit de l'enquête, mais également lorsqu'il s'agit de l'instruction (comme le fait du reste, mais de façon plus récente et parcellaire, le titre IV du livre Ier) voire lorsqu'il s'agit du jugement.

La réécriture formelle de l'intégralité du code de procédure pénale constitue ainsi une impérieuse nécessité qui relève, dans un premier temps, de la loi, même si elle devra être poursuivie par la réécriture des dispositions réglementaires de ce code.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi par la réécriture globale du code de procédure pénale est d'en renforcer la clarté et l'intelligibilité, et par là-même, l'efficacité, tant en ce qui concerne le respect de la présomption d'innocence et des droits des parties, qu'en ce qui concerne l'effectivité de la répression.

Il ne s'agit pas de remettre à plat les grands principes, les acquis des droits de la défense ou encore les évolutions procédurales récentes mais, au contraire, de réécrire les différents articles du code, de les regrouper, les réorganiser, tenir compte des exigences constitutionnelles ou conventionnelles.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Plusieurs options étaient envisageables tant sur l'objectif de la réforme que sur les moyens d'y parvenir, ces deux questions étant étroitement liées.

L'objectif pouvait être de réécrire le code de procédure pénale non seulement de façon formelle, mais également pour y apporter des modifications de fond, d'importances diverses.

A cet égard, peut être cité le précédent du code pénal, entièrement refondu par cinq lois intervenues en 199248(*), et dont il a souvent été indiqué qu'il avait permis à 90 % des améliorations formelles - sur son architecture générale et sur la rédaction des incriminations - et à 10% des améliorations de fond (comme la responsabilité pénale des personnes morales).

L'objectif peut également être celui d'une réécriture à droit constant, ne comportant pas de modifications autres que celles habituellement exigées dans le cadre des travaux de codification ou de recodification concernant notamment le respect des normes supa-légales.

S'agissant des moyens, dès lors que cette réforme consiste à réécrire des dispositions de nature législative, elle exige soit un ou plusieurs projets de loi, soit une habilitation du Gouvernement à y procéder par ordonnance.

Compte tenu de l'importance et la complexité des dispositions devant être revues et réécrites - près de 3 000 articles - sans commune mesure avec par exemple les 781 articles du nouveau code pénal adopté en 1992, la voie législative a paru devoir être écartée, au profit de celle de l'habilitation.

A, de même, été écartée une habilitation qui permettrait d'apporter des modifications de fond à la procédure pénale car il s'agit d'une matière trop sensible, au regard notamment de la protection des libertés individuelles. Il est donc impossible, sauf dans des hypothèses très particulières, de ne pas permettre au Parlement de discuter lui-même des réformes devant intervenir en la matière.

3.2. DISPOSITIF RETENU

1) Présentation générale

Il est proposé que, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement soit autorisé à procéder par voie d'ordonnance à la réécriture de la partie législative du code de procédure pénale afin d'en clarifier la rédaction et le plan, ainsi qu'à la modification de toute autre disposition de nature législative nécessitée par cette réécriture49(*).

Cette nouvelle codification portera sur les dispositions en vigueur à la date de publication de l'ordonnance et, le cas échéant, sur les dispositions publiées mais non encore entrées en vigueur à cette date.

Elle sera ainsi effectuée à droit constant, sous la seule réserve des modifications nécessaires pour50(*) :

- assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ;

- harmoniser l'état du droit ;

- remédier aux éventuelles erreurs ou omissions ;

- abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet ;

- procéder aux adaptations terminologiques utiles, notamment pour revoir les dispositions dont la formulation peut paraître remettre en cause la présomption d'innocence. 

Ainsi que l'indique expressément l'article d'habilitation, la réécriture de la procédure pénale nécessitera par coordination de revoir de nombreuses autres dispositions de nature législative, ce qui sera notamment le cas de dispositions figurant dans le code pénal, le code de la justice pénale des mineurs, le code de l'organisation judiciaire et le code pénitentiaire. Ces coordinations pourront en pratique figurer dans une ordonnance distincte de celle établissant le nouveau code de procédure pénale51(*). Il pourra s'agir non seulement de modifications dans la numérotation des articles du code de procédure pénale auxquels il est renvoyé, mais également de réécritures plus importantes, voire de transferts de dispositions d'un code à l'autre. Ainsi, le deuxième alinéa de l'article 381 du code de procédure pénale qui définit ce qu'est un délit au regard du montant de l'amende encourue a sa place non dans ce code, mais dans le code pénal.

Afin d'assurer l'excellence de la nouvelle architecture et des nouvelles écritures, un comité scientifique de suivi des travaux, composé de professionnels du droit de tous horizons (magistrats, avocats, professeurs de droit, représentants des services d'enquête...) aura pour mission de participer aux travaux de rédaction de ou des ordonnances et de faire des propositions52(*).

Par ailleurs, afin d'assurer que ce nouveau code conviendra pleinement aux conditions et orientations de l'article d'habilitation, des parlementaires représentant tous les groupes des deux assemblées seront étroitement associés afin de suivre et valider les travaux et de préparer le débat parlementaire nécessaire à la ratification de l'ordonnance.

2) Précisions sur la recodification « à droit constant »

Le choix de procéder à une refonte du code de procédure pénale à droit constant peut être utilement précisé.

Comme l'a relevé la commission supérieure de codification dans son rapport pour 201153(*), en faisant référence à la tentative de réécriture du code de procédure pénale, intervenue de 2007 à 2010 mais qui n'a pu être menée jusqu'à son terme, et qui prévoyait une importante modification de fond consistant à supprimer l'instruction et le juge d'instruction, « l'articulation entre refonte à droit constant et codification de création est particulièrement délicate. »

La réussite des travaux de réécriture du code de procédure pénale, que la commission continuait dans son rapport à « appeler de ses voeux tant le texte de ce code est devenu difficilement lisible au gré de modifications permanentes », suppose ainsi qu'il s'agisse d'une refonte à droit constant, ne procédant pas à des « réformes de grande ampleur ».

Il est par ailleurs utile de rappeler ce qu'implique, dans le cadre d'une recodification à droit constant, la notion « d'harmonisation de l'état du droit » qui figure, comme c'est le cas depuis plus d'une vingtaine d'années, dans les articles d'habilitation54(*).

Cette notion a été introduite pour la première fois dans la loi n°99-1071 du 16 décembre 1999 portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes (avant d'être reprise quelques mois plus tard à l'article 3 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, puis dans des textes d'habilitation ultérieurs).

Pour le rapporteur du projet de loi d'habilitation55(*) devant le Sénat et auteur de l'amendement, il s'agissait à titre principal de donner au codificateur les moyens de résoudre les difficultés résultant de la coexistence dans notre droit de dispositions législatives contradictoires : il citait ainsi le cas de certaines infractions pénales qui sont réprimées, selon le texte qui les prévoit, par deux peines différentes.

Dans les observations présentées devant le Conseil Constitutionnel lors de l'examen de la loi d'habilitation, le gouvernement faisait valoir de façon plus générale que la notion d'harmonisation de l'état du droit autoriserait le codificateur à combler les lacunes des textes dans le sens le plus conforme à leur économie générale, que ces lacunes résultaient d'une erreur matérielle du législateur ou de la modification imparfaite d'un texte au départ cohérent. Sans prendre explicitement parti sur la portée à donner à cette notion, le Conseil constitutionnel a simplement précisé, dans sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, que « le principe de la codification à droit constant s'oppose à ce que soit réalisée une modification du fond des matières législatives codifiées ».

Compte tenu de la réserve d'interprétation ainsi émise par le juge constitutionnel, il apparaît ainsi qu'il faut donc s'en tenir à une conception étroite de la notion d'harmonisation de l'état du droit.

Elle n'autorise dès lors que trois catégories de modifications :

- la mise en cohérence de dispositions contradictoires, ce qui revient en réalité à déterminer quel est celui des deux textes qui reste applicable et quel est celui qui doit être considéré comme abrogé ;

- la suppression de dispositions obsolètes ; 

- la réparation d'une lacune ou d'une incohérence qui rendraient une disposition inapplicable, à condition que cette lacune ou cette incohérence soient le fruit d'une simple erreur matérielle ou de modifications législatives restées incomplètes ; ainsi par exemple d'un renvoi à un article abrogé ou entièrement modifié.

Cela signifie, a contrario, que, dans le cadre de la codification à droit constant par voie d'ordonnance le gouvernement ne peut amender des dispositions législatives dont l'application ne soulèverait pas de difficultés particulières, même pour les améliorer. Ces améliorations pourront en revanche figurer dans le projet de loi de ratification.

3) Eléments sur les principes de réécriture du code de procédure pénale

Sans être évidemment exhaustif, peuvent être ici mentionnés les principes de rédaction qui devront être appliqués dans la réécriture à droit constant du code de procédure pénale.

a) Contraintes purement formelles

Certaines contraintes devront impérativement être respectées : ainsi, il conviendra de ne pas prévoir plus de 10 parties dans le code de procédure pénale réécrit, et dans chaque partie de ne pas prévoir plus de 10 sous-parties, etc... compte tenu de la numérotation décimale56(*).

Il paraîtra très souhaitable de respecter d'autres contraintes : ainsi celle de retenir, comme le code pénal, le code de la justice pénale des mineurs et le code pénitentiaire un plan à « trois étages », avec livres, titres et chapitres (mais donc sans sous-titres).

b) Principes de rédaction destinés à améliorer la lisibilité et la cohérence du code

Les règles suivantes devront, dans la mesure du possible, être respectées.

Aller du général au particulier

Il conviendra de traiter des dispositions générales ou transversales avant les dispositions particulières.

Cela imposera notamment de regrouper de façon exhaustive dans une première partie du code, ce que ne fait pas le code actuel, toutes les dispositions générales et transversales concernant les règles de procédure, tout en présentant dans un livre dédié, ce qui n'est pas non plus le cas aujourd'hui, l'ensemble des autorités et acteurs de la procédure pénale.

Par ailleurs, il sera par exemple souhaitable d'introduire chaque partie ou sous-partie du code par un article synthétisant la question traitée.

Dans le même esprit, il conviendra de toujours définir la finalité d'un traitement automatisé de données prévu par le code de procédure pénale avant de décrire son contenu et son fonctionnement (ce qui n'est pas actuellement le cas, par exemple, pour le casier judiciaire national automatisé).

De même, il conviendra par exemple d'exposer l'articulation entre l'audition libre et la garde à vue (en énonçant la priorité de l'audition libre sur la garde à vue), avant de décrire chacune des deux procédures.

Respecter au mieux la chronologie de la procédure

Il est souhaitable que les différentes dispositions dont il est fait application dans une procédure pénale traditionnelle figurent dans le code de procédure pénale dans leur « ordre d'utilisation » par les praticiens ou, autrement dit, dans l'ordre classique que suit une procédure ouverte à l'occasion de la commission d'une infraction.

Il en résultera notamment que :

- De très nombreuses dispositions de l'actuel livre IV traitant « de quelques procédures particulières » devront être versées dans les parties du code de procédure pénale réécrit concernant les investigations ;

- Toutes les dispositions relatives aux investigations devront figurer dans le code avant celles relatives aux réponses pénales qui sont apportées à l'issue de ces investigations, et qui sont constituées non seulement par le jugement (qui ne constitue cependant plus, depuis des années, la réponse la plus fréquente), mais aussi par ce qu'on appelle actuellement les alternatives aux poursuites, comme la composition pénale ou d'autres formes de transaction, telle la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP).

Il conviendra également de bien distinguer la question de la présentation des acteurs de la procédure pénale - notamment le ministère public, les juridictions pénales et la police judiciaire - des règles de procédure qu'ils doivent appliquer, et de traiter de cette présentation dans une partie générale du code préalable à celles consacrées aux différentes phases de la procédure.

Adapter les terminologies 

Certaines terminologies retenues par le code de procédure pénale sont contestables et devront être revues.

Il en est qui ne sont pas adaptées à la réalité judiciaire : par exemple, le code mentionne les « commissions » d'indemnisation des victimes, instituées en 1977 dans chaque cour d'appel puis en 1983 dans chaque tribunal de grande instance, alors qu'il s'agit de véritables juridictions civiles, statuant en premier ressort et, depuis 1992, à charge d'appel, qui devraient donc logiquement être qualifiées de « juridictions » d'indemnisation des victimes.

D'autres ne respectent pas la présomption d'innocence : il conviendra par exemple de ne plus faire référence, comme dans l'article 73, à l'arrestation de l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrant dès lorsqu'il s'agit seulement d'une personne soupçonnée d'être l'auteur d'une infraction.

Certaines terminologies sont ambiguës et peu compréhensibles. Ainsi l'article 230-8 relatif au traitement des antécédents judiciaires prévoit que le procureur de la République peut insérer dans ce traitement une « mention » concernant les données relatives à une personne ayant fait l'objet d'une relaxe, d'un acquittement, d'un non-lieu ou d'un classement sans suite, ce qui donne l'impression que ces données sont complétées. Or cette mention a pour finalité d'interdire l'utilisation du fichier à des fins administratives, et donc de restreindre son utilisation, mais cette restriction n'est pas explicite et il serait donc préférable d'utiliser un autre terme, par exemple en faisant référence à un « indicateur de restriction d'accès ».

Mettre en évidence des règles transversales, à la fois pour souligner leur importance et pour éviter des redites.

Ce pourra par exemple être le cas des dispositions relatives :

- Au tronc commun des droits notifiés aux personnes en audition libre ou en garde à vue ;

- Aux règles sur la prestation de serment des témoins devant les juridictions de jugement.

Ne rédiger que des articles courts

Les articles ne traiteront que d'une question. Par exemple, l'actuel article 41-2 sur la composition pénale qui comporte près d'une quarantaine d'alinéas, dont certains de près de trente lignes, devra être scindé en plusieurs articles traitant successivement du domaine et des conditions du recours à cette procédure, des mesures pouvant être proposées, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets.

Limiter au maximum les renvois

Les renvois entre articles ne pourront évidemment pas être totalement supprimés, mais il conviendra de les limiter aux strictes hypothèses dans lesquels ils sont indispensables.

Il conviendra par ailleurs de faire en sorte que les renvois soient dans la mesure du possible explicites et compréhensibles (ce qui conduira à ne pas retenir des formules comme par exemple : « les dispositions de l'article N sont applicables », pour leur préférer des rédactions telles que « les dispositions de l'article N relatif à XXX - ou bien " prévoyant que XXX " - sont applicables »).

Il conviendra par ailleurs, sauf dans des cas exceptionnels, de prohiber les renvois à des articles procédant eux-mêmes à des renvois.

Retenir de nombreuses subdivisions avec des intitulés

Elles permettront d'organiser les dispositions de façon la plus pédagogique et compréhensible possible.

Il pourrait être également décidé de retenir un intitulé pour chaque article, comme dans les textes internationaux, et comme cela est le cas dans certains codes de procédure pénale européens57(*). Une telle solution devra ainsi être expertisée.

Etre explicite et supprimer les sous-entendus ou les ambiguïtés

L'actuel code de procédure pénale contient nombre de dispositions qui ne reflètent que très imparfaitement l'état du droit positif car elles comportent d'importants sous-entendus ou recèlent certaines ambiguïtés.

Par exemple, la règle procédurale selon laquelle « le criminel tient le civil en état », énoncée par l'article 4 du code de procédure pénale est justifiée par le principe de « l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil » (impliquant qu'il faut éviter que le juge civil, puisque lié par la décision du juge pénal, ne statue avant ce dernier lorsque celui-ci a déjà été saisi). Or, ce principe essentiel résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis notamment l'arrêt Quertier du 7 mars 185558(*), mais il n'est affirmé nulle part dans le code de procédure pénale, qui se borne à en indiquer les conséquences, dont la plus importante est la règle procédurale précitée. Le nouveau code de procédure pénale devra donc expressément rappeler ce principe.

Combler certaines lacunes du code de procédure pénale

Certaines règles de procédure pénale, qui présentent une importance juridique indéniable même si elles ne concernent pas les procédures les plus fréquentes, ne sont pas du tout évoquées par le code.

Cela s'explique le plus souvent par le fait que ces règles relèvent de normes supérieures à la loi : Constitution, lois organiques, conventions internationales. C'est par exemple le cas des immunités procédurales concernant les parlementaires, le président de la République, les ministres ou les diplomates.

Dans un souci de lisibilité, il serait ainsi souhaitable que le nouveau code rappelle l'existence de ces règles, par des renvois aux dispositions concernées, comme le fait par exemple déjà l'article L.O. 630 s'agissant de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, qui renvoie à l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel. Afin d'être compréhensibles, ces renvois pourraient succinctement rappeler la teneur de la règle applicable - comme par exemple l'interdiction d'arrestation d'un parlementaire hors le cas de délit flagrant, de condamnation définitive ou de levée de l'immunité, ou l'interdiction d'arrestation d'un diplomate. Dans la mesure où il s'agirait de dispositions suiveuses, elles relèvent de la loi simple et peuvent ainsi entrer dans le champ de l'habilitation.

Faciliter la compréhension des règles afin de les rendre plus accessibles

D'une manière générale, les différents principes de réécriture énoncés plus haut ont pour objectif commun de faciliter la compréhension des règles de procédure pénale afin de les rendre plus accessibles, tant pour les praticiens que pour les justiciables.

Cela pourra notamment conduire à commencer le code de procédure pénale par une définition générale de la matière, aussi synthétique et pédagogique que possible, qui ne figure nulle part dans le code actuel.

Une telle définition, ayant vocation à figurer en introduction du code dans un livre préliminaire, pourrait ainsi énoncer clairement les finalités de la procédure pénale, tout en consacrant dans la loi une notion désormais couramment reconnue par les praticiens et qui présente une importance fondamentale, celle de « réponse pénale ».

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Il peut cependant être indiqué, puisqu'il s'agit là précisément des raisons pour lesquelles il est proposé de procéder par ordonnance à la refonte à droit constant de l'intégralité du code de procédure pénale, que cette refonte aura un impact sur les particuliers, en rendant la procédure pénale plus claire et plus accessible, et qu'elle aura également un impact sur les services judiciaires, en clarifiant auprès des praticiens les règles applicables.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation pour la publication des ordonnances est fixé à vingt-quatre mois à compter de la publication de la loi.

Ce délai est justifié au regard à la fois de l'importance du travail à accomplir et de la méthode retenue pour procéder à la réécriture du code de procédure pénale, qui devra faire intervenir un comité scientifique et associer des parlementaires issus des deux assemblées.

Le délai de dépôt des projets de loi de ratification, qui est fixé à six mois, est également justifié par la complexité technique de cette réécriture et par le fait qu'il est possible qu'il soit proposé au Parlement de ne pas procéder à une ratification « sèche », dans la mesure où cette ratification pourra comporter des modifications de fond dont l'opportunité sera apparue à l'occasion des travaux de recodification.

Il peut être observé qu'en pratique, les lois de ratification pourront être examinées avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, car un délai d'au moins 18 mois devra intervenir entre leur publication au Journal Officiel et leur entrée en vigueur (notamment pour permettre l'élaboration des parties réglementaires du code et l'adaptation des applicatifs informatiques utilisés par les services d'enquête et les juridictions). On peut rappeler qu'un délai d'un peu plus de 18 mois avait été retenu pour l'entrée en vigueur du nouveau code pénal (adopté en juillet 1992 et appliqué au 1er mars 1994).

CHAPITRE II - DISPOSITIONS AMÉLIORANT LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE PÉNALE

SECTION 1 : DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENQUÊTE, À L'INSTRUCTION, AU JUGEMENT ET À L'EXÉCUTION DES PEINES

Article 3 - Enquête, instruction, jugement, exécution

A. Perquisition de nuit en enquête de flagrance concernant les crimes contre les personnes

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La loi n°2004-204 du 9 mars 2004 a introduit l' article 706-89 dans le code de procédure pénale afin de permettre aux enquêteurs d'effectuer une perquisition en dehors des heures prévues par l' article 59 du même code (de 6 heures à 21 heures) pour les infractions entrant dans le champ d'application de l' article 706-73 du code de procédure pénale. Cet acte d'investigation intervient uniquement sur autorisation du juge des libertés et de la détention, et seulement si les nécessités de l'enquête de flagrance l'exigent.

La loi n°2015-993 du 17 août 2015 a étendu le champ d'application de l'article 706-89 afin de permettre le recours aux perquisitions nocturnes pour les infractions énumérées à l'article 706-73-1 du code de procédure pénale. Il s'agit notamment des infractions d'escroquerie, de dissimulation d'activité ou de salariés, ou encore de trafic de produits phytopharmaceutiques.

Les règles formelles de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention sont définies « à peine de nullité »59(*). L'autorisation doit faire l'objet d'une ordonnance écrite précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites.

Cette ordonnance, qui n'est pas susceptible d'appel, doit être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires et exposer les raisons pour lesquelles elles ne peuvent être réalisées durant les heures de droit commun, dès 6 heures et avant 21 heures. Elle doit être délivrée avant le déroulement de la perquisition.

Le législateur a entouré cette procédure de garanties procédurales fortes car perquisitionner dans un lieu d'habitation en dehors des heures légales porte nécessairement atteinte à la vie privée.

N'étant pas notifiée, cette ordonnance ne peut être contestée que sur le terrain de la nullité. Dans ce cadre, la Cour de Cassation considère que l'annulation d'une perquisition nocturne entraîne également l'annulation de l'interpellation et du placement en garde à vue si ces actes sont pris sur « le fondement exclusif » de l'ordonnance de perquisition annulée. De la même manière, est nulle l'autorisation verbale donnée par un magistrat, même suivie après la réalisation de l'acte de la formalisation d'une ordonnance écrite et motivée60(*).

Toutefois, la révélation fortuite d'infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la décision ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes61(*).

Par ailleurs, qu'il s'agisse d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire, le procureur de la République est le magistrat compétent pour diriger l'enquête et saisir le juge des libertés et de la détention. Il convient de noter que ce dernier peut autoriser une perquisition nocturne sur tout le territoire national, c'est-à-dire hors ressort de son tribunal.

La perquisition doit également répondre à des conditions de nécessité et de proportionnalité. De tels actes d'investigation ne peuvent être accomplis que dans un lieu où sont susceptibles d'être découverts des objets ou autres indices nécessaires à la manifestation de la vérité et en relation directe avec l'infraction poursuivie (Article préliminaire, III, alinéa antépénultième).

Il convient de noter que dans le cadre de l'instruction préparatoire ouverte en vue d'informer sur des faits dont la qualification relève des articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, la perquisition nocturne du domicile est prévue en cas d'urgence : lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ; ou lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels62(*).

En l'état du droit actuel, le régime dérogatoire de la perquisition de nuit en enquête de flagrance présente l'inconvénient de n'être prévu que pour des infractions limitativement énumérées relatives à la criminalité organisée. Les crimes de droit commun en sont exclus et relèvent des règles générales de la perquisition alors qu'ils pourraient bénéficier du régime dérogatoire à la fois pour éviter un nouveau crime, mais aussi permettre la préservation des preuves et indices d'un crime qui vient de se commettre.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les dispositions de l'article 706-89 du code de procédure pénale, introduites par la Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 et complétées par la Loi n°2015-993 du 17 août 2015, ont fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel.

Le Conseil a notamment admis, dans sa décision n°2004-492 DC, « qu'eu égard aux exigences de l'ordre public et de la poursuite des auteurs d'infractions, le législateur peut prévoir la possibilité d'opérer des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de nuit dans le cas où un crime ou un délit relevant de la criminalité et de la délinquance organisées vient de se commettre, à condition que l'autorisation de procéder à ces opérations émane de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées ; qu'en l'espèce, le législateur a fait du juge des libertés et de la détention l'autorité compétente pour autoriser les perquisitions de nuit ainsi que les visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ; qu'il a exigé une décision écrite et motivée précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée, l'adresse des lieux concernés, les éléments de fait et de droit justifiant la nécessité des opérations ; qu'en outre, il a placé ces opérations sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, lequel peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales ; qu'enfin, il a précisé que les opérations en cause ne peuvent, à peine de nullité, laquelle revêt un caractère d'ordre public, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées »63(*).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de préciser le cadre du contrôle qu'il exerce en matière de perquisition.

Il a rappelé qu'il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ainsi que la procédure pénale. Dès lors, il lui incombe « d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, le respect des autres droits et libertés constitutionnellement protégés ». Aussi, « dans l'exercice de son pouvoir, le législateur ne saurait priver de garanties légales des exigences constitutionnelles » et parmi elles « le droit au respect de la vie privée et, en particulier de l'inviolabilité du domicile »64(*).

Dans sa décision du 25 mars 2014, le Conseil constitutionnel a jugé constitutionnelles des dispositions permettant l'introduction dans un lieu privé aux fins de mise en place d'un moyen technique permettant la géolocalisation, y compris la nuit, sur autorisation le cas échéant du procureur. Toutefois, lorsque l'introduction devait avoir lieu dans un lieu d'habitation, l'opération ne pouvait avoir lieu qu'avec l'autorisation préalable d'un juge65(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Comme indiqué plus haut, les perquisitions de nuit ne sont possibles que pour des infractions limitativement énumérées relatives à la criminalité organisée. Une loi est ainsi nécessaire pour étendre cette possibilité aux crimes contre les personnes que sont notamment les meurtres, les assassinats, les enlèvements et les séquestrations. La particulière gravité de ces crimes justifie d'étendre cette procédure dérogatoire afin d'éviter la déperdition des preuves. S'agissant d'atteintes graves aux personnes, une perquisition de nuit dans un temps voisin de l'infraction permettra de recueillir notamment des éléments de police scientifique (ADN de la victime, traces de sang) que l'auteur va chercher à faire disparaître dans un temps voisin de la commission de l'infraction.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est de permettre, dans des hypothèses précisément encadrées afin de respecter les exigences constitutionnelles, les perquisitions de nuit en cas d'enquête de flagrance concernant des crimes contre les personnes.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Compte tenu de l'objectif recherché, les seules options envisageables sont purement formelles.

Il est possible de compléter l'article 706-89 qui traite déjà des perquisitions de nuit en flagrance par un alinéa étendant ses dispositions, dans certaines hypothèses, aux enquêtes de flagrance concernant les crimes contre les personnes.

Il est possible de prévoir cette nouvelle possibilité de perquisition dans le chapitre relatif aux enquêtes de flagrance, à la suite de l'article 59 qui prohibe les perquisitions de nuit.

La première solution a été écartée, car il paraît préférable, parce que plus lisible, de traiter cette question dans les dispositions de droit commun concernant les enquêtes de flagrance, et non dans celles relatives aux procédures concernant les seules infractions de délinquance et de criminalité organisées.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Après l'article 59 sera inséré un article 59-1 prévoyant que lorsque l'enquête de flagrance porte sur un crime prévu par le livre II du code pénal, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire pourra, à la requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance spécialement motivée que les perquisitions soient opérées en dehors des heures prévues par l'article 59 dans trois hypothèses :

1° si la perquisition est nécessaire afin de prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à un risque d'atteinte grave à l'intégrité physique ;

2° s'il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis;

3° si elle est nécessaire pour permettre l'interpellation de son auteur.

Il sera précisé que l'autorisation du juge doit être donnée selon les modalités prévues par les alinéas un et trois de l'article 706-92, qui s'appliquent déjà aux perquisitions de l'article 706-89.

Il résultera de ce renvoi qu'à peine de nullité, l'autorisation du juge des libertés et de la détention devra être donnée pour des perquisitions déterminées et devra faire l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les perquisitions peuvent être faites ; cette ordonnance, qui ne sera pas susceptible d'appel, devra être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires et qu'elles ne peuvent être réalisées pendant les heures prévues à l'article 59. Les opérations seront faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui pourra se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.

Le magistrat qui les a autorisées sera informé dans les meilleurs délais par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire de la perquisition réalisée.

Sera par ailleurs compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dont le procureur de la République dirige l'enquête, quelle que soit la juridiction dans le ressort de laquelle la perquisition doit avoir lieu. Le juge des libertés et de la détention pourra alors se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur l'ensemble du territoire national. Le procureur de la République pourra également saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la perquisition doit avoir lieu, par l'intermédiaire du procureur de la République de cette juridiction.

Enfin, ces perquisitions ne pourront, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention. Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées ne constituera pas pour autant une cause de nullité des procédures incidentes.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les nouvelles dispositions permettront de renforcer l'efficacité des enquêtes de flagrance concernant des crimes contre la personne. Après l'article 59 du code de procédure pénale, il est inséré un article 59-1.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne.

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Si le nombre de perquisitions n'aura pas vocation à augmenter, le nombre de demandes d'autorisation de perquisitions de nuit va nécessairement s'accroitre.

Dans ce cadre, la saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention par le parquet aux fins d'autorisation d'une telle mesure va nécessairement induire une charge de travail supplémentaire pour les magistrats et les fonctionnaires de greffes des juridictions.             

Concernant le juge des libertés et de la détention, le temps nécessaire pour le traitement d'un dossier est estimé selon le référentiel Degrandi à 59 minutes

Concernant les magistrats du parquet, le temps nécessaire pour la formulation d'une réquisition au juge des libertés et de la détention est estimé selon le référentiel Michel à 20 minutes.

Concernant les fonctionnaires de greffe, le référentiel Outilgref estime le temps nécessaire au traitement de ces réquisitions pour les fonctionnaires de greffe du JLD à 15 minutes en hypothèse normale.

Ces dispositions nécessitent a minima la création d'une trame de réquisitions par le parquet et d'ordonnance d'autorisation pour le juge des libertés et de la détention qui pourront être mises à disposition via le « wikipénal ». Elles n'auront pas vocation à être intégrées immédiatement au logiciel Cassiopée.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS SUR L'ENVIRONNEMENT

Néant.

5. CONSULTATIONS MENEES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Toutefois, l'article relatif à l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi prévoit une entrée en vigueur différée au premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804).

5.2.3. Textes d'application

Aucun décret d'application ne sera nécessaire pour permettre la mise en oeuvre de ces dispositions.

B. Dispositions tendant à renforcer le recours au statut de témoin assisté

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1) Le statut de témoin assisté

a) Règles générales

Intermédiaire entre celui de simple témoin et celui de mis en examen, n'ayant pas la qualité de partie, le statut singulier de témoin assisté a été défini par plusieurs lois successives.

La loi n° 87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire et portant modification du code de procédure pénale prévoyait ainsi, à l'article 104 du code de procédure pénale, que toute personne nommément désignée dans une plainte avec constitution de partie civile pouvait, sur sa demande, lorsqu'elle était entendue comme témoin, bénéficier de certains droits reconnus aux personnes mises en examen, à savoir ceux prévus par les articles 114, 115 et 120 du code de procédure pénale, portant notamment sur l'assistance de l'avocat et l'accès à la procédure.

Par ailleurs, en application de l' article 105 du code de procédure pénale résultant de la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, les personnes nommément visées par le réquisitoire du procureur de la République ne pouvaient être entendues comme témoins. Si le juge d'instruction estimait ne pas devoir mettre en examen ces dernières, il pouvait les entendre comme témoins après leur avoir donné connaissance du réquisitoire. Elles bénéficiaient alors des droits reconnus aux personnes mises en examen.

La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a uniformisé le statut de témoin assisté en créant une section spécifique dans le code de procédure pénale (comprenant les articles 113-1 à 113-8) et en supprimant les anciennes distinctions entre le témoin assisté de l'article 104 et celui de l'article 105.

Cette loi a également limité la mise en examen au profit du placement sous le statut de témoin assisté. Les critères permettant la mise en examen ont ainsi été rendus plus restrictifs.

Depuis la loi n°2000-516 du 15 juin 2000, en application de l'article 80-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblables qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi. Sous le régime antérieur, de simples indices de culpabilité étaient suffisants pour la mise en examen.

En outre, la loi du 15 juin 2000 a posé le principe de la subsidiarité de la mise en examen : le troisième alinéa de l'article 80-1 dispose ainsi que le juge d'instruction ne doit procéder à la mise en examen que « s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté ».

Par ailleurs, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 a créé l'article 80-1-1 dans le code de procédure pénale permettant à la personne mise en examen, au cours de l'information, de demander au juge d'instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté.

S'agissant des droits du témoin assisté, l' article 113-3 du code de procédure pénale prévoit que le témoin assisté bénéficie du droit à l'assistance d'un avocat, qui est avisé préalablement des auditions et a accès au dossier de la procédure. Cet avocat est choisi par le témoin assisté ou désigné d'office par le bâtonnier si l'intéressé en fait la demande.

Ce même article 113-3 reconnaît également au témoin assisté les droits suivants :

- Le droit à être confronté avec la ou les personnes qui le mettent en cause ;

- Le droit de présenter des requêtes en annulation sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale ; ce droit ayant été reconnu au témoin assisté par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ;

- Le droit à l'interprétation et à la traduction des pièces essentielles du dossier ; ce droit ayant été reconnu au témoin assisté par la loi n° 2014-535 du 27 mai 201466(*).

En application de l' article 113-6 du code de procédure pénale, le témoin assisté peut également demander au juge d'instruction à être mis en examen. Dans ce cas, la personne est considérée comme mise en examen et elle bénéficie de l'ensemble des droits afférents à ce statut.

S'agissant du règlement de l'information, le témoin assisté bénéficie des droits suivants :

- L'avis de fin d'information doit lui être notifié (article 113-8 du code de procédure pénale) ;

- A condition d'avoir déposé une « déclaration d'intention », il peut, au cours du règlement contradictoire de l'information, formuler des observations écrites et/ou présenter des requêtes ou demandes - celles-ci étant cependant limitées à celles que le témoin assisté est autorisé à présenter pendant l'information (demande de confrontation, demande de constat de la prescription, requête en nullité) - sous réserve qu'elles ne soient pas irrecevables en application des articles 82-3 et 173-1 du code de procédure pénale ;

- Les ordonnances de règlement doivent lui être notifiées (article 183 du code de procédure pénale), mais il ne dispose d'aucun droit d'appel à l'encontre de celles-ci ;

- En cas d'appel d'une ordonnance de non-lieu, le témoin assisté peut, par l'intermédiaire de son avocat, faire valoir ses observations devant la chambre de l'instruction et la date d'audience lui est notifiée, ainsi qu'à son avocat (article 197-1 du code de procédure pénale).

Si les droits du témoin assisté ont été progressivement étendus, il demeure toutefois, de jurisprudence constante, que ce dernier n'a pas la qualité de partie67(*).

b) En matière d'expertise

Concernant l'expertise dans le cadre de l'instruction, les droits du témoin assisté sont limités.

Ainsi, n'étant pas visé par l' article 156 du code de procédure pénale, le témoin assisté ne dispose pas du droit de saisir le juge d'instruction d'une demande d'expertise, sauf à demander à être mis en examen en application des dispositions de l'article 113-6 du code de procédure pénale et ainsi pouvoir bénéficier des droits afférents à ce statut.

Comme la personne mise en examen et la partie civile, sous réserve d'une autorisation du juge d'instruction et à condition qu'il y consente, le témoin assisté peut toutefois être entendu par l'expert, en application de l' article 164 du code de procédure pénale et dans les conditions prévues par cet article.

En outre, l' article 167 du code de procédure pénale prévoit des règles spécifiques concernant la notification de conclusions d'expertise au témoin assisté, qui ont été introduites par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Le dernier alinéa de l'article 167 laisse au juge d'instruction la faculté de notifier au témoin assisté les conclusions des expertises qui le concernent, selon les mêmes modalités que celles prévues pour la notification aux parties, en lui fixant un délai pour présenter une demande de complément d'expertise ou de contre-expertise. La loi ne précise pas de délai minimum, à la différence de ce qui est prévu pour les parties.

Dans ce cas, contrairement à ce qui est prévu pour les demandes des parties, le juge d'instruction n'est pas tenu de rendre une ordonnance motivée s'il estime que la demande n'est pas justifiée.

Si le juge estime devoir rendre une ordonnance rejetant la demande qui lui est faite, la loi ne prévoit pas que le témoin assisté puisse interjeter appel de celle-ci.

c) En matière de demande tendant à voir constater la prescription de l'action publique

Il résulte du premier alinéa de l' article 82-3 du code de procédure pénale que les parties ainsi que le témoin assisté peuvent saisir le juge d'instruction d'une demande tendant à constater la prescription de l'action publique, dans les conditions prévues par les avant-dernier et dernier alinéas de l'article 81 du code de procédure pénale.

Lorsque le juge d'instruction conteste le bien-fondé de cette demande, il doit rendre une ordonnance motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande.

Cet article 82-3 du code de procédure pénale a été créé par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

En application du second alinéa de l'article 82-3 du code de procédure pénale, introduit par la loi n° 2016-731 du 3 juin 201668(*), à peine d'irrecevabilité, la personne soutenant que la prescription de l'action publique était acquise au moment de sa mise en examen ou de sa première audition comme témoin assisté doit formuler sa demande dans les six mois suivant cet acte.

Le premier alinéa de l' article 186-1 du code de procédure pénale permet aux « parties » d'interjeter appel de l'ordonnance rendue par le juge d'instruction en application de cet article 82-3 du code de procédure pénale.

Dès lors que, de jurisprudence constante, le témoin assisté n'a pas la qualité de partie, ce droit d'appel ne lui est pas reconnu dans cette hypothèse.

2) Le principe du contradictoire dans le cadre de l'expertise, progressivement étendu au bénéfice du mis en examen

Prenant en compte les préconisations formulées dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau70(*), la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale a modifié plusieurs dispositions du code de procédure pénale pour renforcer le caractère contradictoire de l'expertise ordonnée au cours de l'instruction.

a) La décision ordonnant une expertise

Avant la loi du 5 mars 2007, en application de l'article 156 du code de procédure pénale, les parties et le procureur de la République disposaient déjà du droit de demander au juge d'instruction d'ordonner une expertise, à charge pour le juge d'instruction, en cas de refus, de répondre dans un délai d'un mois par une ordonnance motivée susceptible de recours.

La loi du 5 mars 2007, en créant l' article 161-1 du code de procédure pénale, a introduit le principe d'une communication par le juge d'instruction de l'ordonnance ordonnant une expertise. A réception de celle-ci, le procureur de la République et les parties disposent d'un délai de dix jours pour demander au juge d'instruction soit de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert, soit d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix figurant sur une des listes mentionnées à l'article 157 du code de procédure pénale, soit de décider que l'expert déposera un « rapport provisoire » (règle prévue par l'article 167-2 du code de procédure pénale, créé également par la loi du 5 mars 2007).

Le formalisme exigé pour ces demandes est celui prévu par l'avant-dernier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, c'est-à-dire par déclaration au greffe, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et, pour les personnes détenues, par déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

En application des deux derniers alinéas de l'article 161-1 du code de procédure pénale, la communication de l'ordonnance ordonnant une expertise est cependant écartée pour certaines catégories d'expertises : celles qui revêtent un caractère urgent, en ce qu'elles ne peuvent être différées pendant le délai du contradictoire de dix jours, celles pour lesquelles la communication de l'ordonnance risque d'entraver l'accomplissement des investigations et celles dont les conclusions n'ont pas d'incidence sur la détermination de la culpabilité de la personne mise en examen et dont la liste est fixée par décret (conformément aux dispositions de l'article D. 37 du code de procédure pénale71(*), il s'agit des expertises médicales dont l'objet est d'apprécier l'importance du dommage subi par la victime).

Lorsque le juge d'instruction, saisi d'une demande du procureur de la République ou des parties à la suite de la communication de la décision ordonnant l'expertise, ne fait pas droit à celle-ci, le deuxième alinéa de l'article 161-1 du code de procédure pénale prévoit qu'il rend une ordonnance motivée. Cette ordonnance, de même que l'absence d'ordonnance, peuvent être contestées dans un délai de 10 jours devant le président de la chambre de l'instruction.

b) Les rapports d'expertise intermédiaires

En créant un nouvel article 161-2 du code de procédure pénale, la loi du 5 mars 2007 a autorisé le juge d'instruction à demander à l'expert de déposer un « rapport d'étape », lorsque le délai imparti à celui-ci pour accomplir sa mission excède un an. Dans ce cas, ce rapport d'étape est notifié « aux parties » et celles-ci peuvent adresser en même temps à l'expert et au juge leurs observations en vue du rapport définitif.

Par la création d'un nouvel article 167-2 dans le code de procédure pénale, la loi du 5 mars 2007 a également introduit la possibilité pour le juge d'instruction de demander à l'expert le dépôt d'un « rapport provisoire » avant son rapport définitif. Cette demande faite à l'expert présente un caractère obligatoire si le dépôt d'un rapport provisoire est requis par le ministère public ou s'il est sollicité par les parties pendant le délai de 10 jours suivant la communication de l'ordonnance de commission d'expert.

Lorsqu'un rapport provisoire a été demandé, à réception de celui-ci et pendant un délai fixé par le juge d'instruction (qui ne peut être inférieur à quinze jours et à un mois dans le cas d'une expertise comptable et financière), le ministère public et les parties peuvent adresser en même temps à l'expert et au juge des observations. En l'absence d'observation, le rapport provisoire est considéré comme le rapport définitif.

c) La notification des rapports d'expertise

La loi du 5 mars 2007 a modifié l'article 166 du code de procédure pour permettre au juge d'instruction d'autoriser l'expert à communiquer, directement et par tout moyen, les conclusions de son rapport au procureur de la République et aux avocats des parties.

Les principes généraux relatifs à la notification des rapports d'expertise sont toutefois fixés à l'article 167 du code de procédure pénale.

Il en résulte en particulier que la notification porte sur les conclusions d'expertise, l'intégralité du rapport n'étant remise aux avocats des parties ou aux parties non assistées par un avocat que si celles-ci en font la demande.

Toutefois, la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a prévu que, s'il s'agit d'une expertise psychiatrique, la copie de l'intégralité du rapport est remise ou adressée aux avocats des parties ou aux parties si celles-ci ne sont pas assistées d'un avocat, même en l'absence de demande de leur part.

L'article 167 du code de procédure pénale prévoit également les modalités de notification des expertises aux parties et aux avocats.

En application de ce même article 167, le juge doit fixer un délai (qui tient compte de la complexité de l'expertise et ne peut être inférieur à 15 jours ou, s'il s'agit d'une expertise comptable ou financière, à un mois) aux parties pour présenter des observations ou formuler une demande « notamment aux fins de complément d'expertise ou de contre-expertise ». Passé ce délai, les demandes de contre-expertise, complément d'expertise ou nouvelle expertise portant sur le même objet deviennent irrecevables, sous réserve de la survenance d'un élément nouveau72(*).

S'il rejette une demande ou s'il décide de ne commettre qu'un seul expert alors qu'une partie demandait la désignation d'une pluralité d'experts, le juge d'instruction doit statuer par ordonnance motivée dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande.

L'absence de décision du juge d'instruction dans le délai d'un mois autorise la partie à saisir directement la chambre de l'instruction - cette saisine directe, dans cette hypothèse, a également été introduite par la loi du 5 mars 2007.

3) L'articulation entre l'octroi du statut de témoin assisté et la mise en examen

Comme indiqué supra, l'article 80-1 du code de procédure pénale, résultant de la loi 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence, qui précise les conditions de la mise en examen, prévoit également l'articulation du statut de témoin assisté avec celui de mis en examen.

Son premier alinéa dispose qu' « à peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ».

Son deuxième alinéa précise qu' « il ne peut procéder à cette mise en examen qu'après avoir préalablement entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en mesure de les faire, en étant assistée par son avocat, soit dans les conditions de l'interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté ».

Son troisième alinéa indique enfin que « le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté ».

Il découle ainsi de ces dispositions, comme le rappelle clairement la circulaire JUS-D-00-30220 C du ministère de la justice du 20 décembre 2000, que le juge d'instruction doit par priorité recourir au statut de témoin assisté plutôt qu'à celui de mis en examen, qui présente donc un caractère subsidiaire.

La circulaire de 2020 indique ainsi :

« Le troisième alinéa de l'article 80-1 dispose que le juge d'instruction ne doit procéder à une mise en examen que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté. Le législateur a ainsi voulu manifester sa préférence pour la procédure de témoin assisté qui porte moins atteinte à la présomption d'innocence.

En pratique, la mise en examen s'imposera chaque fois que le juge d'instruction considérera qu'un contrôle judiciaire ou une détention provisoire est nécessaire. Dans le cas contraire, il pourra être recouru à la procédure de témoin assisté.

Il n'est toutefois pas souhaitable que toutes les personnes contre lesquelles il existe des indices de culpabilité qui soient au moins graves ou au moins concordants, mais qui ne sont pas placées sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire, soient entendues comme témoin assisté.

En effet, il arrive fréquemment que le juge d'instruction estime, dès le début de la procédure, disposer à l'encontre d'une personne des charges suffisantes qui justifieront son renvoi devant la juridiction de jugement à la fin de l'information ; il en est notamment ainsi lorsque la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés ou lorsque les charges rassemblées à son encontre sont telles qu'il est très peu probable que les investigations à venir permettent de la mettre hors de cause. Dans un tel cas, l'information a souvent comme principal objectif non pas de découvrir d'éventuels nouveaux indices de culpabilité à l'encontre de cette personne mais de rechercher des éléments de personnalité la concernant ou d'identifier, d'arrêter ou de confondre ses possibles complices ou coauteurs.

Dans une telle hypothèse, il est alors préférable que la personne soit aussitôt mise en examen car son audition comme témoin assisté pourrait laisser croire, à tort, qu'elle pourra ne pas être renvoyée devant la juridiction de jugement.

La procédure de témoin assisté ne doit pas en effet être comprise comme strictement équivalente à une mise en examen intervenant en l'absence de contrôle judiciaire ou de détention provisoire. La réputation d'une personne mise en cause dans une procédure pénale risquerait sinon d'être autant mise à mal par son audition comme témoin assisté que par sa mise en examen.

C'est donc en pratique les personnes contre lesquelles le juge d'instruction estime ne pas disposer, lors de leur audition, d'éléments suffisants pour les renvoyer devant la juridiction de jugement qui devront être entendues comme témoin assisté et non comme mises en examen.

Le juge ne mettra ces personnes en examen, le cas échéant, qu'ultérieurement, voire en fin de procédure, si la découverte de nouveaux indices justifie alors leur renvoi.

En tout état de cause, l'application du principe du caractère subsidiaire de la mise en examen posé par le troisième alinéa de l'article 80-1 est laissée à l'appréciation souveraine du juge d'instruction : cet alinéa précise en effet qu'il appartient au magistrat "d'estimer" s'il doit être recouru à la procédure de témoin assisté. Le législateur n'a pas indiqué que cette règle, à la différence de celle prévue par le premier alinéa de l'article, était prescrite à peine de nullité. Dès lors qu'il existe des indices graves ou concordants, aucune nullité ne saurait donc résulter du fait qu'une personne a été mise en examen et n'a pas été entendue comme témoin assisté, même si aucune mesure de contrainte n'a été prise à son encontre. »

Par ailleurs, l'article 80-1-1 du code de procédure pénale, tel que résultant de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, prévoit également l'articulation du statut de témoin assisté avec celui de mis en examen.

Cet article prévoit en effet que la personne mise en examen peut, au cours de l'information, demander au juge d'instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté, cette demande pouvant être faite uniquement à l'issue d'un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois suivants. Cette demande peut également être faite dans les dix jours qui suivent la notification d'une expertise ou un interrogatoire au cours duquel la personne est entendue sur les résultats d'une commission rogatoire ou sur les déclarations de la partie civile, d'un témoin, d'un témoin assisté ou d'une autre personne mise en examen.

Si le juge d'instruction fait droit à la demande et que la personne est détenue, le juge ordonne sa mise en liberté d'office. En revanche, si le juge d'instruction estime que la personne doit rester mise en examen, il statue par ordonnance motivée faisant état des indices graves ou concordants justifiant sa décision. 

Ces dispositions, présentées par la circulaire du 22 juin 200773(*), complètent le droit de la personne à demander l'annulation de sa mise en examen dans les six mois de sa première comparution, conformément aux articles 173, 173-1 et 174-1 du code de procédure pénale.

Si l'article 80-1-1 du code de procédure pénale ne prévoit pas de délai dans lequel le juge est tenu de statuer, la Cour de cassation a jugé qu'il résultait des dispositions de l'article 802-1 du code de procédure pénale que la personne mise en examen peut exercer un recours contre la décision implicite de rejet de sa demande d'octroi du statut de témoin assisté, en l'absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la demande effectuée selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81 du même code, dès lors que l'article 80-1-1 ne prévoit aucun recours spécifique en l'absence de réponse du juge d'instruction74(*).

A la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000, intervenue le 1er janvier 2001, les juges d'instruction ont mis en oeuvre les nouvelles dispositions en respectant pleinement les intentions de législateur, car le nombre de personne mise en examen a très sensiblement baissé, en contrepartie d'une augmentation du nombre de témoins assistés, comme le montre le tableau ci-après. Le pourcentage de témoins assistés par rapport aux mis en examen s'est ainsi établi pendant plusieurs années à environ 10 %.

Toutefois, comme cela apparaît dans ce tableau, le caractère prioritaire du témoin assisté a été progressivement perdu de vu, puisque ce taux est progressivement passé à 8%, puis 6%, pour atteindre 3% en 2019.

Nombre de mis en examen (MEE) et de témoins assistés (TA)

 

Données des cadres du parquet - Source : WINSTRU

Source : CASSIOPEE

Année de collecte

MEE pour les affaires terminées75(*)

MEE ab initio

TA

Taux de TA

TA puis MEE

MEC à l'instruction MEE

MEC à l'instruction TA

1996

71 143

           

1997

68 593

           

1998

65 860

           

1999

63 129

           

2000

57 826

           

2001

51 420

43 346

5 903

12%

718

 

 

2002

47 655

47 392

5 528

10%

1 354

 

 

2003

47 370

50 727

4 929

9%

1 352

 

 

2004

50 076

54 484

5 869

10%

1 483

 

 

2005

51 411

52 213

5 234

9%

1 620

 

 

2006

49 167

48 771

5 642

10%

1 602

 

 

2007

44 918

46 175

5 306

10%

1 256

 

 

2008

42 879

44 491

5 012

10%

1 046

 

 

2009

40 183

41 326

4 274

9%

969

 

 

2010

36 349

35 880

3 085

8%

663

 

 

2011

 

32 809

2 731

8%

547

 

 

2012

 

28 870

2 425

8%

447

 

 

2013

 

23 550

1 894

7%

453

 

 

2014

 

26 261

1 775

6%

320

31 600

2 100

2015

 

26 351

1 746

6%

320

31 200

2 000

2016

 

27 110

1 385

5%

208

 

 

2017

 

24 161

1 042

4%

210

 

 

2018

 

22 578

1 066

5%

172

30 281

808

2019

 

28 171

960

3%

113

30 453

889

Cette baisse est évidemment problématique et elle semble pouvoir s'expliquer par le fait que, dans la mesure où les droits du témoin assisté sont moins importants que ceux du mis en examens, les juges hésitent à recourir au statut de témoin assisté qui pourrait être considéré comme moins protecteur des droits de la défense.

Une revalorisation des droits du témoin assisté serait ainsi de nature à favoriser le recours à ce statut.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

S'agissant du cadre constitutionnel, la jurisprudence du Conseil constitutionnel se fonde sur le principe d'égalité devant la justice, lequel est garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - qui pose le principe selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » - et par l'article 16 de cette Déclaration, qui dispose « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

1) Le principe d'égalité devant la justice et les droits reconnus au témoin assisté

Sur le fondement du principe d'égalité devant la justice et au visa des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2022-999 QPC du 17 juin 2022, a ainsi censuré les mots « et 82-3 » figurant au premier alinéa de l'article 186-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007.

Le Conseil constitutionnel a d'abord rappelé le contenu des dispositions des articles 82-3 et 186-1 du code de procédure pénale.

D'une part, l'article 82-3 du code de procédure pénale permet à une personne mise en examen ou à une personne placée sous le statut de témoin assisté de saisir le juge d'instruction d'une demande tendant à voir constater la prescription de l'action publique.

D'autre part, les dispositions de l'article 186-1 du code de procédure pénale prévoient que « les parties » peuvent interjeter appel des ordonnances prises en application de l'article 82-3 du même code ; et qu'à ce titre, la personne mise en examen peut interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction refuse de constater l'extinction de l'action publique, tandis qu'un tel droit n'est pas au ouvert au témoin assisté.

Ensuite, le Conseil constitutionnel a certes admis que le législateur puisse, sans méconnaître le principe d'égalité devant la justice, prévoir des règles de procédure différentes pour la personne mise en examen et le témoin assisté, au motif que le témoin assisté n'est pas dans une situation identique à celle de la personne mise en examen au regard de la prescription de l'action publique puisqu'il ne peut faire l'objet ni d'une mesure de sûreté ni d'une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation.

En revanche, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il existait une distinction injustifiée entre les personnes mises en cause, selon qu'elles aient eu ou non le statut de témoin assisté, dès lors que la demande tendant à voir constater la prescription de l'action publique doit être présentée dans les six mois suivant la mise en examen ou la première audition comme témoin assisté et que cette forclusion demeure opposable à une personne initialement placée sous le statut de témoin assisté et qui est ensuite mise en examen.

2) Le principe d'égalité devant la justice dans le cadre de l'expertise

Deux dispositions du code de procédure pénale concernant l'expertise, les articles 161-1 et 167, ont été censurées par le Conseil constitutionnel sur le fondement du principe d'égalité devant la justice.

Initialement, le premier alinéa de l'article 161-1 du code de procédure pénale tel qu'issu de la loi du 5 mars 2007 prévoyait que la communication de la décision ordonnant une expertise soit faite au procureur de la République et aux « avocats des » parties.

Par décision n° 2012-284 QPC du 23 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a relevé que la notification de la décision ordonnant expertise, prévue par l'alinéa premier de l'article 161-1 du code de procédure pénale, permettait aux destinataires de celle-ci de formuler des demandes auprès du juge d'instruction et qu'en l'absence d'une telle notification, les parties non assistées par un avocat ne pouvaient exercer ce droit. Il a considéré que « la différence de traitement ainsi instituée entre les parties selon qu'elles sont représentées ou non par un avocat ne trouvait pas de justification dans la protection du respect de la vie privée, la sauvegarde de l'ordre public ou l'objectif de recherche des auteurs d'infraction, auxquels concourt le secret de l'instruction » et que cette différence de traitement n'était « pas davantage compensée par la faculté, reconnue à toutes les parties par le troisième alinéa de l'article 167 du code de procédure pénale, de demander un complément ou une contre-expertise ».

Tout en constatant que plusieurs dispositions garantissaient le droit des parties de bénéficier de l'assistance d'un avocat, il a conclu que dès lors qu'est reconnue aux parties la liberté de choisir d'être assistées d'un avocat ou de se défendre seules, le respect des principes du contradictoire et des droits de la défense imposait que la copie de la décision ordonnant l'expertise soit portée à la connaissance de toutes les parties. En conséquence, il a déclaré les mots « avocats des » figurant au premier alinéa de l'article 161 contraires à la Constitution.

Cette déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet à compter de la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel. Dans une dépêche du 23 novembre 2012, la Direction des affaires criminelles et des grâces a signalé que cette décision imposait que la notification de l'ordonnance de commission d'expert soit adressée aux avocats, lorsque les parties bénéficient de l'assistance d'un conseil, et à défaut d'une telle assistance, aux parties directement.

Par décision n° 2018-765 QPC du 15 février 2019, le Conseil constitutionnel a appliqué le même raisonnement et s'est fondé sur les mêmes principes pour déclarer contraires à la Constitution les mots « avocats des » figurant au deuxième alinéa de l'article 167 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, en ce que ces dispositions avaient pour effet de priver les parties non assistées par un avocat du droit d'avoir connaissance de l'intégralité d'un rapport d'expertise pendant le délai laissé aux parties pour formuler des observations ou des demandes complémentaires.

Cette déclaration d'inconstitutionnalité, dont les effets ont été différés au 1er septembre 2019 par le Conseil constitutionnel, a été corrigée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice, qui a complété l'article 167 du code de procédure pénale pour prévoir que la communication, sur demande, de l'intégralité du rapport d'expertise était ouverte tant aux avocats des parties qu'aux parties elles-mêmes lorsque celles-ci ne sont pas assistées par un avocat.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les enjeux relatifs au statut de témoin assisté et au principe du contradictoire dans le cadre de l'expertise relèvent essentiellement des droits de la défense, garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Pour les raisons exposées supra (contradictoire dans le cadre de l'expertise, articulation avec la mise en examen, diminution du nombre de TA, etc.), il apparaît qu'on ne peut plus se passer d'une réforme du statut de témoin assisté à l'instruction, pour lui ouvrir de nouveaux droits, ce qui relève de la loi, conformément aux dispositions de l'article 34 de la Constitution.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est ainsi d'élargir les droits du témoin assisté, en matière d'expertise et de contestation des décisions concernant la prescription de l'action publique, cette dernière modification étant par ailleurs exigées par la décision QPC précitée du 17 juin 2022.

Ainsi, le juge d'instruction n'attribuera plus le statut de mis en examen à une personne présumée innocente uniquement dans l'objectif de lui permettre d'exercer les droits attachés à ce statut.

L'objectif est également de permettre à la personne mise en examen de solliciter plus rapidement et facilement, auprès du juge d'instruction, le bénéfice du statut de témoin assisté.

Revalorisé, le statut de témoin assisté sera donc plus utilisé en pratique.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il aurait pu être envisagé de donner au témoin assisté l'ensemble des droits accordés à la personne mise en examen, comme notamment celui de demander tout acte au juge d'instruction.

Cette solution n'a cependant pas été retenue pour deux raisons.

La première est que le témoin assisté est par nature moins mis en cause que le mis en examen, puisqu'il ne peut notamment ni faire l'objet des mesures de sûreté que sont le contrôle judiciaire, l'assignation à résidence avec surveillance électronique et la détention provisoire, ni, et c'est là un point essentiel, être renvoyé devant la juridiction de jugement à l'issue de l'information. Autrement dit, il bénéficie nécessairement d'un non-lieu de droit, sauf s'il est, avant la fin de l'instruction, mis en examen. Il est donc logique et cohérent qu'il dispose de moins de droits que le mis en examen, ce qui n'est du reste contraire à aucune exigence constitutionnelle. Si les droits du témoin assisté étaient exactement les mêmes que ceux du mis en examen, l'opinion publique pourrait facilement considérer que les deux statuts sont équivalents, et l'atteinte à la réputation et à la présomption d'innocence d'un témoin assisté deviendrait aussi importante que celle portée à un mis en examen.

La seconde est que, si l'on souhaite, ce qui est précisément l'objectif recherché, inciter les juges d'instruction à recourir plus fréquemment au statut de témoin assisté, il paraît nécessaire que l'octroi de ce statut ne permette pas à cette personne de saisir le juge d'autant de demandes que peut le faire le mis en examen, et qu'elle n'entraine pas ainsi des conséquences procédurales pour le juge qui seraient potentiellement aussi « lourdes » que celles découlant d'une mise en examen. C'est précisément pour cela que la loi du 15 juin 2000 avait limité les droits du témoin assisté en matière de demandes de nullité de la procédure, avant que ce droit ne lui soit ultérieurement accordé.

Il importe donc de trouver un équilibre entre l'extension et la limitation des droits du témoin assisté.

3.2. DISPOSITIF RETENU

La solution retenue consiste à élargir les droits du témoin assisté sur deux points :

- D'une part en lui donnant les mêmes droits que le mis en examen en ce qui concerne les expertises (droits prévus par les articles 156, 161-2, 167, 167-2 et 186 du code de procédure pénale) ;

- D'autre part en lui donnant les mêmes droits que le mis en examen en ce qui concerne la possibilité de contester une décision du juge qui refuse de faire droit à une demande de constatation de la prescription de l'action publique (droit prévu par l'article 186-1 du code de procédure pénale).

Le tableau ci-après récapitule les droits respectivement reconnus au mis en examen ou au témoin assisté, en mentionnant en gras les nouveaux droit accordés à ce dernier ;

Enoncé des droits

Mis en examen

Témoin assisté

Assistance par un avocat convoqué 5 jours ouvrables avant chaque interrogatoire

OUI

OUI

Requête en annulation

OUI

OUI

Possibilité de demander tout acte au juge d'instruction (auditions, confrontations, transports, reconstitutions...)

OUI

NON

simple possibilité de demander une confrontation avec son accusateur

Droit à l'interprétation et à la traduction des pièces essentielles du dossier

OUI

OUI

Possibilité de demander la constatation de la prescription

OUI

OUI

Appel contre la décision du juge refusant de constater la prescription

OUI

OUI

Droits en matière d'expertise (observations sur mission ; notification des expertises ; demande d'expertise ou de contre-expertise, appel si refus, rapports d'étape et provisoires, ...)

OUI

OUI

Règlement contradictoire de l'instruction

OUI

OUI

Respect du calendrier prévisionnel de la procédure

OUI

OUI

Le projet de loi vise également à permettre à la personne mise en examen, dès la notification de ce statut puis au cours de l'information, de demander au juge d'instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté, si elle estime que les conditions prévues par les premier et troisième alinéa de l'article 80-1 ne sont pas ou ne sont plus remplies (indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation à la commission de l'infraction ; le juge d'instruction estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté).

La personne mise en examen pourra également réaliser cette demande lors de sa première comparution ou selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale (déclaration au greffe du juge d'instruction).

Concernant les délais, la demande pourra désormais être réalisée :

- Dès la mise en examen et dans un délai de six jours à compter de celle-ci ;

- À l'issue d'un délai de six mois après la mise en examen ;

- Tous les six mois suivants.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'impact juridique consiste à modifier les articles 80-1-1, 142-6, 156, 161-2, 167, 167-2, 186 et 186-1 du code de procédure pénale.

Il n'est pas contestable que ces nouvelles dispositions permettront une augmentation du nombre de témoins assistés et une réduction du nombre des mis en examen.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne.

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

L'augmentation des demandes de changement de statut et le temps nécessaire à leur traitement pourrait être, du moins en partie, compensée par la baisse de charge de travail induite par l'augmentation du recours au statut de témoin assisté en lieu et place du statut de mise en examen. Toutefois, il n'est pas possible d'estimer précisément le gain induit par le recours accru au statut de témoin assisté car les référentiels ne distinguent pas la charge de travail occasionnée par l'octroi de l'un ou l'autre des statuts, que ce soit pour les magistrats ou pour les fonctionnaires de greffe.

Ces nouvelles dispositions vont également entrainer une modeste augmentation du nombre de demandes d'expertises formés par les personnes bénéficiant du statut de témoins assistés et de façon très résiduelle du nombre d'appel formé à l'encontre d'une décision du juge d'instruction refusant de constater la prescription de l'action publique, entraînant une charge de travail pour le juge d'instruction, le greffe et le magistrat du parquet.

La chambre de l'instruction sera susceptible d'être saisie des demandes d'appel formulées à l'encontre des décisions du juge d'instruction concernant les demandes d'expertises d'une part et d'autre part des demandes formulées contre les décisions du juge d'instruction refusant de constater la prescription de l'action publique.

Pour les magistrats de la chambre de l'instruction, le minutage estimé pour le traitement d'une affaire est de 302,5 minutes (5h) tout type d'appel confondus, soit un ratio de 330 affaires terminées par an.

Pour les magistrats du parquet, le référentiel Michel estime la charge de travail nécessaire à l'établissement d'un rapport d'appel devant la chambre d'instruction à 1h30 par dossier.

Pour les fonctionnaires de greffe de la chambre de l'instruction, le référentiel Outilgref CA estime à 20 minutes en hypothèse normale le temps nécessaire à l'enregistrement d'un dossier à la chambre de l'instruction. Il estime à 235 minutes en hypothèse normale le temps nécessaire à la tenue d'une audience devant la chambre de l'instruction et à 35 minutes le temps nécessaire à l'élaboration d'une ordonnance lorsque celle-ci relève de la compétence propre du président de la chambre de l'instruction.

4.4.1. Impacts informatiques

Ces dispositions nécessitent a minima une modification des trames d'interrogatoire de première comparution pour que figure la notification de ce droit.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS SUR L'ENVIRONNEMENT

Néant.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate. Toutefois, une entrée en vigueur différée a été prévue le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi pour l'ensemble de ces dispositions, à l'exception de celles visant à tirer les conséquences de la QPC n° 2022-999 QPC du 17 juin 2022 précitée (XI).

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804).

5.2.3. Textes d'application

Aucun décret d'application ne sera nécessaire pour permettre la mise en oeuvre de ces dispositions.

C. Limitation de la détention provisoire en favorisant le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), par la création d'une ARSE sous condition suspensive de faisabilité, avec incarcération provisoire

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) est une mesure de sûreté qui peut être prononcée de manière subsidiaire lorsque les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes ( art. 137 du code de procédure pénale). Elle occupe ainsi une place intermédiaire entre le contrôle judiciaire et la détention provisoire.

L' article 142-5 du code de procédure pénale dispose qu'elle est ordonnée par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention si la personne encourt une peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins deux ans ou une peine plus grave. L'ARSE consiste alors à contraindre la personne concernée à demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le magistrat, et de s'en absenter qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par le juge, cette obligation étant contrôlée par un dispositif de surveillance électronique.

L'assignation à résidence peut être exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile lorsque certaines infractions sont concernées, comme le prévoit l'article 142-5 alinéa 3 du code de procédure pénale. Cette « ARSEM » peut également être mise en oeuvre lorsque la personne est mise en examen pour des violences ou menaces, punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, commises contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (art. 142-12-1 CPP).

Cette mesure peut être assortie des obligations et interdictions figurant à l'article 138 du code de procédure pénale, relatif au contenu du contrôle judiciaire.

La pose du dispositif permettant de mettre en oeuvre l'ARSE ne peut pas être réalisée sans le consentement de la personne concernée. Néanmoins, celle-ci est informée que le fait de refuser son installation constitue une violation de ses obligations et que ce refus peut donner lieu à la révocation de l'ARSE et à son placement en détention provisoire.

De manière plus générale, la personne qui ne respecte pas les obligations de l'ARSE peut faire l'objet d'un mandat d'amener ou d'arrêt et être placée en détention provisoire (art. 142-8 CPP).

Décidée pour une durée qui ne peut excéder six mois, l'ARSE peut être prolongée, dans le cadre de l'information judiciaire, pour une même durée, sans que sa durée totale ne puisse excéder deux ans (art. 142-7 CPP).

Par ailleurs, l'ARSE est assimilée à une détention provisoire pour l'imputation intégrale de sa durée sur celle d'une peine privative de liberté (art. 142-11 CPP). De surcroît, en cas de décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, la personne placée sous ARSE a droit à la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de ce placement (art. 142-10 CPP).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur l'assignation à résidence avec surveillance électronique à l'occasion de sa décision DC n°2019-778 du 21 mars 2019 relative à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, qui, par son article 54, a partiellement modifié l'article 142-6 du code de procédure pénale.

Le Conseil a ainsi jugé que le dispositif prévoyant que le juge des libertés et de la détention puisse décider d'office, sans débat contradictoire préalable, d'une mise en liberté accompagnée d'une ARSE était conforme à la Constitution, en considérant que l'ARSE est une mesure de sûreté que le législateur a estimé moins rigoureuse que la détention provisoire.

Avant cela, le Conseil constitutionnel avait examiné le placement sous surveillance électronique, qui était à l'époque une modalité du contrôle judiciaire, sous l'angle du droit à la vie privée et des exigences posées par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ( décision n°2002-461 du 29 août 2002 relative à la loi d'orientation et de programmation pour la justice). Il avait alors retenu que cette mesure ne présentait pas une rigueur excessive, dans la mesure où, notamment, elle restait subordonnée au consentement de l'intéressé et permettait d'éviter dans certains cas la détention provisoire.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La Cour européenne des droits de l'homme ne s'est jamais prononcée sur le dispositif d'assignation à résidence sous surveillance électronique prévu par le droit français.

Toutefois, l'objectif poursuivi par l'extension du recours à l'assignation à ce dispositif s'inscrit dans une volonté de limiter le recours à la détention provisoire afin notamment de respecter le sens de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 30 janvier 2020, affaire J.M.B et autres contre France, aux termes de laquelle la Cour a enjoint la France à lutter contre la surpopulation carcérale.

De plus, l'assignation à résidence sous surveillance électronique est davantage respectueuse du droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, que la détention provisoire.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Actuellement, l'ARSE est prononcée plus fréquemment dans le cadre d'une mise en liberté qu'au stade de la mise en examen. En effet, la mise en oeuvre d'une ARSE suppose sa faisabilité, que le magistrat est tenu de vérifier (art. 145 et 142-6 CPP). Or, la temporalité de la présentation de la personne mise en cause devant le juge d'instruction et sa mise en examen se prêtent mal à la réalisation d'une enquête de faisabilité.

Ainsi, en pratique, faute d'informations concernant la possibilité matérielle de mettre en oeuvre une mesure d'assignation à résidence sous surveillance électronique, le juge des libertés et de la détention peut décider d'un placement en détention provisoire, alors même que l'ARSE serait envisageable et que la détention provisoire doit, quant à elle, rester exceptionnelle (art. 137 CPP).

Ceci est non seulement attentatoire à la liberté de la personne concernée mais contribue également en pratique au phénomène de surpopulation carcérale, contre lequel il convient de lutter.

Cet enjeu a d'ailleurs été identifié par le groupe de travail sur la justice pénitentiaire et de réinsertion réuni dans le cadre des Etats généraux de la justice, dont le rapport76(*) appelle notamment à « favoriser les alternatives à la détention provisoire » en « [permettant] au JLD, dès le débat contradictoire initial relatif à la liberté, de prononcer une ARSE sous condition suspensive d'installation du dispositif de surveillance électronique, en plaçant la personne mise en examen sous mandat de dépôt pendant une durée n'excédant pas 15 jours, en attendant la réalisation de l'enquête de faisabilité ».

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est d'encourager le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (comme alternative à la détention provisoire) en rendant opérationnel le cadre procédural dans lequel elle peut être concrètement envisagée, y compris sous l'angle de sa faisabilité.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIFS RETENUS

3.1. OPTION ENVISAGÉE

L'hypothèse d'une modification des champs d'application respectifs de l'ARSE et de la détention provisoire, en termes de seuil d'emprisonnement encouru, n'a pas été retenue. 

En effet, l'assignation à résidence sous surveillance électronique est applicable aux infractions pour lesquelles la peine encourue s'élève à un quantum de deux ans d'emprisonnement, tandis que la détention provisoire n'est possible que pour les infractions punies de trois ans d'emprisonnement au moins. Il n'était donc pas envisageable que le dispositif de placement conditionnel sous ARSE permette, dans le cadre de l'incarcération provisoire, d'incarcérer des personnes qui ne peuvent - en l'état du droit positif - être placées en détention provisoire puisqu'elles sont mises en examen pour des faits dont la peine encourue est inférieure à ce seuil de trois ans. 

Dans cette hypothèse, un nouveau cas d'incarcération aurait été créé, ce qui ne correspondait pas à l'esprit du dispositif.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Le dispositif retenu consiste à permettre au juge des libertés et de la détention d'ordonner le placement conditionnel de la personne mise en examen sous assignation à résidence avec surveillance électronique, en décidant de son incarcération provisoire jusqu'à la mise en oeuvre de l'assignation. Cette décision est prise à la suite d'un débat contradictoire tenu conformément aux dispositions des cinquième et sixième alinéas de l'article 145, la personne étant obligatoirement assistée par un avocat, par une ordonnance motivée mentionnant les raisons justifiant, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure et des objectifs énumérés à l'article 144, en quoi la personne ne peut être libérée sans que soit préalablement mis en place ce dispositif technique.

La mise en oeuvre de l'ARSE doit alors intervenir dans un délai maximal de 15 jours, tout en étant subordonnée à la pose effective du dispositif technique de surveillance électronique, le but étant que la personne soit soumise à un cadre rigoureux sans que son suivi ne soit momentanément interrompu lors de la transition entre la fin de son incarcération et le début de l'assignation à résidence avec surveillance électronique.

Dans ce cadre, le service pénitentiaire d'insertion et de probation doit s'assurer de la faisabilité technique de la mesure, dans un délai de 10 jours à compter de la décision du juge des libertés et de la détention. Si cette faisabilité fait défaut, il doit en aviser immédiatement ce magistrat, qui procède alors à un débat contradictoire, dans un délai ne pouvant excéder cinq jours.

Ce même débat doit également avoir lieu en l'absence de transmission du rapport de faisabilité le dixième jour suivant l'incarcération provisoire de la personne.

Si ce débat prévu de manière consécutive à l'incarcération provisoire, quand l'assignation à résidence sous surveillance électronique n'a pas été mise en oeuvre, n'a pas lieu dans les délais impartis, alors la personne est remise en liberté, à moins qu'elle ne soit détenue pour autre cause.

Dans les cas où la personne aurait fait l'objet d'une incarcération provisoire dans les conditions prévues aux alinéas 7 à 9 de l'article 145 (soit qu'elle ait sollicité un délai pour préparer sa défense, soit qu'elle ait demandé un délai pour préparer sa défense, soit que le juge d'instruction ait sollicité des investigations complémentaires pour évaluer sa situation personnelle), le délai de cette première incarcération provisoire s'impute sur délai global de dix jours maximum.

Enfin, il est prévu que l'incarcération provisoire ordonnée en application du premier alinéa est, le cas échéant, imputée sur la durée de la détention provisoire.

L'ordonnance de placement sous ARSE sous condition suspensive de faisabilité peut faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'instruction. Si le mis en examen ou le procureur de la République le demande, les dispositions de l'article 187-1 du code de procédure pénale sont applicables, le président de la chambre de l'instruction est tenu de statuer dans les trois jours ouvrables suivant la déclaration d'appel.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La réforme nécessite la modification de l'article 142-6 du code de procédure pénale et la création, dans le même code, d'un nouvel article numéroté 142-6-1.

Une modification de l'article L. 612-1 du code pénitentiaire est également nécessaire, par coordination, pour y faire apparaître le nouvel article 142-6-1 qui sera créé.

Les dispositions réglementaires prises en application de l'article 142-13 du code de procédure pénale en matière d'ARSE (et notamment les art. D. 32-3 à D. 32-30) devront être complétées pour préciser les modalités de recours à l'ARSE conditionnelle avec incarcération provisoire, afin de permettre la mise en oeuvre effective de cette mesure.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

La mise en oeuvre des nouvelles dispositions ne devrait pas avoir un impact significatif sur les services judiciaires.

Certes, il est prévu qu'en cas d'enquête concluant à l'absence de faisabilité de la mesure, ou de carence du service pénitentiaire d'insertion et de probation dans la transmission de son enquête, un débat ait lieu devant le juge des libertés et de la détention, lequel sera alors mobilisé, comme le greffe, dans des délais contraints (cinq jours ouvrables).

A l'instar de la procédure actuelle, la présente étude considère que la tenue obligatoire d'un premier débat contradictoire serait prévue dans la réforme pour le prononcé de l'ARSE sous condition suspensive.

Dès lors, en l'absence d'enquête de faisabilité communiquée par le SPIP dans les 10 jours ou si l'enquête conclut à l'impossibilité de mettre en place la mesure d'ARSE, la tenue d'un deuxième débat contradictoire pourrait représenter une mobilisation supplémentaire d'ETPT.

 Le nombre théorique de mesures d'ARSE sous condition suspensive pourrait être de 8 700 mesures annuelles au niveau national. Ce chiffre correspond au volume moyen sur une année des personnes mises en examen ayant fait l'objet d'une détention provisoire sans qu'une ARSE n'ait été prononcée au préalable.

Toutefois, il convient d'indiquer que ce volume correspond à une estimation très majorée car, dans cette hypothèse, cela viendrait à considérer que l'ensemble des mesures de détentions provisoires aujourd'hui prononcées par le juge des libertés et de la détention en matière correctionnelle dans le cadre d'une instruction serait remplacé par ce nouveau dispositif d'ARSE sous condition suspensive. En pratique, toutes les mesures de détention provisoires ne seront pas remplacées au regard des éléments d'enquête et de l'instruction en possession du magistrat saisi du dossier.

Il convient aussi de distinguer au sein de ce volume, les mesures d'ARSE effectivement prononcées au terme de l'enquête de faisabilité.

Le placement sous contrôle judiciaire constitue également toujours une mesure à la disposition de l'autorité judiciaire. En 2021, en matière délictuelle, le nombre de personnes jugées pour des faits passibles de trois ans ou plus d'emprisonnement et précédés d'un placement sous contrôle judiciaire s'est élevé à 55739.

Une projection adaptée du nombre de mesures d'ARSE sous condition suspensive prononcées par l'autorité judiciaire pourrait correspondre à près de 2000 mesures annuelles au niveau national ; soit un ratio comprenant près d'un quart du nombre de personnes mises en examen ayant fait l'objet d'une détention provisoire sur une année en matière correctionnelle.

Ainsi, la charge de travail induite par cette nouvelle procédure a été estimée en prenant en compte les trois hypothèses suivantes :

- Hypothèse 1 : 10% des mesures prononcées feront l'objet d'une absence de faisabilité ou d'une absence de retour d'enquête de faisabilité par le SPIP ;

- Hypothèse 2 : 20% des mesures prononcées feront l'objet d'une absence de faisabilité ou d'une absence de retour d'enquête de faisabilité par le SPIP ;

- Hypothèse 3 : 30% des mesures prononcées feront l'objet d'une absence de faisabilité ou d'une absence de retour d'enquête de faisabilité par le SPIP.

S'agissant des magistrats du siège, le référentiel Degrandi estime à 1 680 le ratio d'affaires traitées par le juge des libertés et de la détention sur une année, soit un temps de travail de 59,4 minutes par affaire, toute mesure de sûreté confondue.

S'agissant de la charge de travail des magistrats du parquet, le référentiel Michel estime à 20 minutes le temps nécessaire à la formulation de réquisitions du procureur de la République au juge des libertés et de la détention.

La charge de travail des fonctionnaires de greffe est estimée par la typologie Outilgref TJ240 à 60 minutes en hypothèse normale, ce qui correspond au temps nécessaire au traitement d'une mesure de détention provisoire ou de contrôle judiciaire formulée devant le juge des libertés et de la détention. Il n'existe pas de typologie propre à la mise en oeuvre d'une mesure d'ARSE. L'application de ces minutages aux hypothèses précédemment décrites permet d'évaluer la charge de travail supplémentaire des juges des libertés de la détention, des magistrats du parquet et des fonctionnaires de greffe comme il suit :

 

Besoins estimés en ETPT en l'absence d'enquête de faisabilité dans les délais ou d'impossibilité de mise en place de l'ARSE

 

Hypothèse 1 (10%)

Hypothèse 2 (20%)

Hypothèse 3 (30%)

Juges des libertés et de la détention

0,12

0,3

0,4

Magistrats du parquet

0,12

0,1

0,12

Fonctionnaires de greffe

0,2

0,3

0,5

Cependant, en cas de faisabilité du dispositif, le juge des libertés et de la détention ne sera, à l'inverse, pas de nouveau saisi et n'aura pas également la charge de statuer sur des demandes de mise en liberté qui auraient été réalisées par la personne mise en examen, si elle avait été, à la place, placée en détention provisoire. De la même manière, un gain en ETPT pourra être avancé dans la mesure où toutes les personnes placées sous ARSE n'auront pas à faire l'objet d'un débat contradictoire en vue d'une prolongation de détention si la détention provisoire avait été décidée. Enfin, certains mis en examen (ou leurs avocats) ne demanderont plus un report du débat contradictoire dans les trois jours pour leur permettre d'apporter des pièces en faveur d'un ARSE, puisque le juge des libertés pourra ordonner cette ARSE sous réserve de vérification de la faisabilité de cette mesure.

Il est donc ainsi possible que les besoins supplémentaires en ETPT soient totalement compensés par les gains en ETPT (évoqués ci-dessous) apportés par la réforme.

4.5. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

4.5.1. Impacts sur les services pénitentiaires

Les modifications du projet de loi sont de nature à encourager la mise en oeuvre d'assignations à résidence sous surveillance électronique dans des cas qui jusqu'à présent étaient plutôt susceptibles de correspondre à des placements en détention provisoire.

L'objectif recherché par ces nouvelles dispositions est en effet de faire de l'assignation à résidence avec surveillance électronique une alternative plus fréquente à la détention provisoire.

Au 19 janvier 2023, l'administration pénitentiaire comptabilisait 72355 personnes détenues avec un taux d'occupation moyen de 119% et un flux d'entrants toujours élevé et supérieur au flux des sortants.

Sorties

Entrées

Détenus

Places opérationnelles

En 2022, l'administration pénitentiaire a recensé 62 303 personnes prévenues écrouées (dont 30 260 faisant l'objet d'une information judiciaire et 32 043 en comparution immédiate)77(*).

Public visé par le nouveau dispositif: prévenus correctionnels mis en examen susceptibles d'être placés en détention provisoire

Délimitation du volume des éligibles à partir du nombre de personnes jugées après avoir été mises en examen selon l'existence d'une mesure de sûreté

Étiquettes de lignes

2018

2019

2020

2021

2022

Moyenne 5 ans

ARSE (avec ou sans DP)

298

289

239

330

416

314

Dont Arse et DP

280

275

230

311

402

300

CJ (avec ou sans DP)

11 380

11 779

8 919

12 122

10 935

11 027

Dont Avec DP

4956

5286

4183

5531

5000

4 991

DP seule

4 318

4 061

3 100

3 638

3 448

3 713

Aucune MS

3 409

3 334

2 235

3 051

2 535

2 913

Personnes jugées

19 405

19 463

14 493

19 141

17 334

17 967

Dont après au moins une mesure de sûreté

15 996

16 129

12 258

16 090

14 799

15 054

Dont après DP, hors ARSE

9 274

9 347

7 283

9 169

8 448

8 704

Jugements correctionnels (TC et PRTGI) après Instruction, délits encourant 3 ans ou plus selon la mesure de sûreté

(Source : SDSE/SID Cassiopée, traitement PEPP)

Si l'on suppose que seules les personnes ayant fait l'objet d'une détention provisoire (hors ARSE) pourraient devenir le public cible, ce nombre s'élève théoriquement à 8 700 personnes par an.

A titre indicatif, la procédure d'instruction a généré chaque année environ 314 ARSE entre 2018 et 2022.

Néanmoins, s'agissant d'une mesure intermédiaire entre le placement sous contrôle judiciaire et le placement en détention provisoire, la probabilité d'un prononcé total de 8700 mesures d'ARSE sous condition suspensive, en équivalence du nombre de détention provisoire, apparait très limitée.

Si l'on envisage une appropriation de la nouvelle mesure d'ARSE à hauteur de 2000 mesures prononcées, il s'agirait donc d'envisager, selon une estimation moyenne, la saisine par le magistrat pour réalisation par le SPIP d'environ 4000 enquêtes de faisabilité. Celles-ci aboutiraient possiblement, sauf infaisabilité technique ou absence d'enquête de faisabilité, à la mise en oeuvre d'environ 2000 mesures d'ARSE, avec pose du dispositif de surveillance électronique puis suivi par le SPIP.

Il est donc à prévoir que les services pénitentiaires soient sollicités de manière accrue pour :

- effectuer les enquêtes de faisabilité nécessaires ;

- procéder à la pose du dispositif électronique sur les personnes qui seront concernées, ainsi qu'au bon paramétrage de ce dispositif au domicile ;

- procéder au suivi de cette mesure.

· Impacts liés à la réalisation de l'enquête de faisabilité :

Ø Le SPIP compétent (milieu fermé) réalise l'enquête lors de la saisine pour enquête de faisabilité : entretien, évaluation, sur la base des éléments présentés par la personne détenue ;

Ø Il saisit directement les autres antennes/SPIP compétents en fonction du lieu des investigations complémentaires à mener : visite à domicile, contrôle des justificatifs concernant les garanties de représentation de la personne mise en examen, autres vérifications si nécessaire, etc. ;

Ø Il rédige et transmet un rapport d'enquête au magistrat ;

Ø Il peut faire appel aux différents dispositifs d'insertion mobilisables, notamment pour s'assurer que le logement de la personne détenue restera à disposition de celle-ci à l'issue de son incarcération provisoire ou pour faciliter son accès à un hébergement autre.

Les délais de réalisation d'enquête sont donc variables en fonction des spécificités locales mais également de la situation de la personne. Néanmoins, au regard des impondérables (entretien avec la personne détenue, évaluation de la situation, vérification de la situation et de l'hébergement proposé (ex : visite à domicile), recueil des justificatifs nécessaires, rapport au magistrat), un délai de minimum 5 jours est requis (cf. délai prévu en cas d'aménagement ab initio assorti d'un mandat de dépôt) mais peut s'envisager à hauteur du double (10 jours) si des investigations supplémentaires s'avéraient nécessaires.

· Impacts liés à la pose du dispositif :

La mise en oeuvre de la nouvelle mesure d'ARSE est « subordonnée à la pose du dispositif technique de surveillance électronique ».

Sous le schéma de cette estimation, outre la nécessaire disponibilité du matériel78(*) lié aux 2000 mesures d'ARSE qui seraient prononcées chaque année, qui nécessitera un abondement en dispositifs, il convient :

Ø De prévoir une organisation efficiente afin de favoriser la pose du dispositif en détention, chronophage au regard des contraintes propres à la détention ;

Ø De mettre à disposition, si nécessaire, les agents de surveillance électronique du SPIP, actuellement positionnés en milieu ouvert, pour déplacement au sein du milieu fermé, pour pose du dispositif avant la sortie de détention ;

Ø D'assurer le paramétrage du dispositif au lieu d'assignation dans des délais nécessairement très rapprochés de la libération de l'intéressé.

· Impacts liés au suivi de la mesure d'ARSE :

Ø Assurer le suivi du volet technique de la mesure (agents de surveillance électronique) : traitement des alarmes, interventions techniques, etc...

Ø Assurer la prise en charge de la mesure (conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation et autres professionnels du SPIP).

· Impacts en termes de ressources humaines :

Ø Au regard des impacts ici précisés qu'engendreraient la mesure d'ARSE sous condition suspensive pour environ 4000 demandes d'enquête de faisabilité, il conviendrait de renforcer les SPIP des effectifs suivants :Conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation : 27 professionnels

Ø Personnels de surveillance (agents de surveillance électronique) : 17 professionnels

Ø Directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation : 3 professionnels

Soit un coût global, pour une projection du prononcé d'ARSE sous condition suspensive d'environ 2000 mesures, de 196671379(*) euros

Sous un schéma présentant une estimation très majorée, considérant une pleine appropriation de la nouvelle mesure, avec une demande d'enquête réalisée à hauteur du nombre de détention prononcée en une année, soit 8700, le renforcement des effectifs du SPIP représenterait un coût global de 3876232 euros (54 CPIP, 34 personnels de surveillance, 5 DPIP).

Ce coût est néanmoins à nuancer, des économies pouvant résulter de la diminution probable du nombre de personnes détenues, selon l'analyse suivante :

Une journée de placement sous PSE, assimilable à l'ARSE, est évaluée, pour les dépenses d'exploitation (hors dépenses de personnels) à 3,74 €.

Ainsi, pour 2 000 placements supplémentaires sur l'ensemble de la période, l'impact annuel peut être évalué à 2 730 200 €.

L'économie générée par les sorties de détention peut être intégrée en prenant en compte le coût marginal d'une journée de détention (hors EPM et CSL), soit 12,17 € par jour, par détenu.

Ainsi, pour 2 000 détenus, l'économie générée est estimée à 8 884 100 € par an.

En se fondant sur ces hypothèses, l'impact de la disposition envisagée peut être estimé comme suit :

   

Impact annuel T2 HCAS

      3 876 232,00

Impact annuel HT2

      2 730 200,00

Impact Total brut

      6 606 432,00

Economie annuelle JDD

-    8 884 100,00

Total net

-    2 277 668,00

Observations :

Au regard des conditions de mise en oeuvre envisagées, il conviendra de prévoir une articulation efficiente entre les différents acteurs.

La pose du dispositif nécessitera en effet de s'assurer de la disponibilité tant du matériel que des agents de surveillance électronique, avec une programmation et une anticipation des interventions.

4.5.2. Impacts informatiques

Comme toute évolution procédurale, les modifications proposées auront des conséquences sur l'ensemble des applicatifs pénaux du ministère de la Justice qui devront intégrer ces évolutions, et en particulier Cassiopée, Prisme, Genesis (nouvelles trames, nouveaux évènements à insérer dans les SI, etc.). Compte tenu de la construction de ces applicatifs, l'intégration aux feuilles de route de nouvelles évolutions peut se révéler chronophage et engendrer des coûts supplémentaires.

Dans le cadre des échanges entre le SPIP et l'autorité judiciaire, au regard de l'accroissement attendu du nombre de mesures d'ARSE, il conviendra d'envisager l'ouverture du nouvel applicatif PRISME (appelé à remplacer APPI - Application des peines, probation, insertion) aux juges d'instruction et aux juges des libertés et de la détention, non seulement en consultation mais également en accessibilité directe pour saisine du SPIP, transmission des enquêtes et traçabilité des informations via ce logiciel.

La gestion des alertes générées par les mis en examen sous ARSE sera compensée d'une part par des outils informatiques performants mis à disposition des juges d'instruction mais aussi par les gains obtenus suite à la diminution du nombre de détention provisoire donc d'ordonnances les concernant (demande de remise en liberté, saisine en vue d'une prolongation de détention, permis de communiquer...).

4.6. IMPACTS SOCIAUX

4.6.1. Impacts sur la société

Néant.

4.6.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.6.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.6.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.6.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.7. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.8. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration spécial, compétent pour l'ensemble des services pénitentiaires d'insertion et de probation, placé auprès du directeur de l'administration pénitentiaire, a été consulté.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Toutefois, ces dispositions n'entreront en vigueur que lorsque le décret d'application sera publié, dans la mesure où ce dernier est nécessaire à leur mise en oeuvre. Par ailleurs, une disposition différée d'entrée en vigueur à six mois a été prévue.

5.2.2. Application dans l'espace

Des modifications des « compteurs LIFOU » sont nécessaires (Cf. étude d'impact de l'article Outre-mer).

5.2.3. Textes d'application

Un décret simple d'application sera nécessaire pour permettre la mise en oeuvre de ces dispositions.

D. Choix laissé au procureur de la République d'ouvrir ou non une information judiciaire en cas de renvoi du ministère public à mieux se pourvoir dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, de comparution à délai différé et de convocation par procès-verbal

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La comparution immédiate, la comparution par procès-verbal et la comparution à délai différé sont trois modalités de saisine du tribunal correctionnel, prévues aux articles 393 à 397-7 du code de procédure pénale.

Ces procédures ont en commun la comparution personnelle du prévenu devant le procureur de la République avant la saisine du tribunal correctionnel, ainsi que la possibilité de prononcer des mesures de sûreté dans l'attente du jugement au fond.

- La comparution immédiate est un mode de poursuite rapide des délits : la personne mise en cause est déférée devant le procureur de la République puis immédiatement présentée devant le tribunal correctionnel pour être jugée.

Son introduction en procédure pénale peut être rattachée à une loi du 20 mai 1863, qui permettait au procureur de la République de placer la personne concernée sous mandat de dépôt, avant qu'elle ne comparaisse devant la juridiction de jugement.

Depuis, les possibilités de recourir à la comparution immédiate se sont multipliées80(*), cette procédure devenant même applicable à l'issue d'une enquête préliminaire. Son essor est en lien avec le développement du traitement en temps réel des infractions pénales, dans le cadre duquel le ministère public prend ses décisions d'orientation de la procédure pénale sur la base de comptes rendus téléphoniques réalisés par les enquêteurs.

Le choix de cette procédure se trouve par ailleurs encouragé par voie de circulaire dans le cadre de nombreuses politiques pénales (par exemple : circulaire du 18 juin 2021 relative à la lutte contre les rodéos urbains par la prise en charge à titre gracieux des véhicules utilisés).

Actuellement, la comparution immédiate est possible si l'emprisonnement encouru est égal ou supérieur à deux ans en cas d'enquête préliminaire, ou égal ou supérieur à six mois en cas d'enquête de flagrance (article 395 du code de procédure pénale). Cette procédure n'est pas applicable pour les délits de presse (sauf exceptions), les délits politiques et les infractions pour lesquelles la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale (article 397-6 du code de procédure pénale). La comparution immédiate ne peut pas non plus être mise en oeuvre en ce qui concerne les personnes qui étaient mineures au jour des faits (article 397-6) ; les majeurs protégés, eux, peuvent être poursuivis en comparution immédiate, sous réserve que soient respectées certaines règles spécifiques.

- La comparution par procès-verbal permet au procureur de la République d'inviter la personne déférée à comparaître devant le tribunal dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, sauf renonciation expresse de l'intéressé en présence de son avocat, ni supérieur à six mois.  Cette procédure est issue de la loi du 6 août 1975 instaurant la procédure de rendez-vous judiciaire.

Cette notification, mentionnée au procès-verbal dont copie est remise sur-le-champ au prévenu, vaut citation à personne.

Si le procureur de la République souhaite soumettre le prévenu jusqu'à sa comparution devant le tribunal à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique, il le traduit sur-le-champ devant le juge des libertés et de la détention, qui statue en chambre du conseil avec l'assistance d'un greffier.

La procédure de convocation par procès-verbal est applicable à tous les délits commis par des majeurs quelle que soit la peine encourue. En sont cependant exclus, comme en matière de comparution immédiate, les délits politiques ou les infractions dont la poursuite est prévue par une loi spéciale.

L'article 397-2 du code de procédure pénale précise les conditions dans lesquelles le tribunal peut décider de faire procéder à un supplément d'information. Il lui octroie également la faculté, si le tribunal estime que la complexité de l'affaire est telle qu'il convient de mener des investigations approfondies supplémentaires, de renvoyer le dossier au procureur de la République, dans tous les cas de saisine précités.

Cette possibilité donnée à la juridiction de jugement de ne pas juger une procédure pénale pourtant orientée ainsi par le ministère public a été ouverte par la loi n°86-1019 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance.

Depuis, son application a été précisée par la jurisprudence.

Dans un attendu de principe, la Cour de cassation a indiqué qu'il se déduit de l'article 397-2 du code précité que le procureur de la République doit requérir l'ouverture d'une information judiciaire lorsque la juridiction de jugement, saisie selon la procédure de comparution immédiate, lui renvoie le dossier en raison de la complexité de l'affaire et des investigations supplémentaires approfondies qu'elle nécessite (Crim. 21 novembre 2012, n°12-80.621, Bull. crim. 2012, n° 254). Elle juge également que lorsque, par un jugement définitif, le tribunal correctionnel s'est, même à tort, dessaisi sans statuer sur l'action publique en renvoyant le ministère public à mieux se pourvoir, le procureur de la république a la possibilité de reprendre les poursuites en ouvrant une information (Crim., 12 décembre 2012, pourvoi n° 12-82.905, Bull. crim. 2012, n° 276).

En cas de renvoi au ministère public, le tribunal doit statuer sur l'éventuelle détention provisoire du détenu concerné (article 397-2 alinéa 3) : si le maintien en détention est ordonné, la personne concernée reste sous-main de justice jusqu'à sa comparution devant le juge d'instruction, qui doit avoir lieu le jour même (sauf cas particulier mentionné au dernier alinéa).

Ainsi, l'article 397-2 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par la Cour de cassation, institue une seule réorientation possible de la procédure : l'ouverture d'une information judiciaire.

Ces dispositions sont ainsi critiquées par les praticiens en raisons de leur rigidité, en ce qu'elles imposent au procureur de la République de systématiquement requérir l'ouverture d'une information, alors que celle-ci peut ne pas apparaître justifiée par la complexité des investigations à diligenter.

Et précisément, depuis les arrêts précités, la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a instauré un mode de saisine supplémentaire, la comparution à délai différé, laquelle a pour objet d'éviter le recours à des informations judiciaires non nécessaires dans les hypothèses dans lesquelles le seul acte manquant est le retour des résultats de réquisitions, d'examens techniques ou médicaux déjà sollicités et qui auraient pour conséquence d'allonger, de fait, la durée des détentions provisoires.

Les quanta de peine permettant le recours à cette procédure sont les mêmes que ceux prévus pour la procédure de comparution immédiate.

Cette procédure, prévue à l'article 397-1-1 du code de procédure pénale, ne peut être décidée par le procureur de la République qu'à l'issue de la présentation devant ce magistrat faisant suite à un défèrement, après avoir entendu les observations du prévenu et de son avocat. Le prévenu est alors présenté devant le juge des libertés et de la détention qui statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d'assignation à résidence ou de détention provisoire après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat.

La détention n'est possible que si la peine encourue est d'au moins trois ans d'emprisonnement.

Les réquisitions du procureur doivent préciser les raisons justifiant le recours à la procédure de comparution à délai différé, en indiquant, s'il y a lieu, les actes en cours dont les résultats sont attendus. Le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois, faute de quoi il est mis fin d'office au contrôle judiciaire, à l'assignation à résidence ou à la détention provisoire.

L'article 397-2 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi précitée, prévoit désormais explicitement que peuvent faire l'objet d'un renvoi au procureur de la République par le tribunal correctionnel, sans ouverture obligatoire d'une information judiciaire, les dossiers poursuivis en comparution immédiate, convocation par procès-verbal ou comparution à délai différé81(*) dans l'objectif commun de limiter la détention provisoire.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les dispositions introduites à l'article 397-2 du code de procédure pénale par la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance ont fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel (décision n°86-215 DC du 3 septembre 1986).

Celui-ci les a déclarées conformes à la Constitution, après avoir notamment rappelé qu' « il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiés et que soient assurés aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

S'agissant du cadre conventionnel, les dispositions relatives à la comparution immédiate doivent notamment se conformer aux dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit à un procès équitable.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'opportunité des poursuites, pilier de l'organisation juridique de la procédure pénale française, a pour fondement l'article 40, alinéa 1er, du code de procédure pénale qui dispose que le procureur reçoit les plaintes et les dénonciations et « apprécie les suites à leur donner ». Ce principe permet d'adapter de manière efficace la réponse pénale aux situations diverses dont est saisie l'autorité judiciaire de manière à assurer la protection de l'ordre public tout en respectant les principes de nécessité et de proportionnalité.

L'importance de ce principe dans la mise en oeuvre d'une réponse pénale équilibrée est donc patente et a d'ailleurs été récemment affirmée par le Conseil constitutionnel qui en a fait l'un des contrepoids permettant d'affirmer la constitutionnalité de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, aux termes duquel « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. Il découle de l'indépendance de l'autorité judiciaire, à laquelle appartiennent les magistrats du parquet, un principe selon lequel le ministère public exerce librement, en recherchant la protection des intérêts de la société, son action devant les juridictions » (Conseil constitutionnel, décision n°2017-680 QPC du 08 décembre 2017).

Or, l'article 397-2 du code de procédure pénale tel qu'interprété par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 novembre 2012 offre la possibilité au tribunal de renvoyer le procureur de la République à mieux se pourvoir, lequel n'aurait pas d'autre choix que de saisir le juge d'instruction.

La ratio legis de l'article 397-2 est louable. Elle permet en effet d'éviter l'écueil, parfois rencontré en pratique, d'un parquet qui, par trop soucieux de gérer efficacement le flux des procédures qu'il traite en temps réel pour obtenir une réponse pénale immédiate, voit son action corrigée par un tribunal attentif à disposer d'une plénitude d'éléments avant de se prononcer.

Il n'a cependant pas nécessairement été question, à la genèse de l'article 397-2, d'obliger le procureur de la République à ouvrir une information judiciaire. En effet, lors de la deuxième séance des débats parlementaires du 2 juillet 1986 tenus avant l'adoption définitive du projet de loi, le Garde des Sceaux, s'exprimant devant l'Assemblée nationale, avait bien énoncé que « la décision d'ouverture d'une information judiciaire relèvera[it] naturellement de la seule compétence du parquet auquel une juridiction de jugement ne peut donner d'injonction » (JO, p. 2797). S'il avait précisé que, dans la pratique, le parquet serait conduit à ouvrir cette information, il n'était en aucun cas prévu d'en faire une obligation légale. Cela a été confirmé dans la circulaire du 10 septembre 1986 qui indiquait qu' « [i]l appartiendra[it] au magistrat du parquet de donner à l'affaire la suite qu'elle méritera » et envisageait que, « au cas où le parquet ne choisirait pas la voie de l'instruction préparatoire, (...) la personne maintenue en détention devra être mise en liberté » (circulaire CRIM 86-18-F.1/10.09.86).

Par ailleurs, l'absence de choix laissé au ministère public serait difficilement compréhensible, étant donné que les autres dispositions du code de procédure pénale permettant au tribunal de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir donnent le choix au parquet, selon la formule consacrée « renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera », tout en permettant au tribunal de prononcer un mandat de dépôt.

Tel est le cas par exemple lorsque le tribunal correctionnel est saisi de faits de nature criminelle (article 469 du code de procédure pénale), ou encore (article 706-20) lorsque le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants de Paris (en matière de terrorisme) se déclarent incompétents pour les motifs prévus par l'article 706-19 du même code (crime terroriste). Il en est de même pour les articles 697-1 (relatif à la justice militaire) et 702 (relatif aux infractions contre les intérêts de la nation en temps de guerre) du code de procédure pénale.

Le législateur utilise également la formule qui figure à l'article 393 du code de procédure pénale : « le procureur de la République soit procède comme il est dit aux articles 394 à 396, soit requiert l'ouverture d'une information, soit ordonne la poursuite de l'enquête, soit prend toute autre décision sur l'action publique en application de l'article 40-1 ».Dans ces hypothèses, le législateur ne permet pasau juge correctionnel (même en matière criminelle ou de terrorisme) d'imposer une ouverture d'instruction au procureur de la République.

L'interprétation faite de l'arrêt précité de la Cour de cassation pourrait priver le parquet de compléter son dossier par voie d'investigations complémentaires dans un cadre autre que celui de l'information judiciaire, par exemple en préliminaire, afin de saisir letribunal par une voie plus ordinaire (citation directe ou convention par officier de police judiciaire) ou de recourir à la comparution à délai différée, ce qui n'est pas conforme à l'équilibre institutionnel entre les autorités de poursuites et de jugement.

Par ailleurs, l'ouverture systématique d'une information judiciaire suite au renvoi à mieux se pourvoir par le tribunal est parfois contraire au principe de bonne administration de la justice. Tel est le cas, par exemple, dans l'hypothèse où le tribunal correctionnel, saisi dans l'urgence d'un dossier portant sur une matière complexe, comme par exemple la délinquance économique et financière, ou encore sur des affaires sérielles, renvoie le parquet à mieux se pourvoir, alors qu'aucune investigation complémentaire n'est nécessaire.

Le renvoi au procureur de la République sans imposer l'ouverture d'une information judiciaire permettra dans ces hypothèses de saisir le tribunal selon une procédure plus appropriée après un complément d'investigations, et d'éviter l'ouverture d'une information plus chronophage, entraînant de fait des délais de détention provisoire nécessairement plus importants. 

L'évolution proposée est comparable à la procédure existante en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. L'article 495-12 du code de procédure pénale dispose en effet que lorsque la personne déclare ne pas accepter la ou les peines proposées ou que le président du tribunal judiciaire ou son délégué rend une ordonnance de refus d'homologation, le procureur de la République saisit, sauf élément nouveau, le tribunal correctionnel selon l'une des procédures prévues par l'article 388 du code de procédure pénale ou requiert l'ouverture d'une information. La poursuite doit consister, si la personne avait été convoquée, soit en une convocation par procès-verbal immédiatement notifiée à l'intéressé par le magistrat du parquet, soit en une convocation en justice immédiatement notifiée par un greffier, et, si la personne avait été déférée, soit en une comparution immédiate, soit en une convocation par procès-verbal.

Le législateur a ainsi réservé l'hypothèse d'un « élément nouveau » qui pourrait conduire le procureur de la République à ne pas mettre en mouvement l'action publique, ce qui constitue une dérogation de fait au principe d'indisponibilité de l'action publique, que le présent projet souhaite étendre aux cas de renvoi du dossier au procureur de la République par le tribunal correctionnel. Cet article a été déclaré conforme aux droits et libertés garanties par la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 200482(*).

De surcroit, l'obligation d'ouvrir une information judiciaire n'impose pas nécessairement, par la suite, la saisine d'un tribunal puisque le procureur de la République peut in fine requérir un non-lieu et être suivi dans ce sens par le juge d'instruction.

L'ouverture d'une information judiciaire est nécessairement plus coûteuse en temps, tant pour l'institution judiciaire que pour les mis en cause et les victimes, au regard de l'encombrement actuel des cabinets d'instruction. En laissant au procureur de la République davantage de latitude sur les suites possibles à donner à la procédure, le gouvernement entend limiter le recours à des instructions longues et qui peuvent être évitées.

Une ouverture d'information judiciaire systématique peut, dans certaines hypothèses, être contraire au principe de bonne administration de la justice dans les cas où un abandon des poursuites serait finalement plus opportun, ou si des investigations supplémentaires, simples, peuvent être diligentées plus rapidement par le parquet.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il paraît donc souhaitable d'assouplir le dispositif prévu par l'article 397-2, afin de permettre au ministère public d'apprécier la suite à apporter à la procédure lorsque le tribunal correctionnel estime injustifié le recours à la comparution immédiate en raison de la complexité des faits.

Cela exige donc une modification de la rédaction de cet article.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

On aurait pu se demander si, outre la suppression de l'obligation systématique d'ouverture d'une information, il convenait de conserver les dispositions de l'article 397-2 prévoyant l'obligation pour le tribunal de se prononcer sur le maintien en détention provisoire de la personne.

En effet, cette détention, qui constitue plus un maintien de la personne à la disposition de la justice pour un temps très court - puisque la détention ne vaut que pour le jour même - n'est pas véritablement une détention provisoire.

Toutefois, cette rétention peut être plus longue en cas d'ouverture d'une information dans un autre tribunal où se trouve un pôle de l'instruction : elle peut alors atteindre cinq jours ouvrable.

Il a donc en l'état paru préférable de conserver ces dispositions.

Il aurait également pu être envisagé de limiter les possibilités offertes au procureur de la République suite au renvoi à mieux se pourvoir par le tribunal. Toutefois, en pratique, le procureur sera souvent contraint d'effectuer des investigations supplémentaires : soit par le biais d'un retour en enquête en préliminaire, soit par l'ouverture d'une information judiciaire, afin de pouvoir saisir de nouveau un tribunal d'un dossier plus étoffé.

Cependant, il est toujours possible que le dossier soit en réalité en état d'être jugé suite à la production par le prévenu de nouveaux éléments ou qu'à l'aune des premiers débats s'étant déroulés devant le tribunal, le procureur de la République estime préférable de procéder à un classement ou à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité sans investigations supplémentaires.

Aussi, le dispositif proposé offre au procureur de la République d'exercer de nouveau la plénitude de l'opportunité des poursuites.

Il aurait été également possible de ne pas encadrer les renvois de dossier pouvant avoir lieu entre le tribunal correctionnel et le procureur de la République. Toutefois, afin d'éviter une insécurité pour les prévenus et limiter la durée de la procédure, le dispositif retenu choisi de limiter le nombre de renvoi à mieux se pourvoir pouvant être décidés.

3.2. DISPOSITIF RETENU

La solution retenue consiste à modifier l'article 397-2, pour supprimer l'exigence d'ouverture d'information.

Il sera ainsi précisé que le tribunal décidera de renvoyer le dossier au procureur de la République afin qu'il donne à l'affaire les suites qu'il estime adaptées.

Les dispositions de l'article faisant état de la comparution de la personne devant le juge d'instruction feront par ailleurs état de sa comparution devant ce dernier si le procureur de la République décide de faire application de l'article 80 par souci de coordination.

Cette option permet ainsi de redonner au procureur de la République l'intégralité de l'opportunité des poursuites.

Ainsi, suite à la décision du tribunal correctionnel, le procureur de la République aura plusieurs voies :

- Ouvrir une information judiciaire si celle-ci lui apparait nécessaire ;

- Poursuivre des actes d'investigation sous la forme d'une enquête préliminaire, avant de saisir éventuellement de nouveau le tribunal selon la procédure qu'il estimera adéquate. Dans ce cas, l'enquête ne pourra excéder la durée prévue par l'article 75-3 du code de procédure pénale ;

- Saisir le tribunal correctionnel selon une autre voie : convocation par officier de police judiciaire, citation directe, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité si les faits sont reconnus, comparution à délai différé s'il s'agit uniquement d'ordonner une expertise manquante ;

- Procéder au classement de la procédure.

Cette réforme n'a pas pour conséquence d'augmenter la détention provisoire potentielle d'un prévenu. En effet, les durées de détention provisoire éventuellement effectuées dans le cadre de la première procédure (en comparution immédiate notamment) s'imputeront nécessairement sur la durée totale de la détention provisoire pouvant être prononcée selon le mode de poursuite finalement décidé, comme c'est le cas en droit positif lorsqu'une information est ouverte à la suite d'un renvoi de comparution immédiate ou lorsque deux gardes à vue se succèdent83(*)

De la même manière, les délais maximums de détention provisoire en matière correctionnelle visés à l'article 141-3 du code de procédure pénale ne pourront être dépassés. 

En outre, les dispositions de l'article 63 du code de procédure pénale relatives à la garde à vue seront applicables, le procureur de la République qui souhaiterait poursuivre les investigations sous la forme d'une enquête préliminaire ne pourrait placer de nouveau le suspect en garde à vue si la durée maximale de la garde à vue a déjà été atteinte avant l'engagement de la première poursuite.

L'article 397-2 est complété pour prévoir que si le tribunal correctionnel est de nouveau saisi par convocation par procès-verbal, comparution immédiate ou comparution à délai différé, le tribunal ne pourra à nouveau renvoyer le dossier au procureur de la République.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La réforme suppose de modifier l'article 397-2 du code de procédure pénale.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

La réforme permettra de limiter le nombre des informations, dans des hypothèses qu'il n'est pas possible de préciser, mais qui resteront cependant sans doute peu fréquentes.

Elle permettra dans certains cas au procureur de substituer à la procédure de comparution immédiate une procédure de comparution sur procès-verbal (avec contrôle judiciaire) voire de comparution à délai différé, telle qu'élargie par le présent projet de loi.

Concernant les magistrats du siège, le référentiel Degrandi permet d'estimer le minutage moyen applicable au traitement d'une procédure devant le tribunal correctionnel (toutes procédures confondues) qui correspond à 124 minutes (2h) et le minutage moyen applicable au traitement d'une affaire par le juge d'instruction saisi d'une ouverture d'information judiciaire, compris entre 1 248 minutes (21h) et 1 426 minutes (24h) par affaire.

Concernant les magistrats du parquet, le référentiel Michel distingue entre le temps nécessaire pour le traitement d'un déferrement donnant lieu à comparution immédiate/saisine du JLD/comparution sur procès-verbal assorti d'un placement sous contrôle judiciaire qui est estimé à 1 heure, et le temps nécessaire à l'ouverture d'une information judiciaire qui est estimé à 1 heure 30.

Concernant les fonctionnaires de greffe, le référentiel Outilgref estime à 1 800 minutes (30h) le temps moyen nécessaire au traitement d'une affaire nouvelle à l'instruction, en hypothèse normale par les fonctionnaires de greffe du siège.

Le référentiel Outilgref distingue par ailleurs s'agissant des fonctionnaires de greffe du parquet : le temps nécessaire à l'audiencement en matière de comparution sur procès-verbal qui est estimé à 35 minutes en hypothèse normale et le temps nécessaire à l'audiencement sur ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel estimé à 60 minutes en hypothèse normale.

Ainsi, la limitation du nombre d'ouverture d'informations judiciaires sera susceptible d'alléger de manière conséquente la charge de travail des magistrats et des fonctionnaires de greffe des juridictions.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Toutefois, une disposition différée d'entrée en vigueur a été prévue pour ces dispositions. Ces dispositions entreront donc en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804).

5.2.3. Textes d'application

Aucun décret d'application ne sera nécessaire pour permettre la mise en oeuvre de ces dispositions.

E. Compétence du juge des libertés et de la détention pour modifier un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique en cas de comparution immédiate, convocation par procès-verbal et comparution différée et unification des délais de jugement en matière de comparution immédiate

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Compétence du juge des libertés et de la détention pour modifier un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique dans le cadre de la procédure de comparution sur procès-verbal, comparution immédiate et comparution différée.

S'agissant du contrôle judiciaire :

L' article 397-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuelle issue de la loi n°83-466 du 10 juin 1983, prévoit la possibilité pour le tribunal saisi dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, de convocation par procès-verbal ou de comparution différée de placer ou maintenir le prévenu sous contrôle judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 141-1 du code de procédure pénale.

L' article 141-1 du code de procédure pénale prévoit que les pouvoirs conférés au juge d'instruction par les articles 139 et 140 du même code appartiennent à la juridiction compétente selon les distinctions de l'article 148-1. Il s'agit :

- De la possibilité pour le tribunal correctionnel de placer la personne sous contrôle judiciaire (art. 139 al. 1) ;

- De la possibilité pour le tribunal correctionnel, à tout moment, d'imposer à la personne placée sous contrôle judiciaire une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer tout ou partie des obligations comprises dans le contrôle, modifier une ou plusieurs de ces obligations ou accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d'observer certaines d'entre elles (art. 139 al. 2) ;

- De la possibilité pour le tribunal correctionnel de prononcer la mainlevée du contrôle judiciaire, soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur la demande de la personne après avis du procureur de la République (art. 140).

La loi n°2006-399 du 4 avril 2006 a complété l' article 397-3 afin de préciser que si le prévenu placé sous contrôle judiciaire se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention pour qu'il décerne mandat d'arrêt ou d'amener à son encontre. Ce juge est également compétent pour ordonner, conformément aux dispositions de l'article 135-2, le placement en détention provisoire de l'intéressé. Les attributions confiées au juge d'instruction par les articles 141-4 et 141-5 sont alors exercées par le procureur de la République.

S'agissant de l'assignation à résidence sous surveillance électronique :

L' article 142-12 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009, dispose que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure alternative à la détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique dans les cas prévus par les articles 135-2, 145, 148, 201, 221-3, 272-1, 397-3, 695-34 et 696-19.

Cette mesure peut être levée, maintenue, modifiée ou révoquée par les juridictions d'instruction et de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire en application des articles 148-2, 148-6, 213, 272-1, 695-35, 695-36, 696-20 et 696-21.

Le tribunal correctionnel peut donc placer la personne sous assignation à résidence avec surveillance électronique mais aussi lever, maintenir, modifier ou révoquer la mesure, selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire évoquées ci-dessus.

L'article 142-8 précise, par ailleurs, que la personne qui ne respecte pas les obligations résultant de l'assignation à résidence avec surveillance électronique peut faire l'objet d'un mandat d'arrêt ou d'amener et être placée en détention provisoire, conformément à l'article 141-2.

Si le procureur de la République a alors la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention, conformément à l'article 141-2, afin d'obtenir le placement en détention provisoire du prévenu qui ne respecterait pas les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique (article 142-8), le juge des libertés et de la détention ne peut en revanche modifier les obligations de ces mesures.

A titre d'exemple, dans le cadre de la procédure de convocation par procès-verbal de l'article 394 du code de procédure pénale, le procureur de la République, s'il estime nécessaire de soumettre le prévenu jusqu'à sa comparution devant le tribunal à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou de le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique, peut traduire ce dernier sur-le-champ devant le juge des libertés et de la détention, qui peut prononcer l'une de ces mesures dans les conditions et suivant les modalités prévues par les articles 138, 139, 142-5 et 142-6. Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2 sont alors applicables, ainsi que celles de l'article 141-4. Le procureur de la République peut alors seulement saisir le juge des libertés et de la détention pour ordonner le placement en détention provisoire de l'intéressé.

1.1.2. Les différents délais de jugement en matière de comparution immédiate

Aux termes de l'article 397-1 du code de procédure pénale, modifié par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004, lorsque le procureur de la République décide de recourir à la procédure de comparution immédiate mais que le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou si l'affaire ne paraît pas en état d'être jugée, le tribunal peut renvoyer l'affaire à une prochaine audience, qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, sauf renonciation expresse du prévenu, sans être supérieur à six semaines.

Lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans d'emprisonnement, le prévenu, informé de l'étendue de ses droits, peut demander que l'affaire soit renvoyée à une audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois, sans être supérieur à quatre mois.

Conformément aux dispositions de l'article 397-3 alinéa 3, lorsque le prévenu est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans les deux mois qui suivent le jour de sa première comparution devant le tribunal. Faute de décision au fond à l'expiration de ce délai, il est mis fin à la détention provisoire. Le dernier alinéa dudit article précise que lorsqu'il a été fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 397-1, le délai est porté de deux à quatre mois. En conséquence, lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans d'emprisonnement et que le tribunal a placé le prévenu en détention provisoire, le délai dans lequel le jugement au fond doit être rendu est porté à quatre mois.

L'article 397-1-1 du code de procédure pénale, qui définit le cadre applicable à la procédure de comparution à délai différé, précise que le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois, à défaut de quoi il est mis fin d'office au contrôle judiciaire, à l'assignation à résidence avec surveillance électronique ou à la détention provisoire.

1.1.3. Circulaires d'application

La circulaire CRIM 02-16-E8-08.11.02 (JUSD0230179C) du 8 novembre 2002 de présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a précisé que, revenant sur une modification résultant de la loi du 15 juin 2000, le législateur a modifié l'article 397-3 du code de procédure pénale afin de rétablir à deux mois, au lieu d'un mois, le délai dans lequel doit être jugé le prévenu détenu. L'abaissement de ce délai à un mois qui avait été opéré par la loi du 15 juin 2000 avait en effet suscité un certain nombre de difficultés d'application, notamment en matière de délits sexuels pour lesquels une expertise médicale est obligatoire, la réalisation d'une telle expertise pouvant parfois demander plus d'un mois, et obliger à remettre le prévenu en liberté.

La circulaire CRIM 2006-10 (JUSD0630054C) du 19 avril 2006 présentant les dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a présenté les nouvelles dispositions de l'article 397-3 du code de procédure pénale, précisant que si le prévenu placé sous contrôle judiciaire se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, sont alors applicables les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2, prévoyant la révocation du contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention.

La circulaire JUSD1020921C du 03 août 2010 de présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, présente les dispositions de l'article 141-4 du code de procédure pénale permettant d'interpeller et de retenir une personne mise en examen ou un prévenu placé sous contrôle judiciaire lorsqu'il ne respecte pas ses obligations d'éloignement.

La circulaire CRIM-10-9/E8 (JUSD1013203C) du 18 mai 2010 relative à la présentation des dispositions sur l'assignation à résidence avec surveillance électronique résultant de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et du décret du 1er avril 2010 précise que d'une manière générale, l'article 142-12 prévoit que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure alternative à la détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique dans les cas où elles peuvent prononcer un contrôle judiciaire (notamment dans le cas prévu par l'article 397-3 en matière de comparution immédiate) et que l'ARSE peut être levée, maintenue, modifiée ou révoquée par les juridictions d'instruction et de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 portant sur l'examen des dispositions de la loi n°81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions des articles 397, 397-1, 397-2, 397-3, 397-4, 397-5 du code de procédure pénale étaient conformes à la Constitution. Il a notamment relevé que ces dispositions procuraient au justiciable, en ce qui concerne sa liberté individuelle, « les mêmes garanties que celles dont il bénéficierait devant le juge d'instruction ; qu'en effet, aucun mandat de dépôt ou mesure restreignant sa liberté ne peut émaner que d'un magistrat du siège ; que les voies de recours contre de telles décisions sont les mêmes que si celles-ci émanaient du juge d'instruction ; que les conditions auxquelles est subordonnée la possibilité de mandats de dépôt ou de mesures de contrôle judiciaire ne sont pas liées au choix par le procureur de la République de l'une des procédures de saisine directe »84(*). Il a également relevé que « quelle que soit l'option faite par le procureur de la République entre les diverses voies de poursuites et sans égard au fait qu'il y a eu ou non une information préalable confiée à un juge d'instruction, le jugement de l'affaire au fond appartenait à la même juridiction ; que celle-ci, éclairée au besoin par le supplément d'information qu'elle pouvait ordonner en toute hypothèse, devait statuer sur la culpabilité du prévenu, toujours présumé innocent, selon des règles de forme et de fond identiques ». Le Conseil en a conclu que ces dispositions n'étaient contraires ni aux droits de la défense, ni à l'égalité devant la justice.

Dans sa décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986 portant sur la loi n° 86-1019 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance, le Conseil constitutionnel a jugé que la modification de l'article 397-1 du code de procédure pénale, visant à permettre au tribunal, s'il lui semble que la complexité de l'affaire nécessite des investigations complémentaires qui ne peuvent être menées à bien que par un supplément d'information, de rendre une décision qui implique un abandon de la procédure de comparution immédiate, était conforme à la Constitution. Il a ainsi relevé qu'il était loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense85(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

- Compétence du juge des libertés et de la détention pour modifier un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique dans le cadre de la procédure de comparution sur procès-verbal, comparution immédiate et comparution différée.

Le dispositif retenu modifie le code de procédure pénale, ce qui rend nécessaire le recours à la loi, en application de l'article 34 de la Constitution.

En l'état du droit, lorsque le tribunal saisi dans le cadre de la comparution immédiate, ou de la procédure de convocation par procès-verbal (article 394) place ou maintient le prévenu sous contrôle judiciaire, la juridiction appelée à statuer, en application des articles 141-1 et 148-1 du code de procédure pénale, doit à nouveau se réunir en cas de demande de mainlevée totale ou partielle du contrôle judiciaire (article 148-2) ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique (article 142-12).

Elle doit également se réunir lorsqu'elle souhaite modifier les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique.

Il apparaît donc nécessaire de légiférer afin d'alléger l'organisation des audiences et la charge du tribunal correctionnel des demandes de mainlevée et de modification des mesures de contrôle judiciaire et d'assignation à résidence avec surveillance électronique, et de confier leur examen au juge des libertés et de la détention.

En effet, le tribunal correctionnel est obligé, en l'état du droit, de se réunir en urgence (dans les dix jours de la demande en vertu de l'alinéa 2 de l'article 148-2), mobilisant ainsi trois magistrats alors que ces demandes, dont la complexité peut être faible et pour lesquelles l'atteinte aux libertés est plus faible que la détention provisoire, peuvent être également examinées par le juge des libertés et de la détention, qui lui-même d'ailleurs est déjà compétent pour décider d'une détention provisoire dans le cadre d'une révocation du contrôle judiciaire d'un prévenu convoqué devant le tribunal correctionnel. Il apparaît ainsi incohérent que le juge des libertés puisse révoquer le contrôle judiciaire mais ne puisse pas le modifier à la demande des parties, notamment en cas d'inadaptation de celui-ci par l'effet d'un élément nouveau.

- Unification des délais de jugement en matière de comparution immédiate

En l'état du droit, lorsque le prévenu est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans les deux mois qui suivent le jour de sa première comparution devant le tribunal. Faute de décision au fond à l'expiration de ce délai, il est mis fin à la détention provisoire. Le prévenu, s'il n'est pas détenu pour une autre cause, est mis d'office en liberté. Toutefois, lorsque la peine d'emprisonnement encourue est supérieure à 7 ans, le délai dans lequel le jugement doit être rendu passe de deux à quatre mois.

Or, en pratique de nombreuses difficultés se présentent sur l'application de ces délais notamment lorsque plusieurs prévenus sont poursuivis et que soit chacun opte pour un délai différent, soit encourant des peines d'emprisonnement différentes se voient nécessairement offrir des délais de renvois différents. Malgré les efforts des juges, très souvent, cela aboutit à ce que les prévenus soient jugés à des audiences différentes, ce qui est contraire à une bonne administration de la justice.

Il est donc nécessaire de légiférer afin d'unifier ces délais de jugement.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le premier objectif est de décharger le tribunal correctionnel en confiant au juge des libertés et de la détention les demandes de modification ou de mainlevée des mesures de contrôle judiciaire, mais également les demandes de modification ou de mainlevée des mesures d'assignation à résidence avec surveillance électronique.

Cette mesure permettra de ne mobiliser qu'un seul juge au lieu de trois actuellement, puisque le tribunal correctionnel est composé de trois magistrats lorsqu'il siège en formation collégiale.

Le second objectif est d'unifier et d'harmoniser les délais de jugement lorsque le prévenu est placé en détention provisoire, pour davantage de simplicité et de lisibilité, tant pour les professionnels de justice que pour le justiciable.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIFS RETENUS

3.1. OPTION ENVISAGÉE

Il n'a pas été choisi de confier au juge des libertés et de la détention la possibilité de se prononcer sur une demande de mise en liberté lorsque la juridiction appelée à statuer décide du placement en détention provisoire du prévenu, conformément à l'article 397-3 alinéa 2.

En effet, selon les dispositions de l'article 148-2 du code de procédure pénale, toute juridiction appelée à statuer, en application des articles 141-1 et 148-1, sur une demande de mainlevée totale ou partielle du contrôle judiciaire ou sur une demande de mise en liberté se prononce après avoir entendu le ministère public, le prévenu, auquel est préalablement notifié son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés, ou son avocat.

L'importance de la décision quant au maintien d'un prévenu en détention provisoire doit demeurer la prérogative du tribunal correctionnel statuant en formation collégiale.

Il aurait pu être envisagé de maintenir la possibilité, pour le prévenu poursuivi pour les infractions les plus graves, de demander un délai minimal de renvoi plus long. Cette solution n'a toutefois pas été retenue, d'une part car les infractions les plus sévèrement réprimées ne constituent pas nécessairement les dossiers les plus complexes dans lesquels un temps plus long est nécessaire pour préparer sa défense, et d'autre part car cela aurait de nouveau introduit des délais différenciés, source de complexité à laquelle le projet de loi entendre mettre fin.

3.2. DISPOSITIF RETENU

- L'extension des missions confiées au juge des libertés et de la détention

L'article 397-3 du code de procédure pénale est complété par un nouvel alinéa afin de confier au juge des libertés et de la détention l'examen des demandes de modification ou de mainlevée de la mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique.

Le juge des libertés et de la détention pourra être saisi à tout moment par le procureur de la République ou par le prévenu en vue d'imposer à ce dernier une ou plusieurs obligations nouvelles, de supprimer tout ou partie des obligations comprises dans la mesure, de modifier une ou plusieurs de ces obligations ou d'accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d'observer certaines d'entre elles.

Le juge des libertés et de la détention statuera au vu des réquisitions du ministère public et, sauf s'il fait droit à la demande du prévenu, après audition du celui-ci, assisté s'il y a lieu par son avocat.

- L'unification des délais de jugement en cas de détention provisoire

Alors que le jugement au fond doit être rendu dans les deux mois qui suivent le jour de la première comparution dans le cadre de la procédure de comparution immédiate et de comparution à délai différé, ce délai est de quatre mois lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans d'emprisonnement.

Afin d'harmoniser ces délais de jugement, l'article 397-1 est modifié afin de prévoir désormais un délai unique de dix semaines, quelle que soit la peine encourue, pour juger l'affaire en cas de renvoi demandé par le prévenu. L'article 397-3 alinéa 5 est supprimé et l'alinéa 4 est modifié afin de porter de deux à trois mois le délai dans lequel le jugement au fond doit être rendu, suivant le jour de la première comparution du prévenu devant le tribunal.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La réforme nécessite la modification des articles 397-1 et 397-3 du code de procédure pénale.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Ces mesures de simplification visent à alléger la charge des services judiciaires.

Le nombre de demandes de modification et de mainlevée d'une mesure de contrôle judiciaire ou d'une mesure d'assignation à résidence sous surveillance électronique actuellement traitées par le tribunal correctionnel, dans le cadre des procédures visées par la réforme, correspond, selon les données PHAROS recueillies à partir des saisies informatiques sur Cassiopée, à 664 mesures par an en moyenne sur les 3 dernières années.

La réforme ne modifiera pas significativement la charge de travail des fonctionnaires de greffe et le temps de travail du JLD sera équivalent à celui du président du tribunal correctionnel.

Toutefois, cette nouvelle procédure ne mobilisera plus les deux assesseurs siégeant au tribunal correctionnel, ni le magistrat du parquet qui pourra produire des réquisitions écrites et ne pas assister au débat.

En outre, la mobilisation d'un seul magistrat au lieu de trois pour statuer rend plus aisé l'audience ment et diminue le temps de délibéré.

L'efficacité de la justice pénale s'en trouvera donc ainsi renforcée.

4.5. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

4.5.1. Impacts sur les services pénitentiaires

Les modifications du projet de loi sont de nature à diminuer la durée des détentions provisoires, puisque celles-ci seront d'au maximum trois mois avant l'audience de jugement lorsque le prévenu est placé en détention provisoire, contre quatre mois actuellement lorsque le prévenu encourt une peine d'emprisonnement supérieure à sept ans.

Ces modifications permettront une meilleure visibilité et une unification du délai dans lequel le jugement au fond doit être rendu.

4.5.2. Impacts informatiques

Les impacts informatiques seront limités, notamment pour les dispositions sur les délais de renvoi maximum, puisque les modifications réalisées s'appuieront sur les applicatifs et dispositifs existants, qu'il conviendra toutefois de mettre à jour au regard de ces modifications législatives.

4.6. IMPACTS SOCIAUX

4.6.1. Impacts sur la société

Néant.

4.6.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.6.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.6.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.6.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.7. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.8. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Toutefois, une entrée en vigueur différée a été prévue pour ces dispositions (Cf. étude d'impact de l'article entrée en vigueur). Elles entreront en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804).

5.2.3. Textes d'application

Aucun décret d'application ne sera nécessaire pour permettre la mise en oeuvre de ces dispositions.

F. Possibilité de prononcer une assignation à résidence sous surveillance électronique en cas de détention provisoire irrégulière

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le non-respect des délais dans lesquels il doit être statué en matière de détention provisoire peut entraîner l'irrégularité de la détention et donc la remise en liberté de la personne, ordonnée par la juridiction saisie si c'est elle qui constate l'irrégularité de la détention, et par le ministère public dans les autres cas - ce dernier intervient, conformément à l'article 66 de la Constitution, en tant que garant des libertés individuelles.

Toutefois, cette remise en liberté n'interdit pas, si les conditions de la détention provisoire sont toujours remplies, de décider d'une nouvelle détention.

A ce titre, la question d'un nouveau placement en détention après une détention irrégulière a fait l'objet d'une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation :

- Dans un arrêt du 30 avril 2002, la chambre criminelle a d'abord imposé des circonstances nouvelles pour justifier un nouveau placement en détention provisoire (Crim., 30 avr. 2002, n° 02-81.201).

- Toutefois, deux autres décisions de la même chambre ont par la suite précisé que lorsqu'un mandat de dépôt est annulé pour vice de forme, aucune disposition du code de procédure pénale n'interdit de placer à nouveau en détention provisoire la personne mise en examen, dans la même information et à raison des mêmes faits, sans qu'il y ait lieu de constater l'existence de circonstances nouvelles (Crim., 3 sept. 2003, n°03-83.068 ; Crim., 1 février 2005, n°04-86.768). La Cour de cassation précise que, dans cette hypothèse, le juge des libertés et de la détention peut délivrer un nouveau mandat sans qu'il soit besoin d'établir l'existence de circonstances nouvelles.

- Plus récemment, la Cour de cassation a pu estimer qu'il résultait des articles 803-7 et 144 du code de procédure pénale que le juge des libertés et de la détention ne peut délivrer à l'encontre d'une personne remise en liberté et placée sous contrôle judiciaire, après que la chambre de l'instruction a constaté l'irrégularité de son placement en détention provisoire pour non-respect des formalités prévues, un nouveau mandat de dépôt à raison des mêmes faits, et dans la même information, que lorsque des circonstances nouvelles entrant dans les prévisions de l'article 144 du code de procédure pénale justifient la délivrance de ce nouveau titre d'incarcération (Crim, 6 mai 2020, n°20-81.136).

Il importe cependant d'observer qu'un nouveau placement en détention ne peut être ordonné au moment même où l'irrégularité de la détention est constatée, mais ultérieurement, selon les conditions prévues par le code de procédure pénale. Cette règle résulte de l'article 803-7 du code de procédure pénale qui dispose qu'en cas de remise en liberté pour cause de détention provisoire irrégulière, la juridiction prononçant la remise en liberté peut placer sous contrôle judiciaire ou le procureur de la République saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement sous contrôle judiciaire.

Le présent projet de loi ne traite pas de cette question, puisqu'elle est réglée par la jurisprudence et qu'il n'est par ailleurs pas possible de modifier la loi pour permettre un nouveau placement en détention intervenant immédiatement à la suite de la constatation de l'irrégularité de la détention. En effet, un nouveau placement en détention exige un débat contradictoire avec présentation de la personne et, surtout, une convocation préalable de son avocat dans les délais légaux.

Il résulte ainsi de la jurisprudence et de la nécessité de respecter les garanties légales que si un nouveau placement en détention est possible, il ne peut être immédiat et suppose donc en pratique que la personne n'ait pas pris la fuite.

La loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale a créé l' article 803-7 du code de procédure pénale, afin de pallier les difficultés rencontrées par les juridictions. Désormais, lorsqu'une juridiction ordonne la mise en liberté immédiate d'une personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison du non-respect des délais ou formalités prévus par le présent code, elle peut, dans cette même décision, placer la personne sous contrôle judiciaire si cette mesure est indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l' article 144 du code de procédure pénale.

Comme le souligne la circulaire du 17 juin 2016 de présentation des dispositions générales de la loi du 3 juin 2016, ces dispositions, qui s'appliquent lorsque le vice de procédure justifiant la mise en liberté est constaté par la juridiction saisie, ne font en réalité que consacrer et préciser la jurisprudence de la Cour de cassation précitée, spécialement en n'exigeant pas un élément nouveau pour placer la personne sous contrôle judiciaire.

Le second alinéa de l'article 803-7, qui s'applique hors les cas prévus par le premier alinéa, constituait une nouveauté procédurale en prévoyant que, lorsque le procureur de la République ordonne la libération d'une personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison du non-respect des délais ou des formalités prévus par le code de procédure pénale, celui-ci peut saisir sans délai le juge des libertés et de la détention de réquisitions tendant au placement immédiat de la personne concernée sous contrôle judiciaire si cette mesure est indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du code de procédure pénale.

Le juge des libertés et de la détention statue sur dossier, au vu des éléments communiqués par le procureur, la loi n'exigeant pas la tenue d'un débat contradictoire en présence de la personne pour la placer sous contrôle judiciaire. Il n'est pas prévu que la personne puisse former appel contre cette décision, mais elle peut immédiatement déposer une demande de mainlevée du contrôle judiciaire, qui sera alors examinée conformément aux dispositions des articles 141-1 et 148-2 du code de procédure pénale.

Il convient de noter que ce n'est pas au juge des libertés et de la détention d'ordonner la mise en liberté de la personne, celle-ci pouvant résulter, comme par le passé, des instructions du procureur de la République, en tant que magistrat garant des libertés individuelles et auquel l'article 432-5 du code pénal impose, lorsqu'aucune juridiction est saisie, de mettre fin lui-même à une détention illégale.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans son avis du 28 janvier 2016 portant sur la loi n°2016-731 du 3 juin 2016, le Conseil d'Etat a estimé, concernant la création de l'article 803-7 du code de procédure pénale, qu'aucune exigence conventionnelle ou constitutionnelle ne faisait obstacle à ce que soit conférée à la juridiction compétente - ou, si aucune juridiction n'est effectivement saisie de la procédure, au juge des libertés et de la détention saisi par le ministère public - la possibilité de placer immédiatement sous contrôle judiciaire la personne mise en liberté d'office en raison d'une irrégularité affectant son titre de détention provisoire tenant au non-respect des délais ou des formalités prévues par le code de procédure pénale.

La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale n'a fait l'objet d'aucune saisine du Conseil constitutionnel.

L'article 803-7 du code de procédure pénale n'a fait l'objet d'aucune question prioritaire de constitutionnalité.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le dispositif retenu modifie l'article 803-7 code de procédure pénale, ce qui rend nécessaire le recours à la loi en application de l'article 34 de la Constitution.

En effet, dans bien des situations, les obligations et interdictions du contrôle judiciaire sont insuffisantes pour atteindre les objectifs que la détention provisoire était censée garantir (éviter la réitération des faits, protéger la victime, éviter la fuite du mis en examen...).

Le régime plus strict de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, permettra néanmoins de mieux garantir ces différentes finalités que dans les conditions précédemment permises.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il est proposé de permettre que soit placée sous assignation à résidence sous surveillance électronique une personne dont la libération est ordonnée à la suite de la constatation de l'irrégularité de sa détention provisoire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

En ce qui concerne les détentions irrégulières, n'ont pas été retenues les options suivantes, considérées comme portant une atteinte excessive à la liberté individuelle :

- Permettre d'ordonner immédiatement à nouveau la détention lorsqu'est constatée l'irrégularité de la détention en cours : cette solution ne permet en effet pas de respecter les conditions premières d'un placement en détention, qui constituent des garanties légales répondant à des exigences constitutionnelles, à savoir la tenue d'un débat contradictoire en présence de la personne et de son avocat préalablement convoqué.

- Donner un délai aux juridictions pour régulariser la détention à partir du moment où elles sont informées de son caractère irrégulier : cette solution conduirait en effet à prolonger une détention irrégulière.

3.2. OPTION RETENUE

La possibilité de placer sous assignation à résidence sous surveillance électronique une personne dont la libération est ordonnée à la suite de la constatation de l'irrégularité de sa détention provisoire sera ajoutée à l'article 803-7 du code de procédure pénale, qui prévoit déjà le placement sous contrôle judiciaire.

Le placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique pourra être décidé de deux manières :

- Soit par la juridiction saisie, lorsqu'elle ordonnera la mise en liberté immédiate d'une personne dont la détention provisoire apparaît irrégulière en raison du non-respect des délais ou formalités prévus par la loi ;

- Soit par le juge des libertés et de la détention, lorsque, hors le cas ci-dessus, le procureur de la République ordonnera la libération d'une personne dont la détention provisoire lui apparaît irrégulière. Le procureur pourra alors saisir sans délai le juge des libertés et de la détention de réquisitions tendant à son placement immédiat sous assignation à résidence avec surveillance électronique.

Ainsi, si une personne mise en examen et détenue en raison de violences graves et répétées contre sa compagne forme de multiples demandes de mise en liberté et fait systématiquement appel des décisions de refus, et que la chambre de l'instruction omet de statuer dans les délais légaux sur le énième appel formé, la personne alors libérée pourra se voir imposer le port d'un bracelet électronique avec l'obligation de rester à son domicile, ce qui préviendra le risque de récidive. Si elle ne respecte pas ses obligations, elle pourra être à nouveau placée en détention.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La réforme suppose de modifier l'article 803-7 du code de procédure pénale.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Néant.

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mise en place de l'ARSE a des impacts pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation qui seront mobilisés, dans le cadre du suivi de la mesure.

· Impacts liés au suivi de la mesure d'ARSE :

Ø Assurer la pose du dispositif et le suivi du volet technique de la mesure (agents de surveillance électronique) : traitement des alarmes, interventions techniques, etc...

Ø Assurer la prise en charge de la mesure (conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation et autres professionnels du SPIP).

· Impacts sur les ressources humaines :

Au regard des impacts ici précisés qu'engendrerait la mesure d'ARSE, il conviendrait de renforcer les effectifs des SPIP s'agissant des principaux acteurs de la mesure :

Ø Conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation

Ø Personnels de surveillance (agents de surveillance électronique) 

Ø Directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation 

· Impacts informatiques

Ces dispositions nécessitent une modification des trames dans l'application Cassiopée pour les juges des libertés et de la détention, les juges d'instruction et les tribunaux correctionnels.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS SUR L'ENVIRONNEMENT

Néant.

5. CONSULTATION ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Toutefois, une entrée en vigueur différée a été prévue pour ces dispositions (cf. étude d'impact de l'article d'entrée en vigueur).

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804).

5.2.3. Textes d'application

Aucun décret d'application ne sera nécessaire pour permettre la mise en oeuvre de ces dispositions.

G. Assouplissement du recours aux moyens de télécommunication pour les interprètes pendant la garde à vue et téléconsultation médicale en garde à vue

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les premières dispositions relatives au recours à la visioconférence en matière pénale ont été introduites par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Son champ d'application, définit à l'article 706-71 du code de procédure pénale (CPP), a été étendu à plusieurs reprises par le législateur.

Ainsi, aux termes du premier alinéa de cet article : « Aux fins d'une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l'estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévues au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle ».

Cette faculté de recourir à la visioconférence est largement prévue et peut intervenir à tous les stades de la procédure pénale - pendant l'enquête, l'instruction et le jugement - la Cour de cassation ayant interprété cet article comme n'imposant pas au juge de motiver le recours à la visioconférence (voir par exemple Crim., 7 décembre 2010, n° 10-86.884).

Aux termes du deuxième aliéna de l'article 706-71, les enquêteurs peuvent être autorisés par le procureur de la République dans le cadre d'une enquête (article R. 53-34 du CPP) ou par le juge d'instruction dans le cadre d'une information (article R. 53-35 du CPP) à y avoir recours pour : une audition, un interrogatoire ou une confrontation entre plusieurs personnes ;la présentation aux fins de prolongation de garde à vue ou de la retenue judiciaire devant l'autorité judiciaire.

Le recours à la visioconférence en matière pénale est autorisé dans les conditions fixées aux articles 706-71, 706-71-1, R. 53-33 à R. 53-39 et D. 47-1-1 à D. 47-12-6 du code de procédure pénale.

L'article 706-71 a été récemment modifié par l'article 12 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, qui a simplifié le cadre applicable en supprimant l'obligation d'établir, dans chacun des lieux reliés par le moyen de visiocommunication, un procès-verbal des opérations effectuées.

Le principe demeure du recueil de la signature de la personne auditionnée sur le procès-verbal, afin qu'il puisse s'assurer du caractère fidèle de la retranscription.

Par ailleurs, s'agissant du recours à un interprète, l'article 4 de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France a introduit dans l'article préliminaire du code de procédure pénale le droit à l'assistance d'un interprète.

Ainsi, le troisième alinéa du III de l'article préliminaire du code de procédure pénale dispose que : « Si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code. »

En outre, l'article 803-5 du code de procédure pénale dispose que : « Pour l'application du droit d'une personne suspectée ou poursuivie, prévu par le III de l'article préliminaire, à un interprète ou à une traduction, il est fait application du présent article.

S'il existe un doute sur la capacité de la personne suspectée ou poursuivie à comprendre la langue française, l'autorité qui procède à son audition ou devant laquelle cette personne comparaît vérifie que la personne parle et comprend cette langue.

A titre exceptionnel, il peut être effectué une traduction orale ou un résumé oral des pièces essentielles qui doivent lui être remises ou notifiées en application du présent code.

Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret, qui définit notamment les pièces essentielles devant faire l'objet d'une traduction. »

La personne placée en garde à vue doit en être immédiatement informée dans une langue qu'elle comprend (article 63-1 du CPP).

Dans la phase de l'instruction, l'interprète peut intervenir pour les auditions de témoins (article 102 du CPP), ainsi que pour les interrogatoires et confrontations (article 121 du CPP).

Durant la phase de jugement, l'interprète est également présent devant la cour d'assises (articles 272 et 344 du CPP), le tribunal correctionnel et de police (articles 407 et 535 du CPP) ou la cour d'appel (article 512 du CPP).

Lors de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, le droit à un interprète est également applicable (article 695-16 et suivants du CPP).

En application de l' article 63-3 du code de procédure pénale, toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin, désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire. L'intéressé peut à nouveau en faire la demande, en cas de prolongation de la mesure. Au moment du placement initial en garde à vue, l'examen médical a pour objet de déterminer si la mesure de contrainte est compatible avec l'état de santé et, le cas échéant, l'état de dépendance à des produits stupéfiants ou alcooliques de la personne. L'examen a également pour objet de déterminer si la personne nécessite de bénéficier de soins adaptés. En cas de prolongation de la mesure de la garde à vue, le médecin pourra évaluer l'évolution de l'état physique et psychique de la personne et apprécier ainsi la compatibilité de son état avec la poursuite de la mesure de contrainte. A tout moment de la garde à vue, le procureur ou l'officier de police peut désigner d'office un médecin pour examiner la personne gardée à vue.

Le médecin se prononce sur la compatibilité du maintien de la garde à vue avec l'état de santé de la personne, et procède à toutes les constatations utiles. Le certificat médical est versé au dossier de procédure.

L'article précité prévoit un délai de trois heures au cours desquelles le médecin doit intervenir, sauf circonstances insurmontables. La consultation médicale doit donc intervenir en présentiel.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a validé à plusieurs reprises le recours à la visioconférence dans la procédure judiciaire et juridictionnelle au regard de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice (voir notamment les décisions n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, cons. 93 et suivants ; n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, cons. 27 ; n° s 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 et n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020).

S'il a censuré certaines extensions du recours à la visioconférence, c'est lorsqu'il a considéré que les dispositions en cause n'opéraient pas une conciliation équilibrée entre cet objectif (voire d'autres objectifs complémentaires comme le bon usage des deniers publics ou la santé publique) et les droits de la défense, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat (voir les décisions n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 et n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020 ; les décision n° 2020-872 QPC du 15 janvier 2021 et n° 2021-911/919 QPC du 4 juin 2021).

Même si sa jurisprudence s'est limitée aux cas d'utilisation de la visioconférence pour l'audience de jugement et le contentieux de la détention provisoire, il a jugé que les dispositions de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 (ordonnance « COVID ») permettant un large recours aux moyens de télécommunication, n'étaient soumises à aucune condition légale, n'étaient encadrées par aucun critère et ne précisaient pas les conditions dans lesquelles le juge pouvait y recourir (DC du 15 janvier 2021 n°202-872 QPC et du 4 juin 2021 n°2021-911/919 QPC).

Par cette décision, le conseil a établi les critères minimaux permettant de recourir à l'utilisation des moyens de télécommunication en matière de procédure pénale.

Le Conseil constitutionnel ne s'est cependant jamais prononcé sur la conformité à la Constitution du recours à la visioconférence pendant la procédure d'enquête, en amont de la présentation à un juge. Le contrôle du juge constitutionnel est fonction de la nature de l'audition, de l'importance de ses conséquences au regard du stade de la procédure où elle intervient, et des inconvénients, pour la personne mise en cause, que peut représenter le recours à des moyens audiovisuels.

Le recours à cette technique pour l'examen médical de compatibilité avec la garde à vue durant la phase de l'enquête et pour l'accès à un interprète présente donc moins de risques constitutionnels, à la condition de l'encadrer strictement afin de respecter les critères que le Conseil a défini.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 9 du deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 2001 (STCE n°182) ainsi que l'article 24 de la directive 2014/41/UE du 3 avril 2014 concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale prévoient la possibilité de recourir à la visioconférence pour procéder à l'audition d'une personne mise en cause dans le cadre d'une procédure pénale, d'un témoin ou d'un expert lorsque que cette personne se trouve à l'étranger.

La CEDH admet le recours à la visioconférence dans le cadre de la procédure pénale au regard des exigences de l'article 6 de la Convention, à la triple condition que son recours soit bien prévu par la loi, poursuive un but légitime (notamment en ce qu'il assure l'efficacité de la procédure, permet d'éviter de recourir à des mesures de sûreté plus lourde ou de prévenir des risque de fuite en évitant le transport de la personne auditionnée) et qu'il respecte, par les garanties dont il est entouré, les droits des parties (CEDH, 5 oct. 2006, Marcello Viola c/ Italie).

La Cour vérifie in concreto que les modalités de déroulement de la visioconférence ont respecté les droits de la défense et s'assure que l'intéressé a été en « mesure de suivre la procédure et d'être entendu sans obstacles techniques » (CEDH, GC 2 novembre 2011, n°21272/03, Sakhnoski c/Russie), sans qu'il y ait eu un recours excessif à la visioconférence ni que la visioconférence ait été imposée en lieu et place d'un accès direct au juge.

Même si la jurisprudence européenne s'est peu prononcée sur le recours à la visioconférence au stade de l'enquête, son utilisation au cours de la garde à vue doit respecter les principes posés par l'article 6 de la convention, en garantissant le respect des droits de la défense

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

- S'agissant du recours à un interprète à distance

Les services d'enquêtes sont régulièrement confrontés à des difficultés lorsqu'ils doivent faire appel à des interprètes, en nombre insuffisant au regard du niveau de la demande des différents services implantés sur un même ressort.

La facilitation de l'intervention d'un interprète à distance, en permettant l'utilisation d'un moyen de télécommunication par principe, sans avoir à solliciter l'autorisation du magistrat ni à constater l'impossibilité du déplacement de l'expert, serait source d'un gain de temps pour les enquêteurs en réduisant les délais nécessaires pour procéder à une audition.

Cette disposition pourrait également avoir pour effet de renforcer la qualité des traductions opérées : il est préférable de bénéficier d'une traduction à distance par un expert inscrit comme tel auprès d'une Cour d'appel (même différente du ressort concerné) que de devoir compter sur l'interprétariat assuré physiquement par un tiers, requis à cet effet mais non-inscrit sur la liste de la Cour d'appel.

- S'agissant de la téléconsultation :

Le principe de la consultation d'un médecin en présentiel au cours de la garde à vue a été fixé dans la loi à une époque où la téléconsultation n'existait pas. Or, le retour d'expérience de ces dernières années, qui ont notamment été marquées par le développement de la télémédecine dans le cadre de la crise de la Covid-19, confirme que les médecins ainsi que les patients, savent faire la distinction entre une situation médicale qui peut se traiter à distance et une situation qui nécessite un examen en présentiel86(*). La garantie prévue par le code de procédure pénale consiste moins, pour le gardé à vue, à pouvoir être « visité » par un médecin en toutes circonstances qu'à pouvoir accéder à un médecin pour que ce dernier évalue sa situation dans le cadre d'un échange confidentiel. La tenue d'un examen médical en téléconsultation n'empêche pas le praticien de considérer qu'un examen en présentiel est indispensable au regard de l'état du gardé à vue voire, sans même avoir à se déplacer, de déterminer que l'état de ce dernier est incompatible avec la poursuite de la garde à vue.

Si la loi garantit le droit à un examen médical lors de la garde à vue, il apparaît toutefois aujourd'hui nécessaire d'instaurer un dispositif permettant davantage de souplesse dans sa mise en oeuvre.

En effet, la désertification médicale croissante dans de nombreux territoires français fait que les unités de gendarmerie ont de plus en plus de difficultés à obtenir le déplacement d'un médecin pour réaliser, dans leurs locaux, un examen de compatibilité de la garde à vue. Les enquêteurs sont contraints de se rendre aux urgences ou dans les cabinets des experts pour faire procéder à ces examens médicaux. En zone police, si la couverture médicale est plus dense, les effectifs médicaux sont aussi beaucoup plus sollicités et les examens réalisés dans le cadre de la procédure pénale pâtissent de la saturation du système de santé.

Les heures consacrées aux déplacements, à l'attente et aux formalités administratives rallongent de façon inutile le temps de la procédure et accroissent d'autant plus la nécessité de maintenir la personne concernée en garde à vue.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

- S'agissant du recours à un interprète à distance

La facilitation de l'intervention en garde à vue d'un interprète à distance, en permettant l'utilisation d'un moyen de télécommunication par principe, sans avoir à constater l'impossibilité du déplacement de l'expert et sans autorisation préalable du magistrat, serait source d'un gain de temps pour les enquêteurs en réduisant les délais nécessaires pour procéder à une audition. Elle réduirait le temps de la garde à vue pour la personne concernée.

Dès lors qu'elle poursuit un objectif légitime, qu'elle respecte les garanties de loyauté dans la conduite de l'audition (notamment en assurant la qualité technique du matériel utilisé), ne prive la personne auditionnée d'aucun droit et lui assure la possibilité de contester la retranscription de ses propos, ce recours ne se heurte à aucune exigence constitutionnelle.

- S'agissant de la téléconsultation :

La modification du code de procédure pénale pour permettre que l'examen de compatibilité de la garde à vue puisse être effectué en téléconsultation contribuerait à l'efficacité des investigations menées en permettant un gain de temps conséquent dans le déroulement de la procédure (temps d'audition notamment). Les difficultés pour obtenir un rendez-vous médical pesant lourdement sur le temps d'enquête et la situation est appelée à se détériorer dans les prochaines années avec la diminution du nombre de praticiens en exercice. Il est donc proposé d'inverser la tendance, en développant les solutions technologiques, déjà mises en oeuvre dans la médecine générale, au profit de l'examen judiciaire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

- S'agissant de l'interprétariat à distance :

Il aurait pu être envisagé de conserver le principe de l'autorisation du magistrat. Toutefois ; le recours à l'interprète par télécommunication constituant un acte indispensable pour l'audition, n'appelant aucune appréciation de nature juridique et ne modifiant pas la nature de la prestation - la traduction de propos ne nécessitant pas la présence physique de l'interprète - cette autorisation constitue une étape procédurale qui n'est pas nécessaire. Cette nécessité est toutefois reprise au-delà des 48 premières heures de garde à vue.

En termes d'écriture, il aurait été envisageable de modifier le 8ème alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale pour prévoir l'assouplissement du recours à la visioconférence. Les actes mentionnés dans cet article exigeant tous l'autorisation préalable du magistrat d'une part et concernant plusieurs stades de la procédure d'autre part, le choix a été fait, par souci de lisibilité, d'inscrire cette disposition nouvelle dans un article relatif à la garde à vue. De cette façon, la dérogation ne concerne que la garde à vue, régime où le temps est un facteur plus déterminant que lors des comparutions devant les magistrats ou les juridictions.

- S'agissant de la téléconsultation :

Il aurait pu être envisagé de permettre le recours à la téléconsultation dès le début de la mesure de garde à vue. Ce n'est toutefois pas le dispositif retenu, l'objectif n'étant pas de faire de la téléconsultation un principe mais une exception encadrée, et de privilégier l'examen en physique pour les premières vingt-quatre heures, qui sont celles durant lesquelles l'examen médical est le plus à même de révéler des lésions qui seraient en lien avec l'infraction commise ou les circonstances de l'interpellation.

De même, l'accord du procureur de la République aurait pu ne pas être sollicité si le suspect donnait son accord. Toutefois, il a été choisi de laisser le magistrat en charge de la mesure de garde à vue libre d'autoriser ou non cette possibilité de recourir à la téléconsultation selon les situations.

Cet accord du procureur de la République a également participé du choix de n'ouvrir la téléconsultation qu'à compter de la prolongation de garde à vue, le procureur de la République étant préalablement informé de la mesure de garde à vue mais pas nécessairement appelé pour donner un avis. Ainsi, le dispositif finalement retenu tient compte des contraintes du magistrat du parquet afin d'éviter un engorgement des permanences.

Il aurait également été possible de soumettre la possibilité de recourir à la téléconsultation au fait qu'une première consultation médicale physique ait eu lieu durant les premières vingt-quatre heures de la garde à vue. Ce n'est toutefois pas le dispositif retenu, les gardés à vue ne demandant pas nécessairement à voir un médecin dès le début de la mesure de privation de liberté.

3.2. DISPOSITIF RETENU

- S'agissant de l'interprétariat à distance :

Après le troisième alinéa de l'article 803-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours de la garde à vue d'une personne majeure ou de son audition libre prévue par l'article 61-1, l'intervention de l'interprète lors de la notification de ses droits ainsi que son assistance par un interprète peut se faire, par dérogation aux dispositions de l'article 706-71 et selon des modalités précisées par décret en Conseil d'Etat, par l'intermédiaire de moyens de télécommunication dans des conditions garantissant la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges, notamment avec son avocat. Le présent alinéa n'est pas applicable lorsque la personne placée en garde à vue est un majeur protégé.

« Au-delà de quarante-huit heures de garde à vue, l'interprète intervient dans les conditions prévues au précédent alinéa en cas de nécessité, résultant de l'impossibilité pour lui de se déplacer, et sur autorisation du magistrat en charge de la procédure. »

- S'agissant de la téléconsultation :

Après le quatrième alinéa de l'article 63-3 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sur autorisation du procureur de la République, l'examen médical d'un majeur prévu en cas de prolongation de la garde à vue peut être réalisé par vidéotransmission ou tout autre moyen de télécommunication audiovisuelle, si la nature de l'examen le permet, dans des conditions garantissant la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges et selon des modalités précisées par décret en Conseil d'Etat. Le médecin se prononce sur la nécessité éventuelle de réaliser un examen physique direct de la personne gardée à vue. S'il l'estime nécessaire, la personne lui est alors présentée dans les conditions prévues au premier alinéa. Dans le cas où l'examen médical est demandé par la personne ou un membre de sa famille, le recours à un moyen de télécommunication est subordonné à l'accord exprès de celui qui sollicite cet examen. Le présent alinéa n'est pas applicable lorsque la personne placée en garde à vue est un mineur ou un majeur protégé. »

Cette option répond aux exigences constitutionnelles et conventionnelles en ce qu'elle ne fait pas du recours à la visioconférence médicale un principe au cours de la garde à vue, mais une simple possibilité à laquelle le médecin peut s'opposer. Le texte prévoit la possibilité de recourir à la téléconsultation qu'avec l'accord du suspect si ce dernier ou sa famille est à l'origine de la demande d'examen médical. L'accord du suspect ne sera pas nécessaire si l'examen est demandé par l'officier de police judiciaire ou le procureur de la République, et ce afin de permettre une intervention médicale rapide dans le cas où des éléments inquiétants pour la santé du gardé à vue seraient relevés par les professionnels.

Les textes règlementaires d'application, pris par décret en Conseil d'Etat, définiront notamment les cas d'exclusion du recours à cette technique pour l'examen médical de compatibilité. A titre d'exemple, ce recours devrait être exclu en cas de blessures physiques du gardé à vue, de perte de connaissance connue des services enquêteurs, d'état de grossesse connu ou d'autre situation justifiant l'intervention d'un médecin.

Il est également envisagé d'exclure le recours à ce mode d'examen médical pour certaines infractions (violences sur personne dépositaire de l'autorité publique, rébellion...) ou lorsque le gardé à vue allègue avoir été victime d'un usage excessif de la force ou de violences par les forces de l'ordre.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article 63-3 et l'article 803-5 du code de procédure pénale seront modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

L'utilisation de la téléconsultation dans des conditions conformes aux droits du gardé à vue et de l'objectif fixé nécessitera un investissement pour l'installation de dispositifs techniques et la mise en place de protocoles de prestation par des organismes publics ou privés87(*).

La téléconsultation permettra en contrepartie une économie d'ETP substantielle et largement supérieure, au bout d'un ou plusieurs exercices budgétaires, aux coûts d'investissement et d'entretien des équipements de visio-consultation88(*).

Les coûts liés à la mise en place des moyens informatiques nécessaires aux téléconsultations seront très limités, puisque les modifications réalisées s'appuieront sur les applicatifs et dispositifs existant du ministère de l'intérieur et des outre-mer, en matière de rédaction des procédures89(*).

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les hommes et les femmes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

L'utilisation des moyens de communication électronique pour l'examen médical de compatibilité de la garde à vue s'inscrit dans le régime déjà défini par les articles L6316-1, R6316-1 et suivants du code de la santé publique. Elle ne comporte, pour les médecins, aucune obligation nouvelle ni facilité particulière et ne devrait avoir qu'un impact très modéré sur la profession.

Comme le rappelle le conseil national de l'Ordre des médecins90(*), « La téléconsultation est donc ouverte à tous les médecins quels que soient leur spécialité, leur mode d'exercice (libéral, salarié ou hospitalier), leur place dans le parcours de soins (médecin traitant et médecin de second recours) et leur secteur conventionnel. Le médecin doit être inscrit au Tableau de l'Ordre ou être en situation de remplacement dans les conditions réglementaires requises ».

Par ailleurs, l'Ordre rappelle également que « La télémédecine est une forme de pratique médicale comme les autres. Sa spécificité est de faire appel aux technologies numériques : toutes les règles déontologiques de prise en charge d'un patient s'y appliquent. »

L'obligation de disposer de matériel de communication électronique adapté à la téléconsultation restreint naturellement ce mode de participation à l'examen de garde à vue aux seuls professionnels de santé équipés d'un tel matériel. Cependant, ces matériels ne sont pas normés en tant que tel, seule l'utilisation et le traitement des données de santé faisant l'objet de textes spécifiques, qui ont vocation à s'appliquer à la télémédecine en garde à vue.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le ministère de la Santé a été associé à l'élaboration de cette mesure.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Toutefois, dès lors qu'un décret d'application est nécessaire pour la mise en oeuvre de ces dispositions, leur entrée en vigueur sera effective lorsque ce décret sera publié.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804).

5.2.3. Textes d'application

Un décret simple précisant les modalités de recours à ces dispositifs, les cas d'exclusions et les garanties devant être apportées par les matériels utilisés sera pris.

H. Activation à distance des appareils connectés aux fins de géolocalisation et de captation d'images et de sons

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La sonorisation et la captation d'images, tout comme la géolocalisation, constituent des techniques d'enquête prévues par le code de procédure pénale. En raison de l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée, leur mise en oeuvre est strictement encadrée.

D'une part, l'article 706-96 du code de procédure pénale, introduit par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, permet de recourir à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, de capter, fixer, transmettre et enregistrer des paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé.

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a clarifié et harmonisé le régime juridique applicable aux techniques spéciales d'enquête. Ainsi, lorsque les nécessités d'une enquête portant sur des infractions d'une particulière complexité91(*) l'exigent, le recours à la sonorisation et la fixation d'images est autorisé selon les modalités suivantes :

- Dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance, l'autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, pour une durée d'un mois renouvelable une fois. En vue de mettre en place le dispositif, ce dernier peut également autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris en dehors des heures légales, à l'insu du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci (article 706-96 du code de procédure pénale).

- Dans le cadre d'une information judiciaire, cette autorisation est délivrée par le juge d'instruction pour une durée de 4 mois renouvelable dans la limite de 2 ans. Si la mise en place du dispositif nécessite l'introduction dans un lieu d'habitation en dehors des heures légales, elle doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le magistrat instructeur.

L'article 706-97 du code de procédure pénale prévoit que la décision d'autorisation comporte tous les éléments permettant d'identifier les véhicules ou les lieux objets de la mesure de sonorisation et de captation d'images.

Cette mesure est mise en oeuvre par un officier de police judiciaire ou, sous sa responsabilité, un agent de police judiciaire. A peine de nullité, elle ne peut avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions mentionnées dans l'autorisation en application du dernier alinéa de l'article 709-95-14 du code de procédure pénale.

Elle se déroule sous l'autorité et le contrôle du magistrat qui l'a autorisée. Ce dernier peut y mettre fin à tout moment. S'agissant des enquêtes préliminaires et de flagrance, l'article 706-95-14 du code de procédure pénale prévoit en particulier que le juge des libertés et de la détention doit être informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis et se voir communiquer les procès-verbaux dressés en exécution de sa décision, de manière à ce qu'il puisse exercer son contrôle sur la légalité des actes ainsi réalisés92(*).

En application de l'article 706-95-18 du code de procédure pénale, les procès-verbaux relatifs à la mise en oeuvre de cette technique d'enquête doivent mentionner la date et l'heure du début et de la fin des opérations. Seuls les éléments utiles à la manifestation de la vérité résultant des enregistrements sont retranscrits. Ces derniers sont placés sous scellés fermés. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans l'autorisation ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.

D'autre part, l'article 230-32 du code de procédure pénale, créé par la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation permet le recours à tout moyen technique permettant la localisation en temps réel d'une personne à son insu, d'un véhicule ou de tout autre objet.

Ce dispositif est réservé aux enquêtes et instructions portant sur un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement, d'enquêtes et instructions de recherche des causes de la mort ou de la disparition (articles 74, 74-1 et 80-4 du code de procédure pénale) ou aux procédures de recherche d'une personne en fuite (article 74-2 du code de procédure pénale).

Le recours à la géolocalisation est autorisé selon les modalités suivantes :

- Dans le cadre d'une enquête dirigée par le parquet, l'autorisation est délivrée par le procureur de la République pour une durée de 15 jours consécutifs lorsque l'enquête porte sur un crime ou un délit relevant de la criminalité organisée ou a pour objet de rechercher les causes de la mort, de la disparition ou de rechercher une personne en fuite, ou pour une durée de 8 jours dans les autres cas. A l'issue de ces délais, l'autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention pour une durée d'un mois renouvelable.

- Dans le cadre d'une information judiciaire, l'autorisation est délivrée par le juge d'instruction pour une durée de 4 mois renouvelable.

Le 4ème alinéa de l'article 230-33 du code de procédure pénale limite la durée totale de la mesure de géolocalisation, que ce soit dans le cadre d'une enquête comme d'une information judiciaire, à une durée d'un an, qui est portée à deux ans s'il s'agit d'une infraction relevant de la criminalité organisée.

Dans tous les cas, l'autorisation est écrite et doit comporter tous les éléments de fait et de droit motivant le recours à une mesure de géolocalisation.

De la même manière que la sonorisation et la captation d'images, la géolocalisation est mise en oeuvre ou prescrite par un officier de police judiciaire ou, sous sa responsabilité, un agent de police judiciaire. Elle se déroule sous l'autorité et le contrôle du magistrat qui l'a autorisée. Ce dernier peut y mettre fin à tout moment.

En outre, en application des articles 230-38 et 230-39 du code de procédure pénale, les procès-verbaux relatifs à la mise en oeuvre de la mesure doivent mentionner la date et l'heure du début et de la fin des opérations. Seuls les éléments utiles à la manifestation de la vérité résultant des enregistrements sont retranscrits. Ces derniers sont placés sous scellés fermés.

Tant la sonorisation et la captation d'images que la géolocalisation ne peuvent jamais être mises en oeuvre dans le cabinet d'un avocat ou son domicile, les locaux d'une entreprise de presse, le cabinet d'un médecin, d'un notaire ou d'un huissier, les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, les juridictions ainsi que le domicile d'un magistrat. De même, elle ne peut concerner le véhicule, le bureau ou le domicile d'un député, d'un sénateur, d'un avocat et d'un magistrat.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La procédure pénale doit garantir l'équilibre entre, d'une part, l'objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions93(*), et, d'autre part, les droits et libertés garanties par la Constitution, au titre desquels figurent le respect de la vie privée94(*) et des droits de la défense95(*).

Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 relative à la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur pouvait prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes ou des délits sous réserve que ces mesures soient réservées aux infractions d'une gravité et d'une complexité particulières, dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire et que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées (considérant 6).

1.2.1 Infractions d'une gravité et d'une complexité particulière

a) Concernant les techniques spéciales d'enquête

La liste des infractions pour lesquelles les techniques spéciales d'enquête peuvent être mises en oeuvre est fixée par les articles 706-73 (régime complet de la criminalité organisée) et 706-73-1 (régime limité excluant la garde à vue de 96h de l'article 706-88 du code de procédure pénale) du code de procédure pénale.

Par ailleurs, la sonorisation et la captation d'images permise pour certaines infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé de données commises en bande organisée (article 706-72 du code de procédure pénale), certaines infractions économiques et financières (articles 706-1-1 et 706-1-2 du code de procédure pénale) et certaines infractions en matière de santé publique (706-2-2 du code de procédure pénale).

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé à plusieurs reprises sur les infractions qui peuvent faire l'objet des techniques spéciales d'enquête, dans ses décisions n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 (création des techniques spéciales d'enquête), n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 (exclusion des infractions d'escroquerie en bande organisée pour le régime régi par l'article 706-73 du code de procédure pénale) puis n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014 (exclusion du champ d'application du même article 706-73 du code de procédure pénale des infractions de fraude fiscale en bande organisée et blanchiment).

b) Concernant la géolocalisation en temps réel

L'article 44 de la loi de programmation de la Justice n°2019-222 du 23 mars 2019 a abaissé le seuil des peines encourues permettant de recours à la géolocalisation (crimes et délits punis d'au moins 3 ans d'emprisonnement, contre 5 ans auparavant). Dans sa décision n° 2019-778 DC, le Conseil constitutionnel a validé une telle évolution du dispositif (cons. 148 à 150).

1.2.2. Validation constitutionnelle des garanties entourant la mise en oeuvre des techniques spéciales d'enquête

Dans plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a regardé les garanties énoncées supra, et notamment le contrôle assuré par l'autorité judiciaire, comme des éléments déterminants pour juger conformes à la Constitution le recours aux techniques spéciales d'enquête.

Ainsi, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la technique de sonorisation et de captation d'images sans le consentement des intéressés compte tenu des garanties prévues par le législateur. Il a en effet relevé qu'outre la restriction du champ des infractions susceptibles de permettre le recours à cette technique et son contrôle par l'autorité judiciaire, le législateur avait prévu des garanties permettant de considérer que les dispositions n'étaient pas contraire à la Constitution, relevant notamment l'exigence d' « une décision écrite et motivée précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée », la limitation de la durée de l'autorisation délivrée par le magistrat,  le placement des opérations conduites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, la rédaction d'un procès-verbal pour chacune des opérations, le placement sous scellés fermés des enregistrements et leur destruction à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.  Il a toutefois assorti sa décision d'une réserve tenant à ce que, lorsque le législateur dispose que seules les images ou conversations enregistrées utiles à la manifestation de la vérité sont décrites ou transcrites, il a nécessairement entendu que les séquences de la vie privée étrangères aux infractions en cause ne puissent en aucun cas être conservées dans le dossier de la procédure (cons. 62 à 66).

De même, dans sa décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, il a validé le recours aux techniques spéciales d'enquête pour les délits de corruption, de trafic d'influence, de fraude fiscale aggravée et les délits douaniers, et dans sa décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014 (cons. 18 à 24) les délits d'escroquerie en bande organisée « compte tenu des garanties encadrant la mise en oeuvre de ces mesures spéciales d'enquête et d'instruction ».

A l'inverse, dans ses décisions n° 2019-778 DC et n° 2019-779 DC du 21 mars 2019 portant sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur, en autorisant le recours à des techniques d'enquête particulièrement intrusives pour des infractions ne présentant pas nécessairement de complexité particulière, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant du juge, n'avait pas opéré une conciliation équilibrée entre l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et l'inviolabilité du domicile (cons. 164 et 165) et avait en outre porté une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances en prévoyant qu'en cas d'urgence, l'autorisation de recourir à une de ces techniques pouvait être délivrée par le procureur de la République et pouvait se poursuivre sans contrôle ni intervention d'un magistrat du siège pendant 24 heures (cons. 166).

Par ailleurs, le recours à la technique de géolocalisation a fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises.

Dans sa décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014, il a écarté le grief de l'atteinte à la vie privée, observant « que le recours à la géolocalisation est placé sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ; que, dans les cas prévus par le 1° de l'article 230-33, le procureur de la République ne peut l'autoriser que pour une durée maximale de 15 jours consécutifs ; qu'à l'issue de ce délai, elle est autorisée par le juge des libertés et de la détention pour une durée maximale d'un mois renouvelable ; que, dans les cas prévus au 2° du même article, le juge d'instruction peut l'autoriser pour une durée maximale de quatre mois renouvelable ; que, lorsqu'en cas d'urgence elle est mise en place ou prescrite par un officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge d'instruction, immédiatement informé, peut en prescrire la mainlevée ».

Enfin, il doit être relevé que dans sa décision n° 2022-987 QPC du 8 avril 2022, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions du second alinéa de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale permettant au procureur de la République, au stade de l'enquête, et au juge d'instruction, au stade de l'instruction, de recourir aux moyens couverts par le secret de la défense nationale pour réaliser des opérations techniques nécessaires à la captation des données informatiques. Observant que ces dispositions mettaient en oeuvre des exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, et compte tenu des garanties entourant le recours à cette possibilité, en particulier le versement en procédure de l'ordonnance écrite et motivée du juge autorisant la mise en oeuvre du dispositif, du procès-verbal de mise en place du dispositif et de celui décrivant ou transcrivant les données jugées utiles à la manifestation de la vérité, ainsi que la possibilité pour le juge de solliciter la déclassification et la communication des éléments couverts par le secret, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions ne portaient pas une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et au principe du contradictoire.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

En application de l'article 8 §2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, les juges de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ont posé plusieurs exigences entourant le recours à des techniques spéciales d'enquête telles que la géolocalisation ou la sonorisation.

Dans son arrêt du 29 mars 2005 Matheron C/ France (relatif à des écoutes téléphoniques), la Cour européenne des droits de l'homme a ainsi rappelé que de telles ingérences doivent être « prévues par la loi », poursuivre « un but légitime » et être « nécessaires dans une société démocratique » pour atteindre ces buts. Elle a également rappelé que « Selon la jurisprudence constante de la Cour, les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour juger de l'existence et de l'étendue de pareille nécessité, mais elle va de pair avec un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l'appliquent, même quand elles émanent d'une juridiction indépendante. »

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Dans de nombreux pays, notamment en Allemagne, au Canada, aux Etats-Unis, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, l'utilisation de moyens électroniques, techniques ou autres tels que les balises, appareils infrarouges, images satellites et GPS aux fins de géolocalisation sont admis. Les procédures de géolocalisation font l'objet de dispositions légales précises, le plus souvent contenues dans un Code de procédure pénale (Allemagne, Canada, Pays-Bas), à l'exception des Etats-Unis et de l'Italie, où la matière relève de la jurisprudence. En 2010, la Cour de cassation italienne a légitimé le procédé de surveillance à l'aide d'un GPS décidé par la seule autorité de police judiciaire. La haute juridiction a considéré qu'il n'était pas nécessaire de faire contrôler cette mesure par un juge (comme cela doit être le cas dans la matière voisine des écoutes téléphoniques, régie par l'article 266 CPP italien), en l'absence d'atteinte à la vie privée suffisamment caractérisée. La procédure est régie par l'article 189 du code de procédure pénale italien relatif au droit commun des preuves, lesquelles sont recueillies directement par la police judiciaire.Au Royaume-Uni le recours aux procédures de géolocalisation relève de la matière administrative, ce qui a pour conséquence que les éléments recueillis ne peuvent être utilisés en règle générale dans une procédure pénale, sauf circonstances exceptionnelles rendant nécessaire, au regard de l'intérêt de la justice et du procès équitable, de les porter à la connaissance d'un juge ou de la personne en charge des poursuites. Dans les autres pays, le recours à de tels procédés s'inscrit au contraire dans le cadre de procédures judiciaires.

Quant aux lieux de géolocalisation, le Canada, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont largement facilité, dans leur système juridique, le recours aux procédés de géolocalisation, tandis qu'aux Pays-Bas et plus encore en Allemagne, des dispositions légales en limitent davantage le périmètre géographique.

Quant aux infractions concernées, l'Allemagne et le Royaume-Uni limitent le champ d'application aux infractions graves, tandis que le Canada l'étend à toutes les infractions du Code criminel.

Les autorités compétentes pour autoriser les procédés de géolocalisation sont variables. Il peut s'agir du ministère public (Pays-Bas), d'un juge du siège (Canada), d'un système mixte (Allemagne) ou bien encore d'une autorité administrative (Royaume-Uni). Un même constat de diversité entre les systèmes peut être fait en ce qui concerne la durée des procédures de géolocalisation, qui peut être, concernant la première autorisation, de deux mois (Canada), de trois mois (Allemagne et Pays-Bas) ou bien encore de six mois (Royaume-Uni). Dans chacun des systèmes, toutefois, les autorisations peuvent être renouvelées.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les services d'enquête sont aujourd'hui confrontés à des délinquants de plus en plus aguerris, au fait des techniques d'enquête utilisées dans le cadre des procédures judiciaires.

Pour déjouer le travail des services de police et de gendarmerie, les délinquants surveillent souvent étroitement les véhicules et lieux privés dans lesquels ils échangent pour éviter la pose de caméras, micro ou balises permettant de les localiser ou de procéder à des captations d'images et de son.

De ce fait, les services enquêteurs sont contraints de renoncer à la mise en place de certaines techniques spéciales d'enquête, en particulier des dispositifs techniques prévus aux articles 706-96 et 230-32 du code de procédure pénale, par crainte d'attirer l'attention des délinquants faisant l'objet d'enquête pour des faits de criminalité organisée, de révéler la stratégie établie ou tout simplement parce qu'elle exposerait la vie des agents chargés de cette mission. Cela prive les enquêteurs de moyens essentiels leur permettant de recueillir des preuves, alors même que la mise en oeuvre de technique d'enquête plus classiques telles que les interceptions judiciaires est mise en échec par le recours de plus en plus fréquent à des moyens de communication chiffrés.

Il paraît donc nécessaire d'octroyer aux enquêteurs un cadre juridique pour leur permettre de conduire leurs opérations sans risquer de trahir leur présence, via la possibilité d'activer à distance un appareil connecté du mis en cause afin de procéder à l'enregistrement des images et paroles, ainsi que des données de localisation dans le but de faciliter, d'une part, l'identification des auteurs et d'autre part, la collecte d'indices et de preuves en matière de criminalité organisée.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif du dispositif envisagé est de faciliter l'identification des auteurs et la collecte de preuves et d'indices permettant de matérialiser les faits relevant de la criminalité organisée (trafic de stupéfiants, réseau de proxénétisme, etc.) dans le cadre d'enquêtes dont l'enjeu principal réside souvent dans la caractérisation de l'infraction.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La création d'une nouvelle technique d'enquête a été envisagée, complémentaire aux dispositions en vigueur relatives aux dispositifs existants. Cette option n'a pas été retenue dans la mesure où elle aurait eu pour effet de multiplier des dispositifs ayant les mêmes finalités (géolocalisation et captation de son et d'images) selon la technologie employée. Si les différents moyens techniques peuvent justifier des garanties différentes selon le degré d'atteinte au droit au respect de la vie privée qu'ils comportent, il apparaît préférable de compléter les dispositifs existants.

3.2. OPTION RETENUE

L'activation à distance d'un appareil électronique étant un moyen technique permettant de procéder à des opérations de géolocalisation et de captation de son et d'images, il a été fait le choix d'insérer des dispositions encadrant le recours à un tel moyen dans celles relatives à la sonorisation et la fixation d'images (articles 706-96 et suivant du code de procédure pénale) et à la géolocalisation en temps réel (230-32 du code de procédure pénale).

Ainsi, les garanties encadrant le recours à ces techniques d'enquête, jugées satisfaisantes par le Conseil constitutionnel, restent inchangées et s'appliqueront lorsqu'elles seront mises en oeuvre en ayant recours à l'activation à distance d'un appareil électronique.

Par ailleurs, en raison de l'atteinte à la vie privée que comporte l'activation à distance des objets connectés (téléphones, etc.) le projet prévoit des garanties supplémentaires :

- En premier lieu, la décision autorisant l'activation à distance de l'appareil devra nécessairement indiquer avec précision l'appareil concerné afin de permettre son identification, condition nécessaire à l'effectivité du contrôle de l'autorité judiciaire ;

- En deuxième lieu, l'activation à distance d'un appareil connecté afin de procéder à sa géolocalisation ne sera possible que pour les nécessités d'une enquête ou d'une instruction relative à un crime ou un délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement ;

- En troisième lieu, lorsque la captation de son et la fixation d'image a été mise en oeuvre grâce à l'activation à distance de l'appareil la durée de la mesure autorisée dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance est limitée à quinze jours, et celle autorisée dans le cadre d'une instruction est réduite à deux mois renouvelable, sans qu'elle ne puisse excéder six mois (au lieu de quatre mois, dans une limite de deux ans);En dernier lieu, le mesure ne peut pas concerner un appareil utilisé par un parlementaire, un avocat ou un magistrat.

Enfin, pour la mise en oeuvre de cette technique d'enquête, la possibilité de recourir aux moyens couverts par le secret de la défense nationale est prévue, dans les mêmes conditions que celles validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022-987 QPC du 8 avril 2022.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les dispositions envisagées ne modifient pas le champ d'application des mesures de sonorisation, fixation d'image ou géolocalisation en temps réel. Elles viennent compléter les dispositions de l'article 230-32 (géolocalisation) et 706-97 (obligation d'identifier avec précision les véhicules, lieux privés ou publics visés dans la décision autorisant le recours à la technique spéciale d'enquête) et 706-96-1 (modalité de mise en place du dispositif de surveillance) du code de procédure pénale.

Des articles 230-34-1 et 706-96-2 sont ainsi créés. Les articles 230-36 et 706-97 sont modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le dispositif envisagé facilitera le travail des enquêteurs et contribuera à leur sécurisation en leur évitant de s'introduire dans les lieux et véhicules privés des personnes faisant l'objet d'une enquête, donc de les exposer à d'éventuelles atteintes à leur intégrité et à leur vie.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

L'activation à distance des appareils connectés d'une personne surveillée par les forces de sécurité intérieure dans le cadre d'une procédure porte potentiellement atteinte au respect de sa vie privée, dans la mesure où cette activation peut intervenir en tout lieu ou à tout moment. Cependant, la rédaction de cette nouvelle mesure permet de concilier la nécessité de rechercher les auteurs d'infraction, tout en respectant leur vie privée. L'activation est nécessairement autorisée par le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction, et ne peut concerner les personnes protégées par l'article 100-7 du code de procédure pénale (sénateur, député, avocat, magistrat).

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Une consultation CNIL sera prévue pour le décret d'application.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Toutefois, la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi relatives aux techniques spéciales d'enquête implique la création d'un traitement de données à caractère personnel qui doit faire l'objet d'une autorisation par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL. Ces dispositions ne seront par conséquent applicables qu'à compter de l'entrée en vigueur du décret autorisant le traitement.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804).

5.2.3. Textes d'application

Le renvoi à l'article 706-96 du code de procédure pénale permet d'appliquer les dispositions de l'article D. 15-1-5 du même code fixant la liste des services habilités et les modalités d'exécution des nouvelles dispositions. Il sera toutefois nécessaire d'une part d'autoriser par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL le traitement des données issues de ces captations et d'autre part de modifier l'arrêté du 9 mai 2018 portant création du service à compétence nationale dénommé « service technique national de captation judiciaire », afin de permettre au STNCJ de mettre en oeuvre cette nouvelle modalité technique.

Article 4 - Dispositions visant à favoriser le recours au travail d'intérêt général

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le travail d'intérêt général (TIG) consiste à accomplir un travail non rémunéré au profit d'une personne morale de droit public, d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitée.

Dans le cadre d'une expérimentation dont les conditions ont été précisées par décret en 201996(*), il peut également être exécuté au profit d'une personne morale de droit privé de l'économie sociale et solidaire et poursuivant un but d'utilité sociale ainsi qu'au profit d'une société dont les statuts définissent une mission qui lui assigne la poursuite d'objectifs sociaux et environnementaux.

Le travail d'intérêt général a fait l'objet d'une réforme par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 201997(*), qui visait à renforcer la place du travail d'intérêt général au sein de l'arsenal répressif et à limiter le recours aux courtes peines d'emprisonnement. La loi du 23 mars 2019 a notamment augmenté la durée maximale de la peine de travail d'intérêt général et facilité son prononcé lorsque le prévenu ne comparaît pas.

Cette réforme s'est accompagnée de la création de l'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP), service à compétence nationale placé sous l'autorité du ministre de la justice, dont l'une des missions consiste à augmenter l'offre de postes de TIG, grâce à l'animation d'un réseau de référents territoriaux, le développement de partenariats et la gestion d'une plateforme numérique.

Le travail d'intérêt général peut être prononcé :

- pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement, à titre de peine principale, alternative à l'emprisonnement ( art. 131-8 du code pénal);

- pour les délits non punis d'une peine d'emprisonnement et pour les contraventions de cinquième classe, lorsque le texte de répression le prévoit expressément, à titre de peine complémentaire ( art. 131-17 du code pénal);

- à l'encontre des majeurs ;

- à l'encontre des mineurs âgés d'au moins 16 ans à la date du jugement, dès lors qu'ils avaient au moins 13 ans le jour de la commission de l'infraction ( art. L.122-1 du code de la justice pénale des mineurs);

- quels que soient les antécédents judiciaires du prévenu.

Le travail d'intérêt général figure également parmi les obligations qui peuvent composer le contenu d'un sursis probatoire ou d'un sursis probatoire renforcé (art. 132-45 21° du code pénal). Cette obligation peut être imposée initialement par la juridiction de jugement, ou en cours de délai de probation, par le juge de l'application des peines (art. 739 du code de procédure pénale).

En dehors de ces deux hypothèses particulières, le travail d'intérêt général doit être accompli dans un délai maximum de 18 mois (art. 131-22 du code pénal) et peut être prononcé pour une durée de :

- 20 à 400 heures pour un délit ;

- 20 à 120 heures pour une contravention.

La juridiction qui le prononce fixe ainsi le quantum d'heures et le délai d'exécution dans lequel le travail d'intérêt général doit être exécuté par le condamné (art. 131-22 du code pénal). Si ce TIG est prononcé à titre de peine principale, alors la juridiction peut fixer la durée maximum de l'emprisonnement ou le montant maximum de l'amende dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie si le condamné n'exécute pas la mesure (art. 131-9 du code pénal).

Depuis le 1er septembre 2019, le travail d'intérêt général peut également être prononcé dans le cadre de la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale (sous plusieurs conditions cumulatives).

Le TIG peut être exécuté en même temps qu'une activité salariée, sous réserve que la durée hebdomadaire cumulée de cette activité et celle du TIG n'excède pas de plus de douze heures la durée légale du travail (art. R. 131-25 du code pénal).

Si le prévenu est présent à l'audience, il doit être informé de la possibilité de refuser la peine de TIG, son accord devant être recueilli pour permettre son prononcé. Il reste néanmoins possible de condamner à une peine de TIG un prévenu absent à l'audience, et qui n'a pas fait connaître son accord, à la condition que la juridiction fixe obligatoirement l'emprisonnement ou l'amende maximum encourus en cas de refus du condamné d'accomplir le travail d'intérêt général. Le consentement de la personne condamnée sera alors ultérieurement recueilli par le juge de l'application des peines ( art. 131-8 du code pénal).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a consacré un principe de nécessité et de proportionnalité des peines, issu de l'article 8 de la Déclaration de 1789, tout en limitant son contrôle à l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue98(*).

Dans une autre décision de 201499(*) , le Conseil constitutionnel précise que le condamné peut être soumis aux obligations et interdictions prévues par l'article 132-45 du code de procédure pénale, et à celle d'effectuer un travail d'intérêt général, sans que cela méconnaisse les principes de nécessité et de proportionnalité des peines. (« Ni l'existence d'une telle peine ni la circonstance que les obligations et interdictions ordonnées dans le cadre de cette peine sont destinées à prévenir la récidive en favorisant l'insertion ou la réinsertion du condamné au sein de la société ne méconnaissent les principes de nécessité et de proportionnalité des peines »).Le Conseil constitutionnel s'assure également du respect du principe d'individualisation des peines, issu du même article de la Déclaration de 1789, et impliquant qu'une peine ne puisse être appliquée que si elle a été expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce100(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le travail d'intérêt général, dont les formes peuvent varier selon les pays, notamment au regard des structures habilitées à recevoir des personnes condamnées, mais toujours dans un but de réparation par la réalisation d'un travail gratuit au profit de la collectivité, n'a pas suscité la constitution d'un cadre conventionnel précis.

Le Parlement européen, dans une résolution du 17 décembre 1998, déclare regretter « le faible recours aux peines de substitution, particulièrement applicables aux peines inférieures à un an, immensément majoritaires dans la quasi-totalité des pays de l'Union » et se dit « favorable à l'extension, dans les différents systèmes, des mesures alternatives à la prison et des peines de substitution comme moyens souples d'assurer l'exécution des peines »101(*).

La Cour européenne des droits de l'Homme, s'appuyant sur la Convention n°29 de l'organisation internationale du travail, a jugé que la qualification d'un « travail forcé » nécessite une absence de caractère volontaire102(*). Elle a, en outre, considéré qu'un tel travail devrait être accompli contre le gré de l'intéressé, et que l'obligation devait revêtir un caractère « injuste » ou « oppressif ». Les caractères ainsi rappelés excluent du champ du travail forcé le travail d'intérêt général, s'inscrivant dans l'exécution d'une peine et soumis au consentement de la personne condamnée.

S'agissant des sanctions et mesures appliquées dans la Communauté, le comité des ministres du Conseil de l'Europe a considéré que de telles sanctions et mesures constituent des moyens importants de lutte contre la criminalité et évitent les effets négatifs de l'emprisonnement, et a édicté des règles européennes en vue de leur développement. « On ne saurait trop insister sur le fait que les sanctions et mesures appliquées dans la communauté (...) présentent une réelle utilité, aussi bien pour le délinquant que pour la communauté, puisque le délinquant est à même de continuer à exercer ses choix et à assumer ses responsabilités sociales »103(*).

Dans une autre recommandation concernant le surpeuplement des prisons et l'inflation carcérale, ledit comité a estimé qu' « il convient de prévoir un ensemble approprié de sanctions et de mesures appliquées dans la communauté, éventuellement graduées en termes de sévérité ; il y a lieu d'inciter les procureurs et les juges à y recourir aussi largement que possible »104(*).

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Il est fréquent que des TIG soient proposés par des personnes morales de droit public et/ou par des personnes morales de droit privé. Par exemple, en Ecosse, les personnes condamnées à une peine de TIG participent à des projets de travaux communautaires, comme la création de jardins ouvriers, la réfection de locaux scolaires ou de tâches au profit de personnes âgées.

Partout, la notion d'intérêt général est recherchée au sein des structures, comme en Belgique où l'on parle de structure d'intérêt public. On note que la Suisse se distingue en dépassant la notion de structure et prévoyant que les travaux soient effectués auprès d'institutions sociales et d'oeuvres d'utilité publique ou de personnes dans le besoin.

Il en ressort qu'au-delà de la forme juridique, c'est avant tout l'action et le but social de la structure qui sont recherchés.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant la détermination des crimes et délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, ainsi que la procédure pénale.

Il est donc nécessaire, pour modifier les règles applicables au travail d'intérêt général, d'opérer des modifications législatives.

Par ailleurs la réglementation internationale relative au travail impose des garde-fou quant aux conditions d'exécution d'un travail non rémunéré résultant d'une condamnation judiciaire. Ces restrictions concernent d'une part, l'obligation de conserver une exécution sous surveillance de l'Etat et imposent, d'autre part, de s'assurer que les profits de ces travaux ne soient pas mis à disposition d'intérêts particuliers.

Ainsi, tout nouveau projet d'extension du champ des structures habilitées pour le TIG doit prendre en considération la justification par la structure candidate de sa participation au développement d'un intérêt général, d'une utilité pour la société.

L'intérêt d'étendre ce champ avait été rappelé par le rapport PARIS et LAYANI, remis au Premier ministre au mois de mars 2018105(*).

Cette préconisation s'inscrivait dans un contexte où le TIG représentait 36 428 mesures prises en charge sur l'année 2016, soit seulement 3,5% du total des peines prononcées sur le territoire national et moins de 7% des peines exécutées.

Les auteurs relevaient notamment qu' :

« Il résulte une situation effective du TIG tout à fait paradoxale. Il apparaît clairement comme une peine moderne, efficace, économique et pragmatique qui repond à l'ensemble des critères de la loi et fait l'objet, dans son principe, d'une parfaite unanimité.

Mais son application reste timorée, insuffisamment développée. La peine de travail d'intérêt général souffre d'un manque de dynamisme, lié tout autant à la faiblesse des prescriptions judiciaires, qu'à la complexité de sa mise en oeuvre et la durée excessive de son exécution. »

L'augmentation de l'offre de postes de TIG apparaît clairement comme un levier incontournable :

- pour dynamiser les prescriptions judiciaires,

- mais aussi pour réduire le délai d'exécution.

C'est pourquoi l' article 71 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis une expérimentation de l'accueil des personnes condamnées, mineures comme majeures, à un TIG au sein des structures commerciales de l'économie sociale et solidaire (ESS) et des sociétés à mission, à compter du 26 décembre 2019 et pour une période de 3 ans. La proposition de pérennisation des dispositions d'accueil de personnes condamnées au sein des sociétés commerciales et de prorogation pour l'accueil au sein des sociétés à mission est réalisée à l'issue de la période d'évaluation.

Toutefois, le nombre global de prononcés de peines impliquant un travail d'intérêt général, toutes juridictions confondues s'avère en baisse. On constate en effet qu'il a baissé de 12 % entre le 31 décembre 2019 et le 31 décembre 2021.

Cette baisse se constate également au niveau du nombre global de mesures impliquant la réalisation d'un travail d'intérêt général prises en charge par l'administration pénitentiaire, qui a connu une diminution de 22,7 % entre le 31 décembre 2019 et le 31 décembre 2021.

Cette diminution s'explique principalement par une baisse significative des conversions des peines d'emprisonnement en mesure de TIG (ou sursis probatoire renforcé par un TIG).

L'article 464-2 I 2°du code de procédure pénale (CPP) peut utilement être clarifié106(*). S'agissant des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an pour lesquelles la juridiction de jugement ne s'estime pas assez renseignée pour statuer sur leur aménagement sans pour autant remettre en cause le principe de cet aménagement, le texte actuel prévoit la remise de la convocation devant le juge de l'application des peines (JAP) qui instruit alors la procédure suivant l'article 723-15 du CPP. Cet article 723-15 actuel prévoit la possibilité de convertir les peines inférieures ou égales à six mois faisant l'objet de cette procédure. Une clarification dudit article 462-2 I 2° sur cette possibilité de conversion permettrait donc d'harmoniser les pratiques juridictionnelles en favorisant une individualisation complète de la peine (y compris par conversion), dans la mesure où la juridiction de jugement n'était pas en mesure de statuer initialement. En effet, le manque d'information initiale motivant l'impossibilité de la juridiction de jugement de choisir la nature de l'aménagement de peine (détention à domicile sous surveillance électronique, semi-liberté, placement extérieur) justifie l'opportunité d'une appréciation par le JAP également d'autres natures de peine (TIG, jour-amende, sursis probatoire dont sursis probatoire TIG).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le présent article du projet de loi poursuit l'objectif de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général, notamment en élargissant les possibilités qui sont offertes au juge de l'application des peines de la prononcer, en particulier dans le cadre des conversions des courtes peines d'emprisonnement. Il s'agit aussi également de systématiser le prononcé d'une peine encourue en cas d'inexécution du travail d'intérêt général.

L'extension du champ des structures habilitées à recevoir des personnes condamnées à un TIG, conformément aux conclusions du rapport PARIS et LAYANI, participe de la nécessaire augmentation de l'offre de postes de TIG. Cette dernière est en effet un levier indispensable, à la fois pour dynamiser les prescriptions judiciaires et pour réduire le délai d'exécution.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIFS RETENUS

3.1. OPTION ENVISAGÉE

Il a été choisi de ne pas obliger le juge des enfants à fixer la durée maximum de l'emprisonnement ou le montant maximum de l'amende dont le juge pourra ordonner la mise à exécution si le condamné ne respecte pas les obligations ou interdictions résultant de la ou des peines prononcées.

En effet, l' article L. 121-4 du code de la justice pénale des mineurs prévoit que le juge des enfants statuant en chambre du conseil peut condamner un mineur âgé d'au moins 13 ans à accomplir un travail d'intérêt général, si ce mineur est âgé d'au moins 16 ans au moment du prononcé de la peine.

Cette possibilité introduite par le code de la justice pénale des mineurs permet au juge des enfants statuant seul de condamner un mineur âgé de plus de 16 ans à une peine de travail d'intérêt général, à condition qu'il ne prononce pas la peine encourue en cas d'inexécution. En effet, cela reviendrait à prononcer une peine d'emprisonnement en chambre du conseil, cette possibilité étant réservée au tribunal pour enfants.

En revanche, ce sera le cas pour le tribunal pour enfants qui lui devra fixer la peine encourue en cas d'inexécution du TIG.

3.2. DISPOSITIF RETENU

3.2.1. Pérennisation de l'ouverture du TIG aux personnes morales de droit privé remplissant les conditions définies à l'article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire et poursuivant un but d'utilité sociale au sens de l'article 2 de la même loi et prorogation de l'expérimentation pour les sociétés à mission

L'expérimentation de l'accueil de personnes condamnées à un TIG au sein de sociétés commerciales de l'ESS, conduite durant trois ans dans 20 départements, a été jugée concluante par le comité d'évaluation prévu par le décret n° 2019-1462 du 26 décembre 2019. En conséquence, l'article 131-8 du code pénal est modifié pour pérenniser cette possibilité d'accueil.

En revanche, s'agissant des sociétés à mission, la temporalité de l'expérimentation s'est avérée trop contrainte en raison de l'obligation impérative d'un bilan annuel de la société qui envisage de prendre cette forme juridique, conjuguée à la création très récente en droit positif français de ce type de société. Cela a conduit à l'absence d'habilitation de sociétés à mission durant la période d'expérimentation. C'est la raison pour laquelle il est fait le choix de proroger la période d'expérimentation prévue par l'article 71 de la loi 2019-22 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

3.2.2. Obligation de fixer la peine encourue en cas d'inexécution du travail d'intérêt général

Les articles 131-8 et 131-9 du code pénal sont modifiés afin que la juridiction qui condamne un majeur pour un délit puni d'une peine d'emprisonnement à une peine de travail d'intérêt général ait l'obligation de fixer, en même temps, la durée maximum de l'emprisonnement ou le montant maximum de l'amende dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie, si le condamné ne respecte pas ses obligations, alors qu'il s'agit aujourd'hui d'une simple faculté.

Cette évolution nécessite toutefois, par coordination, une modification de l'article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs, afin que le nouveau dispositif n'affecte pas les règles applicables à la procédure de jugement en chambre du conseil par le juge des enfants mais soit repris uniquement pour le tribunal pour enfants.

3.2.3. Intégration claire du travail d'intérêt général dans le circuit court de mise en oeuvre des peines

L'article 474 du code de procédure pénale est modifié afin qu'en cas de condamnation à un travail d'intérêt général, la personne concernée se voit délivrer une convocation lors de l'audience devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation dans un délai de 45 jours afin de donner au travail d'intérêt général sa pleine effectivité, dès son prononcé.

3.2.4. Clarification des possibilités de conversion d'une peine en travail d'intérêt général

Le projet de loi clarifie les hypothèses dans lesquelles le juge de l'application des peines peut convertir une peine en travail d'intérêt général, à savoir :

- lorsque le tribunal correctionnel a prononcé une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à six mois et ordonné la convocation de la personne condamnée devant le juge de l'application des peines, parce qu'il ne disposait pas d'éléments permettant de déterminer une mesure d'aménagement adaptée (art. 464-2 du code de procédure pénale) ;

- lorsque le tribunal a prononcé une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à six mois, ou un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis probatoire et que la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, ou une peine pour laquelle la durée de l'emprisonnement restant à exécuter à la suite d'une détention provisoire est inférieure ou égale à six mois, et a décidé l'aménagement ab initio de cette peine sous la forme d'une détention à domicile sous surveillance électronique, d'une semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur (art. 723-2, 723-7-1 et 747-1 du code de procédure pénale).

Il est par ailleurs prévu expressément que, parmi les possibilités de conversion à sa disposition, le juge de l'application des peines pourra non seulement décider d'une conversion en travail d'intérêt général, mais également d'une conversion en une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire comportant nécessairement l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (article 747-1 du code de procédure pénale).

Cette modification vient améliorer le droit applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a placé le juge de l'application des peines dans l'obligation de choisir entre une conversion en travail d'intérêt et une conversion en sursis probatoire renforcé comportant l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, sans alternative intermédiaire.

Enfin, l'article 712-6 du code de procédure pénale est modifié afin qu'il soit possible de procéder à des conversions de peine, notamment en travail d'intérêt général, dans le cadre de la procédure dite « hors débat » (alinéa 2), lorsque la personne condamnée et le ministère public en sont d'accord, afin de renforcer la souplesse de la procédure pénale applicable.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La réforme proposée exige de modifier plusieurs articles du code pénal (articles 131-8 et 131-9), du code de procédure pénale (articles 464-2, 474, 712-6, 723-2, 723-7-1 et 747-1) et du code de la justice pénale des mineurs (article L. 122-1). La durée de l'expérimentation prévue par le XIX de l'article 71 de la loi 2019-22 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est prorogée.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Le rapport du comité d'évaluation de l'expérimentation d'accueil de personnes condamnées à un travail d'intérêt général au sein des entreprises commerciales de l'économie sociale et solidaire ne pointe aucun impact remarquable résultant de cet accueil. Ainsi, le rapport indique que les retours d'expérience des structures transmis au comité d'évaluation concernant les incidences éventuelles de cet accueil de personnes devant effectuer un TIG sur leur fonctionnement ne font pas état de difficultés insurmontables. Seule une structure relève des conséquences logistiques (RH, essentiellement) au regard de la création d'une activité en fin de semaine (activité créée spécifiquement pour la peine de TIG), nécessitant une mobilisation de ses ressources encadrantes le week-end.

4.2.3. Impacts budgétaires

Les modifications proposées n'engendrent aucun impact budgétaire.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Les dispositions proposées imposeront aux juridictions de jugement pour les majeurs, et au tribunal pour enfants, lorsqu'ils condamneront un majeur ou un mineur de plus de 16 ans à une peine de travail d'intérêt général, de fixer systématiquement la peine d'emprisonnement ou d'amende encourue en cas d'inexécution, alors qu'ils avaient auparavant, dans la majorité des cas, une simple faculté de le faire. Cette tâche supplémentaire ne devrait toutefois pas avoir de répercussion notable dans le temps de délibéré et, plus largement, dans le temps d'audience.

En revanche, dans la mesure où la peine encourue en cas d'inexécution du travail d'intérêt général aura été obligatoirement fixée au moment du prononcé de la condamnation, il ne sera plus nécessaire que le ministère public engage des poursuites en cas d'inexécution (l'inexécution d'un travail d'intérêt général constitue en effet également une infraction, prévue par l'article 434-42 du code pénal et réprimée d'une peine d'emprisonnement d'un quantum de deux ans) : la sanction de cette inexécution restera cantonnée au cadre post-sentenciel uniquement, dans lequel le juge de l'application des peines ou le juge des enfants pourront décider d'une mise à exécution totale ou partielle de la peine encourue fixée par la juridiction de condamnation. L'implication des services judiciaires se déroulera donc de manière plus efficace.

Enfin, ces dispositions sont également de nature à alléger la tâche du juge de l'application des peines et du juge des enfants, qui pourront plus facilement décider d'une conversion en travail d'intérêt général.

La réforme envisagée n'emporte pas d'impact majeur pour les juridictions en matière d'organisation. Toutefois, il conviendra éventuellement d'adapter les modalités d'organisation de certains services, tels que celui des ordonnances pénales, à ces nouvelles dispositions, notamment le choix d'une notification de la peine de travail d'intérêt général avec fixation systématique d'une peine en cas d'inexécution par un délégué du procureur de la République ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

Les dispositions relatives à l'économie sociale et solidaire et aux sociétés à mission ont peu d'impact sur les services judiciaires dans la mesure où elles ne modifient pas les conditions d'intervention des services judiciaires dans la procédure d'habilitation des structures de droit privé. Seule l'étendue des vérifications nécessaires, au regard des pièces justificatives définies par la loi demandera un temps d'appropriation aux magistrats sollicités pour donner leur avis. La mise en oeuvre de cette réforme nécessitera une communication dédiée au soutien de cette appréhension.

4.5. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

4.5.1. Impacts sur les services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse

Les modifications proposées portant sur l'obligation pour la juridiction de jugement de fixer la durée maximale de l'emprisonnement ou le montant de l'amende lorsqu'est prononcée une peine de travail d'intérêt général n'emporte pas d'impact pour les services pénitentiaires en termes de ressources humaines.

Celles portant sur la modification de l'article 474 du code de procédure pénale et ainsi l'extension de la procédure qui y est décrite aux personnes condamnées à un travail d'intérêt général auront des impacts organisationnels pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ces derniers devront veiller à garantir l'accueil dans les délais fixés des personnes condamnées à un TIG dans le cadre d'un entretien individuel ou d'une audience collective. Il ne s'agit, en revanche que d'un impact organisationnel puisqu'il n'emportera pas, à prononcés constants, d'augmentation de la charge de travail pour ces services.

S'agissant de la première hypothèse de conversion pour le JAP « lorsque le tribunal correctionnel a prononcé une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à six mois et ordonné la convocation de la personne condamnée devant le juge de l'application des peines, parce qu'il ne disposait pas d'éléments permettant de déterminer une mesure d'aménagement adaptée (art. 464-2 du code de procédure pénale) »

Le juge de l'application des peines peut d'ores et déjà saisir le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) pour déterminer la mesure d'aménagement de peine adaptée. Ce dernier examinera, en sus, des aménagements de peine sous écrou, la possibilité et l'opportunité de prononcer un TIG ou un sursis probatoire assorti de l'obligation de prononcer un TIG ; cela n'emportera aucun surplus en matière de charge de travail à prononcés constants.

S'agissant de la seconde hypothèse de conversion « lorsque le tribunal a prononcé une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à six mois, ou un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis probatoire et que la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, ou une peine pour laquelle la durée de l'emprisonnement restant à exécuter à la suite d'une détention provisoire est inférieure ou égale à six mois, et a décidé l'aménagement ab initio de cette peine sous la forme d'une détention à domicile sous surveillance électronique, d'une semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur (art. 723-2, 723-7-1 et 747-1 du code de procédure pénale) »

Le juge de l'application des peines peut d'ores et déjà saisir le SPIP pour déterminer les modalités de l'aménagement de peine décidée par la juridiction. Il pourra ainsi également saisir le SPIP lorsqu'il envisage une conversion en TIG ou en sursis probatoire assorti de l'obligation d'effectuer un TIG. Cette évolution n'emportera pas de conséquences sur la charge de travail des services à prononcés constants.

Les modifications proposées portant sur l'accueil des personnes condamnées à un TIG au sein des structures commerciales de l'ESS et au sein des sociétés à mission n'ont que peu d'impact sur les services pénitentiaires d'insertion et de probation et sur les services territoriaux de la protection judiciaire de la jeunesse dans la mesure où les travaux de prospection et de mise en état de la procédure d'habilitation seront suivis par les personnels dédiés (référents territoriaux du TIG), déjà en charge de ces tâches. La réforme n'engage par ailleurs aucune modification dans le suivi des mesures.

En ce qui concerne les référents territoriaux du TIG, pour ceux n'ayant pas fait partie de l'expérimentation, un investissement initial en formation portant sur la structuration du secteur des entreprises de l'ESS ainsi que la vérification des pièces justificatives prévues par la loi dans le cadre de la procédure d'habilitation sera nécessaire.

4.5.2. Impacts informatiques

L'intégration applicative de ces mesures ne soulève aucune difficulté particulière concernant Cassiopée et TIG 360°.

L'intégration à APPI nécessite, en revanche, des travaux plus conséquents, qui en l'état de l'obsolescence de ce système d'information, et de son instabilité, ne pourront être priorisés qu'après une expertise plus poussée. Leur intégration à l'applicatif PRISME, dont le développement est en cours, sera dès lors à favoriser.

4.6. IMPACTS SOCIAUX

4.6.1. Impacts sur la société

Néant.

4.6.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.6.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.6.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.6.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.7. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.8. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Conformément à l'article d'entrée en vigueur du projet de loi, les dispositions concernant le travail d'intérêt général, à l'exclusion des paragraphes I 1° et IV de l'article 4 (qui entrent en vigueur au lendemain de la publication du texte au Journal officiel de la République française), entreront en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions sont applicables sur l'ensemble du territoire (voir les mentions expresses nécessaires dans l'étude d'impact de l'article Outre-mer).

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions appellent des textes d'application, notamment des décrets en Conseil d'Etat.

SECTION 2 : DISPOSITIONS AMÉLIORANT L'INDEMNISATION DES VICTIMES

Article 5 - Dispositions améliorant l'indemnisation des victimes

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) a été instituée par la loi n°83-608 1983-07-8 du 09 juillet 1983 renforçant la protection des victimes d'infraction.

Son fonctionnement est en lien étroit avec celui du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI). Ce fonds est un organisme chargé de cette indemnisation au titre de la solidarité nationale, dont le financement repose sur une contribution prélevée sur les contrats d'assurances de biens et qui poursuit auprès de l'auteur des faits le recouvrement des sommes versées à la victime en étant subrogé dans les droits de celle-ci.

La commission d'indemnisation des victimes d'infraction est prévue par les articles L214-1 et L214-2 du code de l'organisation judiciaire, qui renvoient à l' article 706-3 du code de procédure pénale pour fixer le montant de l'indemnisation prévue.

Les articles 706-3 à 706-15 du code de procédure pénale définissent les modalités du recours à cette indemnisation, ouverte à certaines victimes de dommages résultant d'une infraction. Ces textes ont fait l'objet de plusieurs modifications, notamment par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Les dispositions relatives à la CIVI distinguent deux catégories d'infractions :

- D'une part, les infractions pour lesquelles une indemnisation intégrale est attribuée, sans conditions de ressources (art. 706-3 du code de procédure pénale) :

§ faits ayant entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;

§ ou faits prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal (exemples : viol, agression sexuelle, enlèvement et séquestration ; réduction en esclavage et exploitation de personnes réduites en esclavage ; traite des êtres humains ; atteintes sexuelles sur mineurs) ;

- D'autre part, les infractions pour lesquelles une indemnisation peut être attribuée, quand la victime ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, tout en remplissant certaines conditions de ressources (art. 706-14 du code de procédure pénale) : vol, escroquerie, abus de confiance, extorsion de fonds, destruction, dégradation ou détérioration d'un bien lui appartenant. L'indemnisation est alors plafonnée.

Tous les tribunaux judiciaires comportent une commission d'indemnisation des victimes d'infraction, dont la mission est de statuer sur les demandes d'indemnité présentées par certaines victimes de dommages corporels ou matériels résultant d'une infraction. Ces dernières sont composées de deux magistrats du siège du tribunal judiciaire et d'une personne majeure, de nationalité française et jouissant de ses droits civiques, s'étant signalée par l'intérêt qu'elle porte aux problèmes des victimes. Elle est présidée par l'un des magistrats. Les membres de la commission et leurs suppléants sont désignés pour une durée de trois ans par l'assemblée générale des magistrats du siège du tribunal (article 706-4 du code de procédure pénale).

L'article R. 214-2 du code de l'organisation judiciaire précise les modalités de désignation des membres titulaires et des suppléants, ainsi que les dispositions permettant le remplacement en cas d'empêchement.

A peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction. Lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive (article 706-5).

La demande d'indemnité, accompagnée des pièces justificatives, est transmise sans délai par le greffe de la commission d'indemnisation au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions.

Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions est tenu, dans les deux mois de la réception de la demande, de présenter à la victime une offre d'indemnisation, le refus d'indemnisation devant être motivé. En cas d'acceptation par la victime de l'offre d'indemnisation, le fonds de garantie transmet le constat d'accord au président de la commission d'indemnisation aux fins d'homologation. En cas de refus motivé du fonds de garantie, ou de désaccord de la victime sur l'offre qui lui est faite, l'instruction de l'affaire par le président de la commission ou le magistrat assesseur se poursuit (article 706-5-1)

La commission ou son président peut procéder ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel. Lorsque des poursuites pénales ont été engagées, la décision de la commission peut intervenir avant qu'il ait été statué sur l'action publique. La commission peut, pour l'application du dernier alinéa de l'article 706-3, surseoir à statuer jusqu'à décision définitive de la juridiction répressive. Dans tous les cas, elle doit surseoir à statuer à la demande de la victime (article 706-6).

Lorsqu'elle alloue à la victime une somme au titre de la réparation, la commission tient compte des prestations versées par les organismes de sécurité sociale, des sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation, des salaires et accessoires du salaire maintenu par l'employeur et des indemnités journalières de maladie et des prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité. Elle tient compte également des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice. Les sommes allouées sont versées par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (article 706-9).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les articles 706-3 et 706-14 n'ont jamais été examinés par le Conseil constitutionnel.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Plusieurs instruments européens traitent de la question des victimes d'infractions pénales. C'est notamment le cas de la décision-cadre du Conseil du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales (2001/220/JAI), remplacée par la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2012, établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes. Cette directive a été transposée par la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Il paraît nécessaire de renforcer l'indemnisation des victimes, notamment afin de prendre en compte les évolutions de la société sur les violences intrafamiliales, qui constituent une priorité majeure du Gouvernement. L'insolvabilité régulière des auteurs d'infractions d'atteintes aux personnes est régulièrement relevée, par les victimes de faits graves, comme le signe d'un préjudice supplémentaire.

Cette extension reste souhaitée pour les raisons liées à l'amélioration de la protection, par la solidarité nationale, de victimes de faits dont la gravité ne pourra pas être discutée. A cet égard, il s'agit de violences particulièrement graves (ITT de 10, 20, 25 jours) qui s'accompagnent généralement de fractures du corps humain, de multi traumatismes. Les violences conjugales très graves ou les violences sur mineurs, qui sont des priorités du Gouvernement, entrent dans ce champ. Il s'agit également des infractions de chantage, d'abus de faiblesse, d'atteinte aux systèmes de traitement automatisé.

S'agissant de la violation de domicile, le Gouvernement souhaite renforcer l'aide des victimes ayant subi une telle violation et qui se trouvent, par voie de conséquence, placées dans une situation matérielle grave, notamment lorsqu'elles sont dans l'impossibilité de regagner leur propre domicile.

Cela exige de modifier les dispositions des articles 706-3 et 706-14 du code de procédure pénale.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la présente mesure est d'améliorer l'indemnisation des victimes de violences, notamment en l'étendant à de nouvelles infractions.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Compte tenu de l'objectif recherché, les options envisageables consistent à savoir si les nouvelles infractions pour lesquelles sera institué un droit à réparation par la solidarité nationale doivent relever de l'article 706-3 du code de procédure pénale, qui consacre la réparation intégrale des dommages résultant d'une infraction, sans condition de ressources, ou de l'article 706-14 de ce même code, qui n'est applicable que lorsque les ressources de la victime sont inférieure au plafond prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et limite le montant de l'indemnité octroyée au triple du montant mensuel de ce plafond.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Il est proposé de favoriser une meilleure indemnisation des victimes d'infractions pénales, en développant le champ des infractions concernées. Il s'agit ainsi :

- en premier lieu, d'étendre le droit à indemnisation de l'article 706-3 du Code de procédure pénale aux faits commis sur un mineur ou par le conjoint ou le concubin de la victime, ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et prévus et réprimés par l'article 222-12 du code pénal ou par les alinéas 4 à 6 de l'article 222-14 du même code, y compris lorsque ces faits ont été commis avec d'autres circonstances aggravantes. Par exception au premier alinéa de l'article 706-3 du code de procédure pénale, le montant maximum de la réparation des dommages subis à raison de ces faits, lorsqu'ils ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois, sera défini par voie réglementaire ;

- en second lieu, d'élargir l'indemnisation prévue sous conditions de ressources aux infractions de chantage, d'abus de faiblesse et d'une atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données.

- enfin, d'étendre l'indemnisation devant la CIVI aux violations de domicile avec exigence de situation matérielle grave mais sans condition de ressources

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1 IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La réforme nécessite la modification des articles 706-3 et 706-14, ainsi que la création d'un article 706-14-3 du code de procédure pénale.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Au regard du financement du FGTI par une contribution prélevée sur les contrats d'assurance, l'impact budgétaire au sens strict est nul.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Il est estimé que l'extension générera un surcroît de 6 000 dossiers supplémentaires par an, venant devant les commissions d'indemnisation des victimes d'infraction. Cette hausse sera traitée par 12 ETPT supplémentaires de magistrats, et 18 ETPT supplémentaires de fonctionnaires ou contractuels de greffe.

Le minutage relatif au traitement de ces dossiers par les magistrats du siège prévoit 180 minutes par affaire. Selon la typologie Outilgref TJ140 Indemnisation des victimes, le temps de travail des fonctionnaires de greffe est évalué à 250 minutes par affaire en hypothèse normale (100% de greffiers).

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Les impacts informatiques seront limités, puisque les modifications s'appuieront sur les applicatifs et dispositifs existants, qu'il conviendra toutefois de mettre à jour au regard de ces modifications législatives.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

L'impact porte sur les contrats d'assurance, source de financement du FGTI.

Au regard des statistiques annuelles constatées pour les infractions faisant l'objet de l'extension, du nombre de victimes moyen constaté sur ces infractions et du plafonnement d'indemnisation prévu dans le texte, un montant théorique maximal annuel de 35 millions d'euros est obtenu. A cela s'ajoute le recrutement de nouveaux collaborateurs pour traiter le flux de dossiers entrants supplémentaire, à raison d'environ 32 (18 + 12) nouveaux postes à ouvrir, le surcoût opérationnel du FGTI serait entre 1 et 2 M€.

Le chiffrage précis de la mesure est toutefois délicat. Plusieurs facteurs, difficiles à objectiver, peuvent jouer à la hausse comme à la baisse sur les dépenses.

A la baisse :

- Le nombre de faits et donc de victimes est supérieur à la réalité : s'agissant du périmètre des violences, les faits ayant entraîné pour la victime une ITT d'un mois et plus ou une IPP étaient déjà pris en compte par la CIVI. Ces faits ne peuvent cependant pas être isolés au vu des outils statistiques actuels ;

- Le recours après des auteurs permet de recouvrer en moyenne 23% des sommes avancées par le FGTI ;

- Les chiffres présentés postulent que toutes les victimes éligibles saisiront la CIVI aux fins d'indemnisation de leur préjudice. C'est aujourd'hui loin d'être le cas et cette proportion ne pourra évoluer beaucoup, quand bien même une publicité supplémentaire était faite sur ce dispositif à l'occasion du vote de la loi ;

- Les chiffres présentés postulent que toutes les victimes qui auront saisi la CIVI seront indemnisées, et le seront à hauteur du plafond, ce qui ne correspond pas non plus à une réalité statistique (de nombreux dossiers seront rejetés ou porteront sur des montants moindres) ;

- Enfin, une source de réduction majeure vient du fait que les violences conjugales, les violences sur mineurs et les violations de domicile, étaient déjà partiellement prises en compte par le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions (SARVI). L'extension du périmètre de la CIVI aura donc pour effet d'alléger celui du SARVI. Le transfert de dossiers du SARVI vers la CIVI ne se fera cependant peut être pas à coût constant, en raison de l'application d'un plafond d'indemnisation plus élevé et d'une plus grande prise en charge par les services du FGTI qui pourrait générer un surcroît de frais de fonctionnement.

A la hausse :

- Le nombre de condamnations prononcées sur certaines infractions ayant vocation à intégrer le périmètre de la CIVI augmente fortement dans la période récente (+60 % de hausse des victimes de violences conjugales avec ITT supérieure à 8 jours en 5 ans par ex.) ;

- A la marge, grâce à l'ouverture de l'accès à une expertise gratuite devant la CIVI, une partie des victimes nouvellement éligibles pourrait se voir reconnaître une incapacité permanente (même minime, de 1 %) et avoir ainsi droit à la réparation intégrale de leur préjudice (effet de contournement des plafonds réglementaires).

Au regard de ces éléments, le coût de cette mesure est estimé entre 20 et 40 M€.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a été consulté le 27 octobre 2022. La fédération France victimes a également été consultée.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Ces dispositions seront applicables le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel mais uniquement aux faits commis après l'entrée en vigueur de la présente loi, comme prévue de façon expresse par le projet de loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sur l'ensemble du territoire national.

5.2.3. Textes d'application

Aucun décret d'application ne sera nécessaire pour permettre la mise en oeuvre de ces dispositions.

L'arrêté du 10 novembre 2016 fixant à 5,90 euros le montant de la contribution prélevée sur les contrats d'assurance pour financer le FGTI devra être éventuellement modifié dans les années à venir en fonction de l'augmentation des saisines de la CIVI à la suite de cette extension.

TITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE COMMERCIALE ET AUX JUGES NON PROFESSIONNELS

CHAPITRE IER - DIVERSES DISPOSITIONS PORTANT EXPÉRIMENTATION D'UN TRIBUNAL DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES

Article 6 - Diverses dispositions portant expérimentation d'un tribunal des activités économiques

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La justice commerciale joue un rôle essentiel dans la régulation économique de notre société. La portée des jugements rendus en matière économique dépasse de loin les enjeux purement juridiques et contentieux. Elle est pourtant, et non sans paradoxe, souvent perçue par le monde de la justice comme périphérique. Or, pour le chef d'entreprise, la justice est constituée d'abord du tribunal de commerce.

Le territoire métropolitain est composé de :

- 134 tribunaux de commerce (TC) ;

- 7 tribunaux judiciaires (TJ) dotés d'une chambre commerciale en Alsace-Moselle, composée d'un magistrat du TJ et de deux assesseurs élus ;

- 9 tribunaux mixtes de commerce propres à l'outre-mer et 2 tribunaux de première instance statuant en matière commerciale composés du président du tribunal et de juges élus.

Coexistent donc des organisations différentes en première instance (juges consulaires ou échevinage), étant précisé qu'au niveau de la cour d'appel, la justice commerciale ne relève que de magistrats de carrière.

Il convient toutefois de souligner que le tribunal de commerce n'est pas la seule juridiction compétente en matière de contentieux des activités économiques. Il connaît seulement des contestations relatives aux engagements entre commerçants, de celles relatives aux sociétés commerciales et de celles relatives aux actes de commerce.

Le contentieux des activités économiques est en effet partagé, en première instance, entre les tribunaux de commerce et les tribunaux judiciaires. Selon le secteur d'activité et la forme juridique, toutes les entreprises ne relèvent pas du TC. Les exploitants agricoles, professions libérales et associations ressortent de la compétence du TJ, étant précisé que depuis le 1er janvier 2022, les TC sont compétents pour connaître des litiges mettant en cause les artisans.

La même dichotomie de compétence prévaut en matière de prévention et de règlement des difficultés des entreprises alors que les dispositions du livre VI du code de commerce s'appliquent à tous les débiteurs.

Pour les justiciables, cette organisation manque de lisibilité.

Les dernières années ont par ailleurs connu un mouvement de spécialisation au sein des TC comme au sein des TJ afin de tenter de concilier impératif de proximité et nécessité de compétences accrues dans des domaines techniquement complexes :

Ø Création de TC spécialisés

- 18 TC ainsi qu'une chambre commerciale au sein du TJ de Strasbourg connaissent des procédures collectives ouvertes à l'égard des grandes entreprises (sauvegarde, redressement, liquidation) et se sont vu attribuer spécifiquement certains contentieux techniques ( article L. 721-8 du code de commerce - loi n° 2015- 990 du 6 août 2015) ;

- 8 TC ont été spécialement désignés pour connaître du contentieux des pratiques restrictives de concurrence et anticoncurrentielles (décrets n° 2011-1877 du 14 décembre 2011 et n° 2007-431 du 25 mars 2007).

Ø Spécialisation ancienne des TJ en matière de propriété intellectuelle ( loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, loi n° 2008-776 du 4 août 2008 et décrets n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 et n° 2010-1369 du 12 novembre 2010) :

- 10 TJ connaissent exclusivement des contentieux en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques ;

- le seul TJ de Paris connaît des contentieux des brevets d'invention, des certificats d'utilité, des certificats complémentaires de protection et des topographies de produits semi-conducteurs (sous réserve de la future juridiction unifiée du brevet - JUB107(*)).

Ø Spécialisation récente en matière de devoir de vigilance ( loi n° 2017-399 du 27 mars 2017) : le seul TJ de Paris sera compétent pour connaître des litiges portant sur le devoir de vigilance des multinationales (accord en CMP le 21 octobre 2021).

Ce mouvement de spécialisation est allé de pair avec une volonté de simplifier l'organisation judiciaire, afin de la rendre plus lisible pour le justiciable, avec récemment :

- la suppression des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux du contentieux de l'incapacité et des commissions départementales d'aides sociales le 1er janvier 2019 au profit des TGI (devenus TJ) au sein desquels ont été créés des pôles sociaux ;

- la création au 1er janvier 2020 des tribunaux judiciaires avec fusion des contentieux des ex-TI et TGI (entrée unique pour le justiciable) et des greffes, conseils des prud'hommes compris.

Il existe donc désormais en première instance un tribunal par ordre de juridiction : d'un côté, le tribunal administratif et de l'autre, le tribunal judiciaire.

Ceci étant, le tribunal de commerce n'entre pas, à ce jour, dans la construction de cette nouvelle architecture simplifiée ; il constitue une juridiction spécialisée qui se distingue par son autonomie.

Les tribunaux de commerce sont composés de juges issus de la société civile, élus par leurs pairs, et d'un greffe assuré par un greffier de tribunal de commerce, titulaire d'un office public et ministériel.

Les juges consulaires sont des commerçants ou représentants de sociétés commerciales inscrits au registre du commerce et des sociétés ainsi que des artisans inscrits au répertoire des métiers. Ils sont issus de tous les secteurs d'activité, de toutes tailles d'entreprise (personnelle, TPE, PME ou groupes).

Les membres du tribunal de commerce remplissent leur mission bénévolement.

En 2022, sur 3 513 sièges localisés, 3 477 juges consulaires étaient en fonction (2805 hommes et 672 femmes).

Depuis le 1er janvier 2022, les juges des tribunaux de commerce sont élus par un collège composé des juges et anciens juges consulaires, des membres élus des chambres de commerce et d'industrie et des chambres des métiers et de l'artisanat relevant du ressort du tribunal de commerce.

L'élection annuelle a lieu durant la première quinzaine du mois d'octobre dans toutes les juridictions où il y a des sièges à pourvoir.

Le nombre de mandats dans un même tribunal est limité à 5 et la limite d'âge est fixée à 75 ans.

Le premier mandat effectué par un juge de tribunal de commerce est de deux ans (article L. 722-6 du code de commerce). Les mandats suivants sont d'une durée de quatre ans, dans le même tribunal ou dans tout autre tribunal de commerce (article L. 722-6 du code de commerce).

Conformément à l' article R. 722-7 modifié du code de commerce, le mandat des juges consulaires commence le 1er janvier de l'année civile suivant leur élection et s'achève le 31 décembre de l'année civile suivant l'élection de leur successeur. Cette condition s'apprécie à la date de l'élection.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'expérimentation a pour objectif d'évaluer la pertinence des mesures proposées. Il convient d'ajouter que l'organisation judiciaire entre pleinement dans le champ de l'article 37-1 de la Constitution qui prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Plus encore, l'article 37-1 a été créé par la loi constitutionnelle n° 2003-276 relative à l'organisation décentralisée de la République précisément avec l'objectif de mettre en oeuvre des expérimentations en matière d'organisation judiciaire, ainsi qu'il en ressort des débats parlementaires108(*).

A titre d'exemple, une expérimentation des cours criminelles départementales a été mise en oeuvre sur ce fondement ( article 63 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019).

La composition du tribunal des activités économiques (TAE) proposée au stade de l'expérimentation ne semble pas soulever de risque de censure du Conseil constitutionnel dans la mesure où celui-ci a validé cette composition dans le cadre des tribunaux de commerce dans sa décision n°2012-241 QPC du 4 mai 2012.

En effet, celle-ci énonce qu' « eu égard à la compétence particulière des tribunaux de commerce, spécialisés en matière commerciale, les dispositions contestées, qui, d'une part, prévoient que les juges des tribunaux de commerce sont élus par leurs pairs parmi des personnes disposant d'une expérience professionnelle dans le domaine économique et commercial et, d'autre part, réservent les fonctions les plus importantes de ces tribunaux aux juges disposant d'une expérience juridictionnelle, n'ont pas méconnu les exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 » (cons. 32).

Les juges des tribunaux de commerce, disposant d'une expertise en matière de procédures collectives et de prévention, seront en capacité de juger l'intégralité des futurs litiges du tribunal des activités économiques dans le respect des principes d'indépendance et d'impartialité mentionnés dans les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

L'expérimentation doit dégager des résultats pertinents, probants et évaluables, ainsi elle permettra par la suite d'entériner, ou non, cette juridiction et, le cas échéant, de procéder à des modifications, dont celles relatives à la composition du collège électoral de ces juges.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, saisi de la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice qui instituait les juridictions de proximité, a eu l'occasion, aux termes d'une décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, d'interpréter l'article 34 de la Constitution, confiant au législateur le soin de fixer les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs estimé (considérant n° 16) que la création par la loi ordinaire d'un nouvel ordre de juridiction composé de juges non professionnels ne contrariait pas le statut de la magistrature fixé par la loi organique, dès lors que seule une part limitée des compétences dévolues aux juridictions de droit commun leur était transférée.

Cette solution a été rappelée aux termes d'une décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 (considérant n° 4).

S'agissant de l'exigence de capacité, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 6 de la Déclaration du 26 août des droits de l'homme et du citoyen a eu l'occasion, aux termes d'une décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012 (considérant n° 32), de dire que la composition actuelle des tribunaux de commerce ne méconnaissait pas une telle exigence qui résulte du principe d'égal accès aux emplois publics.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les juges des tribunaux de commerce exerçant des fonctions judiciaires, nombre de textes de l'ordre international ou européen, supérieurs aux dispositions internes dans la hiérarchie des normes, s'appliquent à leur situation.

Ainsi, les exigences d'indépendance et d'impartialité des tribunaux posées par l'ensemble des textes internationaux concernent les juridictions formées de juges non-professionnels (Charte européenne des juges consulaires statuant en matière commerciale, adoptée par l'Union Européenne des Magistrats statuant en matière commerciale le 27 Août 2005 ; pour le Conseil de l'Europe : Charte européenne sur le statut des juges de 1998, art. 2-1 et 2-2, Charte européenne des juges non professionnels de 2012).

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La justice commerciale fonctionne pour l'essentiel avec des juges issus de la société civile, bien qu'existent des dispositifs de recours aux magistrats de carrière (juge d'appel). Les critiques émises à son endroit mettent notamment en exergue les risques de conflits d'intérêts, le manque de culture et de connaissance juridiques. Or si ces préoccupations doivent être prises en compte, elles n'épuisent pas pour autant la question de la légitimité de cette juridiction. C'est pourquoi il faut la réaffirmer à la fois politiquement et concrètement par les moyens qui lui sont alloués, tout en proposant bien évidemment des améliorations substantielles.

La réforme de la justice économique a été envisagée à de multiples reprises avec des contours d'extension de compétence variables et plus récemment lors de la loi dite « Pacte » du 22 mai 2019109(*). Cette réforme se doit d'être bénéfique pour le justiciable, ce qui pose la question de la lisibilité, de l'accessibilité, de la confiance (garantie d'indépendance et d'impartialité) mais aussi des coûts supplémentaires pour les acteurs relevant aujourd'hui du TJ. Elle doit aussi être acceptable par l'ensemble des acteurs.

Le 16 novembre 2021, les sénateurs François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi déposaient une proposition de loi dont l'article 9 tendait à la création d'un tribunal des affaires économiques compétent pour connaître des procédures amiables et collectives de traitement des difficultés de toutes les entreprises, quels que soient leur statut et leur domaine d'activité (commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales, associations exerçant une activité économique, notamment) sans changement des règles de fond spécifiques aux agriculteurs et aux professions libérales. S'agissant du contentieux général, ce tribunal des affaires économiques devait connaître des litiges relatifs aux baux commerciaux, baux professionnels et conventions d'occupation précaire lorsque toutes les parties relèvent de leur compétence ordinaire (commerçants et artisans), et de tout litige survenant, au cours d'une procédure collective, au sujet d'un bail conclu par le débiteur en qualité de preneur.

Reprenant cette proposition de loi en l'amendant, le groupe de travail « justice économique et sociale » mené dans le cadre des Etats généraux de la justice propose à titre expérimental la création d'un tribunal des activités économiques (TAE) non écheviné et sans modification du collège électoral mais aux compétences plus étendues110(*). Le TAE serait compétent pour connaître de toutes les procédures amiables et collectives, quels que soient le statut et le domaine d'activité des opérateurs économiques (commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales, SCI, associations) sans changement des règles de fond applicables à ces professions. Le comité des Etats généraux de la justice a cependant estimé que les présidents de TJ et les TJ devaient conserver leurs compétences de droit commun en matière de baux commerciaux (sauf en cas de contestation liée à ces procédures collectives) et de propriété intellectuelle au regard de la technicité de ces matières.

Même si des réserves ont été émises sur l'élargissement de la compétence du TAE aux professions libérales, et notamment aux professions libérales réglementées, le comité des Etats généraux de la justice a affirmé adhérer à ce projet d'expérimentation qu'il considère équilibré et innovant. Il est toutefois admis qu'en cas de succès de celle-ci, le collège électoral des juges consulaires devra être modifié pour intégrer les professions libérales, les agriculteurs, les associations et les représentants des différents secteurs d'activité concernés.

La proposition de création au sein du TAE d'une chambre mixte des sanctions des procédures collectives présidée par un magistrat professionnel du premier grade a également été retenue par le comité des Etats généraux de la justice, qui considère que cette option permettrait un rapprochement entre juges consulaires et magistrats professionnels et un enrichissement réciproque.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'organisation actuelle des juridictions commerciales et le partage des compétences en première instance entre les tribunaux de commerce et les tribunaux judiciaires selon les secteurs d'activité, manquent de lisibilité pour les justiciables et les différents acteurs.

Il convient donc de mettre en place en matière commerciale une juridiction aux compétences élargies, davantage englobante s'agissant des acteurs concernés, dans un objectif évident de bonne administration de la justice.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. IMPLANTATION

3.1.1. Option envisagée

A été écartée l'option consistant à opérer d'emblée une réforme de grande envergure visant à transformer les TC sur l'ensemble du territoire en TAE.

3.1.2. Dispositif retenu

C'est à titre expérimental que le TAE sera dans un premier temps créé.

Cette expérimentation sera menée pour une durée de 4 ans, fixée au regard de la durée moyenne des procédures collectives, et permettra ainsi d'évaluer au mieux l'efficacité de la mesure.

S'agissant de la durée moyenne des procédures de liquidations judiciaires (en mois)111(*) :

 

2017

2018

2019

2020

2021

Durée TJ

33,2

33,9

37,3

38,6

41,1

Durée TC

26,3

26,7

27,6

28,8

31,0

L'expérimentation sera en outre menée sur un échantillon d'au moins neuf et au plus 12 TC sur le territoire, de tailles différentes.

3.2. COMPÉTENCE MATÉRIELLE

3.2.1. Option envisagée

A été écartée l'option consistant à étendre la compétence matérielle des TAE à l'ensemble du contentieux des activités économiques, à savoir les difficultés des entreprises, mais également les baux commerciaux et la propriété intellectuelle.

3.2.2. Dispositif retenu

La compétence du TAE sera étendue à l'ensemble des procédures amiables et collectives, quel que soit le statut du débiteur.

Le domaine de compétence des difficultés des entreprises est considéré comme le plus propice à une extension de compétence pour deux raisons :

· La très grande majorité des procédures collectives sont ouvertes par les tribunaux de commerce ;

· Le Livre VI du code de commerce, qui régit la matière, s'applique à tous les acteurs économiques.

Sur le premier point, le nombre de procédures amiables et collectives traitées par les tribunaux de grande instance et les tribunaux judiciaires s'est élevé au cours des cinq dernières années à112(*) :

 

2017

2018

2019

2020

2021

Demandes

8 597

8 141

7 718

4 995

5 267

Décisions

5 564

5 420

5 023

3 477

3 407

Par comparaison, le nombre de ces mêmes procédures traitées par les tribunaux de commerce s'est élevé au cours de la même période à113(*) :

 

2017

2018

2019

2020

2021

Demandes

54 801

55 507

52 522

30 835

29 168

Décisions

47 189

46 860

44 230

27 993

24 845

Le volume des procédures traitées par les tribunaux judiciaires rapporté à celui traité par les juridictions consulaires s'élève ainsi à114(*) :

 

2017

2018

2019

2020

2021

Demandes

16 %

15 %

15 %

16 %

18 %

Décisions

12 %

12 %

11 %

12 %

14 %

En revanche, compte tenu de leur technicité et du mouvement de spécialisation entrepris au sein des tribunaux judiciaires, le contentieux des baux commerciaux et le contentieux de la propriété intellectuelle continueront de relever des TJ.

Le TAE sera néanmoins compétent en matière de contentieux des baux commerciaux dans le cas où celui-ci est en lien avec une procédure collective.

3.3. OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES CONCERNÉS

3.3.1. Option envisagée

A été écartée l'option consistant à étendre la compétence du TAE à l'ensemble des opérateurs économiques sans distinction.

3.3.2. Dispositif retenu

Le tribunal des activités économiques aura une compétence exclusive en matière de procédures amiables et collectives, quels que soient le statut et l'activité du débiteur.

Les professions libérales réglementées du droit visées au deuxième alinéa de l'article L. 722-6-1 du code de commerce seront néanmoins exclues du champ de compétence du TAE. En effet, lesdites professions (avocat, notaire, huissier de justice, commissaire-priseur judiciaire, greffier de tribunal de commerce, administrateur judiciaire et mandataire judiciaire) ne pouvant exercer les fonctions de juge consulaire, ne pourront être éligibles au dispositif.

Bien qu'aucune modification du collège électoral ne soit prévue au stade de l'expérimentation (voir infra), il n'y aurait que peu de sens à inclure ces professions à ce stade alors même que les contentieux les concernant ne pourraient relever de la compétence du TAE en cas de pérennisation.

3.4. COLLÈGE ÉLECTORAL

3.4.1. Option envisagée

A été écartée l'option consistant à modifier le collège électoral dès le stade de l'expérimentation pour y inclure les professions nouvellement concernées.

En effet, la réforme du collège électoral ne peut pas se faire à court terme dans le cadre de l'expérimentation dans la mesure où l'intégration dans le collège électoral des autres acteurs économiques concernés nécessite des concertations et un examen approfondi des conditions de cette intégration (calcul de la représentativité, équilibre du collège électoral, etc.). Pour rappel l'intégration des artisans dans le collège électoral prévue par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle n'a pu être effective qu'à compter des élections 2022 à la suite de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 (dite « PACTE »).

3.4.2. Dispositif retenu

La composition du collège électoral ne sera ainsi modifiée qu'en cas de succès de l'expérimentation et donc de pérennisation du dispositif.

En effet, les juges des tribunaux de commerce, disposant d'une expertise en matière de procédures collectives et de prévention, seront légitimes et en capacité de juger l'intégralité des futurs litiges du tribunal des activités économiques dans le respect des principes d'indépendance et d'impartialité mentionnés dans les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, relatives au droit à un tribunal indépendant et impartial.

3.5. MAGISTRATS DE CARRIÈRE

3.5.1. Option envisagée

Bien que la création d'une chambre des sanctions présidée par un magistrat de carrière ait été préconisée dans le rapport final des Etats généraux de la justice, reprenant les conclusions du groupe de travail « justice économique et sociale », cette option a finalement été écartée.

Dans le cadre de cette option, il avait d'abord été constaté, dans le sillage de la jurisprudence de la CEDH fondée sur l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, que, en fonction de leur nature, les sanctions qui pourront être prononcées par le futur tribunal des affaires économiques pourraient être qualifiées de sanctions de nature pénale ou quasi-pénale exigeant le respect des garanties procédurale prévues en matière pénale. Il avait également été constaté que le Conseil constitutionnel considère, sur le fondement de l'article 66 de la Constitution, que les juges professionnels doivent être majoritaires dans les juridictions pénales de droit commun et que, dans les formations présidées par un magistrat professionnel des juridictions spécialisées, les assesseurs non professionnels peuvent en revanche être majoritaires ( décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011, sur les articles L.251-3 et L.251-4 du COJ sur le TPE).

Il était également relevé que, dans sa décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, tout en affirmant l'indépendance des tribunaux de commerce et en validant leur composition, le Conseil constitutionnel a opéré un double contrôle sur les garanties de capacité prévues par la loi pour les juges consulaires : ainsi, « eu égard à la compétence particulière des tribunaux de commerce, spécialisés en matière commerciale, les dispositions contestées, qui, d'une part, prévoient que les juges des tribunaux de commerce sont élus par leurs pairs parmi des personnes disposant d'une expérience professionnelle dans le domaine économique et commercial et, d'autre part, réservent les fonctions les plus importantes de ces tribunaux aux juges disposant d'une expérience juridictionnelle, n'ont pas méconnu les exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; » (considérant 32). Ainsi, si, a priori, les capacités des juges consulaires doivent être appréciées eu égard à la compétence particulière de ces juridictions, spécialisées en matière commerciale, tel n'est pas le cas pour les fonctions les plus importantes qui requièrent une expérience juridictionnelle.

Il était par conséquent envisagé que, dans l'hypothèse où une chambre des sanctions devait être créée et où un magistrat professionnel devait en être membre, la présidence devrait être confiée à ce magistrat professionnel, ayant une compétence judiciaire et juridictionnelle lui permettant de prononcer des sanctions de nature pénale ou quasi pénale et ce, afin d'éviter tout risque d'inconstitutionnalité ou d'inconventionnalité.

Cette option a néanmoins soulevé une double interrogation liée à l'acceptabilité d'une telle mesure tant pour le monde judiciaire que pour le monde des professions intéressées par la réforme. Pour le monde judiciaire, il n'est pas possible de justifier de l'accroissement des fonctions dévolues aux magistrats de l'ordre judiciaire. Pour les professionnels, la création d'un nouveau type de chambre au sein d'une juridiction spécialisée, qui ne serait pas définie comme une juridiction échevinale mais qui compterait néanmoins parmi ses membres, en qualité de président, un magistrat de carrière serait difficilement acceptable.

3.5.2. Dispositif retenu

La jurisprudence du Conseil constitutionnel n'exigeant pas nécessairement la création d'une chambre des sanctions présidée par un magistrat de carrière, a été retenue l'option d'introduire la possibilité pour un magistrat de carrière d'être membre d'une formation de jugement du TAE.

Présentant une certaine souplesse quant aux fonctions qui seront effectivement dévolues au magistrat de carrière, cette option permet d'éviter que le futur tribunal puisse être qualifié de juridiction échevinale, conformément aux souhaits des professions intéressées par la réforme. L'avis du président du TAE sera sollicité dans le cadre de cette désignation concernant la répartition de ces magistrats du siège dans les différentes formations de jugement de la juridiction expérimentée.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

S'agissant d'une mesure expérimentale, l'impact normatif est quasi nul en ce qu'aucune modification des règles propres aux matières concernées n'est nécessaire à ce stade.

Le TAE, comme le tribunal de commerce (art. L. 721-1 du code de commerce), est par ailleurs soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre Ier du code de l'organisation judiciaire.

Le projet de texte précise que lorsque le tribunal des activités économiques est également un tribunal de commerce spécialisé en application de l'article L.721-8, celui-ci connaît des procédures mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4° de ce même article, sous les mêmes conditions, quels que soient le statut et l'activité du débiteur, à l'exception des professions visées par le deuxième alinéa de l'article L. 722-6-1.

L'expérimentation sera ainsi fixée dans son principe par le seul effet de l'article de loi la prévoyant et débutera à compter de l'entrée en vigueur de l'arrêté ministériel désignant les juridictions concernées par la mesure.

Il s'agit pour l'essentiel de déroger aux articles L. 611-3, L. 611-4 et L. 611-5, relatifs à la compétence du président du tribunal en matière de procédures amiables (mandat ad hoc et conciliation), aux articles L. 611-2 et L. 611-2-1 relatifs à l'alerte donnée par le président de la juridiction, et à l'art. L. 621-2 du code de commerce, relatif à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, qui est applicable en redressement judiciaire sur renvoi de l'art. L. 631-7 et en liquidation judiciaire sur renvoi de l'art. L. 641-1.

Au terme de l'expérimentation, une évaluation devra être réalisée115(*) (dont le principe est également prévu par la loi) ; sur cette base, et en cas de pérennisation du dispositif, les impacts normatifs seront alors à revoir.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

La lisibilité du partage de compétences pour le justiciable sera accrue puisqu'un seul tribunal (TAE) sera compétent pour toutes les procédures du livre VI quel que soit l'acteur économique concerné (à l'exception des professions réglementées du droit) ; y seront jointes les actions et contestations ayant un lien et un impact sur ces mêmes procédures dans le souci d'une bonne administration de la justice.

4.2.3. Impacts budgétaires

Il convient de rappeler qu'au titre de l' article L. 722-16 du code de commerce, « le mandat des juges élus des tribunaux de commerce est gratuit ». Les juges consulaires exercent bénévolement leurs fonctions.

Aucune disposition législative ne sera nécessaire pour les augmentations des effectifs des tribunaux des activités économiques expérimentaux, dans la mesure où elles s'effectuent dans le cadre des demandes des tribunaux de commerce exprimées par les chefs de cour d'appel par la voie du décret, au titre de l'article D. 721-3 du code de commerce. Par ailleurs, le greffe du tribunal des activités économiques sera assuré par le greffe du tribunal de commerce.

En conséquence, toute augmentation des effectifs dans le cadre de l'expérimentation des tribunaux des activités économiques n'aura, ainsi, aucun impact budgétaire.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET JUDICIAIRES

L'expérimentation se tiendra dans au moins 9 et au plus 12 tribunaux de commerce, ce qui n'implique par conséquent qu'il n'y a pas de création de nouveaux lieux de justice et donc pas d'impact à ce niveau-là en termes d'organisation judiciaire.

Dans la mesure où le tribunal des activités économiques siège en lieu et place du tribunal de commerce et est composé des juges élus du tribunal de commerce, une augmentation des effectifs actuels pourra être sollicitée si besoin par les chefs de cours d'appel et les présidents des tribunaux de commerce concernés conformément à la procédure habituelle prévue à l'article D.721-3 du code de commerce.

Ce faisant, l'impact en matière de ressources humaines est réduit compte tenu du fait que l'augmentation des effectifs s'effectue par voie de décret et s'inscrit dans le cadre des élections qui ont lieu tous les ans dans chaque tribunal de commerce où il y a des sièges à pourvoir pour quelque cause que ce soit en application des dispositions de l'article L. 723-11 du code de commerce116(*).

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Issue d'une volonté de simplifier l'organisation judiciaire en première instance, cette expérimentation se veut plus lisible pour le justiciable.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La consultation du Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC) prévue à l'article R. 721-11 du code de commerce est facultative, sauf disposition législative contraire. Pour autant, compte-tenu de l'importance des modifications proposées dans l'exercice des juges des tribunaux de commerce, le CNTC a été consulté le 8 mars 2023. Il en est de même pour le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce qui a été consulté le 8 mars 2023, en vertu de l'article L741-2 du code de commerce.

La conférence générale des juges consulaires de France a été consultée de manière informelle.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La durée de l'expérimentation des tribunaux des activités économiques a été fixée à quatre ans à compter de la date prévue par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

L'entrée en vigueur de l'expérimentation sera fixée à compter de la désignation, par arrêté du garde des sceaux (adopté dans les douze mois suivant la publication de la loi), des tribunaux de commerce désignés à titre expérimental. 

Pour permettre un transfert progressif des contentieux transférés des tribunaux judiciaires aux nouveaux tribunaux des activités économiques, la juridiction saisie demeurera compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date d'entrée en vigueur.

Ainsi, les dispositions portant expérimentation d'un tribunal des activités économiques ne seront pas applicables aux procédures en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi, mais s'appliqueront aux procédures amiables et collectives introduites à compter de l'entrée en vigueur de la loi, le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

L'expérimentation s'appliquera a minima au sein de neuf tribunaux de commerce déterminés en fonction de leur taille. L'échantillon retenu pour l'expérimentation sera déterminé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

5.2.3. Textes d'application

En fixant l'échantillon précis de tribunaux de commerce retenu et la date à compter de laquelle l'expérimentation débutera, l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, conditionnera l'application de la mesure expérimentale. Cet arrêté devra être pris dans les douze mois de la publication de la loi.

Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application du présent article, notamment les modalités de mise en oeuvre et d'évaluation ainsi que les règles d'information des usagers.

Article 7 - Expérimentation portant sur la contribution pour la justice économique

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La création de la contribution pour la justice économique est une conclusion importante des Etats généraux de la justice.

En effet, le rapport du comité des Etats généraux de la justice indique que : « Pour doter l'institution judiciaire des moyens nécessaires à son office, le comité adhère pleinement à la proposition d'expérimenter une dérogation au principe de la gratuité de la justice, en particulier pour les procès commerciaux et, plus largement, économiques opposant des entreprises. Le comité souligne à ce titre que l'application sans aucun tempérament du principe de la gratuité de la justice conduit à un défaut de responsabilisation des parties dans l'engagement des procédures et l'épuisement des voies de recours, et qu'elle n'encourage pas suffisamment au règlement extra-judiciaire sous la forme d'une médiation. »

Le rapport propose en outre que cette contribution soit instituée à titre expérimental, en lien avec l'expérimentation du tribunal des activités économiques, dont la compétence matérielle sera celle du tribunal de commerce, élargie en application de l'article 6.

L' article L. 111-2 du code de l'organisation judiciaire précise que la gratuité de la justice est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement.

L' article 1089 A du code général des impôts (CGI) prévoit que, « sauf lorsqu'elles donnent ouverture à un droit proportionnel ou progressif, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ne sont pas soumises au droit d'enregistrement ». L' article 1089 B du CGI prévoit que « les actes des secrétariats des juridictions judiciaires ne sont pas soumis au droit d'enregistrement, ni à toute autre taxe prévue par le présent code ».

Des dérogations aux articles 1089 A et 1089 B du code général des impôts (CGI), afin de contribuer au financement du service public de la justice, ont déjà été mises en place pour le droit de timbre pour les requêtes en appel et pour la contribution pour l'aide juridique.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Interrogé sur la contribution pour l'aide juridique mise en place par l'article 54 de la loi n° 2011 900 du 29 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a en effet constaté dans sa décision n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, que le législateur pouvait déroger au principe de la gratuité de la justice pour poursuivre des buts d'intérêt général ; que, le montant (35 à 150 €) et les conditions étaient adaptées et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction ou aux droits de la défense ; et que cela ne constituait pas une atteinte au principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques.

L'article 37-1 de la Constitution prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Pour que l'expérimentation soit valide, elle doit répondre à certains principes :

- Son objet doit être limité

La loi ou le décret doivent définir de manière suffisamment précise l'objet de l'expérimentation, ainsi que les conditions de sa mise en oeuvre (CC, n° 2004-503 DC du 12 août 2004 ou CC, n° 2019-778 DC du 21 mars 2019). Lorsqu'il est recouru à une loi, les modalités de l'expérimentation peuvent être déterminées par décret (CC, n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007). Le contenu précis de l'échantillon objet de la mesure testée peut, de même, être prévu par voie réglementaire, le cas échéant par un arrêté ministériel (CC, n° 2011-635 DC du 4 août 2011).

- Sa durée doit être limitée

La limitation de sa durée est inhérente à l'expérimentation : elle doit être fixée par l'acte qui institue l'expérimentation. Ainsi, lorsque le législateur décide une expérimentation, il ne peut renvoyer au pouvoir règlementaire le soin d'en fixer le terme (CC, n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009).

Le régime de l'expérimentation permet de déroger, pour la durée de l'expérimentation, au principe d'égalité. La mesure expérimentée sur l'échantillon doit néanmoins être conforme, dans le périmètre testé, à toutes les normes constitutionnelles, y compris le principe d'égalité. De même, à l'intérieur de l'échantillon de l'expérimentation, aucune discrimination ne doit être introduite qui ne serait justifiée par les besoins de l'expérience. Dans la définition même de l'échantillon, une cohérence au regard des besoins de l'expérimentation et des objectifs poursuivis est à maintenir (CE, sect. adm., 11 décembre 2018, n° 396220).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme fait référence au droit à un procès équitable, au droit qu'a toute personne à ce que « sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ».

La CEDH considère que l'exigence de payer aux juridictions civiles des frais afférents aux demandes dont elles ont à connaître ne saurait passer pour une restriction au droit d'accès à un tribunal incompatible en soi avec l'article 6 § 1 de la Convention. Toutefois, elle réitère que le montant des frais, apprécié à la lumière des circonstances particulières d'une affaire donnée, y compris la solvabilité du requérant et la phase de la procédure à laquelle la restriction en question est imposée, sont des facteurs à prendre en compte pour déterminer si l'intéressé a bénéficié de son droit d'accès et si sa cause a été « (...) entendue par un tribunal » (Tolstoy-Miloslavsky et Aït-Mouhoub, pp. 80-81, §§ 63 et suiv., et p. 3228, § 57, respectivement).

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Le système judiciaire français est, avec ceux de l'Espagne (s'agissant des personnes physiques) et du Luxembourg, l'un des rares systèmes entièrement gratuits en Europe.

Dans la majorité des pays, il existe une taxe à la charge du justiciable, laquelle a pour finalité de permettre un financement du système de justice complémentaire à celui de l'impôt.

Ainsi, en Allemagne, les frais et taxes de justice représentent 41 % du budget du système judiciaire en 2020, pour 4 835 046 992 € de taxes perçues. En Autriche, les frais et taxes de justice représentent 97 % du budget du système judiciaire en 2020, pour 1 192 600 680 € de taxes perçues117(*).

Les modes de fixation ou de calcul de ces taxes sont très variables. Ils sont différents non seulement en fonction des pays, mais aussi en fonction des types de contentieux, voire des degrés de juridictions.

Plusieurs modes de fixations ou de calculs sont notamment relevés s'agissant des contentieux civils et commerciaux:

- forfaitairement fixé par la loi ;

- en fonction du montant du litige, voire du montant de chaque demande : on distingue encore les pays qui prévoient alors une taxe forfaitaire suivant des tranches de montants, de ceux qui calculent grâce à des pourcentages appliqués au montant ;

- en fonction des coûts réels engendrés par l'affaire.

Beaucoup de pays européens les combinent et ont adopté un système mixte. Les deux critères de la nature de la procédure et de la valeur du litige sont majoritairement relevés.

Dans la plupart des pays étudiés, la justice commerciale se distingue de la justice civile. En Allemagne, en Espagne, en Hongrie et aux Pays-Bas, il s'agit de chambres ou départements commerciaux rattachés à la justice civile. En Autriche, en Belgique, en Croatie, au Danemark et au Royaume-Uni, la justice commerciale relève de la compétence exclusive de tribunaux spécialisés. En matière commerciale, le paiement de frais de justice ou de taxes pour initier une procédure judiciaire est obligatoire dans tous les Etats étudiés. Toutefois, au regard de leur nature, certains contentieux commerciaux, en particulier les procédures d'insolvabilité et de faillite, peuvent faire l'objet d'exonérations (en Belgique, en Espagne, en Lituanie et en Slovénie) ou du paiement de frais fixes moins élevés (en Autriche, au Danemark, en Hongrie et aux Pays-Bas). En Croatie, le justiciable est exempté de paiement si un règlement judiciaire est conclu au cours de la procédure. En matière commerciale, les modes de fixation ou de calcul des frais de justice sont très variables et ne font pas l'objet d'une harmonisation au niveau européen. Ils diffèrent non seulement en fonction des pays, mais aussi de la nature du litige, de la valeur de la demande ou encore du degré de juridiction118(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Afin d'instituer une contribution pour la justice économique, il est proposé de déroger dans le cadre de la présente loi aux articles 1089 A et 1089 B du code général des impôts (CGI), comme cela a déjà pu avoir lieu pour le droit de timbre (225 €) pour les requêtes en appel (article 1635 bis P du CGI, introduit par une loi de finances rectificative pour 2009) et pour la contribution (35 €) pour l'aide juridique (article 1635 bis Q du CGI, introduit par une loi de finances rectificative pour 2011, abrogé en 2014).

L'application dans toute sa rigueur du principe de gratuité de l'accès à la justice pour le justiciable quel qu'il soit, emporte deux conséquences négatives principales :

- Dans les dossiers complexes et à fort enjeu, elle ne conduit pas à faire supporter aux demandeurs les coûts qu'elles provoquent tant sur le système judiciaire que sur les autres parties. Elle ne responsabilise pas ainsi suffisamment les parties et leurs conseils incités à épuiser les voies de recours. Les surcoûts de ces procédures ont des conséquences sur les moyens humains et économiques et, partant le délai de traitement des affaires dont pâtit corrélativement l'ensemble des dossiers.

- Elle n'encourage pas le règlement extra-judiciaire sous la forme de médiation laquelle apparait toujours plus coûteuse.

Par ailleurs, le principe de financement par le contribuable de préférence au financement par le justiciable s'applique en France dans toute sa rigueur y compris au sein des juridictions spécialisées dans le traitement de dossiers complexes et à forts enjeux financiers parfois saisies en alternative de procédures d'arbitrage qui sont fort coûteuses pour les parties.

Il s'ensuit une perte d'attractivité pour les parties et particulièrement des parties étrangères qui estiment qu'elles ne pourront bénéficier des « services » attendus. Pour les juridictions, c'est une incidence sur leurs ressources avec des conséquences sur les délais de jugement et la qualité des décisions rendues.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

- Lutter contre les recours abusifs et dilatoires, qui peuvent instrumentaliser la gratuité de la justice.

Les recettes tirées de la contribution pour la justice économique ont vocation à concourir, au sein du budget général, au service public de la justice.

- Responsabiliser les parties dans l'engagement des procédures et dans l'épuisement des voies de recours.

Il s'agit d'instituer une incitation financière à ce que la procédure se déroule vite et bien par l'instauration d'une amende civile et d'un remboursement de la contribution en cas de recours à un mode amiable de règlement du litige emportant extinction de l'instance ou de l'action ou de désistement.

- Envoyer un signal de qualité en luttant contre l'association d'idée faite par les entreprises qu'un service public gratuit est forcément un service de mauvaise qualité.

- Dégager des ressources et contribuer au financement de la justice.

Les recettes tirées de la contribution pour la justice économique ont vocation à concourir, au sein du budget général, au service public de la justice, afin notamment que les entreprises puissent participer aux coûts qu'elles génèrent en termes de fonctionnement de la justice.

- Aligner la justice économique en France sur les autres régimes européens.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La création de la contribution pour la justice économique, à titre expérimental, correspondant à une conclusion des Etats généraux de la justice, avec des indications précises sur son format et les objectifs poursuivis, aucune autre option n'a été envisagée.

3.2. OPTION RETENUE

La contribution pour la justice économique proposée vise à traduire la demande résultant des Etat généraux de la justice.

Le produit de cette contribution a vocation à concourir, au sein du budget général, au service public de la justice. Le montant tiendra compte, en particulier, de la faculté contributive du demandeur, de l'enjeu du litige et de sa nature. Le montant sera plafonné à 5% du montant du litige, sans pouvoir excéder 100 000 €.

Cette contribution ne sera pas due par la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, par le demandeur à l'ouverture d'une procédure amiable ou collective ou parles personnes morales de droit public.

Cette contribution sera acquittée par un auxiliaire de justice pour le compte de son client en début de procédure, lors de la saisine de la juridiction. Lorsque l'instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquittera directement cette contribution. Dans tous les cas, le paiement de la contribution constitue une condition de recevabilité de l'action.

Les greffes des tribunaux de commerce procéderont, gratuitement, au recouvrement de cette contribution, à l'instar d'autres taxes pour le compte de l'Etat, le cas échéant par voie électronique. Ces derniers transmettront au garde des sceaux, ministre de la justice, à titre gratuit, les données statistiques dans les conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Ils lui transmettront également un rapport annuel relatif au recouvrement de cette contribution.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impact sur l'ordre juridique interne

Cette contribution sera mise en place sur un échantillon d'entre neuf et douze territoires au moins, le régime de l'expérimentation permettant de déroger, pour la durée de l'expérimentation, au principe d'égalité.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le présent article vise à aligner la justice économique en France sur les autres régimes européens.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Le présent article vise à responsabiliser les parties dans l'engagement des procédures et dans l'épuisement des voies de recours.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Le présent article vise, entre autres, à lutter contre les recours abusifs et dilatoires ; à combattre l'association d'idée qu'un service public gratuit est forcément un service de mauvaise qualité ; ou encore à inciter les entreprises à recourir à un mode amiable de règlement de leurs différends. La contribution sera appréciée en fonction du chiffre d'affaires s'agissant des personnes morales ou du revenu fiscal de référence pour les personnes physiques par barème défini par décret en Conseil d'Etat. Elle interviendra dans la limite de 5 % du montant du litige et pour un montant maximal de 100 000 euros.

La charge finale de la contribution pèsera par principe sur celle des parties qui perd son procès : si le demandeur obtient une décision favorable, il pourra obtenir de son contradicteur le remboursement des sommes versées.

4.2.3. Impacts budgétaires

Le produit de cette contribution a vocation à alimenter le budget général de la justice. Une première estimation de la recette annuelle potentiellement générée par la contribution pour la justice économique peut être réalisée.

Estimation d'un nombre moyen de litige par tribunal des activités économiques (TAE) :

D'après la sous-direction de la statistique et des études du ministère de la justice, il y a eu en 2021 :

- 58 722 affaires nouvelles dans les tribunaux de commerce (au nombre de 134) : soit 438 affaires nouvelles en moyenne par TC ;

- 3 895 affaires nouvelles dans les chambres commerciales des tribunaux judiciaires (au nombre de 164) : soit 24 affaires nouvelles en moyenne par tribunal judiciaire

L'expérimentation est prévue sur au moins neuf et au plus douze TAE non encore identifiés. Elle s'appliquera a minima au sein de neuf et a maxima de douze tribunaux de commerce déterminés en fonction de leur taille. 

Dans ces conditions, le choix a été fait de retenir un nombre moyen d'affaires par TAE, soit 462 affaires nouvelles potentielles par TAE (fusion des tribunaux de commerce et des chambres commerciales des tribunaux judiciaires, 438+24).

Ces chiffres n'intègrent pas les affaires dans lesquelles le demandeur à l'ouverture d'une procédure amiable ou collective prévue au livre VI du code de commerce, celles-ci étant exclues du périmètre de la contribution.

S`agissant des autres exclusions, les affaires dans lesquelles l'Etat est demandeur semblent très faibles, comme celles relatives à la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

Estimation de la recette potentielle par litige (dans l'attente d'une estimation d'un montant moyen de litige attendu du Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce) :

- Appréciation d'un montant maximum à 8 000 €, par référence aux autres pays européens, appliqué à tous les litiges

L'exemple de l'Autriche (de 25 € à 7 783 € jusqu'à un litige de 350 000 €, avec au-delà 1,2 % du montant du litige et un montant fixe de 6 500 € lorsque la « valeur » du litige ne peut être déterminée), comme de l'Allemagne (de 38 € à 3 901 € jusqu'à un litige de 500 000 €, avec un coefficient multiplicateur de 0,5 à 5 en fonction du niveau de la juridiction saisie) ou du Royaume-Uni (de 41,29 € à 11 798 € pour les litiges de plus de 235 968 €) semblent confirmer qu'il est possible d'envisager un montant maximum à 8 000 €, qui correspond à un montant moyen pratiqué au sein des pays européens et qui pourrait inspirer la mise en place d'un barème à fixer par voie réglementaire119(*).

Dans ces conditions, la recette maximale potentielle sur la base de neuf TAE serait la suivante :

9 TAE x 462 litiges en moyenne par TAE x 8 000 € par litige = 33,2 M€ de maximum théorique par an.

- Application de ce montant de 8 000 € par convention aux seuls litiges les plus importants (litiges supérieurs à 200.000 € par convention)

En 2019, les contentieux devant le Tribunal de commerce de Paris se décomposaient de la manière suivante :

- 84 % des contentieux portaient sur une demande inférieure à 200 000 €,

- 16 % des contentieux portaient sur une demande supérieure à 200 000 € (dont 5 % concernant une demande supérieure à 1 000 000 euros).

A noter que la limite envisagée de 5 %, appliquée à un montant d'un litige de 200 000 € correspond à une contribution de 10 000 €.

Il est envisagé dans le barème à fixer par voie réglementaire de ne pas taxer les litiges les plus faibles, avec fixation d'un seuil permettant de ne couvrir que les contentieux les plus élevés.

Par convention, dans ce calcul, seuls les litiges supérieurs à 200 000 € seraient assujettis à la contribution pour la justice économique. En conséquence, les 84 % des contentieux portant sur une demande inférieure à 200 000 euros ne sont pas pris en compte dans le calcul, le montant maximum de 8 000 € n'étant appliqué qu'aux 16 % de contentieux portant sur une demande supérieure à 200 000 €.

Toujours avec l'hypothèse basse de neuf TAE :

9 TAE x 462 litiges en moyenne par TAE x 16 % des contentieux les plus importants x 8 000 € par litige = 5,3 M€ par an.

En dépenses, des développements informatiques, et des coûts de gestion, non chiffrés à ce stade, sont à prévoir, en particulier pour la plateforme dédiée.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le présent article vise à lutter contre les recours abusifs et dilatoires qui peuvent instrumentaliser la gratuité de la justice.

Cette contribution servira d'outil supplémentaire pour le juge. En effet, en cas de règlement amiable du différend, il sera procédé au remboursement de cette contribution. A l'inverse, en cas de comportement dilatoire ou abusif, une amende civile pourra être prononcée.

Le produit de cette contribution a vocation à concourir, au sein du budget général, au service public de la justice. Par ailleurs, les greffes des tribunaux de commerce procéderont au recouvrement de cette contribution, à l'instar d'autres taxes pour le compte de l'Etat.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Le droit payé par l'ensemble des justiciables pourrait par exemple permettre de participer au financement de l'accès à la justice des usagers qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire valoir leurs droits sans une aide de l'État (aide juridique).

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATIONS

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le Conseil national de l'aide juridique est consulté sur les projets de loi et de décret relatifs à l'aide juridictionnelle, à l'aide à l'accès au droit, et aux aides à l'intervention de l'avocat (article 136 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles). Il a été consulté à titre facultatif le 17 mars 2023.

Le Conseil national des tribunaux de commerce a été consulté le 8 mars 2023, en vertu de l'article R721-11 du code de commerce.

Le Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce a été consulté a titre facultatif.

La conférence générale des juges consulaires de France a été consultée de manière informelle.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La contribution pour la justice économique sera mise en oeuvre, à titre expérimental, pour une durée de 4 ans jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle de la promulgation de la présente loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Des tribunaux des activités économiques seront mis en place auprès d'un échantillon de neuf à douze territoires expérimentateurs, désignés par un arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice. La contribution sera expérimentée sur le même périmètre.

5.2.3. Texte d'application

Décret en Conseil d'Etat : Détermination des modalités de calcul, du barème de la contribution, des modalités de perception, de justification de l'acquittement de cette contribution, comme des conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution ; fixation du montant de l'amende civile prononcée en cas de comportement dilatoire ou abusif.

Le cas échéant, arrêté des ministres chargés du budget et de la justice : Détermination, du barème de la contribution pour la justice économique, dans la limite du plafond déterminé par la loi, en tenant compte des critères fixés par la loi : montant des demandes, nature du litige, capacité contributive, personne morale ou physique ; fixation d'un seuil permettant de ne couvrir que les contentieux les plus élevés.

Arrêté du garde des Sceaux : Détermination du barème de l'amende civile prononcée en cas de comportement dilatoire ou abusif.

CHAPITRE II - DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES À LA FORMATION ET À LA RESPONSABILITÉ DES JUGES NON PROFESSIONNELS

Article 8 - Diverses dispositions relatives aux conseillers prud'hommes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Institués en 1806, les conseils de prud'hommes sont des juridictions paritaires, comprenant un nombre égal de salariés et d'employeurs, qui règlent les litiges individuels nés à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient.

L'institution prud'homale compte 14 512 conseillers prud'hommes répartis dans 211 conseils de prud'hommes (CPH). 203 sont situés en métropole (au moins un par département) et 8 sont situés dans des départements et collectivités d'outre-mer, incluant le CPH de Mamoudzou (Mayotte). 102 700 affaires nouvelles en 2020 ont été traitées par les conseils de prud'hommes.

Ils sont divisés en deux collèges (salariés et employeurs) et en cinq sections autonomes : encadrement, industrie, commerce et services commerciaux, agriculture, activités diverses. Ces sections peuvent être divisées en plusieurs chambres, et comprennent chacune un bureau de conciliation et d'orientation composé d'un conseiller prud'hommes salarié et d'un conseiller employeur et un bureau de jugement.

Les conseillers prud'hommes sont désignés sur proposition des organisations syndicales et professionnelles, en fonction de la mesure de l'audience syndicale et patronale de ces organisations, pour un mandat de 4 ans.

En raison de la crise sanitaire, le mandat actuel a été prolongé d'une année et le suivant réduit à 3 ans.

Ainsi, 13 261 conseillers sont entrés en fonction dans le cadre du nouveau mandat prud'homal 2023-2025.

Les conseillers prud'hommes prêtent serment de remplir leurs fonctions « avec zèle et intégrité et de garder le secret des délibérations ».

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a réformé les règles de déontologie et de discipline applicables aux conseillers prud'hommes et a introduit une définition des obligations déontologiques des CPH : indépendance, impartialité, dignité et probité, ainsi qu'une restriction au droit de grève.

Un recueil de déontologie diffusé le 15 mars 2018 a été élaboré par le Conseil supérieur de la prud'homie. L'objectif est d'offrir à l'ensemble des conseillers prud'hommes un outil de référence afin de les accompagner au quotidien dans leurs fonctions de conseillers prud'hommes.

Les conseillers prud'hommes relèvent du décret n° 2015-1869 du 30 décembre 2015 relatif à l'affiliation au régime général de sécurité sociale des personnes participant de façon occasionnelle à des missions de service public. Ils bénéficient d'une indemnisation pour l'exercice de leur mission.

Un président et un vice-président sont élus parmi les conseillers prud'hommes au scrutin secret et à la majorité absolue des membres présents. Leur mandat est d'un an et ils sont rééligibles. Le président est alternativement un salarié ou un employeur.

Ø La désignation des conseillers prud'hommes

Le processus de désignation des conseillers prud'hommes comprend deux phases :

- Une phase de répartition des sièges entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs, tous les 4 ans. Cette phase relève de la compétence conjointe du ministère du travail et du ministère de la justice. Elle a donné lieu, pour le dernier renouvellement général, à la publication de deux arrêtés du 14 mars 2022. Le premier porte attribution des sièges de conseillers prud'hommes pour le mandat prud'homal 2023-2025, le second ouvre la période de dépôt des candidatures.

- Une phase de dépôt et de contrôle des candidatures aux fonctions de conseiller prud'homme qui est réalisée par le ministère de la justice.

Des opérations de désignation complémentaire sont conduites (une à deux par an) par la direction des services judiciaires afin de pourvoir les sièges vacants et procéder au remplacement des conseillers mettant fin à leur mandat. 

Environ 8% des sièges sont vacants de façon récurrente. 

Les dispositions de l' article L. 1441-11 du code du travail prévoient le ressort de candidature applicable à tout candidat aux fonctions prud'homales.

Par principe, toute personne qui souhaite candidater aux fonctions de conseiller prud'homme peut être candidat dans la section du conseil de prud'hommes dans le ressort duquel elle exerce son activité principale, ou dans la section de même nature de l'un des conseils de prud'hommes limitrophes.

Toutefois, en l'état actuel du droit, le principe d'une candidature dans un conseil de prud'hommes limitrophe du lieu de domicile ne trouve pas à s'appliquer pour certains publics (retraités, personnes en recherche active d'emploi, V.R.P...).

Les voyageurs, représentants ou placiers (V.R.P), autrement appelés représentants commerciaux salariés, dans la mesure où ils exercent leur activité en-dehors de tout établissement, peuvent en outre, à la différence des candidats aux fonctions de conseiller prud'homme salariés ou employeurs, être candidats dans le conseil de prud'hommes dans le ressort duquel est situé leur domicile. En l'état, ils ne peuvent pas être candidats dans le conseil de prud'hommes limitrophe du lieu de domicile.  Par ailleurs, différents métiers ne relevant pas du statut de V.R.P. sont exercés par des salariés qui exercent également en dehors de tout établissement ou qui n'ont pas de lieu fixe ou habituel de travail. Il peut, par exemple, s'agir de techniciens après-vente, travailleurs agricoles, saisonniers, visiteurs médicaux, personnels navigants, intermittents ou tout autre emploi exigeant que la mission se déroule sur des sites de clients, chantiers, etc.

Dans le cadre des consultations des Etats généraux de la justice, les partenaires sociaux ont fait remonter la nécessité d'améliorer les conditions de candidatures aux fonctions de conseiller prud'homme au travers d'un document dénommé « propositions paritaires ». Cette proposition a été reprise par le garde des sceaux, ministre de la justice dans sa présentation du plan d'action issu des Etats généraux de la justice.

Ø La discipline des conseillers prud'hommes

Le régime disciplinaire des conseillers prud'hommes est défini par les articles L. 1442-11 et suivants du code du travail et par les dispositions règlementaires des articles D. 1442-20 et suivants et R. 1442-22-8 et suivants du même code.

Il n'existe pas de procédure d'avertissement comparable à ce qui est prévu par l'article 44 de l' ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958 s'agissant des magistrats de l'ordre judiciaire. Toutefois, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a créé l' article L. 1442-13-1 qui prévoit qu'« en dehors de toute action disciplinaire, les premiers présidents de cour d'appel peuvent rappeler à leurs obligations les conseillers prud'hommes des conseils de prud'hommes situés dans le ressort de leur cour ».

La faute est définie à l'article L. 1442-13 du code du travail : « tout manquement à ses devoirs dans l'exercice de ses fonctions par un conseiller prud'homme est susceptible de constituer une faute disciplinaire ».

La loi du 6 août 2015 précitée a institué un organe disciplinaire pour les conseillers prud'hommes : la Commission nationale de discipline des conseillers prud'hommes (CNDCPH).

En vertu de l'article L. 1442-13-2 du code du travail, la CNDCPH est présidée par un président de chambre à la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour de cassation, et comprend :

1 ° Un membre du Conseil d'État, désigné par le vice-président du Conseil d'État ;

2° Un magistrat et une magistrate du siège des cours d'appel, désignés par le premier président de la Cour de cassation sur une liste établie par les premiers présidents des cours d'appel, chacun d'eux arrêtant le nom d'un magistrat et d'une magistrate du siège de sa cour d'appel après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel ;

3° Un représentant et une représentante des salariés, conseillers prud'hommes ou ayant exercé les fonctions de conseiller prud'homme, désignés par les représentants des salariés au Conseil supérieur de la prud'homie en son sein ;

4° Un représentant et une représentante des employeurs, conseillers prud'hommes ou ayant exercé les fonctions de conseiller prud'homme, désignés par les représentants des employeurs au Conseil supérieur de la prud'homie en son sein.

Des suppléants en nombre égal sont désignés dans les mêmes conditions.

L' article R. 1442-22 du code du travail prévoit que les membres titulaires et suppléants de la commission sont désignés pour quatre ans au même titre que les membres du Conseil supérieur de la prud'homie dont ils sont en partie issus.

Cette désignation a d'ailleurs lieu dans les trois mois suivant le renouvellement du Conseil supérieur de la prud'homie. Le texte prévoit que le cas échéant, et dans la limite maximum d'un an, leur mandat est prolongé jusqu'à l'installation de la commission qui suit le renouvellement du Conseil supérieur de la prud'homie.

Dans un délai de deux mois suivant le renouvellement du Conseil supérieur de la prud'homie, les premiers présidents des cours d'appel doivent faire connaître au premier président de la Cour de cassation le nom du magistrat et de la magistrate du siège de leur cour qu'ils proposent de désigner en application du 2° de l'article L. 1442-13-2 du même code.

Les membres de la Commission, issus des représentants des salariés et des employeurs, sont désignés en leur sein par les membres titulaires et suppléants du Conseil supérieur de la prud'homie représentant respectivement les salariés et les employeurs. Par dérogation à l'article R. 1431-7 du code du travail, les titulaires et les suppléants participent à la désignation et peuvent être désignés comme membres de cette commission. Cette disposition, prévue à l'article R. 1442-22-2 du même code, vise à élargir le panel des candidats à la fonction de membre de la CNDCPH.

Une fois constituée, la liste des membres de la Commission est transmise au garde des Sceaux, ministre de la justice et publiée au Journal officiel de la République française à la diligence du premier président de la Cour de cassation.

Les membres de la Commission sont installés dans leurs fonctions par le premier président de la Cour de cassation dans les quinze jours suivant cette publication.

Conformément à l'article R. 1442-22-4 du code du travail, le membre de la Commission qui désire renoncer à son mandat adresse sa démission au garde des Sceaux, ministre de la justice. La démission n'est définitive qu'après acceptation par le ministre.

Lorsqu'une vacance se produit avant la date d'expiration des mandats, le membre de la Commission est remplacé et installé dans les trois mois selon les modalités prévues pour la désignation initiale.

Le membre ainsi désigné achève le mandat de celui qu'il remplace.

La Commission nationale de discipline des conseillers prud'hommes siège à la Cour de cassation.

Le secrétariat de la Commission est assuré par le secrétaire général de la première présidence de la Cour de cassation. En cas d'empêchement du secrétaire général, le secrétariat est assuré par un magistrat du siège délégué à cette fin par le premier président.

La date et l'ordre du jour des séances de la Commission sont fixés par ordonnance de son président. Une copie de l'ordonnance est adressée au garde des Sceaux, ministre de la justice, et est jointe à la convocation adressée par le secrétaire de la Commission.

Le procès-verbal des séances est signé du président et du secrétaire de la Commission.

La Commission ne peut délibérer que si quatre de ses membres au moins, y compris le président, sont présents. En cas de partage égal des voix, conformément à l'article L. 1442-16-1 du code du travail, celle du président est prépondérante.

Les manquements déontologiques à l'origine de la procédure disciplinaire

Tout d'abord, l' article L. 1442-11 du code du travail dispose que « l'acceptation par un conseiller prud'homme d'un mandat impératif, avant ou après son entrée en fonction et sous quelque forme que ce soit, constitue un manquement grave à ses devoirs ».

Cet article a été modifié par l' ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 et prévoit désormais que ce manquement est sanctionné par la déchéance du mandat prononcée dans le respect de la procédure disciplinaire.

Par ailleurs, créé par la loi du 6 août 2015, l' article L. 1421-2 du code du travail prévoit les devoirs des conseillers prud'hommes en disposant que : « les conseillers prud'hommes exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s'abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions. Ils sont tenus au secret des délibérations. Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l'examen d'un dossier risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie ».

Cet article est complété par l' article D. 1442-13 du code précité relatif au serment prêté par les conseillers prud'hommes qui est le suivant : « je jure de remplir mes devoirs avec zèle et intégrité et de garder le secret des délibérations ».

De ce fait, en application de l' article L. 1442-13 du même code, « tout manquement à ses devoirs dans l'exercice de ses fonctions par un conseiller prud'homme est susceptible de constituer une faute disciplinaire ».

Cet article a été modifié par la loi du 6 août 2015 qui a supprimé l'exigence de gravité attachée au manquement dans un souci d'harmonisation des obligations des conseillers prud'hommes avec celles des magistrats de carrière et des juges des tribunaux de commerce. Il y a lieu de rappeler que 1'opportunité des poursuites est appréciée par le premier président et le garde des Sceaux, au regard de la gravité de la faute, laquelle est soumise à l'appréciation de la CNDCPH.

Mesure provisoire

En vertu de l'article L. 1442-16 du code du travail, le président de la CNDCPH peut être saisi par le garde des Sceaux ou par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège le conseiller prud'homme en vue d'une suspension, lorsqu'il existe contre l'intéressé des faits de nature à entraîner une sanction disciplinaire.

Aucun critère supplémentaire n'est imposé par les textes pour la mise en oeuvre de la procédure de suspension. Néanmoins, plusieurs éléments peuvent notamment être pris en compte pour évaluer la nécessité de mettre en oeuvre cette procédure conservatoire : l'urgence, la gravité des faits, l'intérêt du service, l'atteinte grave à l'image de la justice.

Il pourra s'agir, à titre d'exemple, de faits ayant conduit ou pouvant conduire à une condamnation pénale et qui paraissent de nature à entraîner par ailleurs des poursuites disciplinaires.

Le conseiller mis en cause doit être préalablement entendu par le premier président dans les mêmes conditions que dans le cadre de la procédure au fond.

Le garde des Sceaux ou le premier président de la cour d'appel transmet au président de la Commission toutes les pièces afférentes à la poursuite.

Lorsque les conditions ci-dessus sont remplies, le président de la CNDCPH a alors la faculté de suspendre le conseiller pour une durée qui ne peut excéder six mois. Il statue par ordonnance rendue dans les dix jours de sa saisine. La décision est immédiatement exécutoire conformément à l'article R. 1442-22-15 du code du travail.

Cette suspension peut être renouvelée dans deux conditions : de façon générale, elle peut l'être pour une durée supplémentaire maximale de six mois. Dans cette hypothèse, ce pouvoir appartient à la Commission en sa forme collégiale.

Par ailleurs, si le conseiller prud'homme fait l'objet de poursuites pénales, la suspension peut être ordonnée jusqu'à l'intervention de la décision pénale définitive. Dans cette seconde hypothèse, le président de la Commission reste titulaire de ce pouvoir.

L'article L. 1442-16-2 du code du travail impose la motivation de l'ensemble des décisions de suspension, qu'elles soient prises par la CNDCPH en sa forme collégiale ou par son président seul.

Les décisions de suspension sont notifiées par tout moyen leur conférant date certaine au conseiller prud'homme mis en cause. Elles sont également portées à la connaissance du garde des Sceaux, du premier président de la cour d'appel et du président du conseil des prud'hommes.

La procédure au fond

En application de l'article L. 1442-13-3 du code du travail, la CNDCPH est saisie par le garde des Sceaux ou par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le conseiller prud'homme siège.

Le président du conseil des prud'hommes, assurant, conformément à l'article R. 1423-31 du code du travail, l'administration et la discipline intérieure de la juridiction, pourra communiquer au premier président de la cour d'appel les éléments qu'il estime constitutifs de manquements déontologiques afin que celui-ci puisse exercer ses prérogatives tant de rappel des obligations déontologiques que disciplinaires.

Quel que soit l'auteur de la saisine, le conseiller est préalablement entendu par le premier président de la cour d'appel conformément à l'article L. 1442-13-3 du code du travail.

Le code du travail ne prévoit aucun formalisme pour la tenue de cet entretien, qui se doit néanmoins de respecter les droits de la défense et le principe du contradictoire.

Lorsqu'il saisit la CNDCPH, le garde des Sceaux ou le premier président de la cour d'appel transmet au président de la Commission toutes les pièces afférentes à la poursuite.

Dès la saisine de la Commission, le conseiller prud'homme mis en cause est informé de cette saisine par tout moyen conférant date certaine par le secrétaire de la Commission. Cette information peut notamment être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courrier électronique.

Le secrétaire de la Commission lui précise à cette occasion qu'il peut prendre connaissance, au secrétariat de la Commission, des pièces afférentes à la poursuite, ou qu'elles peuvent lui être communiquées par voie électronique.

Dès la saisine de la CNDCPH, le président de la Commission désigne parmi les membres de la Commission un rapporteur qui procède à toutes investigations utiles. Le rapporteur entend l'intéressé et, s'il y a lieu, les témoins. Il peut les faire entendre par un magistrat du siège auquel il donne délégation, notamment si ces derniers se trouvent géographiquement éloignés du siège de la Commission.

Le dossier de la procédure est mis à la disposition de l'intéressé et de son conseil quarante-huit heures au moins avant chaque séance de la Commission ou chaque audition par le rapporteur ou son délégué. Le conseiller prud'homme mis en cause peut, à tout moment de la procédure, verser aux débats les pièces qu'il estime utiles et déposer des mémoires en défense.

Lorsque le dossier est en état d'être soumis à la Commission, le conseiller prud'homme mis en cause est cité à comparaître devant elle par son secrétaire par tout moyen conférant date certaine à cette citation.

Conformément à l'article R. 1442-22-12 du code du travail, il est tenu de comparaître en personne. Il peut se faire assister par l'un de ses pairs, par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit à un barreau.

Après lecture du rapport et après audition du représentant du garde des Sceaux, ministre de la justice, le conseiller prud'homme mis en cause est invité à fournir ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés.

L'audience de la CNDCPH est publique. Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exige ou qu'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès à la salle d'audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le président.

Conformément à la jurisprudence relative au procès équitable, établie tant par la Cour de cassation que par la Cour européenne des droits de l'homme, la personne convoquée devant une juridiction pénale ou disciplinaire a toujours la possibilité de se faire représenter. En conséquence, le conseiller prud'homme non comparant peut se faire représenter par l'un de ses pairs, par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit à un barreau.

S'il ne comparaît pas et n'est pas représenté, la CNDCPH peut soit renvoyer le dossier à une nouvelle audience, soit examiner le dossier au fond.

La Commission délibère à huis clos. La décision, qui est motivée, est rendue publiquement.

La décision disciplinaire

En vertu de l'article R. 1442-22-16 du code du travail, les décisions de la Commission sont notifiées par tout moyen conférant date certaine à cette notification au conseiller prud'homme mis en cause.

Cette notification fait courir le délai de recours devant la Cour de cassation. Elles sont également portées à la connaissance du garde des Sceaux, du premier président de la cour d'appel et du président du conseil des prud'hommes. Ces derniers ne disposent d'aucune voie de recours.

Les sanctions

Le panel des sanctions encourues par les conseillers prud'hommes a été élargi par la loi du 6 août 2015. Jusqu'alors elles étaient au nombre de trois : la censure, la suspension pour une durée ne pouvant excéder six mois et la déchéance.

Désormais, en application de l'article L. 1442-14 du code du travail, les sanctions applicables aux conseillers prud'hommes sont, par ordre de gravité :

- le blâme ;

- la suspension pour une durée ne pouvant excéder six mois ;

- la déchéance assortie d'une interdiction d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme pour une durée maximale de 10 ans ;

- la déchéance assortie d'une interdiction définitive d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme.

La cessation des fonctions

La cessation des fonctions fait obstacle à l'engagement de poursuites et au prononcé de sanctions disciplinaires. Aucune procédure disciplinaire ne peut donc être engagée à l'encontre d'un ancien conseiller prud'homme.

Eléments statistiques

Depuis 2017, la CNDCPH a été saisie à 22 reprises. Elle a prononcé à :

- 2 reprises la sanction de déchéance avec interdiction définitive d'exercer les fonctions de conseiller ;

- 4 reprises la sanction de déchéance avec interdiction d'exercer ses fonctions pour une durée maximale de 10 ans ;

- 3 reprises la suspension des fonctions pour une durée ne pouvant excéder six mois ;

- 4 reprises un non-lieu pour absence de manquement ou une absence de sanction malgré le constat de manquements.

Elle a constaté à 3 reprises la démission d'un conseiller prud'hommes au cours de la procédure empêchant le prononcé d'une sanction.

Six dossiers sont actuellement en cours d'examen.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les conseillers prud'hommes, ainsi que le rappelle le Conseil constitutionnel, exerçant leurs fonctions à temps partiel et pour une durée déterminée dans une juridiction spécialisée, ne sont pas régis par le statut des magistrats pris en application de l'article 64 de la Constitution120(*).

Par ailleurs, aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant (...) la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les conseillers prud'hommes exerçant des fonctions judiciaires, nombre de textes de l'ordre international ou européen, supérieurs aux dispositions internes dans la hiérarchie des normes, concernant les « juges » s'appliquent à leur situation.

Ainsi, les exigences d'indépendance et d'impartialité des tribunaux posées par l'ensemble des textes internationaux concernent les juridictions formées de juges non-professionnels.

Le Pacte international des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques du 16 décembre 1996, notamment son article 14, et la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée le 10 décembre 1948, en son article 10, proclament le droit à un « tribunal indépendant et impartial ».

Ces principes d'indépendance et d'impartialité sont repris au plan européen par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, à l'article 6. Dans de nombreuses décisions, la Cour européenne est venue en préciser les implications concrètes, en énonçant notamment que l'indépendance du tribunal s'apprécie au regard du mode de désignation et de la durée du mandat des membres121(*), en posant le principe d'inamovibilité des juges au cours de leur mandat comme un corollaire de leur indépendance122(*) et en veillant à ce que le juge ne reçoive aucune pression ou instruction dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles, qu'elles émanent du pouvoir exécutif123(*), du pouvoir législatif124(*) ou des parties125(*).

La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne adoptée le 18 décembre 2000 a également proclamé ce principe, en son article 47.

Par ailleurs, des principes à valeur non contraignante adoptés à l'échelle européenne rappellent les règles d'indépendance et d'impartialité des juges et disposent expressément que leurs dispositions s'appliquent également aux juges non professionnels, à moins qu'il ne ressorte clairement du contexte qu'elles ne sont applicables qu'aux juges professionnels.

Ainsi, la Charte européenne sur le statut des juges, adoptée par les participants de pays européens et les membres de deux associations internationales de juges réunis du 8 au 10 juillet 1998 à Strasbourg reprend ces principes, en les développant. Ce texte dispose que « les garanties attachées notamment au recrutement des juges, aux incompatibilités, au comportement en dehors des fonctions ou à la cessation de celles-ci s'appliquent à tous les juges » (y compris les non-professionnels).

Dans la Recommandation CM/Rec (2010)12 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités adoptée le 17 novembre 2010, l'indépendance des juges est conçue comme « un élément inhérent à l'Etat de droit et indispensable à l'impartialité des juges et au fonctionnement du système judiciaire » visant à garantir à toute personne le droit fondamental de voir son cas jugé équitablement sur le seul fondement de l'application du droit et en l'absence de toute influence indue. L'impartialité et l'indépendance des juges sont considérées comme essentielles pour garantir l'égalité des parties.

Au nom de « l'indépendance externe » et « pour éviter tout conflit d'intérêts réel ou perçu comme tel », ce texte préconise de limiter la participation des juges à des activités compatibles avec leur impartialité et leur indépendance.

Au nom de « l'indépendance interne », la recommandation rappelle que « les juges devraient pouvoir prendre leurs décisions en toute indépendance et impartialité, et pouvoir agir sans restrictions, influences indues, pressions, menaces ou interventions, directes ou indirectes, de la part d'une quelconque autorité, y compris les autorités judiciaires elles-mêmes ». Dans le chapitre consacré à l'éthique des juges, ce texte évoque l'importance pour les juges, dans leurs activités, d'être guidées par des principes éthiques de conduite professionnelle qui comprennent non seulement des devoirs pouvant être sanctionnés par des mesures disciplinaires mais qui guident également les juges sur la façon de se comporter.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Une étude interne réalisée en 2009 par le bureau du droit comparé du ministère de la justice montre que l'institution d'une juridiction paritaire comprenant des juges non-professionnels, pour le jugement des contentieux du droit du travail, est spécifique en Europe à la France.

Seuls trois pays, l'Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni, ont instauré un échevinage faisant appel à des juges non professionnels.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Concernant la disposition prévoyant l'extension du ressort de candidature au conseil de prud'hommes limitrophe et au conseil de prud'hommes du domicile pour les personnes en recherche d'emploi ou ayant cessé toute activité professionnelle, les V.R.P et certains salariés exerçant en dehors de tout établissement, des vacances de sièges sont régulières du fait, d'une part, des difficultés pour les organisations syndicales et professionnelles de proposer des candidatures et, d'autre part, du rejet de candidatures non conformes.

Plusieurs leviers peuvent être mis en oeuvre afin de réduire la vacance des sièges et d'améliorer la qualité des juges désignés, notamment l'assouplissement des conditions de candidature qui permettent aux personnes ayant cessé toute activité professionnelle de se porter candidat dans les conseils de prud'hommes de ressorts voisins de celui de leur domicile.

La nécessité de légiférer est en outre pertinente dans la mesure où, en l'état actuel du droit, le principe d'une candidature dans un conseil de prud'hommes limitrophe du lieu de domicile ne trouve pas à s'appliquer pour certains publics (retraités, personnes en recherche active d'emploi, V.R.P...).

Concernant l'engagement de poursuites et le prononcé de sanctions disciplinaires même en cas de cessation des fonctions du conseiller prud'homme, la démission d'un conseiller prud'homme auquel il est reproché un manquement disciplinaire fait actuellement obstacle à l'engagement de poursuites disciplinaires et au prononcé d'une sanction par la Commission nationale de discipline des conseillers prud'hommes.

Trois démissions de conseillers prud'hommes sont intervenues après la saisine de la Commission nationale de discipline des conseillers prud'hommes qui, demeurant saisie, a dû vider sa saisine notamment en constatant que le comportement, objet de la saisine, constituait bien une faute disciplinaire mais qu'elle était dans l'impossibilité de prononcer une sanction.

A l'instar de la possibilité qui existe pour les juges des tribunaux de commerce depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de mettre en oeuvre des poursuites disciplinaires et de les mener à terme même en cas de démission, il est proposé d'adopter des dispositions similaires à celles de l'article L. 724-3-2 du code de commerce.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Cette mesure vise à assouplir les conditions de candidatures des conseillers prud'hommes afin de maintenir l'attractivité de leurs fonctions. En harmonisant les règles de désignations relatives au conseil de prud'hommes limitrophe, les objectifs recherchés sont de permettre à un plus grand nombre de candidats de postuler aux fonctions prud'homales et de garantir un plus grand vivier dans les conseils de prud'hommes en sous-effectifs.

Par ailleurs, s'agissant de l'engagement de poursuites et le prononcé de sanctions disciplinaires même en cas de cessation des fonctions du conseiller prud'homme, cette mesure permettra de renforcer l'efficience du régime disciplinaire des conseillers prud'hommes. Il est ainsi mis fin notamment à l'impunité au plan disciplinaire conférée par la démission à un conseiller prud'homme ayant commis d'éventuels manquements à ses obligations déontologiques et en permettant de faire obstacle à une nouvelle élection et donc à un nouveau mandat si la gravité des faits le justifie.

Cette mesure contribuera également à renforcer la confiance des citoyens dans la justice prud'homale en garantissant la possibilité de sanctionner des conseillers prud'hommes démissionnaires, via l'instauration de deux nouvelles sanctions, interdisant pour une durée déterminée ou définitive l'exercice des fonctions de conseiller prud'hommes.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Concernant l'engagement de poursuites et le prononcé de sanctions disciplinaires même en cas de cessation des fonctions du conseiller prud'homme, le maintien des dispositions actuelles a été envisagé. Toutefois, des situations ont pu émerger où il n'a pas été possible d'engager de poursuites disciplinaires à l'encontre de conseillers prud'hommes ayant effectivement manqué à leurs obligations déontologiques.

Par ailleurs, un conseiller prud'hommes démissionnaire peut se voir de nouveau désigner pour siéger en cette qualité, ce qui renforce les risques d'impunité vis-à-vis de comportements contraires à la déontologie des conseillers prud'hommes.

3.2. OPTION RETENUE

Concernant la disposition prévoyant l'extension du ressort de candidature au conseil de prud'hommes limitrophe et au conseil de prud'hommes du domicile pour les personnes en recherche d'emploi ou ayant cessé toute activité professionnelle, les V.R.P et certains salariés exerçant en dehors de tout établissement, afin de réduire les vacances de siège et d'élargir le vivier de candidature des conseillers prud'hommes, la mesure retenue assouplit les conditions de candidature qui permettent aux personnes en recherche d'emploi ou ayant cessé toute activité professionnelle de se porter candidat dans les conseils de prud'hommes de ressorts voisins de celui de leur domicile.

La modification retenue étend cette possibilité aux personnes en recherche d'emploi ou ayant cessé toute activité professionnelle qui peuvent limitativement postuler au sein du conseil de prud'hommes du dernier exercice de leur activité et limitrophe ainsi qu'au sein de celui de leur domicile mais sans possibilité de postuler sur le conseil de prud'hommes limitrophe du domicile (art. L. 1441-6 2° et L. 1441-11 du code du travail).

Il a été retenu également d'assouplir les conditions de candidature des V.R.P. et de certains salariés qui exercent à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement en permettant qu'ils puissent postuler dans le conseil de prud'hommes dans le ressort duquel est situé leur domicile ou limitrophe à celui-ci.

Concernant l'engagement de poursuites et le prononcé de sanctions disciplinaires même en cas de cessation des fonctions du conseiller prud'homme, l'instauration de la possibilité d'exercer des poursuites à l'encontre d'un conseiller prud'hommes démissionnaires apparaît nécessaire afin d'éviter des situations d'impunité, lorsque face à des manquements avérés, il ne peut être donné de suites.

La possibilité d'engager des poursuites se double de la mise en oeuvre de sanctions spécifiques qui garantissent qu'une fois sanctionné, l'ancien conseiller prud'homme ne puisse, soit temporairement soit définitivement, de nouveau exercer ses fonctions.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

Concernant la disposition prévoyant l'assouplissement du ressort de candidature au conseil de prud'hommes limitrophe et au conseil de prud'hommes du domicile pour les personnes en recherche d'emploi ou ayant cessé toute activité professionnelle, les V.R.P et certains salariés exerçant en dehors de tout établissement, la mesure permet d'assouplir les conditions de candidatures aux fonctions de conseillers prud'hommes et éviter de ne pas rejeter les candidatures présentées par les organisations syndicales et professionnelles. Il s'agit d'un des leviers permettant de maintenir l'attractivité des fonctions de conseillers prud'hommes.

Concernant l'engagement de poursuites et le prononcé de sanctions disciplinaires même en cas de cessation des fonctions du conseiller prud'homme, l'impossibilité d'échapper à une sanction par la démission devrait permettre de sanctionner plus efficacement les manquements commis au sein de la justice prud'homale et d'écarter des fonctions de conseiller prud'homme les auteurs de fautes disciplinaires. Ainsi, outre les trois décisions rendues par la CNDCPH depuis 2017 constatant la démission d'un conseiller prud'hommes, au cours de la même période, 6 conseillers n'ont pas pu faire l'objet de poursuites disciplinaires en raison d'une démission antérieure à l'engagement de telles poursuites.

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure prévoit la modification du titre IV du Livre IV du code du travail, en modifiant l'article L.  1441-11 dudit code. Elle vise l'extension du ressort de candidature au conseil de prud'hommes limitrophe et au conseil de prud'hommes du domicile pour les personnes en recherche d'emploi ou ayant cessé toute activité professionnelle, les Vendeurs, Représentants et Placiers et certains salariés exerçant en dehors de tout établissement.

La disposition prévue entraînera également la modification du titre IV du Livre IV du code du travail, en créant un article L 1442-14-1 visant à permettre la mise en oeuvre de poursuites disciplinaires à l'encontre de conseillers prud'hommes démissionnaires.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Cette réforme permettra la simplification des conditions de candidature à la fonction de conseiller prud'homme. Dans le cadre du renouvellement général des conseillers prud'hommes de 2022, environ 50 demandes de candidature n'ont pas pu être prises en compte à cause des règles sur les ressorts limitrophes. Ainsi, la réduction des sièges vacants par la désignation de conseillers prud'hommes aura pour conséquence de réduire les délais de traitement des dossiers et renforcer la confiance du justiciable dans la justice prud'homale.

La mise en oeuvre de cette réforme permettra de renforcer la responsabilité des conseillers prud'homme, qui pourront être poursuivis pour tout manquement commis dans l'exercice de leurs fonctions, et ce, malgré leur démission.

Cela permettra de garantir le fait qu'un conseiller prud'homme défaillant mais démissionnaire, puissent être sanctionné, et notamment se voir définitivement interdire l'exercice des fonctions prud'homales si la nature des manquements le justifie. Cette disposition ne peut que renforcer la confiance des citoyens dans la justice prud'homale en s'assurant d'une exemplarité des magistrats non professionnels qui la compose.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

En application de l'article R. 1431-3 du code du travail, « le Conseil supérieur de la prud'homie est consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs : 1° A l'institution, la compétence, l'organisation et le fonctionnement des conseils de prud'hommes ; 2° A la désignation, au statut et à la formation des conseillers prud'hommes ». Le Conseil supérieur de la prud'homie, organisme consultatif, siège auprès du garde des Sceaux, ministre de la Justice, et du ministre chargé du Travail. Il est notamment consulté à propos des projets de loi et de règlement relatifs à l'institution, la compétence, l'organisation et le fonctionnement des conseils de prud'hommes et à la désignation, au statut et à la formation des conseillers prud'hommes. Le Conseil supérieur de la prud'homie a été obligatoirement consulté le 28 février 2023.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La présente disposition entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Le présent article concernera l'ensemble des conseillers prud'homaux sur le territoire national.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 9 - Dispositions concernant sur le statut, la formation et la responsabilité des présidents des tribunaux de commerce et des juges consulaires

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La juridiction commerciale est composée de 134 tribunaux de commerce, répartis en France métropolitaine, à l'exclusion des 7 tribunaux judiciaires à chambre commerciale échevinée dans les ressorts de la cour d'appel de Colmar et de Metz (où le contentieux relève d'une chambre du tribunal judiciaire par exception de droit local) et des 9 tribunaux mixtes de commerce en outre-mer.

Les tribunaux de commerce sont composés de juges issus de la société civile, élus par leurs pairs, et d'un greffe assuré par un greffier de tribunal de commerce, titulaire d'un office public et ministériel.

Les juges consulaires sont des commerçants ou représentants de sociétés commerciales inscrits au registre du commerce et des sociétés ainsi que des artisans inscrits au répertoire des métiers. Ils sont issus de tous les secteurs d'activité, de toutes tailles d'entreprise (personnelle, TPE, PME ou groupes).

Les membres du tribunal de commerce remplissent leur mission bénévolement.

En 2022, sur 3 513 sièges localisés, 3 477 juges consulaires étaient en fonction (2805 hommes et 672 femmes).

Depuis le 1er janvier 2022, les juges des tribunaux de commerce sont élus par un collège électoral composé des juges et anciens juges consulaires, des membres élus des chambres de commerce et d'industrie et des chambres des métiers et de l'artisanat relevant du ressort du tribunal de commerce.

L'élection annuelle a lieu durant la première quinzaine du mois d'octobre dans toutes les juridictions où il y a des sièges à pourvoir.

Le nombre de mandats dans un même tribunal est limité à 5 et la limite d'âge est fixée à 75 ans.

Le premier mandat effectué par un juge de tribunal de commerce est de deux ans (article L. 722-6 du code de commerce). Les mandats suivants sont d'une durée de quatre ans, dans le même tribunal ou dans tout autre tribunal de commerce (article L. 722-6 du code de commerce).

Conformément à l'article R. 722-7 modifié du code de commerce, le mandat des juges consulaires commence le 1er janvier de l'année civile suivant leur élection et s'achève le 31 décembre de l'année civile suivant l'élection de leur successeur. Cette condition s'apprécie à la date de l'élection.

L'obligation de formation initiale des juges consulaires nouvellement élus a été instaurée par la loi du 18 novembre 2016 portant modernisation de la justice du XXIe siècle. Effective depuis le 1er novembre 2018, les juges consulaires doivent suivre cette formation dans un délai de vingt mois à compter de leur élection, sous peine d'être réputé démissionnaire.

En application de l'article D. 722-31 du code de commerce, la formation initiale, d'une durée de huit jours, est organisée par l'Ecole nationale de la magistrature.

Elle porte notamment sur des enseignements relatifs à l'organisation judiciaire, aux principes de la procédure, au fonctionnement d'une juridiction, à la déontologie, ainsi qu'à la technique de rédaction des jugements et de tenue d'une audience.

Par ailleurs, le président du tribunal de commerce est choisi parmi les juges du tribunal qui ont exercé des fonctions dans un tribunal de commerce pendant six ans au moins conformément à l'article L. 722-11 du code de commerce.

Le président est élu pour quatre ans au scrutin secret par les juges du tribunal de commerce réunis en assemblée générale sous la présidence du président sortant ou, à défaut, du doyen d'âge. L'élection a lieu à la majorité absolue aux deux premiers tours de scrutin et à la majorité relative au troisième tour. En cas d'égalité de voix au troisième tour, le candidat ayant la plus grande ancienneté dans les fonctions judiciaires est proclamé élu ; en cas d'égalité d'ancienneté, le plus âgé est proclamé élu.

Le président reste en fonctions jusqu'à l'installation de son successeur sans que cette prorogation puisse dépasser une période de trois mois.

Actuellement, aucune disposition législative ne prévoit l'obligation de formation pour les présidents des tribunaux de commerce nouvellement élus.

Pourtant, le président est élu par ses pairs pour être le premier d'entre eux, il est garant du respect des règles déontologiques, des exigences de disponibilité, de formation initiale et continue, et de compétence de tous les juges.

Il s'assure de la continuité, de la conformité et de la diligence procédurale du traitement des affaires ainsi que de la qualité et de la cohérence jurisprudentielle des décisions du tribunal. Habilité à présider l'une quelconque des formations de jugement ou à exercer l'une quelconque des fonctions spécialisées, la loi lui attribue en outre des compétences juridictionnelles propres dont il se préoccupe spécialement quand bien même les aurait-il déléguées.

Attentif aux modalités d'accès des nouveaux juges, il est soucieux du renouvellement régulier, équilibré et harmonieux de la composition du tribunal.

Le président est également responsable de l'animation concertée, de l'administration et de la gestion du tribunal. Il veille à son bon fonctionnement et à son efficacité, qu'il s'agisse de l'organisation des chambres et du service des juges, de la collaboration avec le greffier de commerce et les auxiliaires de justice, mais aussi des relations institutionnelles et partenariales, de la représentation de la juridiction au coeur de la vie socio-économique de la cité et de sa communication officielle et médiatique.

Chargé de décliner localement les politiques judiciaires nationale et régionale, il met en oeuvre les réformes et directives générales et conduit les projets spécifiques de modernisation et d'innovation qu'il a suscités ou arbitrés.

Il convient de souligner que l'Ecole nationale de la magistrature propose, depuis quelques années, une session de formation de deux jours intitulée « Présider un tribunal de commerce ». Cette formation est pour l'instant peu suivie (environ 50 % des nouveaux présidents la suivent, et constituent 50% des stagiaires).

Par ailleurs, le refus de siéger sans motif légitime est une situation fréquemment rencontrée au sein des tribunaux de commerce. Cela est facteur de désorganisation pour les juridictions commerciales car la charge de travail du juge absent doit être répartie sur les autres juges. Les présidents sont démunis face à ces juges qui refusent de siéger. Cela est préjudiciable pour les juridictions commerciales, d'autant plus que le nombre de juges dans chaque tribunal de commerce est limité par décret. A ce jour, le refus de siéger n'est pas sanctionné. Dès lors, aucun juge consulaire n'a fait l'objet de poursuites disciplinaires sur ce motif au cours des cinq dernières années. Aucune sanction n'a été prononcée de ce chef.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les décisions constitutionnelles (décisions n° 98-396 DC du 19 février 1998, considérant 10 ; n° 2011-445 DC 19 juin 2001, considérant 42 ; n° 2003-466 DC 20 février 2003, considérant 13 et n° 2012-241 QPC 4 mai 2012, considérant 32) articulent la capacité de juger, les connaissances et compétences juridiques aux exigences d'impartialité et de respect de la dignité des justiciables. Pour autant, aucun lien n'est fait directement avec la formation des juges.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Cette nécessité de connaissances juridiques, de compétence et d'impartialité est également mentionnée dans des textes européens (Charte européenne des juges consulaires statuant en matière commerciale, adoptée par l'Union Européenne des Magistrats statuant en matière commerciale le 27 août 2005126(*) ; pour le Conseil de l'Europe : Charte européenne sur le statut des juges de 1998127(*), art. 2-1 et 2-2, Charte européenne des juges non professionnels de 2012).128(*)

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Il est souhaité un renforcement de la formation des présidents des tribunaux de commerce. En effet, il a pu être constaté que certains présidents nouvellement élus manquaient de connaissances dans le fonctionnement du tribunal de commerce, voire dans le fonctionnement des services judiciaires. Comme les autres chefs de juridictions, les présidents des tribunaux de commerce ont besoin d'être accompagnés dans leur prise de fonctions en abordant également les questions de statut des juges, le rappel des obligations déontologiques ainsi que les aspects budgétaires et organisationnels de la juridiction commerciale.

Compte-tenu de l'importance, des enjeux et des exigences liées à l'exercice de cette fonction, le ministère de la justice souhaite instaurer par la loi une obligation de formation des présidents des tribunaux de commerce. A l'instar des règles applicables aux juges consulaires relatives à leur obligation de formation initiale au titre de l' article L. 722-17 du code de commerce, les présidents des tribunaux de commerce seront réputés démissionnaires de leur mandat de président s'ils n'ont pas suivi cette formation obligatoire dans un délai d'un an à compter de leur élection.

Concernant le refus de siéger, le nombre de juges consulaires au sein des tribunaux de commerce étant limité par décret, le refus de siéger d'un juge entraîne un risque de désorganisation au sein du tribunal. Ainsi, le refus de siéger des juges consulaires pourrait s'inspirer du refus de siéger des conseillers prud'hommes tel que prévu aux articles L. 1442-12 et D. 1442-20 du code du travail. La mise en demeure et l'appréciation de la légitimité du motif seraient effectuées par les chefs de cour.

A cet effet, il apparaît judicieux de prévoir à l' article L.722-8 du code de commerce que le refus de siéger est une nouvelle cause de cessation des fonctions de juge d'un tribunal de commerce. Cette disposition verra ses conditions précisées par décret.

Cette procédure a montré son efficacité. En effet, 6 conseillers prud'hommes ont fait l'objet d'une application de l'article L. 1442-12 du code du travail depuis le 14 décembre 2017, (date de centralisation des cessations de fonction des CPH par la chancellerie).

Cette nécessité de légiférer tant sur la formation des présidents des tribunaux de commerce que sur le refus de siéger fait consensus au sein du Conseil national des tribunaux de commerce et de la Conférence générale des juges consulaires de France.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la mise en place d'une telle obligation de formation est la sensibilisation des présidents des tribunaux de commerce aux problématiques qu'ils rencontreront dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, relatives notamment à l'organisation du tribunal de commerce, à la prévention, ainsi qu'aux risques déontologiques.

La formation des présidents des tribunaux de commerce répond, en outre, à la nécessité d'assurer la responsabilité étatique : l'absence de formation des présidents peut conduire à un exercice défaillant de leur mission juridictionnelle et, partant, à la mise en cause de l'Etat par les justiciables.

L'instauration d'une procédure pour refus de siéger, par la voie du décret, vise à renforcer la responsabilité des juges consulaires et permettrait aux juridictions d'écarter les juges consulaires n'exerçant plus leurs fonctions et portant préjudice au fonctionnement du tribunal de commerce.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

L'Ecole Nationale de la Magistrature propose depuis quelques années une session de formation initiale réservée aux nouveaux présidents de tribunaux de commerce, qu'il leur appartient de suivre avant ou après leur entrée en fonction, dénommée « présider un tribunal de commerce ».

Compte-tenu de l'importance de la fonction de président de tribunal de commerce et des exigences qui y sont liées, le conseil national des tribunaux de commerce et la conférence générale des juges consulaires de France ont proposé de rendre obligatoire cette formation, et de réputer démissionnaire le président de son mandat en cas de non-respect de cette obligation.

Concernant la question du délai dont disposeraient les présidents nouvellement élus pour effectuer leur formation obligatoire, un délai de deux ans a, dans un premier temps, été envisagé.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Le choix a été fait de rendre obligatoire, pour les présidents de tribunaux de commerce nouvellement élus, d'avoir suivi la formation « présider un tribunal de commerce », dispensée par l'Ecole nationale de la magistrature.

A l'expiration d'un délai d'un an à compter de leur élection comme président, s'ils n'ont pas suivi la formation obligatoire, ils seront réputés démissionnaires de leur seul mandat de président.

Le contenu de la formation existante organisée par l'Ecole nationale de la magistrature ainsi que les modalités de démission de président par les Premiers présidents seront précisés par décret. Il s'agit, ici, de reprendre le même dispositif que celui de la formation initiale qui conduit à une cessation de fonction sans relever du domaine disciplinaire.

Le délai d'un an129(*) permettra aux présidents de tribunaux de commerce de bénéficier d'un module de rattrapage au cours de l'année. Il sera également permis aux présidents de chambre ou aux vice-présidents qui ont suivi la formation auparavant d'en garder le bénéfice, selon des modalités règlementaires.

En outre, le ministère veillera par voie réglementaire à ce que les dispositions de l'alinéa 4 de l' article R.723-2 du code de commerce ne s'appliquent pas au présent article, afin que les membres réputés démissionnaires ne soient pas inscrits sur la liste des membres du collège électoral pour les prochaines élections des juges des tribunaux de commerce.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'impact sur l'ordre juridique d'une telle mesure sera relativement faible, ne nécessitant qu'une insertion, au sein du code de commerce, de nouvelles dispositions : création de l'article L. 722-11-1 et modification de l'article L. 722-8.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

A l'instar de la formation initiale obligatoire, les frais de déplacement et de séjour exposés par les présidents des tribunaux de commerce pour le suivi de la formation seront remboursés selon la réglementation en vigueur applicable aux agents de l'Etat qui sera prévue par voie réglementaire.

Dans la mesure où la formation est déjà organisée par l'Ecole nationale de la magistrature, l'impact sera mineur en matière budgétaire, se traduisant par une augmentation du nombre de participants.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES

L'obligation de formation des présidents des tribunaux de commerce a pour effet d'une part, de concerner tous les présidents nouvellement élus, ainsi que les vice-présidents pouvant être amenés à les remplacer et d'autre part, de mieux les accompagner dès leur prise de fonction à la direction et présidence des tribunaux de commerce.

Par ailleurs, cette formation va également :

- Permettre aux participants à la session de nouer des relations entre eux afin qu'ils se sentent appartenir à un même « corps » de présidents de TC ;

- Inciter les présidents des tribunaux de commerce à se former à leurs attributions juridictionnelles spécifiques, au-delà de cette formation générale ; aborder en particulier la prévention ;

- Harmoniser les pratiques des présidents de TC.

L'instauration d'une procédure de refus de siéger permettra :

- De mettre fin aux fonctions du juge consulaire défaillant et pourvoir son siège rapidement lors des élections annuelles des juges des tribunaux de commerce ;

- D'assurer le bon fonctionnement des juridictions commerciales.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La formation des présidents des tribunaux de commerce a pour objet de mieux les accompagner dès leur prise de fonction à la direction et à la présidence des tribunaux de commerce.

Cette disposition permet de surcroit de renforcer la confiance du citoyen dans les juridictions commerciales en veillant au bon fonctionnement des tribunaux de commerce et la connaissance du justiciable dans cette juridiction.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La consultation du Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC) prévue à l'article R. 721-11 du code de commerce est facultative, sauf disposition législative contraire.

Pour autant, compte-tenu des modifications envisagées dans l'exercice des fonctions des présidents des tribunaux de commerce, le Conseil national des tribunaux de commerce a été consulté sur ces dispositions le 8 mars 2023.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Cette disposition entrera en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition relative à la formation des présidents des tribunaux de commerce s'applique à tous les tribunaux de commerce, à l'exclusion des 7 tribunaux judiciaires à chambre commerciale échevinée dans les ressorts de la cour d'appel de Colmar et de Metz (où le contentieux relève d'une chambre du tribunal judiciaire par exception de droit local) et des 9 tribunaux mixtes de commerce en outre-mer.

5.2.3. Textes d'application

Un décret simple d'application pour l'obligation de formation sera nécessaire. Un décret en Conseil d'Etat sera pris en application des dispositions relatives au refus de siéger.

Article 10 - Formation des assesseurs des pôles sociaux

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le code de l'organisation judiciaire prévoit la participation d'assesseurs désignés dans les formations de jugement mentionnées aux articles L.218-1 (formation collégiale du tribunal judiciaire) et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire.

Les assesseurs des pôles sociaux exercent leurs fonctions au sein de la formation collégiale du tribunal judiciaire créée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, désormais compétente pour connaître du contentieux qui relevait jusqu'alors des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) et d'une partie de celui des commissions départementales d'aide sociale (CDAS). Aux côtés d'un magistrat professionnel siègent deux assesseurs, l'un représentant les salariés, l'autre les employeurs et travailleurs indépendants.

Les assesseurs des pôles sociaux tranchent ainsi les litiges relatifs au contentieux de la sécurité sociale et une partie des litiges relatifs au contentieux de l'admission à l'aide sociale.

Membres de la formation de jugement, ils participent aux audiences et aux délibérés. En revanche, ils ne rédigent pas les décisions.

Ces assesseurs sont désignés pour une durée de trois ans par le premier président de la cour d'appel, après avis du président du tribunal, sur une liste dressée dans le ressort de chaque tribunal par l'autorité administrative sur proposition des organisations professionnelles intéressées les plus représentatives.

Au 1er janvier 2022, 2 968 assesseurs ont été recensés. 

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle impose, aux assesseurs nouvellement nommés au sein des pôles sociaux des tribunaux judiciaires et de la formation de jugement de la cour d'appel d'Amiens, compétente pour connaître du contentieux de la tarification des accidents du travail, le suivi d'une formation initiale préalable à l'exercice de leurs fonctions (article 12). Cette obligation est inscrite à l'article L. 218-12 du code de l'organisation judiciaire.

Cette formation initiale d'une journée est assurée par l'Ecole Nationale de la Magistrature. Tout assesseur qui n'a jamais exercé de mandat ne peut siéger que s'il justifie avoir suivi la formation initiale obligatoire.

Les modalités sont prévues par le décret n° 2019-185 du 12 mars 2019. Pour le suivi de leur formation initiale, les assesseurs sont indemnisés et leurs frais de déplacement pris en charge dans les conditions prévues aux articles D. 218-14 et D. 218-17 du code de l'organisation judiciaire.

Une dérogation à l'obligation de formation initiale est prévue par l'article 7 II de l' ordonnance n°2018-358 du 16 mai 2018 qui prévoit que « les assesseurs dont le mandat n'est pas arrivé à terme au 31/12/2018 siègent, à la demande du premier président de la cour d'appel et avec leur accord, dans la formation collégiale du tribunal de grande instance. Leur mandat expire alors à la date à laquelle leur mandat initial devait arriver à terme. Ces assesseurs ne sont pas soumis à l'obligation de formation ».

Au 11 janvier 2023, le bilan est le suivant : sur 1 521 assesseurs en formation, 1 034 ont validé l'intégralité de leur parcours de e-formation ; 335 ne se sont jamais connectés ; 132 ont débuté leur parcours et 68% de la promotion a validé sa formation initiale.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La participation de magistrats non professionnels ou de citoyens à l'exercice de la mission de juger a été envisagée et encadrée par plusieurs décisions du Conseil Constitutionnel130(*).

Le Conseil constitutionnel a admis à titre exceptionnel leur participation et de manière non minoritaire au sein d'une formation collégiale de jugement. C'est notamment le cas dans les tribunaux judiciaires statuant sur les litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale (pôles sociaux correspondant aux anciens TASS), ce qui peut s'expliquer par la particularité de cette compétence, reconnue par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a pu considérer, s'agissant des tribunaux des affaires de sécurité sociale, que « d'une part, la composition du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) correspond au caractère paritaire du mode de gestion de la sécurité sociale et à la compétence particulière de cette juridiction pour connaître du contentieux général de la sécurité sociale.

Les personnes nommées pour siéger en tant qu'assesseur ont vocation à apporter leur compétence et leur expérience professionnelle. (...)

D'autre part, le TASS est une juridiction civile présidée par un magistrat du siège du tribunal de grande instance. Ses deux assesseurs sont désignés par le premier président de la cour d'appel, après avis du président du TASS, sur une liste établie par les autorités compétentes de l'État sur proposition, principalement, des organisations professionnelles représentatives. Il appartient en particulier au premier président, à l'issue de cette procédure de sélection des candidatures, de désigner les assesseurs qui présentent les compétences et les qualités pour exercer ces fonctions. Ces assesseurs ne sont pas soumis à l'autorité des organisations professionnelles qui ont proposé leur candidature. L'article L. 144-1 du code de la sécurité sociale fixe des garanties de moralité et d'indépendance des assesseurs. En outre, la composition de cette juridiction assure une représentation équilibrée des salariés et des employeurs. Dès lors, les règles de composition du TASS ne méconnaissent pas les exigences d'indépendance et d'impartialité qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 »131(*).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel pose plusieurs conditions pour encadrer cette exception permettant la participation des juges non professionnels à l'exercice de la justice, notamment des garanties appropriées qui doivent permettre de satisfaire au principe d'indépendance132(*) et aux exigences résultant de l'article 6 de la Déclaration de 1789 (égal accès des citoyens aux emplois publics selon leur capacité).

Leur statut est prévu par la loi, comme en témoignent les articles L. 218-2 et suivants du code de l'organisation judiciaire, relatifs au statut des assesseurs des pôles sociaux. Ce statut est destiné à garantir l'indépendance et l'impartialité de ces juges non professionnels par respect du cadre constitutionnel susvisé.

Par ailleurs, les dispositions du code de l'organisation judiciaire permettent également de garantir leur impartialité et de prévenir les risques de conflits d'intérêts (règles de déport, de récusation, suspicion légitime).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Cette nécessité de connaissances juridiques, de compétence et d'impartialité est également mentionnée dans des textes européens (Charte européenne des juges consulaires statuant en matière commerciale, adoptée par l'Union Européenne des Magistrats statuant en matière commerciale le 27 août 2005133(*) ; pour le Conseil de l'Europe : Charte européenne sur le statut des juges de 1998134(*), art. 2-1 et 2-2, Charte européenne des juges non professionnels de 2012135(*)).

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Conformément à l'article L. 218-12 du code de l'organisation judiciaire, les assesseurs des pôles sociaux qui n'ont jamais exercé de mandat sont soumis à une obligation de formation initiale.

Toutefois, le texte n'impose aucun délai pour réaliser la formation. Au surplus, il ne prévoit aucune sanction en cas de non-exécution de cette obligation.

Ainsi, la seule conséquence du non-respect de l'obligation de formation par un assesseur est qu'il ne peut être convoqué par la juridiction pour siéger.

Ce dispositif induit qu'un assesseur qui n'exécute pas ou ne termine pas la totalité du module de formation occupe un siège sans pouvoir exercer de fonctions juridictionnelles. Les effectifs mobilisables de la juridiction se trouvent ainsi réduits.

Face à cette situation, le pôle social ne peut procéder directement au remplacement de l'assesseur. En effet, pour ce faire, le siège doit préalablement être déclaré vacant.

La juridiction peut alors lancer une procédure disciplinaire, inviter l'assesseur qui refuse d'effectuer sa formation à démissionner ou constater une défaillance constitutive d'un cas de vacance des fonctions. Toutefois ces mécanismes sont inadaptés au besoin des juridictions à ce sujet.

C'est pourquoi il est proposé de créer un dispositif permettant au pôle social de mettre un terme au mandat d'un assesseur qui refuse ou tarde à exécuter son obligation de formation initiale.

Les pôles sociaux disposeraient ainsi d'un mécanisme adapté afin de prendre en compte la non-satisfaction de l'obligation de formation initiale, tout assesseur qui ne remplirait pas ladite obligation étant réputé démissionnaire.

Cela permettrait également d'inciter les pôles sociaux à renforcer le suivi de leurs assesseurs s'agissant de la réalisation de la formation initiale, ceux-ci étant contraints de s'y conformer dans un délai précis.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

En cas de non suivi, par un assesseur, de sa formation obligatoire, le pôle social du tribunal dispose actuellement de la possibilité d'initier une procédure disciplinaire à l'encontre de l'assesseur ou d'inviter l'assesseur à démissionner.

En raison de l'inadaptation de ces mécanismes, il est proposé aux tribunaux de réputer démissionnaire l'assesseur qui refuserait ou tarderait à suivre la formation initiale obligatoire dans le délai imparti.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ENVISAGÉE

Aucune autre option n'a été envisagée.

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'option retenue consiste à préciser, à l'article L. 218-12 du code de l'organisation judiciaire, que l'assesseur du pôle social qui n'a pas suivi la formation obligatoire dans un certain délai, fixé par décret, sera déclaré démissionnaire. La définition de ce délai fera l'objet d'une concertation avec les organisations syndicales et les chefs de cour.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article L. 218-12 du code de l'organisation judiciaire sera modifié. Le délai dont disposeront les assesseurs des pôles sociaux pour effectuer leur formation obligatoire sera fixé par décret.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Dans le cadre d'un renforcement de la déontologie de ces assesseurs, la mesure envisagée permet de renforcer la formation préalable obligatoire des assesseurs de pôles sociaux à l'exercice des fonctions juridictionnelles.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure prévoit d'encadrer le délai de réalisation du suivi de la formation initiale obligatoire des assesseurs des pôles sociaux. En cas de non-exécution de son obligation, l'assesseur sera réputé démissionnaire ce qui permettra à la juridiction de pourvoir le poste vacant et assurer ainsi le bon déroulement des audiences. Cela permettra d'améliorer le bon fonctionnement des pôles sociaux, réduire les délais de traitement des affaires et renforcer la confiance des citoyens dans les juridictions sociales.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Compte tenu de l'absence d'impact significatif sur l'organisation et le fonctionnement de l'établissement, ni la consultation du conseil d'administration de l'ENM (article 8 du décret 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'ENM) ni celle de son comité technique (article 34 du décret 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat) n'ont été jugées obligatoires dans la mesure où la formation initiale est d'ores et déjà organisée. Il s'agit d'une mesure de bonne administration de la justice.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Cette disposition entrera en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Néant.

5.2.3. Textes d'application

Un décret simple sera nécessaire pour prévoir la procédure du réputé démissionnaire à l'encontre de l'assesseur du pôle social.

TITRE IV - OUVERTURE ET MODERNISATION DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

CHAPITRE IER - JURIDICTIONS JUDICIAIRES

Article 11 - Equipe autour des magistrats

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'institution judiciaire est engagée depuis presque 30 ans136(*) dans la structuration d'une équipe juridictionnelle, afin de permettre aux magistrats et aux greffiers de travailler « en équipe avec des assistants professionnalisés qui contribueront à l'ouverture et à l'enrichissement de notre institution »137(*).

La diversité des fonctions composant cette équipe juridictionnelle répond à trois grands besoins, parfois partagés par d'autres institutions138(*) : faire face à la massification des contentieux et la complexification des procédures, redonner du sens à l'intervention des professionnels et refonder une communauté de travail. Ces impératifs clairement identifiés constituent par ailleurs la trame générale de la plupart des rapports relatifs aux métiers de la justice, expression entendue largement139(*).

Dans ce contexte, en 2016, parallèlement aux recrutements continus d'assistants de justice et d'assistants spécialisés, des juristes assistants ont été « institués auprès des juridictions »140(*), « recrutés en qualité d'agents contractuels de l'Etat relevant de la catégorie A »141(*) dans le cadre du second plan de lutte contre le terrorisme et la radicalisation, en complément d'importants recrutements de magistrats et fonctionnaires. Ces juristes assistants sont nommés, à temps partiel ou complet, pour une durée maximale de trois années, renouvelable une fois. Renforçant davantage l'équipe juridictionnelle, les dotations initiales prévoyaient ainsi le recrutement de 150 juristes assistants à compter de septembre 2016. En 2017, il était prévu que 95 nouveaux juristes assistants seraient appelés à les rejoindre dans l'ensemble des ressorts, outre 30 postes créés au titre du plan de réforme des juridictions sociales afin d'améliorer le stock des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI), conformément à l'instruction interministérielle Santé-Justice en date du 2 janvier 2017. 37 postes supplémentaires ont été créés par la suite au cours de l'année 2017. Une grande majorité de ces postes étaient localisés dans les cours d'appel et dans les tribunaux les plus importants, et « fléchés » sur des contentieux identifiés en raison de leur complexité particulière (construction et copropriété, économique et financier, TASS/TCI) ou de leur forte volumétrie (liquidation des préjudices corporels, liquidation des successions et des régimes matrimoniaux).

Les juristes assistants, ordinairement placés auprès des chefs de cour aux termes de l' article R.123-37 du code de l'organisation judiciaire, étaient parfois amenés à être affectés dans différentes juridictions du même ressort selon les besoins, dans un champ d'intervention correspondant à leur qualification. Si leur doctrine d'emploi initiale impliquait leur investissement dans des domaines techniques ou à forte volumétrie au sein des juridictions les plus importantes, leur apport en matière d'aide à la décision a conduit à leur généralisation dans le cadre des plans destinés à renforcer la justice de proximité.

Au soutien de cet objectif, des moyens nouveaux ont ainsi été mobilisés dès le mois de septembre 2020, entre autres par l'allocation d'emplois de juristes assistants. Aussi, les deux « vagues » de recrutements réalisées en 2020 et 2021 ont permis d'affecter pour 3 ans des juristes assistants dans l'ensemble des juridictions, et ce aux fins de traiter tous types de contentieux dans une optique de résorption des stocks pénaux et civils. Pour autant, l'article R. 123-30 du code de l'organisation judiciaire créé par le décret n° 2017-1618 du 28 novembre 2017 dispose toujours que « les juristes assistants recrutés en application de l'article L. 123-4 contribuent par leur expertise, en matière civile et en matière pénale, à l'analyse juridique des dossiers techniques ou comportant des éléments de complexité qui leur sont soumis par les magistrats sous la direction desquels ils sont placés ». Ces emplois ont ensuite été pérennisés à compter de 2022, de sorte que plus de mille emplois de juristes assistants sont actuellement localisés au sein des tribunaux judiciaires et cours d'appel, outre les 300 créations de postes prévues pour l'année 2023. Au 1er janvier 2023, il y avait 935 juristes assistants dans les juridictions. Leur volume a donc augmenté de 189 en 2017 à 935 en 2023.

La nécessité de recentrer les fonctions de juristes assistants sur des missions généralistes est allée de pair avec la multiplication des recrutements d'assistants spécialisés, comme l'illustre le tableau suivant :

 

Évolution des effectifs réels d'AS au 1er janvier 2023142(*)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

99

109

100

106

109

126

141

Ces assistants spécialisés, oeuvrant auprès de certaines juridictions et pour des matières identifiées143(*), comportent des profils variés qui permettent d'apporter un regard pluridisciplinaire et sont sollicité par de nombreux magistrats, afin de les aider à mieux traiter certaines questions techniques ou spécifiques liées aux contentieux et procédures dont ils sont saisis. Depuis leur entrée en fonction en 1998, initialement pour favoriser le traitement de la grande délinquance financière, les assistants spécialisés ont toujours vocation à apporter leur expertise sur des contentieux techniques ou spécifiques, expertise valorisée par la possibilité de verser au dossier de la procédure les documents de synthèse ou d'analyse qu'ils remettent aux magistrats. Si l'exercice de ces fonctions était restreint en droit à quelques matières pénales, regroupées au sein du livre IV de la première partie du code de procédure pénale144(*), ces domaines d'exercice se sont considérablement accrus, aux termes des interventions législatives successives et de la liste exhaustive suivante (chacun de ces articles précisant expressément les missions pouvant être confiées aux assistants spécialisés par les magistrats, outre, dans certains cas, les dispositions conditionnant leur recrutement à la validation de compétences spécifiques) :

- Article 628-9 : procédure applicable aux crimes contre l'humanité et crimes de guerre ;

- Article 706 : procédure applicable en matière économique et financière ;

- Articles 706-2 et 706-2-3 : procédure applicable en matière sanitaire et environnementale, qui renvoient à l'article 706 ;

- Articles 706-25-2-1 et 706-25-15 : procédure applicable en matière de terrorisme (l'article 706-25-2-1 renvoi à l'article 706) ;

- Article 706-79 : procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes, qui renvoie à l'article 706 ;

- Article 706-106-2 : la procédure applicable aux crimes sériels ou non élucidés, qui renvoie à l'article 706 ;

- Article 706-181 : procédure applicable en cas d'accident collectif, qui renvoie à l'article 706.

Si l'essentiel a été documenté par les récents rapports des Etats généraux de la justice et sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires, il convient pour autant de souligner plusieurs grandes tendances issues de ces évolutions :

- Un phénomène d'inadéquation au réel des textes définissant les fonctions techniques de juriste-assistant, a contrario des missions généralistes effectivement confiées en juridiction ;

- Un sentiment de perte de sens pour certains membres composant l'équipe juridictionnelle, et une notion de confusion quant aux compétences respectives des juristes assistants, assistants spécialisés, et greffiers ;

- Un phénomène de turnover des juristes assistants, constaté par plusieurs chefs de cour et de juridiction, très important, souvent imprévisible, et empêchant parfois de remplacer immédiatement ces effectifs, faute de vivier suffisant145(*).

 

2020

2021

2022

Durée moyenne d'exercice des JA

2 ans 5 mois

2 ans 4 mois

2 ans 7 mois

   

Moyenne 3 ans

2 ans 6 mois

 

2020

2021

2022

Taux de rotation des JA

17,07%

24,81%

23,38%

   

Moyenne 3 ans

22,32%

- Un déficit d'attractivité des fonctions de juriste assistant, notamment pour certaines juridictions, outre un phénomène de tarissement des viviers universitaires comme source de recrutement, et la vision d'un emploi n'assurant pas de débouchés utiles ou concrets ;

- La nécessité d'un déploiement d'assistants spécialisés dans les contentieux techniques en matière civile ;

- La mise au jour de nouveaux besoins tenant aux missions élargies de l'institution judiciaire. La tenue des conseils de juridiction146(*) et l'élaboration des projets de juridiction, l'accueil de délégations extérieures et les différents travaux relatifs à la mesure de l'activité juridictionnelle impliquent la tenue de travaux préparatoires souvent importants, pour lesquels le temps est toujours compté. Par ailleurs, « l'implication de l'institution judiciaire dans l'élaboration de diverses politiques publiques  [induit pour les magistrats] d'assumer ces responsabilités au sein des structures qui participent à l'élaboration des politiques judiciaires, en particulier celles relevant de la prévention de la délinquance, de l'accès au droit, de l'aide aux victimes ou de la médiation » 147(*), tandis que plusieurs dispositions législatives ou réglementaires font obligation à certains d'entre eux de participer à l'animation de diverses politiques publiques148(*). À titre d'exemple :

- L' article 39-1 du code de procédure pénale confie au procureur de la République la responsabilité d'animer et de coordonner la politique de prévention de la délinquance dans sa composante judiciaire ;

- L' article 55 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique donne au président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département la présidence du conseil départemental de l'accès au droit, et au procureur de la République la vice-présidence ;

- Le conseil d'évaluation des services pénitentiaires présidé par le préfet du département dans lequel est situé l'établissement pénitentiaire, voit sa vice-présidence confiée au président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé l'établissement pénitentiaire ainsi qu'au procureur de la République près ce tribunal149(*) ;

- Le conseil départemental de prévention de la délinquance et de la radicalisation et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes, présidé par le préfet de département, compte parmi ses vice-présidents le procureur de la République150(*) ;

- L'instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire, présidée par le préfet ou son représentant et par le directeur académique des services de l'éducation nationale ou son représentant, tandis que le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le conseil départemental en est membre151(*) ;

- La commission départementale d'agrément des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel, présidée par le préfet de département ou son représentant, comprend parmi ses membres  le procureur de la République et le président du tribunal judiciaire du chef-lieu de département ou leurs représentants152(*) ;

- Le comité local d'aide aux victimes est présidé par le préfet de département et le procureur de la République près le tribunal judiciaire ou de première instance situé au chef-lieu du département ou de la collectivité153(*) ;

- Le comité opérationnel départemental anti-fraude est présidé conjointement par le préfet et le procureur de la République près le tribunal judiciaire du chef-lieu du département154(*).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Plusieurs éléments de droit comparé permettent d'identifier l'existence de fonctions similaires à celles composant l'équipe juridictionnelle française au sein de divers systèmes judiciaires (les modalités de recrutement et de carrière étant très dépendantes de l'organisation étatique).

On peut notamment citer : les Rechtspfleger, présents dans les 16 länder allemands, les Letrados de administracion de la justicia en Espagne, les conseillers référendaires de la Cour de justice de l'Union européenne, les Law clerks aux Etats-Unis.

Il est possible de distinguer deux grands types de profils constituant aujourd'hui les équipes autour des magistrats. D'une part, les Rechtspfleger/greffiers et personnels administratifs, qui sont des fonctionnaires intégrés au sein d'une organisation hiérarchique, le greffe ; d'autre part, en Allemagne, en Belgique, aux États-Unis et en Italie, à l'exception de l'Espagne, les magistrats sont aidés dans leur prise de décision par des assistants qui revêtent diverses appellations et bénéficient de statuts très variés, plus ou moins proches de celui des magistrats. Il s'agit de personnels temporaires ou de carrière.

Un ratio moyen du personnel non-juge par rapport aux magistrats professionnels dans les Etats-membres du Conseil de l'Europe peut par ailleurs être étudié. Il est ainsi de 3,4 en France pour les juges (avec un minimum d'un personnel non-juge par juge professionnel au Luxembourg et un maximum de dix en Irlande du Nord) et de 1,3 pour les procureurs (avec un minimum de 0,1 en Norvège et un maximum de 3,8 en Italie)155(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La nécessité de légiférer tient d'abord à un besoin de clarification des fonctions composant l'équipe juridictionnelle, dans une logique de lisibilité des missions de chacun des acteurs et de leurs périmètres d'intervention. « Si le besoin d'un travail en équipe est désormais reconnu par la majorité des acteurs, la mise en oeuvre de ce nouveau mode de fonctionnement percute les statuts des fonctionnaires de greffe et les organisations et suscite de fortes interrogations et inquiétude »156(*). La réforme prévoit ainsi de mieux distinguer l'assistance procédurale renforcée et l'accueil du justiciable, qui relèvent du coeur des missions des greffiers, de l'aide aux décisions, qui occupe l'équipe juridictionnelle. Distinguant clairement les fonctions composant l'équipe juridictionnelle, la réforme entend également remédier au déficit d'attractivité de certaines fonctions.

L'attaché de justice, qui peut être désormais fonctionnaire ou contractuel, se substitue ainsi aux actuels juristes assistants, et embrasse des missions généralistes et diversifiées, incluant tant l'aide à la décision que le soutien à l'activité administrative et à la mise en oeuvre des politiques publiques et partenariales. Il peut également établir diverses réquisitions en matière pénale, lesquelles sont prévues par la loi dans le code de procédure pénale.

Les assistants spécialisés sont confirmés dans leurs fonctions d'expertise technique et spécifique, et peuvent également exercer leurs fonctions en matière civile et commerciale, le rapport sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires ayant notamment souligné la complexité de certains contentieux civils157(*)que ces assistants spécialisés auront ainsi pleinement vocation à éclairer (par exemple en matière de propriété intellectuelle, liquidation des préjudices corporels ou des successions et des régimes matrimoniaux).

L'intervention législative s'impose, alors que sont déjà organisées à ce niveau de norme les fonctions de juriste assistant et d'assistant spécialisé (articles 628-9, 706, 706-2-3, 706-25-15 du code de procédure pénale pour les assistants spécialisés, article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire pour les juristes assistants). Au demeurant, l'intervention du législateur est justifiée par la mobilisation de fondements de recrutement dérogatoires au dispositions du statut général de la fonction publique : les modalités de recrutement dans la fonction publique sont régies par les dispositions de l' article L 320-1 du code général de la fonction publique. Les fonctionnaires sont recrutés par concours, sauf dérogation prévue dans le livre III du code. Les modalités de recrutement des agents contractuels occupant des emplois permanents de la fonction publique de l'Etat sont quant à elles strictement définies par les articles L 332-1 à L 332-7 du code général de la fonction publique. Les modalités de recrutements des juristes assistants sont dérogatoires notamment en ce qu'elles limitent la durée d'exercice des fonctions à 6 ans, sans possibilité de contrat à durée indéterminée (disposition dérogatoire à l'article L 332-4).

En outre, la réforme entend accompagner le développement et l'animation de politiques publiques et partenariales incombant à l'autorité judiciaire, qui nécessite un soutien actif pour une pleine effectivité de ces missions. Dans ce contexte, « le magistrat, qu'il soit du siège ou du parquet, a perdu au fil des années, sa place d'acteur social, le plus souvent faute de temps à consacrer à cette activité. Le soutien d'assistants pour développer des politiques partenariales ou simplement faciliter le dialogue avec les partenaires extérieurs à la juridiction serait très précieux. Il ne s'agit pas seulement de monter des réunions ou prendre des rendez-vous. Encore faut-il préparer ces réunions par le recueil d'une documentation détaillée et son analyse et par l'élaboration de propositions d'action »158(*). Pourront notamment être confiées aux attachés de justice des missions relatives à la mesure de l'activité juridictionnelle (recueil, élaboration de statistiques, d'outils de suivi et de tableaux de bord thématiques, assistance à la préparation des dialogues de gestion performance), d'assistance à la préparation de l'accueil de délégations extérieures (CSM, IGJ par exemple), de soutien à l'organisation des conseils de juridiction, de préparation des rapports d'activité et de dossiers thématiques, etc.

L'intervention législative s'impose enfin par nécessité de reconnaissance. La dénomination de « juristes assistants » est en effet jugée dévalorisante par l'Association des juristes assistants de magistrats (AJAM) et mal identifiée sur le marché de l'emploi, tandis que s'impose la nécessité d'une « inscription plus visible dans le code de l'organisation judiciaire de l'ensemble des assistants des magistrats, comme suggérée par la conférence des présidents, en marque de reconnaissance ».159(*)

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

2.2.1 S'agissant des attachés de justice

La création de la fonction d'attaché de justice dans le code de l'organisation judiciaire vise à répondre à trois objectifs principaux :

- Assurer une collaboration permanente, effective et générale entre les magistrats et des juristes, grâce au concours d'une équipe stable et au bénéfice de missions variées160(*) ;

- Limiter la rotation des effectifs en permettant d'inscrire la fonction dans une durée plus longue ;

- Offrir cette ressource sur tout le territoire, quel que soit le bassin étudiant et d'emploi (plus ou moins fourni et attractif) dans lequel s'insère la juridiction.

2.2.2 S'agissant des assistants spécialisés

La consécration dans le code de l'organisation judiciaire de la fonction d'assistant spécialisé poursuit trois objectifs principaux :

- Accroître la visibilité de la fonction d'assistant spécialisé en introduisant une disposition générale dans le code de l'organisation judiciaire, visant la claire identification des fonctions composant l'équipe juridictionnelle ;

- Permettre la nomination d'assistants spécialisés sur des contentieux civils et commerciaux dans les tribunaux judiciaires : un décret précisera en cas de besoin la liste des contentieux techniques et spécifiques concernés en matière civile et commerciale ;

- Maintenir la possibilité existante de nommer des assistants spécialisés dans certains contentieux de la matière pénale, par le renvoi opéré par cette nouvelle disposition du code de l'organisation judiciaire vers l'article 706 précité du code de procédure pénale.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Attachés de justice

S'agissant de la création de la fonction d'attachés de justice, en termes de support statutaire de recrutement, trois options ont été envisagées.

Une première option impliquait de choisir un statut contractuel intégral, tout en assouplissant les conditions de durée et en élargissant les conditions d'ouverture des contrats de juristes assistants afin d'améliorer l'attractivité et lutter contre l'important taux de renouvellement du personnel. Cette option a été écartée, interrogeant sur la répartition égalitaire des effectifs sur l'ensemble du territoire, impliquant de travailler aux détachements de fonctionnaires sur des emplois de contractuels, et questionnant la poursuite des missions des juristes assistants après leurs six années d'exercice.

Une deuxième option envisageait de créer un nouveau corps de fonctionnaires intervenant au sein des juridictions. Cette option a été également écartée, allant à l'encontre des préconisations du rapport final et des rapports thématiques des Etats généraux de la justice ainsi que de la position majoritaire des chefs de cour.

Une troisième option consistait à permettre la coexistence parallèle et cumulative des deux solutions précédentes en optant pour un cadre souple autorisant à la fois l'affectation d'agents déjà fonctionnaires et le recrutement d'agents contractuels, par la création d'une fonction et non d'un statut, permettant une plus grande souplesse de recrutement pour pourvoir l'emploi proposé.

Il s'agit de s'inspirer du dispositif existant pour le recrutement des assistants spécialisés, dont le code de procédure pénale prévoit indifféremment qu'ils puissent être fonctionnaires ou agents contractuels161(*).

Une mission d'inspection de l'Inspection générale des services judiciaires en avait dressé une première évaluation en décembre 2013162(*) et conclu qu'il s'agissait d'un « dispositif éprouvé » et « relativement efficient ».

Ainsi, les attachés de justice fonctionnaires continueraient à dérouler leur carrière dans leur corps d'origine ; les attachés de justice contractuels pourraient quant à eux se voir intégrés dans une échelle de rémunération progressive. Cette latitude permettrait de pouvoir plus aisément recruter aussi bien de jeunes juristes sur des fonctions d'attaché junior que des profils plus expérimentés sur des fonctions d'attaché senior pour des tâches plus complexes. Elle offre de pouvoir confier ces fonctions à des fonctionnaires sans avoir à créer un nouveau corps.

Assistants spécialisés

S'agissant de l'extension des fonctions des assistants spécialisés aux matières civiles et commerciales, une première solution était d'introduire une nouvelle disposition dans le code de l'organisation judiciaire généralisant le recrutement d'assistants spécialisés à tous les contentieux, indifféremment de leur caractère technique ou spécialisé. Cette proposition permettait d'élargir le recours aux assistants spécialisés dans tout contentieux sans limiter leur intervention à des domaines techniques spécifiques. Cette option a été écartée, la généralisation du recours aux assistants spécialisés à tous les contentieux pouvant générer une confusion avec le périmètre d'intervention des autres membres de l'équipe autour du magistrat. En effet, la particularité des assistants spécialisés réside dans le caractère technique et spécifique des contentieux dont ils peuvent être chargés. Or, prévoir la possibilité qu'ils soient nommés sur des contentieux généraux aurait été de nature à empiéter sur les missions pouvant être confiées aux juristes assistants et aux assistants de justice.

Une deuxième solution était l'introduction de dispositions spécifiques dans le code de l'organisation judiciaire pour les seuls assistants spécialisés aptes à apporter leur expertise sur des contentieux techniques et limitativement énumérés dans les matières civiles et commerciales. Cette solution reviendrait à consacrer l'existence d'assistants spécialisés dans ces matières, en parallèle des assistants spécialisés déjà prévus par le code de procédure pénale pour les matières pénales. Cette option a également été écartée, nécessitant que soient explicitement listés les contentieux civils et commerciaux dans lesquels les assistants spécialisés pourraient être recrutés.

Une troisième solution était l'introduction d'une nouvelle disposition dans le code de l'organisation judiciaire tendant à généraliser le recrutement d'assistants spécialisés à tous les contentieux, tout en insistant sur le fait qu'il doit s'agir d'experts dans des domaines extra-judiciaires, particulièrement compétents pour connaître de certains contentieux techniques limitativement énumérés. Bien qu'elle introduise une disposition générale dans le code de l'organisation judiciaire, cette solution ne permettait la nomination d'assistants spécialisés que sur certaines matières uniquement, limitativement prévues. Le nouvel article du code de l'organisation judiciaire, sans lister précisément les tâches visées et les fonctions sur lesquelles les assistants spécialisés pourraient être nommés, maintiendrait la spécificité de l'appel à ces agents dans des domaines extra-juridiques pour les contentieux techniques en matière civile, commerciale ou pénale. Par ailleurs, en insistant sur le fait que les assistants spécialisés sont effectivement des experts dans des domaines extra-judiciaires, la proposition garantissait le caractère interdisciplinaire de l'équipe autour du magistrat l'assistant dans le traitement de contentieux techniques. Les missions attribuées, d'une part, aux assistants spécialisés, et d'autre part, aux juristes assistants et assistants de justice, auraient été, par conséquent, plus clairement différenciables.

3.2. DISPOSITIF RETENU

La réforme envisage de :

- Consacrer un chapitre dédié à l'équipe juridictionnelle dans le code de l'organisation judiciaire ;

- Créer une fonction d'attaché de justice, qu'exerceront les actuels juristes assistants, autorisant à la fois l'affectation d'agents déjà fonctionnaires et le recrutement d'agents contractuels afin de favoriser l'attractivité de ces fonctions ;

- Confirmer le caractère essentiel des fonctions d'assistant spécialisé, au civil et commercial comme au pénal, au sein des tribunaux judiciaires ;

- Clarifier dans la loi le périmètre d'intervention et les différences de mission entre les assistants spécialisés et les attachés de justice.

Au titre de leurs attributions, les attachés de justice pourront également recevoir des délégations de signature afin d'exercer certaines missions précisées par des dispositions du code de procédure pénale. A ce titre, le projet de loi modifie le code de procédure pénale afin de prévoir pour ces attachés de justice des délégations de signature pour les réquisitions prévues par les 60-1, 60-2, 77-1-1, 77-1-2, 99-3 et 99-4 dudit code.

Le tableau ci-dessous résume le travail de clarification opéré par la réforme, lequel permet de consacrer un socle commun pour ces deux fonctions composant l'équipe juridictionnelle, tout en soulignant leurs spécificités :

SOCLE COMMUN

SPECIFICITES 

Une éthique forte et partagée :

Une prestation de serment et une astreinte au secret professionnel

AFFECTATION

Attachés de justice :

un spectre étendu d'intervention, auprès des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation, des cours d'appel et des tribunaux judiciaires.

AFFECTATION

Assistants spécialisés :

un soutien essentiel à la première instance, auprès des magistrats du siège ou du parquet des tribunaux judiciaires

Des moyens d'exercer leurs fonctions :

(assister aux audiences, accéder aux dossiers de procédures, délivrer certaines réquisitions...)

Une importance accordée à la formation

PERIMETRE

Attachés de justice :

Des fonctions généralistes diversifiées :

assistance, aide à la décision, soutien à l'activité administrative ainsi qu'à la mise en oeuvre et à l'animation des politiques publiques.

PERIMETRE

Assistants spécialisés :

Spécialisation et technicité :

participation aux procédures relevant de contentieux techniques ou spécifiques. Les documents de synthèse ou d'analyse qu'ils remettent aux magistrats peuvent être versés au dossier de la procédure. Ils éclairent le magistrat sur des points essentiellement non juridiques (bilan comptable, analyses médicales etc.)

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le chapitre III bis du titre II du livre I de la partie législative du code de l'organisation judiciaire est remplacé par les dispositions suivantes : « Chapitre III bis : De l'équipe autour des magistrats » : un chapitre entier est désormais dédié à l'équipe juridictionnelle.

La consécration dans le code de l'organisation judiciaire de la fonction d'assistant spécialisé, notamment pour permettre son intervention en matière civile et commerciale, nécessite la création d'un nouvel article L.123-5 dans ledit code.

La création de la fonction d'attaché de justice entraîne la modification de l'article L.123-4 du code de l'organisation judiciaire et la création d'un article 803-9 dans le code de procédure pénale, en suite de la possibilité pour l'attaché de justice de disposer d'une délégation de signature du magistrat pour certaines catégories de réquisitions visées.

Ces délégations de signature sont prises sur le modèle de l'article 706 du code de procédure pénale (qui est également modifié) pour les assistants spécialisés, dispositions initialement introduites par l'article 21 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires et RH

D'importants recrutements sur les fonctions d'attachés de justice à compter de 2024 seront nécessaires, à hauteur de 1700 agents jusqu'en 2027, outre le recrutement d'ores et déjà programmé de 300 juristes assistants en 2023.

La direction des services judiciaires évalue le besoin d'attachés de justice à environ 1 pour 3 magistrats, soit 3000 ou 4000 agents à terme en considérant que toutes les activités des magistrats pourraient donner lieu à une aide à la décision.

L'impact correspondant à la création des emplois de juristes assistants arrêtés sur le quinquennal (1900), est évalué à 66,5 M€.

Les évolutions d'effectifs arrêtées dans le quinquennal pour les juristes assistants étant transposées sans modification en évolution d'effectifs pour les contractuels de catégorie A, exerçant des fonctions d'attaché de justice, l'impact est neutre par rapport à la trajectoire budgétaire prévue.

A la suite du rapport du comité des Etats généraux de la justice, une réflexion sur l'articulation fonctionnelle entre le magistrat et les membres de son équipe sera menée par la direction des services judiciaires afin de définir une doctrine d'emploi durable pour chacun d'entre eux.

La création de la fonction d'attaché de justice permettra, outre de fidéliser les juristes assistants et contractuels A occupant ces postes, d'améliorer la visibilité et la compréhension de leurs fonctions au sein de l'équipe autour du magistrat. Les fonctionnaires et contractuels exerçant les fonctions d'attaché de justice auront une fine connaissance des institutions judiciaires et du travail juridictionnel de nature à favoriser leur recrutement en tant que magistrat. A cette fin, la réforme des voies d'accès à la magistrature opérée dans le cadre du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité de la magistrature valorisera l'expérience en tant qu'attaché de justice via une voie spécifique d'accès à la magistrature permettant à ces derniers de présenter un concours professionnel après 3 ans d'exercice.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La constitution d'une équipe autour du magistrat, stable et étoffée, a pour objet d'alléger les magistrats de certaines tâches ne relevant pas de leur coeur de métier et ainsi améliorer le service rendu au justiciable en réduisant les délais.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

De nombreuses consultations menées dans le cadre des Etats généraux de la justice, notamment avec les organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires représentatives au sein des services judiciaires, ainsi que dans le cadre de la mission sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires, ont permis d'enrichir la réflexion conduisant au projet de réforme.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

Le comité social d'administration spécial des services judiciaires (CSA SJ) a été facultativement informé le 16 mars 2023 (après reconvocation pour absence de quorum le 6 mars).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

L'application du présent article fait l'objet d'une disposition transitoire dédiée à la fin du projet de loi. Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 11 de la présente loi, les personnes nommées en application de l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction antérieure à cette loi, peuvent bénéficier, par décision expresse, lors du renouvellement ou à l'issue d'une durée de six ans d'activité en qualité de juriste assistant, d'un nouveau contrat conclu pour une durée indéterminée.

A compter de l'entrée en vigueur de l'article 11, les juristes assistants dont le contrat est en cours sont nommés, pour le reste de leur contrat, comme attachés de justice auprès des magistrats de la juridiction au sein de laquelle ils ont été nommés, dans les conditions prévues à l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction résultant de la présente loi.

Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application du présent article.

5.2.2. Application dans l'espace

Cette disposition s'applique sur l'ensemble du territoire national, notamment dans les collectivités d'outre-mer.

5.2.3. Textes d'application

S'agissant des attachés de justice, un décret en Conseil d'Etat est nécessaire afin de définir notamment dans la partie réglementaire du code l'organisation judiciaire les conditions dans lesquelles il peut être pourvu aux emplois d'attachés de justice par des agents titulaires relevant du code général de la fonction publique ou par des agents contractuels, fixer les modalités de formation de ces agents, déterminer les fichiers et traitements de données auxquels ils peuvent avoir accès. Ce décret pourra, le cas échéant, modifier le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat afin de prévoir des dispositions spécifiques permettant d'exercer des missions d'attachés de justice à l'instar des dispositions prévues s'agissant des juridictions administratives.

S'agissant des assistants spécialisés, un décret en Conseil d'Etat précisera notamment la durée pour laquelle les assistants spécialisés sont nommés, les modalités de leur formation et leur prestation de serment.

L'entrée en vigueur de l'article 11 est enfin conditionnée à la prise d'un ou plusieurs décrets en Conseil d'Etat.

Article 12 - Participation des parlementaires au conseil de juridiction

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Dans son rapport remis au garde des sceaux le 16 décembre 2013, Didier Marshall préconisait la création de conseils de justice afin de donner un cadre institutionnalisé aux collaborations et aux partenariats organisés par les juridictions. Dans un souci de renforcement de l'efficacité et de la légitimité de ces partenariats, il convenait de permettre aux juridictions de présenter leurs actions et leurs politiques juridictionnelles à leurs principaux partenaires. Dans un souci démocratique de transparence, les principaux partenaires des juridictions pouvaient aussi, dans ce cadre, faire part de leurs besoins et de leurs attentes.

Après avoir fait l'objet d'une expérimentation dans trois cours d'appel et dix-sept tribunaux de grande instance, le conseil de juridiction, lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité a été généralisé à l'ensemble des cours d'appel et des tribunaux judiciaires par le décret n°2016-514 du 26 avril 2016 relatif à l'organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des juges consulaires.

Codifiées aux articles R. 212-64 du code de l'organisation judiciaire s'agissant des tribunaux judiciaires, et R. 312-85 de ce même code s'agissant des cours d'appel, ces dispositions prévoient que le conseil de juridiction, coprésidé par les chefs de juridiction ou par les chefs de cour, est un lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité.

Cet organe n'exerce aucun contrôle sur l'activité juridictionnelle ou sur l'organisation de la juridiction ni n'évoque les affaires individuelles dont la juridiction est saisie.

Concernant les tribunaux judiciaires, l'alinéa 3 du I de l'article R. 212-64 du code de l'organisation judiciaire prévoit la composition du conseil de juridiction en fixant la liste des membres de droit et celle des membres dont la participation est conditionnée à l'ordre du jour :

« Le conseil de juridiction se compose de magistrats et fonctionnaires de la juridiction désignés par la commission restreinte ou l'assemblée plénière en fonction de la taille de la juridiction et, en fonction de son ordre du jour, notamment :

1° De représentants de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse ;

2° De représentants locaux de l'Etat ;

3° De représentants des collectivités territoriales ;

4° De personnes exerçant une mission de service public auprès des juridictions ;

5° Du bâtonnier de l'ordre des avocats du ressort et de représentants des autres professions du droit ;

6° De représentants d'associations ;

7° De représentants des conciliateurs de justice désignés par le magistrat coordonnateur de la protection et de la conciliation de justice pour le ressort de la juridiction. ».

L'alinéa 1er du II de ce même article fixe la composition du conseil de juridiction lorsque sa consultation est requise par des dispositions législatives ou réglementaires :

« Lorsque sa consultation est requise par des dispositions législatives ou réglementaires, le conseil de juridiction, coprésidé par le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République près ce tribunal, est composé :

1° Du directeur de greffe ;

2° D'au moins un magistrat du siège désigné par l'assemblée des magistrats du siège ou son suppléant ;

3° D'au moins un magistrat du parquet désigné par l'assemblée des magistrats du parquet ou son suppléant ;

4° D'au moins un fonctionnaire désigné par l'assemblée des fonctionnaires du greffe et, le cas échéant, du secrétariat de parquet autonome, ou son suppléant ;

5° Du maire de la commune siège du tribunal judiciaire ;

6° Du président du conseil départemental ou du président de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale exerçant les compétences du département ou, en Guyane, du président de l'Assemblée de Guyane ;

7° Du bâtonnier de l'ordre des avocats du ressort. »

La consultation des conseils de juridiction concernés est principalement requise dans le cadre d'un projet de spécialisation départementale de certains tribunaux judiciaires, conformément à l'article L. 211-9-3 du code de l'organisation judiciaire, ou encore d'un ajout de compétences au profit des chambres de proximité prévu par l' article L. 212-8 du code de l'organisation judiciaire.

Concernant les cours d'appel, un dispositif symétrique est prévu par l' article R. 312-85 du code de l'organisation judiciaire.

En l'état des dispositions en vigueur, les parlementaires ne participent pas aux conseils de juridiction.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Le conseil de juridiction français ne connaît aucun équivalent dans les systèmes judiciaires européens et internationaux contemporains. Les instances observées sont d'avantage orientées vers la matière pénale et tout particulièrement les politiques partenariales et la prévention de la délinquance.

Aux Etats-Unis, le dialogue et la concertation entre la justice et le monde extérieur est ainsi institutionnalisée autour des « Criminal justice coordinating committee » (CJCC), comités de coordination de la justice criminelle au niveau local (généralement du county), le premier CJCC du pays ayant été créé dans les années 1930 à Los Angeles, en Californie, pour faire face à la « vague de criminalité » juvénile. Les CJCC ont continué à se développer aux États-Unis à la fin des années 1960 et au début des années 1970, alors que les gouvernements des États et les collectivités locales collaboraient sur la bonne allocation des fonds fédéraux de la Law Enforcement Assistance Administration.

Ces CJCC constituent des forums réunissant différents acteurs de la justice, des représentants des institutions locales et des citoyens, avec pour objectif de dialoguer sur le suivi et l'amélioration de la justice pénale. La justice civile semble exclue de la sphère d'activité des CJCC.

Si la plupart des CJCC sont plutôt informels, certains d'entre eux peuvent aussi être établis sur la base d'une résolution commune de gouverneurs locaux, d'un arrêté municipal ou d'une norme juridique de l'Etat fédéré. A cet égard, il est relevé que plus un CJCC est formel et établi, plus le niveau d'engagement est élevé. Les CJCC plus structurés qui incluent des processus d'adoption formels ont tendance à être plus efficaces que ceux qui se réunissent de manière plus informelle. Certains CJCC ne sont constitués que de professionnels du monde juridique (ex : le Los Angeles Countywide Criminal Justice Coordination Committee), d'autres peuvent inclure au sein de leurs réunions des représentants du gouvernement local (mairie) ou d'institutions locales (département de la santé, services sociaux, écoles), ainsi que des citoyens.

Les CJCC sont indépendants des institutions locales, et sont présidés par un président et un vice-président. Les CJCC diffèrent des autres organes décisionnels de la justice pénale en ce qu'ils sont conçus pour être des conseils consultatifs permanents et continus qui non seulement résolvent des problèmes spécifiques au fur et à mesure qu'ils se présentent, mais encore surveillent et améliorent de manière plus globale le fonctionnement du système et gèrent sa charge de travail collective.

Outre les Guidelines pour développer les CJCC, publiées en 2002 par le ministère de la justice fédéral sous le nom de « Guidelines for developing a criminal justice coordinating committee »163(*), le National institute of County (NACo) et ses partenaires du Justice Management Institute et du Pretrial Justice Institute ont élaboré un guide publié en 2016 visant à accompagner les élus locaux des county dans le système de justice pénale et à renforcer leur rôle décisionnel en matière de sécurité publique164(*).

Par ailleurs, une comparaison des règles applicables en Allemagne, en Belgique, en Espagne, au Luxembourg et au Royaume-Uni permet de constater qu'en matière pénale, dans le cadre de la conduite de politiques partenariales, le ministère public entretient avec les élus des relations qui peuvent être informelles ou institutionnalisées selon les cas, les relations entre la police et les élus semblant cependant davantage développées qu'avec les procureurs.

Les relations relevées en Belgique, en Espagne, au Luxembourg, et dans certaines localités en Allemagne, s'inscrivent, lorsqu'elles sont formalisées, dans le cadre de comités permettant la concertation ou l'échange d'informations. La présence du procureur n'est pas systématique : il est intégré aux commissions locales de sécurité seulement dans quelques villes qui le décident en Espagne, sa présence est facultative dans les commissions de sécurité intégrale locales en Belgique ainsi que dans les comités de préventions communaux au Luxembourg. Il est néanmoins prévu qu'il soit membre des conseils zonaux de sécurité en Belgique et des comités de concertation régionaux au Luxembourg.

Certains de ces comités sont axés sur la prévention (conseil de prévention Präventionsrat de Francfort-sur-le-Main ou comité d'arrondissement à Berlin en Allemagne, commissions locales de sécurité en Espagne, comités de préventions communaux au Luxembourg), parfois sur des thématiques particulières (terrorisme et radicalisation en Belgique au sein des commissions de sécurité intégrale locales), alors que d'autres sont orientés sur la planification de l'action de lutte contre la délinquance (conseils zonaux de sécurité en Belgique, comités de concertation régionaux au Luxembourg).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Alors que les articles R. 212-64 et R. 312-85 du code de l'organisation judiciaire dans leur rédaction issue du décret n°2016-514 précité prévoyaient la présence de parlementaires aux conseil de juridiction, le Conseil d'Etat a été saisi du projet de décret modifiant le code de l'organisation judiciaire et pris en application des articles 95 et 103 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, prévoyant la création d'une composition spécifique du conseil de juridiction lorsque sa consultation était requise par des dispositions législatives ou réglementaires, à laquelle était prévue la présence de parlementaires. Par un avis (n°398023) du 30 juillet 2019, la section de l'intérieur du Conseil d'Etat indique que :

« le Conseil d'État (section de l'intérieur) écarte les dispositions du projet de décret qui prévoient la présence, au sein des conseils de juridiction des tribunaux de grande instance et des cours d'appels, des députés et sénateurs dont la circonscription s'étend sur tout ou partie du ressort de ces juridictions lorsque la consultation de cette instance est requise par des dispositions législatives ou réglementaires. Le pouvoir réglementaire ne peut en effet compétemment prévoir de quelque manière que ce soit une participation de parlementaires au conseil de juridiction, l'article L.O. 145 du code électoral, issu de l'article 13 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, disposant qu'un « député [ou un sénateur] ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation ». Le Conseil d'État estime, pour les mêmes motifs, que les dispositions des articles R. 212-64 et R. 312-85 du code de l'organisation judiciaire, issues d'un décret n° 2016-514 du 26 avril 2016, doivent être abrogées en tant qu'elles prévoient que le conseil de juridiction, « lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité », comprend en son sein des parlementaires élus dans le ressort de la juridiction. Il appartient au législateur de prévoir, s'il le souhaite, la participation de parlementaires aux conseils de juridiction et les modalités de leur désignation. »

La mesure envisagée permet de remédier à cette carence en prévoyant la participation de parlementaires aux conseils de juridiction tant lorsque l'ordre du jour l'exige que lorsque sa consultation est requise par des dispositions législatives ou réglementaires.

Au regard de ces éléments, le plein intérêt de la participation des parlementaires au conseil de juridiction a été affirmé par l'audition de Adeline Hazan, magistrate honoraire, ancienne contrôleure générale des lieux de privation des libertés, auteure d'un rapport sur les relations entre le Parquet et les élus locaux, devant la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat le 17 février 2022 : « Ces conseils de juridiction ont vocation à être un « un lieu d'échange et de communication entre la juridiction et la cité », ce qui les situe au coeur de notre problématique. Ils comprennent des représentants de l'État, avec la protection judiciaire de la jeunesse, et des élus. Leur objectif n'est toujours pas atteint à ce jour, notamment car la présence d'élus nationaux n'est pas obligatoire, ce qui constitue un frein à leur efficacité. La présence d'élus locaux est évidemment essentielle, mais celle des élus nationaux, députés ou sénateurs, peut-être encore plus sénateurs, l'est tout autant, puisque ce sont eux qui font l'interface entre le territoire et le niveau gouvernemental. Je propose que la création de ces conseils de juridiction reprenne un rythme soutenu, et surtout qu'il y ait une modification législative qui rendra obligatoire la présence des élus nationaux dans ces instances, le Conseil d'État ayant estimé qu'on ne pouvait prévoir une telle obligation par décret. »165(*)

Cette nécessité de légiférer est également préconisée par le rapport d'information du Sénat n°592 (2021-2022) de Philippe Bonnecarrère166(*), fait au nom de la mission d'information sur la « judiciarisation de la vie publique », déposé le 29 mars 2022, lequel relevait qu' « institué par l'article R. 212-64 du code de l'organisation judiciaire, le conseil de juridiction, instance locale coprésidée par le président et le procureur de la République de chaque tribunal judiciaire et dont l'objet même est d'être « un lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité » pourrait être l'instance idoine au dialogue institutionnel de proximité entre les parlementaires et tous les acteurs de la justice.[...] Sa composition prévoyait auparavant «notamment» la présence de « parlementaires élus du ressort ». Un décret venu tirer les conséquences de l'article LO 145 du code électoral entré en vigueur le 1er juillet 2018, selon lequel un parlementaire ne peut plus être désigné dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation, a supprimé cette mention. Il en résulte une certaine confusion dans les juridictions dont certaines ne savent plus si elles peuvent ou non y convier des parlementaires... Le rapporteur estime que la présence des parlementaires du ressort se justifie pleinement au sein de ces instances. Rien ne s'oppose à ce qu'ils soient conviés mais il pourrait être opportun de clarifier la situation dans la loi » (pp. 130-131).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le conseil de juridiction est conçu comme une instance ayant vocation à permettre à l'autorité judiciaire de mieux prendre en compte les besoins locaux et aux partenaires extérieurs, de mieux comprendre le fonctionnement de la juridiction, l'objectif étant de générer une réflexion commune dans les différents domaines concernés167(*).

Dans ce cadre, la présence des élus nationaux au sein de ces instances, tout comme celle des élus locaux, est essentielle en raison de l'étendue de leur circonscription et de leur rôle d'interface entre le territoire et le niveau gouvernemental.

La participation des parlementaires aux conseils de juridiction était d'ailleurs initialement prévue par le décret n°2016-514 précité.

Ces dispositions ont cependant été abrogées par l'article 14 du décret n°2019-912 du 30 août 2019 modifiant le code de l'organisation judiciaire et pris en application des articles 95 et 103 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, à la suite d'un avis n°398023 rendu par le Conseil d'Etat le 30 juillet 2019, ces dispositions relevant d'un niveau de norme législatif et non réglementaire.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. SUR LE NOMBRE DE PARLEMENTAIRES PARTICIPANT AU CONSEIL DE JURIDICTION

3.1.1. Option envisagée

La participation de l'ensemble des députés et sénateurs élus au sein des circonscriptions du ressort de la juridiction a été écartée en raison du grand nombre de conseils de juridiction et de parlementaires concernés.

3.1.2. Option retenue

Conformément à l'avis précité du Conseil d'Etat, qui « estime que la participation de l'ensemble des députés et sénateurs du ressort n'apparaît pas nécessairement appropriée au regard du nombre, le cas échéant, important de parlementaires concernés », il a été retenu que le conseil de juridiction comprend parmi ses membres un député et un sénateur élus au sein d'une ou plusieurs circonscriptions du ressort de la juridiction.

3.2. SUR LES MODALITÉS DE DÉSIGNATION DES PARLEMENTAIRES MEMBRES DES CONSEILS DE JURIDICTION

3.2.1. Option envisagée

Aux termes de son avis précité, le Conseil d'Etat indique qu'« il appartient au législateur de prévoir, s'il le souhaite, la participation de parlementaires aux conseils de juridiction et les modalités de leur désignation ».

L'option consistant à préciser expressément les modalités de désignation de ces parlementaires a été écartée dès lors que ces modalités sont prévues par l'article 4 de la loi n°2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.

3.2.2. Option retenue

L'article 4 de la loi n°2018-699 du 3 août 2018 précitée prévoit que :

« Les nominations, en cette qualité, de députés et de sénateurs dans un organisme extérieur au Parlement sont effectuées, respectivement, par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat, sauf lorsque la loi prévoit qu'elles sont effectuées par l'une des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ou par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. »

En conséquence, les modalités de désignation applicables aux parlementaires participant aux conseils de juridiction étant d'ores et déjà prévues par un texte législatif, ces modalités n'ont pas été reprises au sein du présent projet de texte afin d'éviter toute éventuelle erreur de coordination en cas de modification ultérieure.

3.3. SUR L'EMPLACEMENT DE LA DISPOSITION NOUVELLE

3.3.1. Options envisagées

Le conseil de juridiction relevant de dispositions réglementaires codifiées aux articles R.212-64 et R.312-85 du code de l'organisation judiciaire, et la participation de parlementaires à des organismes extraparlementaires relevant d'une norme législative, le risque d'élever le conseil de juridiction au niveau législatif a été identifié.

Dans l'objectif de contourner ce risque d'élévation de norme, il a été envisagé d'inscrire la disposition prévoyant la participation des parlementaires au conseil de juridiction des tribunaux judiciaires et des cours d'appel directement dans la loi, ce qui aurait permis d'éviter de créer au sein de la partie législative du code de l'organisation judiciaire une section consacrée au conseil de juridiction.

Cependant, les travaux d'analyse menés ont permis de conclure que la participation de parlementaires au conseil de juridiction entrainait nécessairement l'élévation de cet organe au niveau législatif, dès lors que la participation des parlementaires se fait précisément en raison de la nature de l'organisme considéré.

Tel est le raisonnement suivi par le législateur dans la loi n°2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, qui a élevé au rang législatif les organismes relevant du niveau réglementaire et dans lesquels des parlementaires ont été nommés.

La solution consistant à modifier la loi n°2018-699 du 3 août 2018 précitée a également été écartée en ce que les textes applicables aux conseils de juridiction sont prévus par le code de l'organisation judiciaire.

3.3.2. Option retenue

L'option retenue institue le conseil de juridiction au niveau législatif, dès lors que la participation de parlementaires est prévue par ce même niveau de norme, et ainsi que législateur a procédé lorsqu'il a prévu la présence de parlementaires au sein d'organismes qui, auparavant, n'étaient institués que par des dispositions réglementaires (loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, art. 6 à 38).

Reprenant en partie certains éléments déjà précisé par la partie réglementaire du code de l'organisation judiciaire, il a donc été retenu de créer :

- Pour le tribunal judiciaire, une nouvelle section 6 intitulée « Le conseil de juridiction », située au chapitre II du titre Ier du livre II du code de l'organisation judiciaire, cette nouvelle section 6 étant composée d'un seul article numéroté L.212-9.

- Pour la cour d'appel, une nouvelle section 6 intitulée « Le conseil de juridiction », située au chapitre II du titre Ier du livre III du code de l'organisation judiciaire, cette nouvelle section 6 étant composée d'un seul article numéroté L.312-9.

Le contenu de ces deux dispositions législatives reprend ainsi certains éléments déjà avancés par les dispositions règlementaires, l'instance « conseil de juridiction » étant désormais rehaussée au niveau législatif. Les dispositions précisent donc que le conseil de juridiction est un lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité, dont les missions, la composition, l'organisation et le fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La disposition envisagée modifie le code de l'organisation judiciaire en créant deux nouvelles sections au sein respectivement des chapitres II des titres Ier des livres II et III de sa partie législative, chacune de ces sections nouvelles étant composée d'un article unique numéroté L.212-9 concernant les dispositions relatives au tribunal judiciaire et L.312-9 concernant la cour d'appel.

Un décret en Conseil d'Etat d'application modifiera les articles R. 212-64 et R. 312-85 du code de l'organisation judiciaire, par coordination avec les dispositions législatives nouvelles. 

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACT SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

L'impact sur les services judiciaires de la modification envisagée est de faible portée dans la mesure où elle vient préciser les contours d'un régime déjà souhaité, en s'insérant dans la pratique des juridictions. De façon non exhaustive mais chronologique, il convient de souligner que des parlementaires ont déjà pu être conviés au conseil de juridiction, avec notamment :

- La présence de sénateurs et députés lors du premier conseil de juridiction du tribunal judiciaire de Bonneville le 27 avril 2015 ;

- La présence d'un député du Bas-Rhin lors du conseil de juridiction du tribunal judiciaire de Saverne le 27 janvier 2017 ;

- La présence de plusieurs députés et sénateurs lors du conseil de juridiction du 15 décembre 2017 du tribunal judiciaire de Nîmes ;

- La présence de députés de l'Oise lors du conseil de juridiction du tribunal judiciaire de Compiègne, le 23 mars 2018 ;

- La présence d'un sénateur et d'un député du Loiret lors des conseils de juridiction des tribunaux judiciaires d'Orléans et Montargis et du conseil juridiction de la cour d'appel d'Orléans, les 13, 20 et 27 septembre 2019 ;

- La présence d'un député et sénateur au conseil de juridiction de la cour d'appel de Caen, le 8 novembre 2019 ;

- La présence d'un député lors du conseil de juridiction du tribunal judiciaire de Cambrai, le 12 décembre 2019 ;

- La présence de députés et d'un sénateur lors du conseil de juridiction du tribunal judiciaire de Soissons le 8 juillet 2022.

4.5. IMPACT SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

La présente réforme s'inscrit dans un mouvement d'ouverture et de dialogue institutionnel de proximité des juridictions. Cette participation d'un sénateur et d'un député au conseil de juridiction doit lui permettre de bénéficier, sur des questions précises, de l'expérience et de l'ancrage territorial des élus de la Nation, et d'améliorer son utilité, conformément à l'ambition initiale de créer un lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité.

Par ailleurs, l'exposé des motifs de la proposition de loi nº 840 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination168(*), devenue loi n° 2018-699 du 3 août 2018, indiquait que c'est « à plus de 660 nominations qu'il faut procéder à chaque mandature au Sénat et à près de 700 à l'Assemblée nationale ».

Un conseil de juridiction existant au sein de chaque tribunal judiciaire et de chaque cour d'appel, la participation d'un député et d'un sénateur au sein de chaque conseil de juridiction entrainera environ 200 nominations à l'Assemblée nationale et autant au Sénat pour chaque mandature.

Etait indiqué, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi nº 840 précitée que « la mise en conformité avec l'article 13 de la loi organique pour la confiance dans la vie politique doit permettre de garantir la présence des parlementaires dans les organismes extraparlementaires lorsque celle-ci se justifie », cette justification étant caractérisée, selon le rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat du 7 juin 2018169(*), « lorsqu'elle est de nature à renforcer le contrôle de l'action du Gouvernement, à améliorer l'évaluation des politiques publiques et à permettre aux organismes concernés de mieux appréhender les aspirations [des] concitoyens en bénéficiant de l'expérience et de l'ancrage territorial des élus de la Nation ». Tel est le cas du conseil de juridiction des tribunaux judiciaires et des cours d'appel.

Au titre de l'impact sur le processus de nomination, il convient par ailleurs de rappeler l'article 2 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018, lequel dispose que « lorsque la loi prévoit que les parlementaires sont désignés au sein d'un organisme extérieur au Parlement parmi les députés ou les sénateurs élus au sein d'une ou plusieurs circonscriptions déterminées, l'Assemblée nationale et le Sénat veillent, dans la mesure du possible, à ce que, parmi les parlementaires siégeant dans cet organisme, l'écart entre le nombre de femmes et le nombre d'hommes ne soit pas supérieur à un ».

Ainsi, l'impact de ces dispositions nouvelles sur le processus de désignation et le nombre de nominations supplémentaires à l'Assemblée nationale et au Sénat se justifie au regard de l'objectif poursuivi : participant au conseil de juridiction en fonction de son ordre du jour, les parlementaires pourront également apporter un éclairage utile lors des consultations obligatoires de cette instance, notamment pour d'éventuels projets de spécialisation départementale de certains tribunaux judiciaires ou d'ajout de compétences au profit des chambres de proximité.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

Le comité social d'administration spécial des services judiciaires (CSA SJ) a été facultativement informé le 16 mars 2023 (après reconvocation pour absence de quorum le 6 mars).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'applique à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La présente disposition est applicable à l'ensemble du territoire national, à l'exception de Wallis et Futuna.

Des mentions expresses d'application seront prévues dans l'article 27 de la présente loi, afin de rendre le texte applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

5.2.3. Texte d'application

Un décret en Conseil d'Etat modifiera les articles R. 212-64 et R. 312-85 du code de l'organisation judiciaire par coordination avec les dispositions législatives nouvelles.

CHAPITRE II - JURIDICTIONS DISCIPLINAIRES DES OFFICIERS MINISTÉRIELS ET DES AVOCATS

Article 13 - Juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La réforme de la déontologie et de la discipline des officiers ministériels et des avocats fait suite au rapport de l'inspection générale de la justice (IGJ) remis au garde des sceaux le 15 décembre 2020. Le rapport constatait la diversité et la complexité des régimes disciplinaires ainsi qu'un traitement insatisfaisant des réclamations des usagers et un contrôle disciplinaire parfois défaillant. Il s'agissait donc de simplifier le cadre juridique de la discipline des officiers ministériels et des avocats, de le rendre plus lisible et plus efficace.

S'agissant des avocats

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a réformé la procédure disciplinaire des avocats. Le décret n° 2022-965 du 30 juin 2022 modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat aménage les conditions d'application de cette réforme.

Le rapport statistique sur la profession d'avocat au 1er janvier 2021 de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice fait état qu'au cours de l'année 2020, 126 enquêtes déontologiques ont été initiées, soit par le bâtonnier dans la grande majorité des cas (89%) soit à la demande du procureur général (11%). 60% des enquêtes clôturées en 2020 ont donné lieu à un classement et 36% ont abouti à l'ouverture d'une procédure disciplinaire. Parmi les décisions prononcées, 17% ont abouti à une relaxe. Ce rapport fait état de 110 décisions rendues en matière disciplinaire pour l'année 2020-2021. A titre de comparaison, le rapport de l'inspection générale de la justice sur la discipline des professions du droit et du chiffre mentionne, à l'encontre des avocats 177 décisions disciplinaires en 2018 et 124 en 2019.

La réforme introduit notamment les nouveautés suivantes:

.

- le conseil de discipline devient une juridiction ;

- la présidence de la formation de jugement est assurée par un magistrat du siège de la cour d'appel lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une requête présentée par un tiers (non avocat) ou lorsque l'avocat mis en cause en fait la demande quelle que soit l'origine de la saisine. Ce magistrat en activité ou honoraire est désigné par le premier président de la cour d'appel.

Directement ou après enquête déontologique, la juridiction est saisie soit par :

- requête du bâtonnier dont relève l'avocat mis en cause ;

- requête du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est instituée la juridiction disciplinaire ;

- requête de l'auteur de la réclamation, qui doit contenir, sous peine d'irrecevabilité, la réclamation qu'il a préalablement adressée au bâtonnier.

La saisine directe de la juridiction disciplinaire par l'auteur de la réclamation est une nouveauté introduite par la loi du 22 décembre 2021 :

Il est à noter que les principaux axes de la réforme de la discipline des avocats sont les suivants :

· L'instauration d'une véritable procédure de traitement des réclamations qui renforce la place du plaignant auquel est désormais reconnu le droit de saisir directement l'instance disciplinaire ;

· Le bâtonnier peut désormais organiser une conciliation pour toute réclamation dont la nature le permet, cette faculté n'étant jusqu'à présent prévue que pour les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau ;

· Le président du conseil de discipline a un pouvoir de filtrage des saisines lorsque la juridiction disciplinaire est saisie par l'auteur de la réclamation ;

· Le conseil de discipline est présidé par un magistrat du siège de la cour d'appel lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers (non avocat) ou lorsque l'avocat mis en cause en fait la demande ;

· Un échevinage est également introduit au stade de l'appel. La juridiction d'appel est désormais composée de cinq membres : trois magistrats du siège de la cour, dont l'un est le président, et deux membres des conseils de l'ordre du ressort de la cour d'appel ;

· La durée de la suspension provisoire est limitée à six mois, renouvelable une fois, ou est prolongée au-delà de cette limite des douze mois lorsque l'action publique a été engagée contre l'avocat à raison des faits qui fondent la suspension.

Le régime des sanctions est, quant à lui, posé par les articles 183 et 184 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. La réforme crée de nouvelles sanctions disciplinaires comme l'interdiction temporaire de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un nouveau contrat de stage pour une durée déterminée peut être désormais prononcée à titre de sanction complémentaire. La juridiction disciplinaire peut également prescrire une formation complémentaire en déontologie et prononcer l'ajournement de la peine.

Le procureur général assure et surveille l'exécution des sanctions disciplinaires conformément au dernier alinéa de l'article 197 du décret du 27 novembre 1991 précité.

S'agissant des officiers ministériels

L' ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 et le décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 relatifs à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels ont réformé en profondeur le régime juridique de la déontologie et de la discipline des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce et des notaires, afin de renforcer la confiance dans l'action de ces professionnels.

Ces textes prévoient la création de juridictions disciplinaires. Ils simplifient et clarifient la procédure applicable devant elles. Désormais, sous réserve de quelques spécificités liées à l'organisation et au statut de certaines professions, le régime disciplinaire est unifié. L'échevinage instauré tend à renforcer la confiance dans le régime disciplinaire des professions du droit et permet de répondre aux critiques de l'entre-soi.

La composition des juridictions disciplinaires est, quant à elle, fixée par les articles 12 de l'ordonnance du 13 avril 2022 et 29 du décret du 17 juin 2022. Les juridictions disciplinaires sont composées de magistrats du siège de l'ordre judiciaire en activité ou honoraires et de membres professionnels.

A titre illustratif, le rapport de l'inspection général de la justice sur la discipline des professions du droit et du chiffre mentionne pour les années 2018 et 2019 les chiffres suivants :

L'article 28 du décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels précise que : « les juridictions disciplinaires adressent, au plus tard le 1er décembre et le 1er juin de chaque année, un état de leur activité au cours du semestre écoulé aux procureurs généraux et aux premiers présidents des cours d'appel [...] ». Ces éléments permettront d'obtenir les données utiles s'agissant du nombre de décisions rendues par les juridictions disciplinaires.

Aussi, l'échelle des peines, posée à l'article 7 de l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, a été modernisée. La nouvelle liste de peines permet une meilleure adaptation aux faits jugés. La possibilité de prononcer un sursis est notamment introduite, ce qui permet d'adapter de manière encore plus fine la sanction prononcée aux faits reprochés.

La rédaction actuelle de l'article 12 de l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels prévoit que les magistrats du siège, comme les autres membres de ces juridictions, sont nommés par arrêté du garde des sceaux.

S'agissant des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles

L'article 77 alinéa 1er de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que « Tout magistrat admis à la retraite est autorisé, sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article 46, à se prévaloir de l'honorariat de ses fonctions. Toutefois, l'honorariat peut être refusé au moment du départ du magistrat par une décision motivée de l'autorité qui prononce la mise à la retraite, après avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard du magistrat selon que celui-ci exerce les fonctions du siège ou du parquet. »

Les magistrats partant à la retraite bénéficient donc automatiquement de l'honorariat, sans qu'il ne soit nécessaire de le leur accorder, dès lors qu'aucune procédure disciplinaire n'est en cours et qu'aucune procédure n'a été engagée afin que cet honorariat leur soit refusé ou retiré.

Le statut des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ), introduit par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, est prévu à l'article 41-25 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 qui dispose que « Des magistrats honoraires peuvent être nommés pour exercer les fonctions de juge des contentieux de la protection, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires et des cours d'appel, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, de substitut près les tribunaux judiciaires ou de substitut général près les cours d'appel. Ils peuvent également être nommés pour exercer une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité. Ils peuvent également être désignés par le premier président de la cour d'appel pour présider la formation collégiale statuant en matière de contentieux social des tribunaux judiciaires et des cours d'appel spécialement désignées pour connaître de ce contentieux. Ils peuvent enfin exercer les fonctions d'assesseur dans les cours d'assises et les cours criminelles départementales. »

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le titre VIII de la Constitution du 4 octobre 1958 concerne l' « autorité judiciaire ». Le statut des magistrats de l'ordre judiciaire est quant à lui fixé par l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Dans sa décision n° 2021-830 DC du 17 décembre 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré la procédure d'adoption de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire conforme à la Constitution.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'article 38 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, l'article 12 de l'ordonnance n° 2022-544 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels du 13 avril 2022 et l'article 22-3 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoient la présence de magistrats en activité ou honoraires dans la composition des nouvelles juridictions disciplinaires. Pour les juridictions disciplinaires des officiers ministériels, ces magistrats sont nommés par arrêté du garde des sceaux.

Si la participation des magistrats honoraires ne pose pas de difficulté au plan statutaire, ces derniers ne pouvaient pas prétendre à une rémunération de leurs vacations. En effet cette rémunération est prévue pour les seuls magistrats honoraires nommés pour exercer les fonctions juridictionnelles limitativement prévues par les dispositions de l'article 41-25 de l'ordonnance statutaire au nombre desquelles ne figuraient pas les fonctions de membre d'une juridiction disciplinaire. En conséquence, les missions confiées aux magistrats honoraires amenés à composer ces instances rattachées à des ordres professionnels ne pouvaient pas être indemnisées sur le programme 166, à savoir « justice judiciaire ».

Aussi, afin de résoudre les difficultés liées aux viviers et à la charge découlant de l'exercice de ces fonctions, tant pour les magistrats honoraires que pour les magistrats en activité, il est prévu de modifier les dispositions statutaires de l'ordonnance de 1958 pour introduire, parmi les fonctions juridictionnelles déjà prévues pour les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, celle de siéger au sein de ces juridictions disciplinaires, missions qui pourront être indemnisées au titre de ces nouvelles attributions.

Afin de permettre une telle intervention des MHFJ, en cette qualité, au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels instituées par l'ordonnance du 13 avril 2022 et des avocats résultant de la loi du 31 décembre 1971, des modifications de ces deux textes sont nécessaires.

Il convient donc de supprimer la référence à la nomination par arrêté du garde des sceaux des magistrats de l'ordre judiciaire devant siéger au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels afin de mettre ces dispositions en conformité avec l'article 41-25 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Il y a lieu par ailleurs de supprimer toute référence au magistrat honoraire au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats ; la mention du magistrat honoraire renvoie à l'article 77 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1959 portant loi organique relative au statut de la magistrature aux termes duquel tout magistrat admis à la retraite est autorisé à se prévaloir de l'honorariat de ses fonctions. En ce sens, le magistrat honoraire ne peut exercer d'activité juridictionnelle.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Ces modifications sont indispensables afin de se conformer aux règles statutaires et permettre la rémunération des magistrats honoraires siégeant au sein des juridictions disciplinaires. Le projet de modification de l'article 41-25 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature permettra aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ) de siéger auprès des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats. Aussi, la mention relative à la limite d'âge des magistrats honoraires a été supprimée. Les textes statutaires fixent déjà cette limite d'âge à 72 ans, limite qui est par ailleurs amenée à évoluer à 75 ans.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Cet article est en lien avec le projet de loi organique portant statut de la magistrature qui prévoit d'ajouter aux missions pouvant être exercées par les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ) celle de président de ces juridictions disciplinaires ; aucune autre option que celle retenue n'a donc été envisagée.

3.2. OPTION RETENUE

L'article complète les modalités de désignation des magistrats présidant les juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats afin de les mettre en conformité avec le statut de la magistrature qui ne prévoit pas la possibilité de nommer un magistrat par arrêté du ministre de la justice.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les dispositions de l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels et de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques n° 2022-544 du 13 avril 2022, s'agissant des aspects relatifs à la participation de magistrats honoraires pour composer les juridictions disciplinaires, seront compatibles avec celles de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, et permettront ainsi la désignation de MHFJ au sein des juridictions disciplinaires créées depuis le 1er juillet 2022.

Les modifications de l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 concernent les articles 11 et 12 :

- à l'article 11 : il y a lieu de supprimer toutes les références aux magistrats honoraires. Comme évoqué ci-dessus, cette mention n'est pas conforme à l'article 77 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, en ce que les magistrats honoraires ne peuvent pas exercer de fonctions juridictionnelles.

- à l'article 12 : pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus, il y a également lieu de supprimer toutes les références aux magistrats honoraires.

- l'article 12 est remplacé par les dispositions suivantes afin de supprimer toute référence à la nomination des magistrats du siège par arrêté du garde des sceaux: « Les membres professionnels des juridictions disciplinaires ainsi que leurs suppléants sont nommés par arrêté du ministre de la justice, pour une durée de trois ans, renouvelable une fois, sur proposition de l'instance nationale de chaque profession pour les cours nationales de discipline et par les instances régionales de ces mêmes professions pour les chambres de discipline. Les membres du Conseil d'Etat sont désignés par le vice-président du Conseil d'Etat. Les magistrats du siège de l'ordre judiciaire sont désignés, selon le cas, par le premier président de la cour d'appel compétente ou par le premier président de la Cour de cassation ».

Les modifications de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques concernent les articles 22-3 et 23 :

- à l'article 22-3 : il y a lieu de supprimer toutes les références aux magistrats honoraires pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus et la mention relative à la limite d'âge des magistrats honoraires ;

- à l'article 23 : il y a également lieu de supprimer toutes les références aux magistrats honoraires et la mention relative à la limite d'âge des magistrats honoraires.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Il convient de se référer à l'étude d'impact du projet de loi organique portant statut de la magistrature qui va ajouter aux missions des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ) celle de président des juridictions disciplinaires.

Les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont une catégorie d'agents non titulaires et sont indemnisés sous forme de vacation. Le plafond de vacations pouvant être effectuées par ces magistrats non professionnels s'élève à 300 par an en application de l'article 29-4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Dès lors, quelles que soient les missions effectuées, ce plafond est contraignant et nécessite notamment dans les ordonnances de roulement, de tenir compte de cette limite. Pour tenir compte de leurs nouvelles missions (prévues par le présent projet et par le projet de loi organique portant statut de la magistrature), qui seront indemnisées à hauteur de trois ou cinq taux unitaires par audience ou dossier, et qui devraient permettre d'atteindre les plafonds, il est envisagé une hausse des recrutements, à hauteur de 5 % par an.

Le taux unitaire de vacation est d'un montant de 170 euros brut, soit 235 euros en coût chargé. Au regard du coût chargé du taux de vacation et de la limite des 300 vacations annuelles, le recrutement d'un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles a un impact financier maximal de 70 500 euros en coût chargé pour un magistrat prenant ses fonctions au 1er janvier de l'année et recruté en année N-1. Pour les magistrats prenant leurs fonctions au 1er septembre de l'année de leur recrutement, un coût correspondant à 100 vacations a été retenu, soit 23 500 €.

Les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles suivent en principe une formation préalable de 4 semaines en cas de changement de fonctions, ainsi qu'une formation annuelle obligatoire de 3 jours, indemnisée à un demi taux de vacation par jour de formation. Néanmoins, cette indemnité de formation étant prise en compte dans le plafond de 300 vacations annuelles, elle n'aura pas d'impact financier.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les modifications visent à mettre en conformité l'ordonnance du 13 avril 2022 et la loi du 31 décembre 1971 avec les règles statutaires et à supprimer les mentions inutiles.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Le I entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française. Ce délai permettra de modifier en conséquence l'article 29 du décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels. En effet, ce dernier fait référence aux magistrats honoraires et à leur nomination par le premier président de la cour d'appel. Il devra donc être adapté et modifié en conséquence, ce qui nécessite de prévoir des dispositions transitoires.

Les dispositions du II entreront en vigueur au lendemain de la publication de la loi. En effet, le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat n'a pas besoin d'être modifié car il ne contient aucune disposition relative aux magistrats honoraires, il n'est donc pas nécessaire de prévoir de dispositions transitoires.

5.2.2. Application dans l'espace

Le présent texte est applicable à l'ensemble du territoire national.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat sera pris pour l'application des mesures propres aux officiers ministériels.

CHAPITRE III : ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Article 14 - Dispositions relatives au personnel pénitentiaire

A. Dispositions relatives à la réserve civile pénitentiaire

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'administration pénitentiaire pâtit d'un déficit d'attractivité qui l'empêche de disposer d'un capital humain suffisant pour réaliser ses missions, y compris au titre de la réserve civile pénitentiaire.

La réserve civile pénitentiaire, créée par la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, est destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité relevant du ministère de la justice ainsi que des missions de formation des personnels, d'étude ou de coopération internationale. La réserve civile pénitentiaire peut également être chargée d'assister les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation dans l'exercice de leurs fonctions de probation ( articles L. 114-1 à L. 114-6 du code pénitentiaire).

Elle est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps propres de l'administration pénitentiaire (corps d'encadrement et d'application du personnel de l'administration pénitentiaire, corps de commandement du personnel de l'administration pénitentiaire, chefs des services pénitentiaires, conseillers pénitentiaires d'insertion et probation, directeurs pénitentiaires d'insertion et probation, directeurs des services pénitentiaires, adjoints techniques de l'administration pénitentiaire, techniciens de l'administration pénitentiaire et directeurs techniques de l'administration pénitentiaire).

L'administration pénitentiaire connaît des difficultés de recrutement au sein de la réserve, dont le vivier est limité aux personnels issus des corps propres de l'administration pénitentiaire, à compter de leur départ en retraite et sur la base du volontariat.

Ainsi, à l'heure actuelle, la réserve civile pénitentiaire ne dispose que de 200 réservistes.

Les réservistes pénitentiaires perçoivent une indemnité fixée à 105 euros pour une journée. Une démarche visant à revaloriser cette indemnité a été parallèlement engagée pour la rendre plus intéressante financièrement.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La limitation à cinq années de la durée du contrat du réserviste de l'administration pénitentiaire à compter de la fin de son lien avec le service est de nature à priver cette dernière d'un vivier potentiel de retraités des corps de l'administration pénitentiaire désireux de continuer à servir au sein des services du ministère de la justice. Ainsi, aux termes des dispositions législatives en vigueur, si ce dernier prend sa retraite à 57 ans, il ne pourra servir que jusqu'à l'âge de 62 ans dans la réserve.

De la même manière, la limitation du vivier aux seuls retraités des corps de l'administration pénitentiaire prive celle-ci d'un vivier potentiel de personnels ayant exercé au sein de l'administration pénitentiaire mais n'appartenant pas à ses corps propres. En effet, de nombreux fonctionnaires relevant de la filière administrative ou de la filière sociale ayant exercé dans les différents services de la direction de l'administration pénitentiaire, au sein des services centraux, des directions interrégionales des services pénitentiaires, des établissements pénitentiaires ou des services pénitentiaires d'insertion et probation, disposent de compétences qu'ils pourraient mobiliser au service de la réserve civile pénitentiaire, au regard des missions diverses que cette dernière assure.

Par ailleurs, l'article L. 114-6 du code pénitentiaire prévoit que la réserve civile pénitentiaire participe au dispositif de sécurité nationale mis en oeuvre par le Premier ministre en cas de survenance d'une crise majeure. Ainsi, dans cette hypothèse, un plus grand nombre de réservistes pénitentiaires pourraient être mobilisés au titre de la réserve de sécurité nationale constituée des différentes réserves de l'État (réserve militaire, réserve de la police nationale, etc.).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les objectifs poursuivis par les mesures envisagées sont les suivants :

- Augmenter le vivier de personnes susceptibles d'intégrer la réserve pénitentiaire ;

- Permettre à l'administration pénitentiaire d'assurer, dans de bonnes conditions, les missions qui peuvent être assignées aux réservistes : missions de renforcement de la sécurité relevant du ministère de la justice, missions de formation des personnels, d'étude ou de coopération internationale, assistance aux personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation dans l'exercice de leurs fonctions de probation.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Afin d'atteindre les objectifs poursuivis, il aurait pu être envisagé de mettre en place un dispositif similaire à celui des retraités des corps actifs de la police nationale : fixer une période de disponibilité obligatoire dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service170(*) puis possibilité d'intégrer la réserve de manière volontaire. Il est toutefois apparu que les motifs qui justifient ce dispositif dans la police nationale, à savoir la capacité de rétablissement de l'ordre public en cas de survenance d'événements de grande ampleur, ne trouvaient pas à s'appliquer au contexte pénitentiaire.

Par ailleurs, l'amélioration de la condition financière des réservistes aurait pu constituer le seul levier permettant de renforcer l'attrait de la réserve. Or, si une augmentation de l'indemnité des réservistes pénitentiaires est par ailleurs prévue dans le cadre du renforcement de l'attractivité de la réserve pénitentiaire, elle n'est pas apparue suffisante pour répondre au besoin, nécessitant d'élargir l'assiette du recrutement et la durée d'exercice de la mission de réserviste.

3.2. OPTION RETENUE

La modification de la composition du vivier de la réserve civile de l'administration pénitentiaire nécessite de prendre des dispositions législatives. Ces mesures permettront de pallier les difficultés de recrutement au sein de la réserve pénitentiaire, dont les missions, complémentaires à celles des personnels, connaissent des besoins importants.

Dans ce cadre, il s'agit de modifier 2 articles du code pénitentiaire :

1° Le deuxième alinéa de l'article L. 114-1 est remplacé par les dispositions suivantes:

« La réserve est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des personnels de l'administration pénitentiaire » ;

L'article L. 114-1 ainsi modifié vise à ouvrir son accès à l'ensemble des personnels relevant de l'administration pénitentiaire. Il permet aux retraités issus des corps suivants d'intégrer la réserve pénitentiaire : personnel administratif (corps des attachés d'administration de l'Etat, corps des secrétaires administratifs et corps des adjoints administratifs), personnel de service social (corps des assistants de service social du ministère de la justice et corps des conseillers techniques de service social du ministère de la justice, personnel infirmier, corps interministériel des infirmières et infirmiers de l'Etat, corps des psychologues du ministère de la justice).

2° Le premier alinéa de l'article L. 114-2 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les agents mentionnés à l'article L. 114-1 peuvent demander à rejoindre la réserve civile pénitentiaire à compter de la fin de leur lien avec le service, dans la limite de l'âge de 67 ans. »

L'article L. 114-2 ainsi modifié vise à étendre jusqu'à l'âge de 67 ans la durée du contrat des réservistes afin d'allonger la durée pendant laquelle celui-ci peut exercer des missions au sein de la réserve. Cette modification permet aux personnels de la direction de l'administration pénitentiaire qui le souhaitent de prolonger leur engagement.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le dispositif retenu précédemment exposé nécessite de modifier les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code pénitentiaire.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Les effets conjugués de l'extension du vivier et de la durée du service dans la réserve permettent d'anticiper une augmentation du nombre de journées d'environ 3 000 par an jusqu'en 2025, en partant du nombre de journées réalisées en 2021 (17 680). Le surcoût engendré serait de 0,35 M€ annuels jusqu'en 2025, puis se stabiliserait.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Il est difficile de mesurer l'impact sur les services administratifs. Est retenue une gestion déconcentrée des réservistes au profit des directions interrégionales pour la passation des contrats et la paie des agents. Les perspectives de recrutement (relativement modestes) ne devraient pas impacter fortement le plan de charges des directions interrégionales qui assurent la gestion de 43 000 agents.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration spécial, compétent pour l'ensemble des directions interrégionales et de la direction des services pénitentiaires d'outre-mer, des services et établissements départementaux et territoriaux d'outre-mer, placé auprès du directeur de l'administration pénitentiaire, a été consulté le 6 mars 2023, en vertu de l'article 48 du décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020.

Le comité social d'administration des services pénitentiaires d'insertion et de probation a été consulté le 6 mars 2023, en vertu de l'article 48 du décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020, reconvoqué le 16 mars 2023.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées entrent en vigueur le lendemain de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Cf. dispositions finales, article Outre-mer.

5.2.3. Textes d'application

Les dispositions relatives à la réserve civile pénitentiaire de la partie réglementaire du code pénitentiaire devront être adaptées (articles D. 114-1 à D. 114-16) par un décret simple.

B. Disposition relative au statut de surveillant adjoint contractuel

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Évoluer au sein d'un établissement pénitentiaire confronte les surveillants à des situations complexes et à la violence : l'augmentation régulière du nombre de personnes écrouées (record de 89 376 au 1er avril 2023, dont 73 080 détenues) et placées sous main de justice en milieu ouvert hors écrou (181 227 au 31 décembre 2022) n'a fait qu'amplifier les contraintes d'un métier déjà difficile. Le surencombrement carcéral171(*) et la promiscuité qui en découlent compliquent les rapports humains et dégradent significativement les conditions de travail des agents. Face à cette situation, la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) a mis en place un plan de lutte contre les violences et a renforcé son dispositif d'accompagnement des personnels victimes d'agressions.

Les missions des surveillants pénitentiaires ont très sensiblement évolué ces dix dernières années172(*). Elles présentent un niveau technique à la complexité croissante liée à la mise en place du surveillant acteur173(*) en détention prenant en charge 24h/24 un public de plus en plus difficile, parfois animé d'une extrême violence.

Ces missions se sont également diversifiées174(*), les surveillants pouvant évoluer dans des sphères variées : brigades cynotechniques, équipes régionales d'intervention et de sécurité, escortes judiciaires armées sur la voie publique, présence en milieu hospitalier, gestion des bracelets électroniques avec visites domiciliaires, renseignement pénitentiaire...

L'exercice de ces missions s'effectue dans un contexte de surpopulation carcérale jamais atteint jusqu'ici alors même que les effectifs réellement affectés à ces missions diminuent en raison des difficultés de recrutement.

Dans ce contexte et en dépit d'une campagne de communication nationale, le bilan des opérations de recrutement de ces dernières années est sans appel : l'administration pénitentiaire pâtit d'un déficit d'attractivité majeur qui l'empêche de disposer d'un capital humain suffisant pour réaliser ses missions ; le métier de surveillant pénitentiaire est concerné à titre principal.

Les concours organisés en 2021 et 2022 illustrent particulièrement bien ce phénomène. En 2021, la DAP a organisé deux concours avec respectivement 809 et 869 postes à pourvoir : seuls 740 élèves surveillants pour le premier concours et 652 pour le second ont en définitive intégré l'école nationale d'administration pénitentiaire (ENAP). Le bilan pour 2022 est encore plus parlant. Pour 617 postes ouverts, 579 agents ont été recrutés lors de la première session et, pour la seconde, ouverte à hauteur de 1022 emplois, seules 752 intégrations en scolarité ont pu être effectuées.

Le tableau ci-dessous retrace le détail par session :

Année de recrutement

Impact schéma d'emplois

Promotions

Emplois offerts

Inscrits

Emplois pourvus

2020B

2021

207/208

1 000

11 991

888

2021

209/210

908

13 658

759

2021B

2022

211/212

900

10 392

634

2022

213

628

9 856

495

2022B prévision

2023

214/215

1 000

11 342

650

2023

216/217

937

En cours

En cours

Au sein des recrutements, il faut distinguer les créations d'emplois et le nombre de surveillants recrutés, qui prend en compte les créations d'emplois et les recrutements pour le remplacement des départs.

Sur les 5 dernières années, le nombre de surveillants recrutés (pour combler les départs et réaliser les créations d'emplois) s'élève à 7 726 :

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Total 2017-2022

Surveillants recrutés

1 095

1 032

1 556

1 267

1 647

1 129

7 726

Bien que des efforts aient été réalisés ces dernières années pour favoriser l'attractivité du métier, notamment à travers des mesures statutaires et indemnitaires, la condition actuelle de surveillant ne permet pas de garantir des recrutements suffisants et de fidéliser les personnels.

Or, les besoins en recrutements sont très importants au regard des départs et de la mise en service des nouveaux établissements construits dans le cadre du programme « 15 000 places » annoncé par le président de la République en 2018 à l'horizon 2027.

Comme cela a été initié dès 1997 par le ministère de l'intérieur pour les forces de police, il convient d'envisager le recours à des agents contractuels dans un cadre strictement défini.

La création du statut de surveillant adjoint contractuel s'inscrit par ailleurs dans le cadre d'une réforme d'envergure du corps d'encadrement et d'application afin de consacrer la reconnaissance du métier et de dynamiser le recrutement grâce à une plus grande attractivité.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les modifications envisagées du code pénitentiaire sont compatibles avec les dispositions constitutionnelles et le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le recrutement de surveillants pénitentiaires par la seule voie du concours ne suffit plus à répondre aux besoins exprimés par les établissements pénitentiaires. En effet, malgré la création en 2019 des concours nationaux à affectation locale sur le territoire métropolitain et de la prime de fidélisation175(*), les missions des surveillants ne sont pas suffisamment attractives pour combler de manière durable les postes vacants au sein des établissements les plus difficiles.

Aussi, l'affectation des surveillants à la suite de la réussite au concours et de la scolarité à date fixe offre peu de souplesse dans la gestion de la ressource humaine.

Afin de pallier les difficultés constantes d'attractivité du corps d'encadrement et d'application (CEA) et de fidélisation de ses agents, une réforme législative est donc proposée afin que soit créé un statut de surveillant adjoint contractuel.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La création du statut de surveillant adjoint contractuel a d'abord pour objectif la reconnaissance par l'État d'une mission régalienne difficile et exigeante essentielle au bon fonctionnement de la justice et à la sécurité publique de l'ensemble de nos concitoyens.

Elle a également pour objectif de permettre plus de souplesse dans le recrutement d'agents intervenant en détention. La réforme permettra de pourvoir l'ensemble des postes de surveillant, en particulier dans les établissements dans lesquels le taux de couverture des postes est insuffisant. Parallèlement à la création du statut de surveillant adjoint contractuel, il est envisagé par voie réglementaire une réforme d'envergure du corps d'encadrement et d'application afin de revaloriser le corps et de susciter ainsi davantage d'intérêt pour ces missions176(*).

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Face à des difficultés constantes de recrutement depuis de nombreuses années, dans un contexte de surpopulation carcérale et de l'ouverture de nouveaux établissements, la solution proposée consiste à recourir à un vecteur nouveau de recrutement.

Il s'agirait de recourir à une ressource humaine de proximité en proposant des emplois dans des établissements pénitentiaires correspondant aux bassins de vie des agents recrutés.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Il est donc proposé de modifier la partie législative du code pénitentiaire en ajoutant, après l'article L. 113-4, un article L. 113-4-1. 

A côté des missions classiques des surveillants pénitentiaires, celles attribuées aux surveillants adjoints contractuels seraient circonscrites à certaines tâches limitativement énumérées.

Les missions des surveillants pénitentiaires sont fixées à l'article 3 du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire.

Ainsi, les missions des surveillants adjoints contractuels seraient des missions de premier niveau, exigeant un niveau de responsabilité ou de qualification moindre. Elles seraient principalement les suivantes :

- le « binômage » en détention (faute d'effectifs suffisants, les agents sont régulièrement seuls sur la coursive, ce qui pose, notamment en période de surencombrement chronique, d'évidents problèmes de sécurité) ;

- les opérations de fouilles, sectorielle et de cellule, sous la responsabilité d'un surveillant titulaire ;

- la garde des murs (lors d'opérations de travaux, à l'occasion de la fermeture d'établissements ou après la livraison d'un nouvel établissement, avant l'accueil des premiers détenus) ;

- les écoutes téléphoniques légales ;

- l'accueil des familles ;

- la conduite de véhicules ;

- la surveillance des parloirs ;

- la surveillance vidéo ;

- le soutien dans les greffes pénitentiaires.

Les surveillants adjoints contractuels n'interviendraient, sur ces missions, qu'en présence et en complémentarité de surveillants titulaires.

Dans ce cadre, tous les postes de surveillants continueraient à être proposés aux surveillants relevant du CEA. Seuls les postes demeurant vacants à l'issue des opérations de mutation des surveillants titulaires et de l'affectation des surveillants sortant d'école auraient vocation à être pourvus par les surveillants adjoints contractuels, qui ne pourraient assurer que les missions précédemment décrites. Ce dispositif n'aurait ainsi pas vocation à concurrencer le CEA.

Ces surveillants contractuels ne seront pas soumis au statut spécial des personnels pénitentiaires puisque ce dernier ne concerne que les fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire.

Les modalités de recrutement respecteront les conditions et le cadre suivants :

- recrutement pour développer des activités répondant à des besoins non satisfaits ;

- conditions d'âge (entre 18 et 30 ans)177(*) ;

- agents recrutés, par contrat écrit, en qualité de contractuels de droit public pour une période de 3 ans, renouvelable une fois par reconduction expresse ;

- recrutement en vue d'exercer des missions de surveillants adjoints contractuels auprès des surveillants titulaires;

- modalités d'application fixées par décret en Conseil d'État, qui définira les missions des surveillants adjoints ainsi que les conditions d'évaluation des activités concernées.

Le recrutement ne serait pas possible dans les cas suivants (ces éléments figureront dans le décret d'application) :

- si le candidat n'est pas de nationalité française et ne jouit pas de ses droits civiques ;

- si les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire du candidat sont incompatibles avec l'exercice de ses fonctions ;

- si le candidat ne se trouve pas en position régulière au regard du code du service national ;

- si le candidat ne satisfait pas aux critères d'aptitude physique fixés par un arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé de la fonction publique.

Ces agents contractuels seront des agents non titulaires soumis au droit commun des agents non titulaires de droit public.

La procédure de recrutement s'effectuera par sélection sur entretien et après la réussite à des tests psychologiques ainsi qu'à des épreuves sportives fixées par un arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé de la fonction publique.

S'agissant de la formation de ces agents, il convient d'observer que les surveillants pénitentiaires suivent une formation de 18 mois prévue par l'arrêté du 26 octobre 2018 portant organisation de la formation statutaire des surveillants relevant du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, comprenant une période de formation initiale de 6 mois et une période de stage de 12 mois.

Les surveillants contractuels pourraient être soumis à une formation d'une durée de 18 semaines comprenant 2 périodes :

- une période de 16 semaines qui se déroulerait dans un établissement de formation et aboutirait à la délivrance d'une attestation d'aptitude à l'emploi ;

- une période de 2 semaines effectuée dans un établissement pénitentiaire dans le département du lieu d'affectation de l'intéressé.

Afin de leur offrir des perspectives professionnelles, les surveillants contractuels se verraient proposer, au cours de leur contrat, une voie d'accès privilégiée au concours de surveillant, dont les modalités sont à déterminer.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le dispositif envisagé nécessite de modifier la partie législative du code pénitentiaire en y ajoutant un article L. 113-4-1.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Il est envisagé de recruter 500 surveillants contractuels par an afin de pourvoir les postes laissés vacants à l'issue des concours. Le coût de cette réforme est estimé à 13,2M€ en raison d'un coût par agent de 26 432 euros par an.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Est envisagée une gestion déconcentrée des contractuels au profit des directions interrégionales dans la passation des contrats et la paie des agents. Si ce choix est retenu, il pourrait s'accompagner d'un recrutement d'un agent supplémentaire par direction interrégional. Les modalités de mise en oeuvre de la formation ne sont pas encore pas décidées.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le texte nécessite un avis des organismes consultatifs ministériels suivants :

- Le comité social d'administration de l'administration pénitentiaire et comité social des services pénitentiaires d'insertion et de probation et comité social d'administration, consulté pour information le 6 mars 2023, reconvoqué le 16 mars 2023.

- Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La disposition envisagée entre en vigueur le 1er janvier 2024 (voir étude d'impact de l'article d'entrée en vigueur).

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

La réforme nécessite des dispositions réglementaires afin de préciser les conditions de recrutement et la formation des surveillants adjoints contractuels.

A cette fin, un décret en Conseil d'Etat sera pris sur le modèle du dispositif en vigueur pour les forces de sécurité intérieure (L. 411-5 et R. 411-4 à R. 411-12 du code de la sécurité intérieure), notamment pour définir les missions des surveillants adjoints ainsi que les conditions d'évaluation des activités concernées.

C. Dispositions relatives à la généralisation du port des caméras individuelles par le personnel de l'administration pénitentiaire

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les dispositifs de surveillance et d'enregistrement vidéo en vigueur au sein de l'administration pénitentiaire sont encadrés par les dispositions de la circulaire du 15 juillet 2013 relative aux modalités de mise en oeuvre de traitements de données à caractère personnel de vidéo protection installés au sein et aux abords des locaux des établissements de l'administration pénitentiaire. La circulaire précise par ailleurs que les caméras sont susceptibles d'enregistrer les images asservies aux détections du réseau interne d'alarme. Elles ne peuvent en revanche capter le son et aucun dispositif biométrique ou de reconnaissance automatisée des personnes ne sera mis en oeuvre. Les données produites par ces dispositifs sont strictement encadrées par la circulaire du 15 juillet 2013 en matière de durée de conservation, d'accès et d'utilisation. La présence de ces dispositifs fait enfin l'objet d'une information publique au sein des établissements où ils sont déployés.

Jusqu'à présent, les établissements pénitentiaires n'étaient dotés que de dispositifs de vidéosurveillance fixes, ne permettant que la captation d'images sur des zones stratégiques afin de lutter contre les agressions entre personnes détenues (violences physiques, racket...), les tentatives d'évasion, l'introduction d'objets illicites, les jets de projectiles vers les murs d'enceinte, les événements susceptibles de porter atteinte au bon ordre dans les établissements ou d'atteindre à la sécurité des personnels de l'administration pénitentiaire ou à toute personne étant sous sa responsabilité. Ces dispositifs de surveillance et d'enregistrement vidéo peuvent être installés : dans les zones d'accès et de stationnement des véhicules ; dans les zones d'accès piétonnier ; dans les cours de promenade ; dans les zones de circulation ; dans les zones d'activités collectives affectées aux personnes détenues ; sur les façades des lieux affectés à l'hébergement des personnes placées sous-main de justice ; dans les zones périmétriques (ou zones neutres) dont le « chemin de ronde » ; dans les zones d'accueil, à l'exclusion de celles réservées au personnel.

La vidéo surveillance fixe est toutefois apparue insuffisante du fait d'un taux de couverture perfectible et d'absence de captation des sons. De telle sorte qu'il est apparu nécessaire de doter les personnels pénitentiaires d'un dispositif mobile d'enregistrement d'images et de sons. En effet, si les dispositifs de surveillance et d'enregistrement vidéo mis en oeuvre au sein des établissements pénitentiaires conformément à la règlementation définie par la circulaire de juillet 2013 susmentionnée participent au maintien du bon ordre et à la sécurisation de ces établissements, leur efficacité est apparue limitée en matière de sécurisation des personnels amenés à être engagés sur des incidents en cours ou bien affectés à la surveillance de personnes détenues présentant un risque de violence ou d'évasion.

Par ailleurs, il apparaît que les personnels pénitentiaires engagés dans un certain nombre de missions dites « extérieures », telles que la sécurisation des abords des établissements, les transferts administratifs, les extractions médicales ou judiciaires, ne peuvent, du fait de la nature même de ces missions effectuées en dehors des établissements, prétendre aux bénéfices apportés par les dispositifs existants en termes de sécurisation de leurs activités.

Partant, l'administration pénitentiaire a été autorisée par la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique et le décret n° 2019-1427 du 23 décembre 2019 relatif aux conditions de l'expérimentation de l'usage des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire dans le cadre de leurs missions, à expérimenter à compter de septembre 2020 et jusqu'au 5 février 2022 la mise en dotation de caméras individuelles au profit des personnels pénitentiaires au contact de la population pénale ou chargés de missions de sécurisation des établissements.

Les conclusions de cette expérimentation ont fait l'objet d'un rapport transmis au Parlement en août 2021. Elles recommandent la généralisation de cette dotation en caméras individuelles des personnels de surveillance afin de participer au renforcement de la sécurité des personnels pénitentiaires et du bon ordre des établissements par l'enrichissement d'une capacité active dans les domaines de la prévention des incidents et du suivi des personnes détenues (le dispositif facilitant en effet le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par une collecte de preuves lui conférant un caractère dissuasif) ; et à l'enrichissement de la formation des personnels (par la valorisation des informations recueillies par ces dispositifs dans différents cadres pédagogiques : débriefings opérationnels, illustration de retours sur expérience ou développement de nouveaux outils de transmission des savoir-faire).

La présente disposition vise ainsi à généraliser l'utilisation des caméras individuelles aux personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire désignés pour les missions présentant, en raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d'incident ou d'évasion, tant au sein des établissements pénitentiaires et leurs abords qu'à l'occasion de missions extérieures.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée.

Par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif (décision n° 2012-652 DC, 22 mars 2012).

En outre, dans sa décision relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés (décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021), le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions portant sur les caméras aéroportées, dans la mesure où le législateur n'avait pas apporté de garanties suffisantes pour opérer une conciliation équilibrée entre, d'une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infraction, et d'autre part, le droit au respect de la vie privée.

En application de ces principes, il revient au législateur de prévoir des garanties pour encadrer l'usage des caméras individuelles par les autorités publiques compétentes. Afin d'assurer une conciliation entre les atteintes portées au droit à la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction, le dispositif de captation d'images par des caméras individuelles est précisément défini dans l'ensemble de ses composantes.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Afin d'assurer le respect de la vie privée, le droit de l'Union européenne encadre strictement les conditions de mise en oeuvre de traitements de données à caractère personnel, au travers des textes suivants :

? Le règlement européen du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel (règlement général sur la protection des données, dit RGPD) ;

? La directive 2016-680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (dite « police-justice ») concernant les traitements à des fins pénales ou de sécurité publique, transposée au titre III de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Les dispositifs de caméras individuelles relèvent de ce cadre juridique, en tant qu'opérations de captation d'images susceptibles de comporter des données à caractère personnel. Au regard des finalités poursuivies et des services responsables de leur mise en oeuvre, seuls les traitements envisagés par les autorités publiques - et notamment les forces de sécurité intérieure - relèveront de la directive « police-justice », qui prévoit des garanties adaptées aux enjeux des traitements concernés.

La mise en oeuvre de tels traitements doit donc respecter les grands principes énoncés par le droit européen de la protection des données et rappelés à l'article 4 de la loi du 6 janvier 1978 précitée. En particulier, les données doivent être d'une part collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et d'autre part adéquates, pertinentes et, au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées, limitées à ce qui est nécessaire. De plus, le principe de minimisation impose que chaque traitement comprenne le nombre le plus restreint possible de données et d'accédants.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les conclusions de l'expérimentation étant positives, la généralisation du dispositif de port des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire est donc soutenue par l'administration pénitentiaire. En effet, ce dispositif technique jugé pertinent, parfaitement accepté et intégré dans les pratiques professionnelles constitue un outil essentiel dans le cadre de la prise en charge des personnes détenues. Il participe, par ailleurs, à l'apaisement des relations avec les personnes détenues qui se savent enregistrées dans le cadre des évènements ou incidents venant ponctuer la vie en détention. Il s'agit enfin d'un outil indispensable dans le cadre de la collecte de preuves, tant pour les besoins des procédures administratives, disciplinaires et judiciaires mais également au titre de la finalité pédagogique pour accompagner les personnels dans le cadre de leur formation initiale ou continue.

Dans le cadre de l'expérimentation, le port de la caméra individuelle est considéré dans 96,32% des cas comme ayant un effet favorable ou neutre sur les incidents ayant fait l'objet d'un déclenchement du dispositif.

Source : N° 131 (2020-2021) - RU - Rapport du Gouvernement au Parlement relatif aux conditions d'expérimentation de l'usage des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaires dans le cadre de leurs missions

Avec une note moyenne exprimée par les utilisateurs du dispositif sur l'effet apaisant des caméras individuelles dans la relation avec la population pénale de 5,12/10, la dotation en caméra individuelle est plutôt perçue par les utilisateurs comme permettant d'apaiser les situations avec la population pénale.

Aussi, afin de pouvoir généraliser le dispositif de port des caméras individuelles par les personnels de surveillances de l'administration pénitentiaire, et ce, en cohérence avec le niveau de norme retenu pour l'expérimentation et en tenant compte de l'entrée en vigueur du code pénitentiaire depuis le 1er mai 2022, une modification du code pénitentiaire s'avère nécessaire.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La généralisation du dispositif de port des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire vise plusieurs objectifs :

? Participer à la prévention des incidents et des violences : tant par l'effet dissuasif de la caméra individuelle, dont l'utilisation par le personnel favorise la cessation des agissements non conformes au règlement intérieur par la personne détenue, que par une gestion sécurisée et sécuritaire de l'incident par les personnels pénitentiaires le cas échéant (placement en cellule disciplinaire à titre préventif, réintégration en cellule, etc.) évitant le sur-incident ou du moins une aggravation de la situation ayant justifié le déclenchement de la caméra. Cet objectif de prévention des violences est l'un des objectifs prioritaires de l'administration pénitentiaire ;

? Faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par une collecte de preuves : par la captation d'images et de sons, la preuve de la matérialité des faits est facilitée tant en termes administratifs, disciplinaires que judiciaires, voire d'inspection, le cas échéant ;

? S'inscrire dans le cadre de la formation des personnels en permettant l'analyse de données lors de débriefings opérationnels et d'actions de formation, ainsi que la constitution d'outils pédagogiques adaptés : réalisées en conditions réelles dans des contextes opérationnels variés, les vidéos permettent d'appréhender la mise en oeuvre des pratiques métiers, la prise en charge des cas non conformes, et la gestion des incidents impliquant les populations carcérales. Les captations d'images et de sons par les caméras individuelles permettent à l'administration pénitentiaire de développer des supports pédagogiques novateurs, modernes et dynamiques favorisant l'acquisition des gestes professionnels adaptés.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

S'agissant d'un dispositif expérimental, l'option envisagée aurait été la reconduction de l'expérimentation du port des caméras individuelles par les personnels de surveillance. Or cette option n'a pas été retenue, dans la mesure où le dispositif expérimenté était suffisamment mûr pour envisager sa généralisation.

3.2. OPTION RETENUE

La généralisation du dispositif de port des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire consistera à doter les personnels ou équipes désignés pour les missions présentant, en raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d'incident ou d'évasion. Il peut s'agir tant de missions accomplies au sein des établissements pénitentiaires et leurs abords que des missions extérieures.

Ainsi, à l'occasion des missions extérieures, les agents affectés au sein des équipes locales de sécurité pénitentiaire (ELSP), des pôles de rattachement des extractions judiciaires (PREJ), des unités hospitalières (UH), des équipes nationales de transfèrement (ENT) ou des équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) seront porteurs d'une caméra. Les agents réalisant des extractions médicales et des transfèrements administratifs de personnes détenues considérées comme présentant des risques en matière de sécurité pénitentiaire seront soumis à la même obligation. Les agents désignés porteront la caméra durant l'intégralité de la mission considérée.

L'usage des caméras individuelles sera notamment obligatoire lors d'opérations visant à : maîtriser une ou plusieurs personnes détenue(s) en cas de violence commise par une personne détenue, de résistance par la violence ou par inertie aux ordres donnés ou de tentative d'évasion ; maintenir ou rétablir l'ordre, notamment en cas de mutineries, d'actions collectives de rébellion, de refus de réintégrer. Lorsque l'intervention se fera en tenue de protection et d'intervention, le port de la caméra sera systématique ; le chef d'équipe portera alors ce matériel.

Enfin, les personnels seront porteurs de la caméra individuelle notamment pour la surveillance de personnes détenues présentant un risque important pour la sécurité des personnes et de l'établissement, ou un risque élevé d'évasion. Seront concernés notamment les personnes détenues placées en unité pour détenus violents (UDV), en quartier d'évaluation ou de prise en charge de la radicalisation (QER, QPR), en maison centrale ou quartier maison centrale (MC, QMC), au quartier disciplinaire (QD) et au quartier d'isolement (QI), ainsi que les personnes détenues gérées en tenue de protection et d'intervention en détention ordinaire. Les gradés de roulement seront également équipés d'un tel dispositif ou tout autre personnel désigné par un cadre, notamment en cas d'intervention.

Dans ce cadre, la caméra individuelle, portée de façon apparente et dont le voyant lumineux devra être visible par le ou les tiers filmé(s), sera portée de façon apparente par le personnel désigné ; le matériel de port sera fourni. L'enregistrement ne sera pas permanent : il sera déclenché par l'agent porteur de la caméra lorsque se produira ou sera susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées. Le paramétrage de la caméra individuelle comportera une mémoire-tampon dont le contenu sera écrasé et ré-encodé toutes les 30 secondes. Lorsqu'un agent activera la caméra pour une captation, la séquence vidéo correspondante, ainsi que les 30 secondes encodées avant le déclenchement, seront enregistrées dans la mémoire interne de la caméra.

Quel que soit le lieu de l'intervention (en établissement pénitentiaire, y compris dans la cellule ou à l'extérieur, sur la voie publique, dans les tribunaux ou les hôpitaux, dans les véhicules...), l'enregistrement sera déclenché : sur ordre de la hiérarchie, lorsqu'un incident sera en cours, ou en cas de risque d'un incident ; sur décision du chef d'escorte à l'occasion d'une mission extérieure, ou du responsable d'intervention, en cas de patrouille extérieure et d'application des articles L. 223-17 à L. 223-19 du code pénitentiaire, lorsqu'un incident sera en cours ou anticipé ; à l'initiative du porteur de l'équipement, pour les mêmes raisons. L'enregistrement sera systématiquement déclenché en cas d'intervention visant à la maîtrise d'une personne détenue ou lors d'une opération de maintien de l'ordre. Aucun enregistrement ne pourra être déclenché pendant la réalisation d'une fouille intégrale, et de manière générale, pendant la réalisation d'une fouille réalisée en application des articles L. 225-1 à L. 225-3.

Le déclenchement de l'enregistrement sera précédé d'une information des personnes filmées, sauf si les circonstances ne le permettent pas. Dans ce dernier cas, l'information sera délivrée dès que possible, et au plus tard au terme de l'intervention. Le consentement des personnes filmées ne sera pas requis : leur opposition ne fera donc pas obstacle à la poursuite de l'enregistrement.

Une information générale est organisée par le garde des sceaux, ministre de la justice, au sein des établissements pénitentiaires et auprès de l'ensemble des publics concernés. 

Les données enregistrées ou consignées dans le traitement ne pourront en aucun cas faire l'objet de modifications ni d'effacement manuel. En fin de mission, dès le dépôt de la caméra sur le rack, les données seront automatiquement transférées sur le support de stockage sécurisé et effacées de la mémoire de la caméra.

Les données collectées (images et sons) seront conservées pendant trois mois par le traitement avant effacement automatique.

Cette durée de conservation a été validée par la CNIL lors de l'examen de la première version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (« LOPMI 1 »), dans sa délibération n° 2022-028 du 3 mars 2022 : « Si la Commission s'est initialement interrogée sur la durée de trois mois retenue par le ministère, elle prend acte des précisions apportées relatives aux impératifs de fonctionnement des établissements pénitentiaires, pour permettre notamment d'assurer la tenue et la régularité des procédures disciplinaires diligentées à l'encontre des personnes détenues. Dans ces conditions, elle estime que cette durée n'est pas excessive au regard des finalités poursuivies »

Cette durée apparaît adaptée au regard des dispositions de l'article R. 234-14 du code pénitentiaire, qui fixent à six mois, après la découverte des faits reprochés à la personne détenue, le délai maximum pendant lequel le chef d'établissement peut exercer des poursuites disciplinaires.

Sur un plan opérationnel, l'administration pénitentiaire est confrontée à un nombre très important d'incidents en détention, qui ne permet pas, dans de nombreux cas, aux personnels compétents pour engager des poursuites disciplinaires de passer en revue dans le délai d'un mois l'intégralité des comptes rendus d'incident rédigés par les agents pour décider des suites à donner à ceux-ci, et donc de la nécessité d'une extraction des données des caméras individuelles. En outre, l'extraction de données ne peut être réalisée que par certains personnels spécifiquement habilités à cette fin - et à l'exclusion du porteur de la caméra (pour éviter toute modification, destruction ou détournement des éléments de preuve dans le cadre de leur collecte).

Dans ce contexte, compte tenu des délais de traitement des comptes rendus d'incident, une durée de conservation des enregistrements inférieure à trois mois risquerait de fragiliser des procédures voire de faire obstacle à l'engagement de certaines poursuites, notamment disciplinaires, faute d'éléments de preuve probants. De plus, un délai inférieur à trois mois imposerait en pratique une étude de tous les comptes rendus d'incident par le chef d'établissement au plus tard trois semaines après leur rédaction (selon les établissements pénitentiaires, cela correspondrait à plus de 500 incidents à étudier dans ce délai) afin de déterminer si l'extraction des données doit être réalisée (et ce, pour en assurer la conservation pour les besoins de la procédure disciplinaire avant l'expiration du délai d'un mois). En pratique, un tel délai serait de nature à perturber substantiellement les organisations des établissements.

Les autres données seront conservées pendant trois ans à compter du jour de leur enregistrement, à savoir : le jour et plage horaire d'enregistrement ; l'identification de l'agent porteur de la caméra lors de l'enregistrement des données ; le lieu où ont été collectées les données ; la date et l'heure de la consultation, de l'effacement automatique et de l'extraction à des fins de communication ainsi que le motif judiciaire, administratif, disciplinaire ou pédagogique et le service destinataire des données, renseignés manuellement ; l'identification des enregistrements audiovisuels extraits et de la caméra dont ils sont issus ; les opérations de maintenance.

Les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles pourront être transmises en temps réel à la cellule de crise de l'établissement et aux personnels impliqués dans la conduite et l'exécution de l'intervention, lorsque la sécurité des personnels ou la sécurité des biens et des personnes est menacée. La sécurité des personnels, des biens ou des personnes est réputée menacée lorsqu'il existe un risque immédiat d'atteinte à leur intégrité.

Cette option, prévue notamment pour les forces de sécurité intérieure et les policiers municipaux (articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de la sécurité intérieure), a pour objectif opérationnel de faciliter la gestion d'un incident, afin notamment d'affecter, en cas d'intervention préparée, les moyens humains et matériels adaptés pour mettre un terme au trouble. Elle permet ainsi d'identifier clairement la nature de l'incident, les personnes mises en cause et les victimes, ainsi que l'environnement de l'incident (par exemple, la présence ou non d'autres personnes détenues). Enfin, l'observation visuelle et sonore directe de l'incident permet d'assurer un lien constant avec l'agent victime porteur de la caméra.

En outre, par dérogation au principe de non-accès direct aux enregistrements par les personnels porteurs de ces caméras, lorsque cette consultation sera nécessaire pour faciliter la prévention d'atteintes imminentes à l'ordre public, le secours aux personnes ou l'établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d'interventions, les personnels auxquels les caméras individuelles seront fournies pourront avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèderont dans le cadre d'une intervention. Cette possibilité est déjà prévue dans le cadre du dispositif applicable aux forces de sécurité intérieure et aux policiers municipaux (articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de la sécurité intérieure). En tout état de cause, les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l'intégrité des enregistrements jusqu'à leur effacement et la traçabilité des consultations lorsqu'il y est procédé dans le cadre de l'intervention.

Les données qui seront extraites pour transmission à des fins judiciaires, administratives et disciplinaires, seront transmises par une personne habilitée à accéder aux données sur CD/DVD non-réinscriptible par remise en main propre (avec un procès-verbal de remise) ou par envoi postal sécurisé (clé USB cryptée par exemple), avec accusé de réception. S'agissant des données transmises à des fins pédagogiques ou de formation, elles seront anonymisées préalablement à leur utilisation. L'anonymisation portera sur les éléments visuels (« floutage » des visages et des caractéristiques physiques), le nom des agents, des personnes détenues ou des tiers (apposition d'un « bip » au prononcé du nom d'une personne) ainsi que tout élément tenant à la situation individuelle des personnes concernées ou le contexte particulier de l'intervention.

Cet encadrement est en tous points conforme à ce qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021 précitée portant sur la loi sécurité globale, dont les dispositions présentes s'inspirent.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Afin de pérenniser et généraliser l'utilisation des caméras individuelles par les personnels pénitentiaires, la présente disposition modifie le code pénitentiaire par la création d'une section 3 intitulée « Caméras individuelles » au sein du chapitre III (« Moyens de contrôle et de surveillance ») du titre II (« Maintien de sécurité) du livre II (« Détention en établissement pénitentiaire »). Au sein de cette nouvelle section, est créé un nouvel article L. 223-20.

Trois articles du livre VII du code pénitentiaire, dédiés aux dispositions applicables en Outre-mer, sont également modifiés par coordination avec cette modification (Cf. 5.2.2).

En outre, l'article 2 de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique, qui autorisait l'expérimentation est abrogé.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La généralisation du dispositif de port des caméras individuelles par les personnels pénitentiaires suppose de doter plusieurs catégories de personnels ou équipes : ceux exerçant dans les quartiers spécifiques, ceux chargés de la surveillance de personnes détenues présentant un risque important pour la sécurité des personnes et de l'établissement ou un risque élevé d'évasion ; ceux exerçant des missions extérieures, ainsi que ceux désignés pour la gestion de personnes détenues en tenue de protection et d'intervention en détention ordinaire.

Le déploiement des caméras individuelles dans les établissements pénitentiaires sera fixé par un plan de déploiement pluriannuel incluant une priorisation par site.

Ainsi, dans un premier temps, soit la première année de généralisation du port de la caméra individuelle par les personnels de surveillance, il s'agira d'équiper les personnels de surveillance des quartiers spécifiques (quartier d'isolement, quartier disciplinaire, Unité pour Détenus Violents, QPR-se (quartier de prise en charge de l'évaluation) et QPR (quartier de prise en charge de la radicalisation violente), les équipes de sécurité pénitentiaire, les Equipes Régionales d'Intervention et de Sécurité (ERIS), les membres du service national du transfèrement, et les personnels d'encadrement (premiers surveillants, lieutenants pénitentiaires et CSP) et donc d'acquérir 5300 caméras. A cela devra s'ajouter l'acquisition de 2500 dockstations permettant le chargement des caméras et l'exploitation des enregistrements.

La deuxième année de la généralisation du port des caméras individuelles par les personnels de surveillance sera consacrée à l'équipement des surveillants exerçant leurs missions au sein des maisons centrales et quartiers maison centrale, des nouveaux personnels affectés aux ELSP, mais aussi des établissements pénitentiaires accueillant des personnes détenues prévenues ou condamnées pour des faits de terrorisme. Dans ce cadre, il conviendra que l'administration pénitentiaire se dote de 9700 caméras et de 500 dockstations.

Enfin, la troisième année permettra de concrétiser la généralisation totale du port de la caméra individuelle par les personnels de surveillance en acquérant 3800 caméras et 600 dockstations, ces dotations incluant notamment les unités hospitalières, et les renforts en personnels au sein des Equipes locales de sécurité pénitentiaire et des Pôles de rattachement des extractions judiciaires.

En tout état de cause, la généralisation du port de la caméra individuelle par les personnels de surveillance renvoie à une logique d'équipement par poste et non par agent. De telle sorte qu'un binôme de surveillants sera équipé au terme de la généralisation d'une caméra individuelle.

Le coût unitaire d'une caméra est estimé à 420€ et celui d'une dockstation à 1600€.

Le coût total estimé pour la généralisation intégrale de l'usage de la caméra individuelle pour les personnels de surveillance de 18300 caméras individuelles et 3600 docsktations s'élève donc à 13 446 000 euros HT.

Cette estimation prend en considération les effectifs de référence des années 2023 à 2025 avec les ouvertures de nouveaux établissements notamment, le renfort des ressources humaines des PREJ et des ELSP au regard du désengagement des forces de sécurité intérieure pour les extractions judiciaires et les gardes statiques, etc.

A noter que pour l'année 2023, la somme de 5 640 000 euros, réserve déduite, a été fixée par la loi de finances pour l'acquisition du matériel. Au regard des besoins identifiés pour l'année 2023, révisés récemment en considération de la création de nouvelles équipes de sécurités pénitentiaires et de l'ouverture de nouveaux établissements, il apparaît que le coût estimé serait de 6 226 000 euros HT. De telle sorte que l'écart entre le budget alloué en loi de finances initiale et le coût total du matériel pour la première vague pourra être supporté par les directions interrégionales sur leurs crédits de fonctionnement courant, ou à défaut faire l'objet d'un report sur l'année 2024.

Enfin, l'acquisition de ce matériel débutera dès lors que le cadre normatif en permettra l'usage par les personnels de surveillance.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La généralisation du dispositif de port des caméras individuelles supposant de doter les personnels ou équipes désignés pour les missions présentant, en raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d'incident ou d'évasion, pourra entraîner la captation d'images et de sons à l'occasion de missions extérieures, c'est-à-dire principalement dans les tribunaux et dans les établissements de soins.

Des démarches ont notamment été entreprises afin de sensibiliser le secteur hospitalier dans le cadre de l'expérimentation : une rencontre avec le ministère de la santé et la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) s'est tenue fin février 2021. Une présentation de l'expérimentation a été faite en direction du ministère de la santé (calendrier, présentation de la note DAP de juillet 2020, protection des données et exploitation - extraction strictement encadré, explication du dispositif : déclenchement - et l'absence d'enregistrement continue- et interdiction de tout enregistrement pendant la consultation médicale).

Au cours de l'intervention de nature médicale, les agents ne peuvent procéder à aucun enregistrement, quand bien même un incident aurait lieu à cette occasion, afin de respecter le secret médical. En cas d'interruption des soins, le déclenchement de la caméra est possible si un incident s'est produit ou risque de se produire. L'opportunité du déclenchement sera alors appréciée au regard des circonstances de l'intervention et du comportement des personnes concernées, et toujours en l'absence d'atteinte au secret médical.

Le port et les déclenchements des caméras en juridiction ont été jugés satisfaisants durant la phase d'expérimentation.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Une analyse d'impact sur la protection des données (AIPD) a été réalisée dans le cadre de l'expérimentation. A ce titre, plusieurs mesures ont été mises en place afin de préserver la vie privée des personnes (personnes détenues, personnels de l'administration pénitentiaire, visiteurs, personnels et bénévoles intervenant en établissement, tiers - notamment filmés de façon incidente lors de missions extérieures sur la voie publique, dans les tribunaux ou établissements de soin par exemple) :

? Habilitations limitées : le traitement ne donne accès aux données personnelles qu'aux seules personnes ayant le besoin d'en connaître par le biais d'un système de profils ;

? Accès restreints : le local où sont stockés les enregistrements est en accès restreint aux seules personnes habilitées. Portes verrouillées et accompagnement physique systématique des visiteurs ;

? Chiffrement des images : les vidéos sont chiffrées, et ne sont accessibles que par les personnes ayant le profil idoine et la clef de déchiffrement. La manipulation est automatique, le déchargement des vidéos débutant dès que la caméra est placée sur la station d'accueil, sans intervention de l'agent. La caméra est distribuée en début de service aux agents désignés. Ils déclenchent l'enregistrement en cas de besoin. En fin de service, la caméra est placée sur une station d'accueil, et décharge à ce moment les enregistrements de la journée. Ainsi, les agents ne peuvent jamais modifier la vidéo préservant ainsi son intégrité. L'effacement manuel n'est pas possible ;

? Utilisation d'un registre de suivi : une traçabilité de l'ensemble des opérations concernant un enregistrement est réalisée ;

? Maintenance physique assurée en interne : la sous-traitance n'est utilisée qu'en cas de panne du matériel et se déroule sous contrôle de l'administration pénitentiaire ;

? Transmission des enregistrements aux autorités compétentes le cas échéant : dès lors qu'un enregistrement est utilisé dans le cadre d'une procédure administrative, disciplinaire ou judiciaire, une copie est transmise aux autorités compétentes (sur DVD, clé ou par téléchargement sécurisé via les plateformes d'échange de fichiers et documents électroniques sécurisées du ministère de la Justice depuis un autre poste que celui qui stocke les enregistrements). L'intégrité du flux est assurée par le protocole TLS, PFS appliqué.

Par ailleurs, le déclenchement de l'enregistrement sera précédé d'une information des personnes filmées, sauf si les circonstances ne le permettent pas. Dans ce dernier cas, l'information sera délivrée dès que possible, et au plus tard au terme de l'intervention. Toutefois, le consentement des personnes filmées ne sera pas requis : leur opposition ne fera pas obstacle à la poursuite de l'enregistrement.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

Les représentants des agents de l'administration pénitentiaire ont été informés dans le cadre de l'expérimentation sur le projet de décret créant le traitement de données à caractère personnel. Cet article a été à nouveau transmis pour information au comité social d'administration de l'administration pénitentiaire (6 mars 2023) et au comité social d'administration des services pénitentiaires d'insertion et de probation (6 mars 2023, reconvoqué le 16 mars 2023).

Ces comités seront ensuite saisis pour avis à l'occasion de l'adoption du décret d'application.

Par ailleurs, l'article relatif à la généralisation du dispositif des caméras individuelles reprend, avec quelques ajustements, le texte examiné et validé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en mars 2022 dans le cadre de la première version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (« LOPMI 1 ») par une délibération rendue le 3 mars 2022 (délibération n°2022-028). Cette première consultation apparaît dès lors suffisante quant au projet d'article législatif.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La présente disposition entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La présente disposition s'appliquera à l'ensemble du territoire de la République. S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles de Wallis et Futuna, collectivités du Pacifique dans lesquelles l'application d'une disposition législative nécessite une mention expresse à cette fin, la loi prévoit une modification des « compteurs LIFOU » figurant aux articles L. 753-1, L. 763-1 et L. 773-1 du code pénitentiaire.

5.2.3. Textes d'application

Après l'adoption de la loi, un décret en Conseil d'Etat portant création d'un traitement de données à caractère personnel issues des enregistrements audiovisuels provenant des caméras individuelles pérenne devra être pris après avis de la CNIL.

Une actualisation de l'analyse d'impact relative à la protection des données réalisée lors de l'expérimentation sera nécessaire en amont de la saisine de la CNIL et du Conseil d'Etat sur le décret, prenant notamment en compte le retour d'expérience.

TITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT CIVIL ET AUX PROFESSIONS

CHAPITRE IER - TRANSFERT DE COMPÉTENCES CIVILES DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

Article 15 - Transfert de compétences civiles du juge des libertés et de la détention

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Créé par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 afin « que le contentieux de la liberté et de la détention soit réservé à un juge du siège, en position d'arbitre impartial et « paraissant tel aux yeux de tous » selon les termes de la Convention européenne des droits de l'homme »178(*), le juge des libertés et de la détention (JLD) a vu son office étendu à la matière non pénale au gré des nombreuses réformes intervenues, tandis que l'accroissement de son domaine de compétences « historique » en matière pénale a également connu une charge croissante179(*).

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 a par ailleurs consacré la fonction statutaire de JLD, dont les compétences en matière pénale et sauf empêchement180(*) sont exercées par des magistrats du premier grade ou hors hiérarchie, afin que ces fonctions soient assurées par des juges d'expérience.

Conformément aux dispositions de l' article L. 213-8 du code de l'organisation judiciaire, « les compétences du juge des libertés et de la détention en matière non répressive sont fixées par des lois particulières ». Les compétences et contentieux dont le JLD a la charge, en matière non pénale, sont ainsi essentiellement prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et le code de la santé publique (CSP) et concernent principalement les mesures privatives de liberté dans le domaine des soins sans consentement et en droit des étrangers.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Au visa de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 et des articles 5 § 4 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe d'un contrôle effectif par le juge judiciaire des privations de liberté individuelle induites en droit des étrangers et dans le domaine des soins sans consentement est une garantie imposée par des exigences constitutionnelles et conventionnelles181(*) procédant d'une même logique d'habeas corpus182(*), et dépassant ces seules matières183(*). L'implication de cette garantie tient ainsi à l'intervention d'un juge, magistrat du siège de l'ordre judiciaire, dans les meilleurs délais possibles184(*), afin de contrôler le caractère régulier, adapté, nécessaire et proportionné aux objectifs poursuivis de la mesure privative de liberté impliquée.

C'est en raison de ce standard et de ces principes que l'importante réforme opérée par la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 a été mise en place, visant notamment l'instauration d'un contrôle systématique des mesures d'hospitalisation complète par le JLD. Il s'agissait de « mettre le régime des soins psychiatriques sans consentement en conformité avec les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de remédier aux déclarations d'inconstitutionnalité résultant des décisions n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010185(*) et n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 »186(*). La loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 a ensuite dédié un chapitre entier à l' « amélioration du contrôle du juge des libertés et de la détention sur les mesures de soins psychiatriques sans consentement », qui est notamment venu réduire à 12 jours le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention et préciser le dispositif applicable aux personnes admises en unités pour malades difficiles. Les lois n° 2020-1576 du 4 décembre 2020 et n° 2022-46 du 22 janvier 2022187(*) ont permis de confier au juge des libertés et de la détention le contrôle des mesures d'isolement et de contention prononcées à l'égard des personnes placées en hôpital psychiatrique, en suite des décisions QPC n° 2020-844 du 19 juin 2020 et QPC n° 2021-912/913/914 du 4 juin 2021 par lesquelles le Conseil constitutionnel a exigé l'intervention systématique du juge judiciaire pour autoriser le maintien de ces mesures au-delà d'une certaine durée188(*).

Les étrangers étant susceptibles d'être privés de liberté en vertu des dispositions législatives qui régissent notamment le maintien en zone d'attente, le placement en rétention et les assignations à résidence administratifs, « la mission constitutionnelle du juge administratif s'articule [par ailleurs] avec celle du juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle »189(*). Dans ces domaines, les garanties constitutionnelles et conventionnelles impliquent une même effectivité du contrôle du juge. Ainsi, après la décision du Conseil constitutionnel n°2012-235 QPC du 20 avril 2012190(*), la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a confié au seul JLD le soin de statuer, dans un délai de quarante-huit heures, tant sur la légalité de la décision administrative de placement en rétention que sur la prolongation de cette mesure. En 2017, le Conseil constitutionnel a également rappelé la nécessité d'une intervention du juge judiciaire pour toute mesure privative de liberté alors qu'il était saisi de l'assignation à résidence de l'étranger faisant l'objet d'une interdiction du territoire ou d'un arrêté d'expulsion191(*). Par ailleurs, aux termes des articles L. 342-1 et L. 342-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le JLD est également compétent pour statuer sur le maintien en zone d'attente et la prolongation de ce maintien, vue la nécessité « pour l'autorité judiciaire d'intervenir dans les meilleurs délais » « en raison de l'effet conjugué du degré de contrainte [impliqué] et de sa durée, [ayant] pour conséquence d'affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l'objet au sens de l'article 66 de la Constitution»192(*).

Au terme de ce mouvement accroissant considérablement le domaine de compétences et la fréquence de saisine du juge des libertés et de la détention dans le contrôle des mesures privatives de liberté induites par les soins sans consentement et le droit des étrangers, la question de la mesure de son office est prégnante. Comme le montre le tableau ci-dessous193(*), le taux de vacance JLD illustre une désaffection pour ces fonctions, tandis qu'en l'état des textes, seule l'hypothèse du remplacement du JLD pénal vacant est expressément prévue par l'article 137-1-1 du code de procédure pénale194(*).

 

CLE

Effectifs réels

Taux de vacance

01/09/2017

250

160

36,00%

01/01/2018

250

177

29,20%

01/09/2018

250

197

21,20%

01/01/2019

250

202

19,20%

01/09/2019

250

210

16,00%

01/01/2020

250

212

15,20%

01/09/2020

253

213

15,81%

01/01/2021

253

217

14,23%

01/09/2021

256

218

14,84%

01/01/2022

256

224

12,50%

01/09/2022

267

231

13,48%

01/01/2023

267

224

16,10%

       

Evolution 01/09/2017-01/09/2022

+6,80%

+44,38%

 

En l'état du droit en vigueur, le périmètre d'intervention croissant du juge des libertés et de la détention195(*), l'urgence permanente dans laquelle il doit statuer196(*) et la désaffection pour ces fonctions sont à l'origine de difficultés dans de nombreuses juridictions et impliquent une nouvelle répartition des compétences judiciaires du contrôle des mesures privatives de liberté dans le domaine des soins sans consentement et en droit des étrangers.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Voir supra (1.2.).

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Décrite comme « particulièrement symptomatique »197(*) voire « tentaculaire »198(*), l'extension continue du périmètre des missions du JLD, notamment en matière non pénale, contraint aujourd'hui la pleine effectivité de son office, dans un contexte où « le flux de compétences déversé sur le juge des libertés et de la détention conduit à l'asphyxier [tandis que ses] capacités d'actions se réduisent à mesure que ses prérogatives s'accroissent »199(*).

Le rapport du comité des États généraux de la justice a consacré ce double constat de « l'extension continue de l'office du JLD et [de] la désaffection pour ces fonctions conduis[a]nt à affaiblir son action »200(*), diagnostic également mis en perspective par le rapport « justice civile » du groupe de travail, qui, relayant le rapport de l'Inspection générale de la justice « mission d'appui aux chefs de cour et à la DSJ visant au diagnostic de l'état des stocks » (novembre 2021, n° 109-21), évoquait l'émergence et l'impact des nouveaux contentieux de masse, « en particulier au niveau du juge des libertés et de la détention civil »201(*).

La nécessité de légiférer a également été avancée par le groupe de travail sur la simplification de la justice pénale, lequel sollicitait la création de « deux fonctions distinctes pour exercer les missions qui incombent au juge des libertés et de la détention : d'une part, un magistrat statutaire, du premier grade, prenant en charge la matière exclusivement pénale; d'autre part, un magistrat prenant en charge la matière civile et administrative quel que soit son grade »202(*).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La réforme doit tout d'abord permettre aux juridictions de renouer avec davantage de souplesse dans leur organisation, pour assurer la bonne efficience du travail judiciaire. En autorisant la participation d'un nombre plus important de magistrats du siège au traitement des atteintes aux libertés en dehors du champ pénal, la réforme entend ainsi faciliter l'organisation des juridictions judiciaires, notamment celles ne comportant qu'un JLD statutaire, dans lesquelles il est, en l'état du droit, difficile de procéder à leur suppléance en cas de vacance de poste, d'empêchement ou d'absence. Le contrôle du juge doit ainsi trouver sa plénitude, tout en conservant le même niveau de garantie de protection des libertés individuelles au bénéfice des personnes concernées par ces procédures.

La réforme vise également à consacrer un JLD pénal de plein exercice, le confirmant dans l'ensemble de ce périmètre, afin de favoriser in fine l'attractivité de ces fonctions.

La réforme envisagée projette enfin de renforcer l'attractivité des fonctions de juge civiliste en permettant la création d'une filière de juges compétents pour le contrôle des mesures privatives de liberté dans le domaine des soins sans consentement et en droit des étrangers, assistés le cas échéant des membres composant l'équipe autour du magistrat. En matière d'hospitalisations sous contraintes, l'insertion du juge dans cette filière spécialisée permettrait notamment aux magistrats de disposer d'un temps plus conséquent pour animer la politique partenariale et juridictionnelle au contact des acteurs du monde sanitaire et social, nécessaire à la plénitude et l'effectivité de son office203(*). L'attractivité renforcée des fonctions de juge civiliste, spécialement en matière de contrôle des mesures de rétention des étrangers rejoindra par ailleurs et pour partie les compétences développées par certains de ces juges siégeant habituellement en matière correctionnelle, notamment au titre des exceptions de nullité soulevées concernant le plus souvent la procédure pénale ayant précédé le placement en rétention.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ENVISAGÉE

Le code de l'organisation judiciaire ne permettant pas d'organiser la suppléance d'un JLD vacant dans ses fonctions civiles alors qu'un tel dispositif est prévu en matière pénale par l'article 137-1-1 du code de procédure pénale, une première option consistait à prévoir, pour les fonctions civiles du JLD, un dispositif identique à celui existant en matière pénale. Cette option, ne répondant que partiellement aux objectifs visés, impliquait d'intégrer par vecteur organique les modalités de suppléance du JLD prévues à l'article 137-1-1 du code de procédure pénale. Elle a été écartée.

3.2. OPTION RETENUE

Le dispositif retenu modifie, au sein du code de la santé publique et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions concernées, article par article, afin de confier à un « magistrat du siège du tribunal judiciaire » le contrôle des mesures privatives de liberté dans le domaine des soins sans consentement et en droit des étrangers. Le dispositif retenu modifie par ailleurs plusieurs articles afin d'assurer la pleine applicabilité de ce dispositif dans les collectivités d'outre-mer. Cependant, organisant en ces matières un transfert de charges du JLD vers les juges, l'expression « magistrat du siège du tribunal judiciaire » utilisée dans le texte permettra pour autant aux JLD de poursuivre le traitement de ces compétences civiles dans les juridictions où la situation de tension n'est pas critique, tout en facilitant leur intérim, ponctuellement, en fonction de l'organisation de la juridiction et au titre de leur service annexe.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est modifié pour remplacer les termes « juge des libertés et de la détention » par les mots « magistrat du siège du tribunal judiciaire » Dans les articles suivants : L. 342-1, L. 342-4, L. 342-5, L. 342-7, L. 342-9, L. 342-11, L. 342-16 et L. 342-17, L. 343-3, L. 614-13, L. 733-7 à L. 733-11, L. 741-10, L. 742-4 à L. 742-8, L. 742-10, L. 743-1 et L. 743-2, L. 743-4 à L. 743-6, L. 743-8 et L. 743-9, L. 743-11 à L. 743-14, L. 743-18 à L. 743-21, L. 743-23, L. 743-24 et L. 754-3.

D'autres articles du CESEDA sont modifiés : L. 342-6, L. 743-7, L. 342-12, L. 343-10, L. 343-11, L. 352-7, L. 742-1, L. 744-17, L. 751-5 et l'intitulé du chapitre II du titre IV du livre VII.

Les articles suivants du code de la santé publique sont modifiés : L. 3131-13, L. 3211-12, L. 3211-12-1, L. 3211-12-2, L. 3211-12-3, L. 3212-11, L. 3213-3, L. 3213-8, L. 3213-9-1, L. 3214-2, L. 3215-1, L. 3216-1, L. 3211-12-4, L. 3222-5-1, L. 3223-1.

L'article L. 213-10 du code de l'organisation judiciaire est modifié et les deuxième et dernier alinéas de l'article 137-1-1 du code de procédure pénale sont supprimés. Les modifications de ces codes sont des dispositions de coordination.

Cette réforme vise à augmenter le nombre de magistrats du siège pouvant traiter ces affaires au sein de chaque tribunal judiciaire. N'affectant ni le fond des droits garantis, ni véritablement la procédure204(*), l'impact normatif est donc résiduel.

Des dépêches informatives pourront également être transmises à destination des différentes administrations concernées par ces nouveaux domaines d'intervention du juge, à l'instar de ce qui a récemment été mis en oeuvre par le ministère de la santé et de la prévention dans son instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d'isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d'isolement et de contention.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

La réforme a pour objet d'organiser un transfert de contentieux du JLD aux juges (dits « JNS »), et tient compte pour ces derniers de l'évolution des effectifs en juridiction, laquelle est résumée dans le tableau suivant :

Évolution localisation et effectifs réels de juges (hors Président du TJ)

 

CLE

Effectifs réels

Taux de vacance

01/09/2017

1749

1677

4,12%

01/01/2018

1749

1694

3,14%

01/09/2018

1754

1740

0,80%

01/01/2019

1754

1774

-1,14%

01/09/2019

1757

1804

-2,68%

01/01/2020

1757

1826

-3,93%

01/09/2020

1777

1851

-4,16%

01/01/2021

1777

1853

-4,28%

01/09/2021

1833

1888

-3,00%

01/01/2022

1833

1872

-2,13%

01/09/2022

1925

1892

1,71%

01/01/2023

1925

1888

1,92%

       

Évolution 01/09/2017-01/09/2022

+10,06%

+12,82%

 

Considérant le nombre d'affaires nouvelles sur l'année 2022 en droit des étrangers et en matière de soins sans consentement, le transfert de charges du JLD vers le juge est évalué à 83,6 ETP « juges » et 121,2 ETP fonctionnaires de greffe, si l'intégralité du contentieux est transférée.

Cette évaluation s'appuie en premier lieu sur les volumes contentieux appréciés au niveau national à partir des données existantes pour l'année 2022205(*) :

- Activité civile - Droit des étrangers

Concernant le contentieux des étrangers, le code NAC 14G206(*) a été supprimé au cours de l'année 2022 et remplacé par deux codes NAC, le 14Q207(*) et le 14R208(*).

Afin de différencier les contentieux relatifs aux rétentions administratives et au maintien en zone d'attente, une répartition du volume du code NAC 14G a été effectuée vers les codes 14Q et 14R proportionnellement à leur poids respectif.

Ainsi, pour l'année 2022, la présente étude distingue deux volumes en matière de contentieux des étrangers au niveau national à partir des données Pharos :

- 5 516 affaires nouvelles concernant le maintien en zone d'attente (14R avec prise en compte de la ventilation du code NAC 14G) ;

- 29 424 affaires nouvelles concernant la rétention administrative (14H, 14N, 14Q avec prise en compte de la ventilation 14G).

- Activité civile - Soins sans consentement

S'agissant du contentieux relatif à l'hospitalisation sous contrainte, les codes NAC 14S209(*) et 14T210(*) ont été créés respectivement en janvier 2021 et en janvier 2022, afin de prendre en compte la compétence du JLD en matière d'isolement et de contention à la suite des mesures prises pour répondre aux décisions du Conseil constitutionnel.

Il convient de préciser que le code NAC 14T a été mis à disposition des juridictions au mois de juillet 2022. Avant cette date, les juridictions utilisaient les codes NAC relatifs à l'hospitalisation sous contrainte. Afin de distinguer les différentes procédures, une estimation du nombre de dossiers en matière d'isolement et contention a été effectuée sur une année à partir des volumes issus du code NAC 14T sur 6 mois (du mois de juillet au mois de décembre 2022). Selon les données Pharos et l'estimation effectuée, le volume relatif à l'hospitalisation sous contrainte - contention et isolement s'élève ainsi à 27 424 affaires nouvelles en 2022 au niveau national.

Les codes NAC 14O211(*) et 14P212(*) ont été créés lors de la crise sanitaire afin de prendre en compte les mesures de quarantaine et d'isolement. Le volume relatif à ces codes NAC est de 7 643 affaires nouvelles pour l'année 2022. Cependant, ce contentieux étant voué à disparaitre, ces codes NAC ont donc été supprimés en décembre 2022.

Enfin, concernant l'hospitalisation sous contrainte - maintien/mainlevée (NAC 14C213(*)-14I214(*)-14K215(*)-14L216(*)), 68 331 affaires nouvelles ont été comptabilisées sur l'année 2022 contre 376 affaires nouvelles concernant le programme de soin - contestation (NAC 14J217(*)).

L'application de ces minutages aux volumes précédemment décrits permet en second lieu d'évaluer la charge de travail pouvant être transférée du juge des libertés de la détention (JLD) au juge non spécialisé (JNS) :

- Activité civile - Droit des étrangers

S'agissant de l'activité du JLD en matière de contentieux des étrangers, le référentiel Degrandi prévoit un ratio de 1 600 affaires terminées par année, soit un minutage d'environ 62,5 minutes par dossier, toute procédure confondue.

De la même manière, en ce qui concerne les fonctionnaires de greffe du tribunal judiciaire, la typologie Outilgref TJ230 - Rétention administrative et assignation à résidence des étrangers estime à 60 minutes le temps de traitement de tels dossiers.

- Activité civile - Soins sans consentement

En matière d'hospitalisation sous contrainte, le référentiel Degrandi prévoit un ratio de 1680 affaires terminées par année (hors déplacements), soit un minutage d'environ 59,5 minutes par dossier.

S'agissant des fonctionnaires de greffe du tribunal judiciaire, la typologie TJ247-JLD-Hospitalisation sous contrainte estime à 90 minutes le temps de traitement par dossier et comprend les temps de déplacement du greffe.

Au terme de la confrontation du volume des affaires et du minutage, l'évaluation de la charge de travail transférée peut être détaillée comme suit :

- Evaluation Activité civile - Droit des étrangers

Compétences actuelles du JLD

Volumes 2022

Effectifs transférés (100%)

JLD

Greffe

Degrandi

Contrôle des mesures privatives de liberté

Maintien en zone d'attente

5516

3,45

3,51

Rétention administrative

29424

18,39

18,72

Sous-total

34 940

21,84

22,23

- Evaluation Activité civile - Soins sans consentement

Compétences actuelles du JLD

Volumes 2022

Effectifs transférés (100%)

JLD

Greffe

Degrandi

Contrôle des mesures privatives de liberté

Hospitalisation sous contrainte maintien/mainlevée : Article L. 3211-12-1 CSP

68331

40,67

65,20

Hospitalisation sous contrainte contention et isolement L. 3222-5-1 CSP*

27424

16,32

26,17

Mesure de quarantaine ou d'isolement dans le cadre de la crise sanitaire

7643

4,55

7,29

Programme de soin contestation L. 3211-12 CSP

378

0,23

0,36

Sous-total

103 776

61,77

99,02

Les indemnités d'astreinte des magistrats intervenant les fins de semaines dans les fonctions civiles actuellement dévolues au JLD sont sans incidence financière. En effet, un même magistrat sera désigné pour assurer les permanences pour l'ensemble des attributions relevant actuellement du JLD. Les juridictions dans lesquelles l'activité en ces matières est importante et nécessite l'intervention simultanée de plusieurs magistrats désignent et rémunèrent déjà plusieurs magistrats218(*)

Si une partie seulement du contentieux civil du JLD devait être transférée au juge, le transfert d'ETP et les économies attendues dépendent du taux de transfert et sont synthétisés dans les tableaux suivants :

Charge de travail JLD civil transférée vers le JNS

100%

75%

50%

25%

Estimation ETPT Magistrats du siège

Degrandi

83,6

62,7

41,8

20,9

Estimation ETPT Fonctionnaires de greffe

121,2

90,9

60,6

30,3

S'agissant des agents de greffe, en application des articles R. 123-15 et R. 123-16 du code de l'organisation judiciaire, alors que les personnels de greffe sont nommés sur une juridiction et non sur une fonction ou un service spécialisé, la nouvelle répartition des compétences judiciaires en matière de contrôle des mesures privatives de liberté dans le domaine des soins sans consentement et en droit des étrangers n'emporte pas de conséquence en CLE ni en gestion, à activité constante.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

L'impact sur l'organisation des juridictions sera pris en compte par un accompagnement de la direction des services judiciaires.

La réforme aura également un impact sur la formation initiale et continue des magistrats. L'Ecole nationale de la magistrature identifie un impact RH impliquant le recrutement d'un magistrat en vue de former les auditeurs de justice à ces contentieux.

S'agissant d'un transfert de compétences du JLD vers celui des JNS, l'impact sur la formation initiale des magistrats impliquera :

1. De proposer une formation de découverte de ces contentieux219(*) (à l'image de ce qui se fait par exemple pour le contentieux des affaires de sécurité sociale). Cette formation pourrait éventuellement s'organiser autour d'une conférence de présentation des contentieux complétée par des ateliers permettant aux auditeurs d'appréhender ceux-ci à travers le traitement de dossiers ou de cas pratiques en format direction d'études (sur une durée totale qui pourrait être de 6 à 9 heures) ;

2. De compléter cette formation lors de la période de préparation aux premières fonctions, comme cela existe déjà pour différents contentieux techniques (droit de la construction/ régimes matrimoniaux/ successions/ procédures collectives/ JEX...).

La création de nouvelles séquences pédagogiques impliquera une évolution de la répartition des contenus pédagogiques qu'arbitrera le conseil pédagogique de l'Ecole nationale de la magistrature.

A cette refonte des contenus pédagogiques « JLD civil » s'ajouterait une prise en compte de la formation à ces contentieux civils lors des stages juridictionnels.

S'agissant de la scolarité des stagiaires du concours complémentaire et des candidats à l'intégration direct, celle-ci se déroule sur une période de 4 semaines. Les stagiaires du concours complémentaire, et les candidats à l'intégration directe, bénéficient d'une formation sous forme d'une conférence au JLD d'une durée comprise 3 heures, dispensée par un juge des libertés et de la détention. Cette formation consiste en une présentation générale des fonctions civiles et pénales du JLD. Ils bénéficient également depuis octobre 2022 de l'accès à un module de présentation sur la plateforme pédagogique de l'ENM. Dès lors, la mise à disposition d'outils complémentaires de formation sur la plateforme pédagogique pourrait être envisagée.

L 'offre de formation continue pour les JLD comporte plusieurs sessions :

Ø Une session principale : « pratique des fonctions JLD », laquelle est naturellement scindée en deux : sur 4 jours de formations prévus, les deux premiers jours sont consacrés à l'activité pénale, et les deux derniers au contentieux des soins psychiatriques en hospitalisation et au contentieux des étrangers.

Ø Des sessions « périphériques » :

o Lors des « changement de fonctions siège TJ » : les journées JLD sont également scindées pénal/civil.

o Lors du changement de fonction conseiller : il y a des modules distincts concernant les étrangers/soins contraints d'un côté et CHINS d'un autre.

o Sur la session « soin psychiatrique sans consentement » : la mission du JLD sur ce sujet est abordée ; de même sur « psychopathologie de l'adulte ». 

L'impact de la réforme sur la formation continue impliquera donc une refonte de l'offre pédagogique.

4.4. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Néant.

4.5.1. Impacts sur la société

La possibilité de confier les compétences et contentieux évoqués à plusieurs magistrats du siège de l'ordre judiciaire et non plus à un seul magistrat spécialisé vise à assurer les impératifs d'effectivité du droit au recours, d'efficacité et de rapidité des procédures et de bonne administration de la justice, et partant, à renforcer le sentiment de confiance des citoyens envers la justice.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Cette réforme n'aura aucun impact sur les droits et garanties. La possibilité de confier les compétences et contentieux évoqués à plusieurs magistrats du siège de l'ordre judiciaire et non plus à un seul magistrat spécialisé vise à assurer les impératifs d'effectivité du droit au recours, d'efficacité et de rapidité des procédures et de bonne administration de la justice. Les juges sont par ailleurs, comme les magistrats spécialisés, les mêmes garants des libertés individuelles au sens de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958220(*) confiant cette protection à « l' autorité judiciaire », et forment ce même « tribunal » indépendant et impartial auquel le détenu doit avoir accès à bref délai au sens des articles 5 § 4 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 221(*).

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITES D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Ce projet a été transmis pour information au Comité social d'administration (CSA) spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La réforme entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi, afin d'organiser les coordinations avec les textes règlementaires.

5.2.2. Application dans l'espace

La présente mesure s'applique à tout le territoire national sauf en certaines matières du code de la santé publique à Wallis et Futuna. Des modifications des « compteurs LIFOU » seront nécessaires (cf. étude d'impact de l'article Outre-mer).

5.2.3. Textes d'application

La réforme appellera l'adoption d'un décret en Conseil d'Etat dans l'objectif de coordination entre les mesures législatives modifiées et les mesures règlementaires concernées222(*), notamment en matière indemnitaire.

CHAPITRE II - DIVERSES DISPOSITIONS PORTANT MODERNISATIONS PROCESSUELLES

Article 16 - Création d'un portail unique des déclarations de créances

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Lorsqu'une procédure collective est ouverte à l'égard d'une entreprise en difficulté, les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture doivent déclarer leurs créances au mandataire judiciaire désigné par le tribunal.

Aucune disposition, législative ou réglementaire, ne précise les modalités de cette déclaration. Une lettre simple suffit, la forme recommandée avec demande d'avis de réception ne constituant qu'un moyen de preuve.

La dématérialisation de cet acte de procédure a été envisagée dès la fin des années 2000. Le choix a alors été fait d'une plateforme d'échanges dématérialisés placée sous la responsabilité du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ).

La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, entrée en vigueur le 30 mars 2011, enjoignait ainsi au CNAJMJ la mise en place d'un portail électronique au plus tard le 1er janvier 2014.

Un premier portail, dénommé Creditors services, a en conséquence été mis en service le 12 octobre 2015, au lendemain de l'arrêté pris pour sa mise en oeuvre. Il a cependant fermé le 31 août 2021223(*). Le modèle économique, basé sur la gratuité du service, et le caractère facultatif de son utilisation ont été identifiés comme les causes principales de cet échec, dont il convient de tirer les leçons.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, dite « restructuration et insolvabilité » doit être transposée par la France, au plus tard le 17 juillet 2024.

L'article 28 de la directive prévoit que « les États membres veillent à ce que, dans les procédures de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, les parties à la procédure, le praticien et l'autorité judiciaire ou administrative soient en mesure d'effectuer par des moyens de communication électronique, notamment dans les situations transfrontalières, au minimum les actions suivantes : déclaration de créances, soumission de plans de restructuration ou de remboursement, notifications aux créanciers, introduction de contestations et de recours ».

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

A ce jour, un tel dispositif n'existe pas encore de manière totalement opérationnelle dans un autre pays.

Des travaux similaires de mise en place d'outils numériques permettant des déclarations de créances dématérialisées sont en cours dans les Etats membres ayant transposé la directive du 20 juin 2019.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le périmètre des fonctionnalités attendues du portail par l'article 28 de la directive (UE) 2019/1023 étant étendu (déclaration de créances, soumission de plans de restructuration ou de remboursement, notifications aux créanciers, introduction de contestations et de recours), il est nécessaire de redessiner le cadre existant en droit interne et de redéfinir les missions du Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (CNAMJ).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi par la directive est de « réduire encore la durée des procédures, faciliter une meilleure participation des créanciers aux procédures de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, et garantir des conditions similaires aux créanciers où qu'ils soient installés dans l'Union » (considérant 90).

La mise en place du portail électronique entend ainsi faciliter les démarches des tiers utilisateurs et améliorer le traitement procédures par les professionnels.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. VOIE ÉLECTRONIQUE

3.1.1. Option écartée : courrier électronique

La Cour de cassation voit dans la déclaration de créance un acte de procédure équivalent à une demande en justice. Il est donc nécessaire de pouvoir identifier le déclarant, le défaut de pouvoir constituant une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte224(*).

L'option consistant à procéder par simple courrier électronique a donc été écartée.

3.1.2. Option retenue : portail électronique

A ainsi été retenue l'option d'un portail électronique qui permet de s'assurer, à l'occasion de son inscription, de l'identité du tiers utilisateur.

3.2. ECHELLE

3.2.1. Option écartée : enjoindre à chaque mandataire de justice la mise en place de son propre portail

A été écartée l'option consistant à laisser chaque mandataire de justice se doter de son propre portail électronique. Une telle solution, si elle est plus libérale, présente l'inconvénient pour la profession de démultiplier les coûts de conception, d'utilisation et de développement du portail.

3.2.2. Option retenue : placer le portail électronique sous la responsabilité du CNAJMJ

A été retenue l'option consistant à confier au Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) la gestion d'un portail électronique unique des déclarations de créances.

Ce portail doit centraliser les déclarations de créances effectuées par voie électronique, les administrateurs et mandataires judiciaires étant tenus de l'utiliser pour la gestion dématérialisée des déclarations de créance.

La solution est avantageuse pour les créanciers qui disposent ainsi d'un guichet unique. Elle l'est particulièrement pour les grands remettants qui peuvent ne réaliser qu'une seule et même interface avec leur propre système informatique, sans devoir s'adapter aux spécificités qui seraient propres à chaque portail.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les dispositions législatives modifiées figurent au titre Ier du Livre VIII du code de commerce, relatives aux professions réglementées d'administrateur et de mandataire judiciaires. Il s'agit des articles suivants :

· L. 814-2, relatif aux compétences du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, qui fixe le périmètre des fonctionnalités et détermine les missions du conseil national ;

· L. 814-13, qui détermine les cas d'utilisation de la voie électronique et renvoie à un décret la liste des actes de procédure concernés.

Un décret et un arrêté devront ultérieurement être pris en application de ces textes pour préciser les modalités de fonctionnement du portail.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, dite « restructuration et insolvabilité », doit être transposée par la France. Le présent article transpose l'article 28 de ladite directive.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Le financement du portail électronique doit reposer sur deux fondements :

· La souscription par le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires d'un emprunt auprès de la Banque des territoires ;

· Le paiement par le tiers utilisateur d'une somme forfaitaire au moment de la déclaration de ses créances.

Le montant de l'emprunt n'est à ce jour pas déterminé précisément puisqu'il dépend notamment des contraintes techniques actuellement en cours de définition avec les deux SSII approchées par le CNAJMJ pour travailler sur le projet.

Le CNAJMJ propose de voir fixer une redevance d'un montant qui pourrait s'élever entre 4,00 € HT et 4,50 € HT, c'est-à-dire équivalent voir inférieur à celui d'une :

• Lettre verte d'un poids de 250 g, qui s'élève à 4,00 €.

• Lettre recommandée avec demande d'avis de réception d'un poids de 250 g, qui s'élève à 7,62 €.

Il convient à cet égard de rappeler que la forme recommandée n'est certes requise ni par la loi (articles L. 622-24 et L. 622-25), ni par le règlement (articles R. 622-23 et R. 622-24). L'envoi de la déclaration de créance par lettre recommandée permet cependant au créancier de se ménager la preuve du respect du délai de déclaration.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES SERVICES

La conception, l'exploitation et le développement du portail électronique devant être mis à la charge du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, les modifications envisagées n'ont pas d'impact ni en termes d'organisation judiciaire, ni en termes de ressources humaines.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La lettre recommandée électronique adressée par la voie du portail électronique est actuellement payante, de sorte que le principe de gratuité n'est pas absolu.

De même, les déclarations de créances papiers par voie postale sont d'un coût ci-dessus rappelé.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sera saisie du décret en Conseil d'Etat qui définira les modalités de fonctionnement du portail électronique.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions de cet article entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Des modifications des « compteurs LIFOU » sont nécessaires. Les dispositions modifiées (articles L. 814-2 et L. 814-13 du code de commerce) seront applicables dans les îles Wallis et Futuna en tant qu'elles concernent les administrateurs judiciaires.

5.2.3. Textes d'application

Les modalités d'application de cet article seront précisées par décret en Conseil d'Etat.

Article 17 - Déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La procédure de saisie des rémunérations est une mesure d'exécution forcée, qui permet à un créancier de prélever directement entre les mains de l'employeur de son débiteur une fraction de la rémunération du travail de ce dernier en paiement de sa créance. Elle coexiste avec la procédure de cession des rémunérations, qui permet à un salarié de céder volontairement à un ou plusieurs créanciers la quotité saisissable de ses rémunérations du travail. Ces procédures ont été à l'origine créées par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et son décret d'application n° 92-755 du 31 juillet 1992, puis codifiées à droit constant au sein du code du travail. Les dispositions relatives aux procédures de saisie et de cession des rémunérations sont aujourd'hui insérées au chapitre II du titre V du Livre II de la troisième partie du code du travail. Elle est prévue aux articles L.3252-1 à L.3252-13 de la partie législative du code de travail et décrite aux articles R.3252-1 à R.3252-49 de la partie réglementaire de ce code. L'emplacement des dispositions relatives à une procédure civile d'exécution dans le code du travail interroge quant à la cohérence et à la lisibilité du droit. 

1.1.1. La saisie des rémunérations

La procédure de saisie des rémunérations est une forme particulière de saisie des créances de sommes d'argent de droit privé, aux côtés de la saisie-attribution et de la procédure de paiement direct des pensions alimentaires. Comme toute mesure d'exécution forcée, elle ne peut être engagée par le créancier que s'il est muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ( art. L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution et art. R.3252-1 du code du travail). Les actes munis de la force exécutoire sont ceux énumérés à l' article L.111-3 du code des procédures civiles d'exécution (les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire et administratif, les sentences arbitrales exéquaturées, les actes notariés revêtus de la formule exécutoire, etc.).

En droit positif, l'ensemble des mesures d'exécution forcée mobilières de droit privé est mis en oeuvre, de manière exclusive, par les commissaires de justice en leur qualité d'officier public et ministériel chargé de l'exécution ( Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016, art. 1er I. (1°), article L.122-1 du code des procédures civiles d'exécution). Le contrôle juridictionnel s'effectue a posteriori par le juge de l'exécution lorsqu'une contestation est élevée par le débiteur. Certaines mesures d'exécution forcée mobilières conduisent d'ores et déjà, mais indirectement, à appréhender les revenus du travail bien qu'ils n'en soient pas spécialement l'objet. Il en est ainsi de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires du débiteur ( article L211-1 et s. du code des procédures civiles d'exécution), lesquels sont alimentés en tout ou en partie par les revenus du travail. D'autres mesures aboutissent à saisir directement les revenus du travail. Il en est ainsi de la procédure de paiement direct des pensions alimentaires ( art. L.213-1 et s. du code des procédures civiles d'exécution) ou de la saisie administrative à tiers détenteur (art. L.262 du livre des procédures fiscales) lorsqu'elles sont pratiquées entre les mains de l'employeur du débiteur. La saisie-attribution et la procédure de paiement direct des pensions alimentaires sont exclusivement mises en oeuvre par les commissaires de justice sans autorisation judiciaire préalable et la saisie administrative à tiers détenteur est confiée à l'administration, sans plus d'autorisation préalable. C'est pourquoi la mesure de saisie de rémunérations, en ce qu'elle est mise en oeuvre sur autorisation judiciaire, après échec d'une tentative préalable de conciliation menée par le juge, est particulièrement dérogatoire au droit commun des voies d'exécution mobilières.

Au-delà de son régime tout à fait dérogatoire au droit commun des voies d'exécution mobilières, les lourdeurs et les lenteurs de la procédure affaiblissent son attractivité. La demande en saisie des rémunérations est introduite par requête du créancier, remise ou adressée au greffe de la juridiction ( article R. 3252-13 du code du travail). Depuis la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, le juge de l'exécution connaît de manière exclusive de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ( article L.213-6, al. 5, du code de l'organisation judiciaire). Le juge de l'exécution territorialement compétent pour connaître de la saisie des rémunérations est celui du domicile du débiteur. Si celui-ci réside à l'étranger ou n'a pas de domicile connu, la procédure est portée devant le juge de l'exécution du lieu où demeure le tiers saisi (employeur). Ces règles de compétence sont d'ordre public ( art. R.3252-7 du code du travail). Les parties peuvent, en cette matière, se faire assister ou représenter devant le juge de l'exécution par un avocat, un officier ministériel du ressort ou tout mandataire de leur choix muni d'une procuration ( art. L.3252-11 du code du travail). La procédure est orale ( art. R. 3252-7 du code du travail). La procédure de saisie des rémunérations est précédée, à peine de nullité, d'une tentative de conciliation menée par le juge de l'exécution, en chambre du conseil ( art. R. 3252-12 du code du travail). Cette phase de la procédure de saisie vise à permettre aux parties prenantes de trouver un accord de règlement pour échelonner la dette. Si la tentative est couronnée de succès, l'accord entre le débiteur et le créancier suspend la procédure de saisie. Si, ultérieurement, le débiteur ne respecte pas les engagements pris à l'audience, le créancier peut demander au greffe de procéder à la saisie sans nouvelle conciliation ( art. R. 3252-18 du code du travail). Si le débiteur ne comparaît pas ou si les parties ne parviennent pas à se concilier, un procès-verbal de non-conciliation est dressé, et la saisie est autorisée après que le juge a vérifié le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, le cas échéant, tranché les contestations soulevées par le débiteur ( art. R. 3252-19 du code du travail).

En cas de saisie, le greffier rédige l'acte dans les huit jours et le notifie à l'employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ( art. R. 3252-6, R. 3252-31 et R. 3252-23 du code du travail). Une copie est adressée au débiteur ( art. R. 3252-23 du code du travail). L'employeur est soumis à des obligations déclaratives à l'égard du greffe. Il doit, sous peine d'une amende civile qui ne peut excéder 10.000 € et sans préjudice d'une condamnation à des dommages-intérêts, lui fournir, dans les quinze jours au plus tard à compter de la notification de l'acte de saisie, la situation de droit existant entre lui-même et le débiteur saisi, ainsi que les cessions, saisies, avis à tiers détenteur ou paiement direct de créances d'aliments en cours d'exécution ( art. L. 3252-9 du code du travail). Par ailleurs, dans les limites des sommes disponibles, l'employeur a l'obligation de verser mensuellement les retenues pour lesquelles la saisie des rémunérations est pratiquée ( art. L. 3252-10, al. 1er du code du travail). A défaut de versement, l'employeur peut être condamné au paiement des causes de la saisie des rémunérations par ordonnance de contrainte du juge de l'exécution (art. L. 3252-10 et R. 3252-18 du code du travail). La répartition des sommes versées est effectuée au moins tous les six mois, jusqu'à apurement de la dette, par le régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire ou de l'une de ses chambres de proximité ( art. R3252-34 du code du travail).

Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut, sans tentative de conciliation préalable, intervenir, par voie de requête, à une procédure de saisie des rémunérations en cours, afin de participer à la répartition des sommes saisies ( art. R. 3252-30 du code du travail). L'intervention est autorisée après que le juge a vérifié le montant, en principal, intérêts et frais, de la créance nouvelle qui en fait l'objet.

La saisie peut être contestée à tout moment au cours de son exécution, y compris lorsqu'un procès-verbal de non conciliation a été établi. Les contestations postérieures à la saisie des rémunérations sont formées, instruites et jugées selon les règles de la procédure orale ordinaire devant le tribunal judiciaire ( art. R. 3252-8 du code du travail). Elles sont en conséquence formées par requête lorsque le montant de la créance n'excède pas 5 000 € et par assignation au-delà de ce montant ( art. 750 du code de procédure civile).

La procédure de saisie des rémunérations est un contentieux de masse. Elle représentait sur l'ensemble du territoire national 123 739 requêtes en 2017, 121 335 en 2018 et 124 513 en 2019. A cela s'ajoutent les incidents de saisie. Ainsi, les requêtes en intervention de créanciers tiers étaient au nombre de 44 244 en 2017, 42 983 en 2018 et 43 197 en 2019. Les ordonnances de contraintes délivrées à l'encontre des tiers saisis s'élevaient à 1 364 en 2017, 1 465 en 2018 et 1 495 en 2019. Enfin, les contestations des mesures en cours d'exécution représentaient 1 845 dossiers en 2017, 2 092 en 2018 et 2 181 en 2019225(*).

Le ministère de la justice ne dispose pas de données statistiques relatives à la durée moyenne de la procédure séparant le dépôt de la requête et l'audience de conciliation à l'issue de laquelle, si les conditions sont réunies, la saisie est autorisée à défaut d'accord des parties. Il est toutefois certain qu'une grande partie des mesures de saisie des rémunérations s'étirent sur plusieurs années lorsque les sommes à recouvrer sont importantes et que les revenus des débiteurs sont faibles, dès lors que les sommes saisissables sont limitées par un barème impératif.

1.1.2. La cession des rémunérations

La cession des rémunérations est un mécanisme conventionnel tripartite de paiement des obligations pécuniaires. Le salarié débiteur (cédant) consent à son créancier (cessionnaire) une fraction de ses rémunérations, dans la limite de la quotité saisissable, directement versée à ce dernier par son employeur (cédé). La cession des rémunérations ne fait l'objet d'aucune définition légale ou réglementaire.

Au plan procédural, elle s'opère par une déclaration du salarié au greffe du tribunal judiciaire où il demeure ( art. R 3252-45 du code du travail). Le greffier rédige la déclaration de cession et vérifie que le cédant ne fait pas déjà l'objet d'une saisie ou d'une autre cession. A la demande du cessionnaire, le greffier notifie la cession à l'employeur dans le délai d'un an à peine de péremption, et la dénonce au débiteur ( art. R3252-46 du code du travail). A compter de cette notification, l'employeur verse directement au cessionnaire le montant des sommes cédées dans la limite de la fraction saisissable ( art. R3252-47 du code du travail). Cette mesure, quoi que de nature conventionnelle, est partiellement judiciarisée en raison des articulations qu'implique la survenance d'une procédure de saisie des rémunérations ultérieure. Des dispositions spécifiques régissent en effet le sort de ce concours de procédures. Ainsi, lorsqu'une saisie est pratiquée après la mise en oeuvre d'une cession des rémunérations, le greffier notifie l'acte de saisie au cessionnaire et l'informe qu'en application de l' article L. 3252-12 du code du travail, il viendra en concours avec le saisissant pour la répartition des sommes saisies. Le greffier l'invite également à produire un relevé du montant de ce qui lui reste dû. Le greffier informe l'employeur que les versements sont désormais effectués à l'ordre du régisseur ( art. R3252-48 du code du travail). Si la saisie prend fin avant la cession, le cessionnaire retrouve les droits qu'il tenait de l'acte de cession : le greffier en avise l'employeur et l'informe que les sommes cédées sont à nouveau versées directement au cessionnaire. Il en avise également ce dernier ( art. R3252-49 du code du travail).

La cession des rémunérations souffre d'un manque d'attractivité car elle est soumise à un formalisme relativement lourd comparé à un simple remboursement de créance. Cette procédure représentait ainsi 11 908 dossiers en 2017, 8 329 en 2018 et 6 765 en 2017. Elle est d'un usage nettement inférieur à la procédure de saisie des rémunérations.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le droit à l'exécution des décisions de justice figure aujourd'hui au rang des principes à valeur constitutionnelle. Dans une décision du 6 mars 2015226(*), rendue sur question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a consacré ce droit sur le fondement de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 comme une composante à part entière du droit au recours effectif. Cette consécration a été rappelée dans une autre décision du 17 novembre 2017227(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le droit à l'exécution des décisions de justice a également été consacré en droit européen des droits de l'homme. La Cour européenne des droits de l'homme a tout d'abord jugé dans un arrêt fondateur Hornsby c/ Grèce du 19 mars 1997228(*) que l'exécution d'un jugement doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales . Elle juge ainsi que « le droit d'accès à un tribunal serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un État contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie (...) l'exécution d'un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du procès au sens de l'art. 6 ». Après avoir réitéré cette consécration dans de nombreuses décisions (V. nota affaire Scordino c. Italie229(*)), la Cour de Strasbourg a jugé qu'un délai d'exécution déraisonnablement long d'un jugement définitif pouvait constituer une violation de la Convention (affaire Bourdov c/ Russie230(*)). De manière plus générale, elle fait du droit à l'exécution des décisions de justice une obligation positive des Etats (V. nota. affaire Burdov c/ Russie précitée et affaire Lunari c/ Italie231(*)).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La procédure de saisie des rémunérations actuelle souffre d'un déficit d'attractivité du fait de sa lenteur (le délai d'audiencement des requêtes peut dépasser une année, le délai entre la requête et le premier paiement entre les mains du créancier atteint parfois deux ans) et de la complexité attachée au formalisme d'une procédure judiciaire. Elle pâtit également d'un grand manque de lisibilité : seule procédure civile d'exécution mobilière conditionnée à une autorisation judiciaire préalable, ses dispositions sont en outre dispersées entre le code du travail et le code des procédures civiles d'exécution. Ces disparités de régime juridique et de codification ne sont pas justifiées.

Les dispositions envisagées ont donc pour objectif d'harmoniser le régime de la procédure de saisie des rémunérations avec celui de l'ensemble des mesures d'exécution mobilières. Celles-ci sont faiblement litigieuses, et ne justifient pas un contrôle systématique préalable du juge.

Elles visent également à rendre cette procédure plus dynamique et à en favoriser l'attractivité au moyen d'un schéma procédural renouvelé et adapté à sa mise en oeuvre par les commissaires de justice. Elles favoriseront la mise en oeuvre de la saisie et de la répartition des fonds entre les créanciers plus rapidement.

Elles doivent en outre articuler les procédures de saisie et de cession des rémunérations lorsqu'elles viennent en concours, et d'apporter une définition légale à la procédure de cession des rémunérations. Les dispositions nouvelles ont enfin pour but de redonner à la procédure de saisie des rémunérations une meilleure lisibilité tant en ce qui concerne son régime juridique que sa codification.

Le maintien des dispositions législatives actuelles ne permettrait pas de transférer la compétence de la procédure de saisie des rémunérations aux commissaires de justice ni de fixer les modalités de mise en oeuvre de la procédure nouvelle par ces derniers.

Le code de l'organisation judiciaire attribue aujourd'hui compétence au seul juge de l'exécution pour connaître de la procédure de saisie des rémunérations. En outre, les dispositions contenues dans le code du travail ont trait à la procédure de saisie des rémunérations qui revêt une nature essentiellement judiciaire.

Les dispositions actuelles sont donc inadaptées pour répondre aux objectifs de la réforme.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les règles nouvelles tendent à confier aux commissaires de justice la mise en oeuvre de la saisie des rémunérations selon un modèle très proche de la procédure actuelle décrite au point 1.1.1 et selon les mêmes conditions.

Elles s'opèrent selon trois axes : en premier lieu, elles visent de manière générale à replacer la procédure de saisie des rémunérations dans le régime de droit commun des mesures d'exécution forcée mobilières ; en deuxième lieu, elles doivent plus particulièrement à recentrer l'office du juge de l'exécution dans sa première acception, qui est de trancher les contestations qui naissent à l'occasion de l'exécution forcée quand il est expressément saisi à cet fin par les débiteurs ; en dernier lieu, elles s'appliquent à transférer les dispositions relatives à la procédure de saisie des rémunérations au sein du code des procédures civiles d'exécution, tout en maintenant les dispositions relatives à la protection du salaire au sein du code du travail.

Elles poursuivent un objectif de revalorisation de cette mesure d'exécution forcée, dont la mise en oeuvre longue et lourde pour le créancier est particulièrement dissuasive alors qu'elle offre au débiteur la possibilité de régler ses dettes de manière échelonnée et donc moins brutale qu'une saisie des comptes bancaires.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

L'impossibilité légale de confier la mise en oeuvre de la procédure de saisie des rémunérations à des professionnels autres que les commissaires de justice, ainsi que l'insuffisance d'une réforme de niveau réglementaire visant à adapter la procédure de saisie des rémunérations ne permettent pas d'envisager d'autres options que celle retenue.

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'option retenue permet, conformément au droit commun des mesures d'exécution forcée mobilières, de concilier les différents droits en présence, à savoir, le droit des créanciers à l'exécution des décisions de justice au sens large, et la nécessaire protection des débiteurs par un contrôle juridictionnel a posteriori fondé sur l'exercice, par ces derniers, de contestations à tout moment de l'exécution de la mesure.

Bien que la nouvelle procédure de saisie des rémunérations s'inspire largement de la procédure actuelle, elle impose de créer intégralement les nouvelles modalités procédurales de mise en oeuvre par les commissaires de justice sans intervention judiciaire préalable.

La saisie des rémunérations est pratiquée après la délivrance au débiteur d'un commandement de payer, qui est assorti d'un délai suspensif d'un mois lui permettant de contester la validité de la mesure devant le juge de l'exécution ou de conclure un accord avec le créancier sur les modalités de paiement.

Le procès-verbal constatant l'accord suspend la saisie des rémunérations : il est en effet essentiel que la recherche d'un accord ne soit pas dissuasive pour le créancier, et que celui-ci ne soit donc pas contraint de recommencer intégralement sa procédure si le débiteur ne respecte pas les termes de l'accord, ou si un tiers souhaite mettre en oeuvre une procédure de saisie pour le recouvrement d'une autre créance. Il est ainsi prévu que la saisie reprend à l'initiative du créancier en cas de non-respect par le débiteur de l'accord ou en cas de signification au premier créancier saisissant d'un acte d'opposition.

La saisie s'opère par la délivrance d'un procès-verbal de saisie des rémunérations par le commissaire de justice à l'employeur du débiteur. L'employeur tiers saisi est tenu de déclarer au créancier saisissant l'existence de mesures de saisie antérieures. Cette obligation déclarative est assortie des mêmes sanctions qu'actuellement.

Concomitamment à la saisie, le créancier procède aux formalités d'attribution de la saisie à un commissaire de justice chargé de recevoir les versements effectués par l'employeur et de répartir ensuite les sommes saisies aux créanciers. Une liste des commissaires de justice répartiteurs est arrêtée par la Chambre nationale des commissaires de justice.

La réforme repose sur la création d'un registre numérique des saisies des rémunérations, placé sous l'autorité de la Chambre nationale des commissaires de justice. Ce registre est destiné à recenser les mesures en cours afin de permettre notamment aux créanciers d'intervenir à la répartition des sommes saisies, ou susceptibles de l'être en cas d'accord de règlement.

Le débiteur dispose d'un droit de contester la mesure à tout moment de son exécution selon les modalités prévues par le code des procédures civiles d'exécution : il est expressément prévu que le recours introduit au démarrage de la procédure, dans le mois suivant la délivrance du commandement, est le seul qui suspend la mise en oeuvre de la saisie.

A cette occasion, le juge de l'exécution sera amené, à la demande du débiteur, à contrôler tout à la fois la proportionnalité de la mise en oeuvre de la saisie des rémunérations par rapport au montant de la créance à recouvrer, et la proportionnalité des frais d'exécution antérieurs dont le recouvrement est poursuivi à l'occasion de la saisie des rémunérations.

En outre, le Gouvernement prévoira par décret en Conseil d'Etat des mécanismes visant à préserver et concilier les intérêts des débiteurs, des créanciers et des commissaires de justice, tels qu'un plafonnement du nombre d'actes d'exécution ou du montant des frais des commissaires de justice mis à la charge des débiteurs, ou un étalement de ces frais.

Par ailleurs, le principe de proportionnalité des actes d'exécution forcée est pleinement intégré dans les obligations déontologiques des commissaires de justice. Il pourra notamment faire l'objet d'un contrôle de la Chambre Nationale des Commissaires de Justice sur les frais et le tarif appliqué à la procédure de saisie des rémunérations. Ainsi, il pourra être spécialement prévu un contrôle des dossiers du commissaire de justice saisissant et du commissaire de justice répartiteur lors des inspections annuelles de comptabilité.

La procédure de cession des rémunérations est définie à cette occasion et articulée expressément avec la saisie des rémunérations, sans modification de fond.

La réforme de fond est enfin l'occasion d'insérer l'ensemble des dispositions régissant la procédure de saisie des rémunérations - à l'exception de la définition des sommes cessibles ou saisissables - dans le code des procédures civiles d'exécution, lequel regroupe l'ensemble des mesures d'exécution forcée de nature civile.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure permet de recréer un dispositif juridique sécurisé sur le modèle de celui qui existe pour les autres mesures d'exécution forcée mobilières. Elle aboutira à une restructuration de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des procédures civiles d'exécution pour y inclure les nouvelles dispositions relatives à la procédure de saisie des rémunérations, ainsi que celles relatives à son articulation avec la procédure de cession des rémunérations.

L'article L. 212-2 devient L. 212-15 et L. 212-3 devient l'article L. 212-16.

Par ailleurs, les articles L. 121-4, L. 211-1 et L. 213-5 du même code sont modifiés.

Dans le code du travail, l'article L. 3252-4 est modifié et les articles L. 3252-8, L. 3252-9, L. 3252-10, L. 3252-11, L. 3252-12 et L.3252-13 sont abrogés.

Des dispositions de coordination sont en outre nécessaires, notamment dans le code de la sécurité sociale (article L. 133-4-9) ou dans le code de l'organisation judiciaire (article L. 213-6)

L'article 16 de l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice est modifiée.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure législative ne nécessite aucune articulation avec le droit international puisqu'elle ne remet pas en cause les règles relatives aux immunités d'exécution.

Le droit des mesures d'exécution relève de la compétence des Etats en tant qu'il exprime l'exercice de leur souveraineté. Seules les autorités nationales de l'Etat d'exécution ont le pouvoir de contrainte nécessaire à la mise en oeuvre des voies d'exécution.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Le dispositif envisagé n'aura pas d'impacts économiques sur les entreprises autres que ceux qui existent déjà avec l'actuelle procédure de saisie des rémunérations. Ces impacts économiques sont relatifs aux dispositions, maintenues, permettant de condamner les entreprises, en leur qualité d'employeur tiers saisi, à une amende civile en cas de manquement à leurs obligations déclaratives à l'égard des créanciers saisissants ou au paiement des causes de la saisie lorsqu'elles ne procèdent pas aux retenues.

4.2.3. Impacts budgétaires

La réforme fera mécaniquement baisser l'activité des services du juge de l'exécution, cantonnée à la seule connaissance des contestations élevées dans le cadre de l'exécution d'une mesure de saisie des rémunérations. Il en résulte qu'une diminution du nombre de magistrats exerçant les fonctions de juge de l'exécution et de greffiers affectés à ce contentieux est attendue. De même, une diminution de l'activité des régisseurs d'avances et de recettes des tribunaux judiciaires est à prévoir.

Les économies permises par ce nouveau dispositif sont de deux ordres : en effectifs et en frais de notification.

D'une part, la réforme devrait permettre, à compter de 2025, une économie potentielle de 4,9 M€ en masse salariale, correspondant à une économie de 140 ETP (répartis pour moitié entre greffiers et agents de catégorie C).  Cette estimation tient compte de l'effet de granularité résultant du fait que les effectifs employés sur les fonctions de saisie-rémunérations sont répartis sur 250 tribunaux judiciaires ou tribunaux de proximité, et ne consacrent pour la majorité, qu'une fraction de leur temps de travail à cette mission.

D'autre part, la procédure actuelle impose au greffe de nombreuses notifications, intervenant à chaque étape de la procédure (audience de tentative de conciliation, décision autorisant la saisie, mise en place et gestion de la saisie) qui sont supprimées. Des économies pourront ainsi être générées sur les frais de notifications (via lettres RAR notamment) qui ne seront plus émises. Sur la base d'une estimation de 946 000 lettres simples ou lettres RAR adressées par les juridictions aux parties chaque année dans le cadre de l'actuelle procédure, l'économie potentielle serait de 4,2 M€. La réforme s'inscrit ainsi dans l'objectif « zéro papier » poursuivi par le ministère de la justice.

A contrario, le transfert de la mission vers les commissaires de justice pourrait conduire à une augmentation des frais de justice dépendant de la tarification et du mode de prise en charge retenu, étant néanmoins indiqué que la réforme, qui inscrit les saisies des rémunérations dans le droit commun, suppose en principe que les frais inhérents à l'intervention des commissaires de justice sont à la charge finale du débiteur. Cette augmentation serait en tout état de cause moindre que les économies envisagées.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

La réforme a un impact très fort sur la profession de commissaire de justice qui sera en charge de la mise en oeuvre complète de la procédure de saisie des rémunérations.

Elle impose tout d'abord d'organiser, au sein de la profession, la sélection et la formation de certains commissaires de justice qui seront amenés à assumer les fonctions de commissaire de justice répartiteur. Ils devront particulièrement être formés aux règles de répartition des fonds saisis entre les différents créanciers.

Plus largement, l'organisation des offices de commissaires devra être adaptée matériellement et humainement à la volumétrie et au traitement des dossiers. Cette nouvelle compétence nécessitera par ailleurs des actions de formation pour l'ensemble des commissaires de justice à l'utilisation du registre numérique des saisies des rémunérations et des logiciels associés.

Des impacts sur la responsabilité civile professionnelle des commissaires de justice sont également à prévoir du fait de cette nouvelle activité. Toutefois, leur responsabilité civile professionnelle est déjà mobilisée en cas de sinistre notamment pour l'ensemble des voies d'exécution dont ils ont aujourd'hui exclusivement la charge en leur qualité d'officier public et ministériel chargé de l'exécution.

Enfin, il sera nécessaire d'organiser le transfert informatique et matériel des dossiers en cours depuis les juridictions vers les offices de commissaire de justice. Ce transfert devra faire l'objet d'un plan d'action organisé conjointement par le ministère de la justice et la Chambre nationale des commissaires de justice.

Conformément à la directive (UE) 2018/958 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 relative à un contrôle de proportionnalité, les nouvelles mesures envisagées ont fait l'objet d'un contrôle de proportionnalité.

Celles-ci ne prévoient aucune limite à l'accès à la profession réglementée de commissaire de justice.

Comme cela a été précédemment exposé, l'ensemble des mesures d'exécution forcée mobilières de droit privé est déjà mis en oeuvre, de manière exclusive, par les commissaires de justice en leur qualité d'officier public et ministériel chargé de l'exécution ( Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016, art. 1er I. (1°), article L.122-1 du code des procédures civiles d'exécution). Les nouvelles dispositions visent seulement à modifier la procédure de saisie des rémunérations en prévoyant, comme pour les autres mesures d'exécution, un contrôle juridictionnel a posteriori du juge de l'exécution lorsqu'une contestation est élevée par le débiteur. Ces nouvelles dispositions visent ainsi à harmoniser le régime des mesures d'exécution mobilières, à rendre la procédure de saisie de rémunération plus dynamique, à en favoriser l'attractivité et la mise en oeuvre en assurant, notamment, une répartition plus rapide des fonds entre les créanciers.

Ces dispositions répondent ainsi à l'objectif d'intérêt général de bonne administration de la justice, qui est, comme cela a été précédemment expliqué, poursuivi de manière cohérente et systématique. La réserve d'activité des commissaires de justice et leur formation protègent le consommateur en lui offrant un service d'expertise efficace. Ces nouvelles mesures s'appliquent sans aucune discrimination. Elles n'ont pas d'incidence sur la libre circulation des personnes et des services au sein de l'Union.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les mesures législatives ont un impact procédural neutre pour les débiteurs puisque les dispositions ne modifient pas substantiellement les modalités de mise en oeuvre de la procédure de saisie des rémunérations. En revanche, elles auront un impact très favorable pour les créanciers qui pourront obtenir la mise à exécution plus rapidement de leur titre exécutoire qu'aujourd'hui.

Au plan économique, actuellement, la procédure de saisie des rémunérations pour les parties comme la répartition effectuée par les régisseurs d'avances et des recettes des tribunaux judiciaires sont gratuites, en ce sens qu'il n'est demandé aucun droit ou contribution, au créancier comme au débiteur.

Il importe toutefois de préciser que la demande en saisie des rémunérations est, dans la majorité des cas, introduite par les commissaires de justice mandatés par les créanciers. Les créanciers doivent donc faire l'avance des honoraires des commissaires de justice qu'ils font le choix de mandater. Ces frais peuvent être in fine recouvrés en partie contre les débiteurs dans la limite des frais tarifés considérés comme frais d'exécution. De la même manière, il arrive que certains débiteurs ou créanciers fassent le choix de se faire assister ou représenter par un avocat. Lorsqu'ils ne sont pas bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale, ils assument le paiement d'une partie ou de la totalité des honoraires de leur avocat.

Comparées au régime antérieur, les mesures législatives auront un impact financier sur les débiteurs puisque la procédure de saisie des rémunérations sera entièrement conduite par les commissaires de justice. Il est ainsi prévu la délivrance obligatoire de certains actes par les commissaires de justice (commandement, procès-verbal de saisie, dénonciation...) qui correspondent à des démarches qui étaient assumées gratuitement par le greffe des juridictions.

Ces actes donneront logiquement droit à rémunération du commissaire de justice et du commissaire de justice répartiteur, dont la charge finale incombera au débiteur en complément de la créance à recouvrer en principal, frais et intérêts ainsi que des actes d'exécution antérieurs non compris dans la procédure de saisie des rémunérations (sommation de payer, commandement de payer aux fins de saisie-vente, procès-verbal de saisie, procès-verbal de saisie-attribution).

La rémunération des professions règlementées, auxquelles appartient la profession de commissaire de justice, est régie par divers textes dont le principal est la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite loi « CAECE »). Les articles L. 444-1 et suivants du code de commerce, issus de cette loi, fixent notamment le principe suivant lequel les activités exercées en monopole par les professionnels concernés sont rémunérées suivant des tarifs arrêtés conjointement par le ministre chargé de l'économie et le ministre de la justice. Les activités en concurrence font, quant à elles, l'objet de conventions d'honoraires entre les professionnels et leurs clients.

La nouvelle procédure de saisie des rémunérations intègre sans modification du droit positif les activités monopolistiques existantes, dès lors que l'article 1er de l' ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice confie à cette profession la qualité pour « ramener à exécution les décisions de justice ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire ».

Les prestations réalisées par les commissaires de justice devront donc faire l'objet d'une tarification. Pour déterminer les tarifs des prestations, plusieurs facteurs quantitatifs et qualitatifs doivent être pris en compte : la volumétrie des actes concernés, le temps de travail inhérent à chaque prestation ainsi que le niveau de qualification requis pour la réalisation de ces tâches. Une analyse comparative entre les nouvelles prestations et des prestations existantes similaires pourrait également permettre d'affiner le choix du tarif retenu. Il conviendra de prendre en considération le coût de développement des outils informatiques nécessaires à la réalisation des prestations.

A titre purement indicatif, en prenant en compte des prestations existantes assez proches des prestations envisagées dans le cadre de la nouvelle procédure de saisie des rémunérations, les tarifs pourraient être les suivants : 

Prestation envisagée

Prestation similaire

Tarif potentiel

Commandement de payer aux fins de saisie des rémunérations

Commandement de payer et dénonciation au débiteur de l'acte de conversion en saisie-vente de la saisie conservatoire des droits d'associé et des valeurs mobilières

27,66 €

Procès-verbal de saisie des rémunérations

Procès-verbal d'offres réelles

32,98 €

Procès-verbal d'accord

   

Signification du procès-verbal de saisie des rémunérations

Signification au tiers saisi du certificat de non-contestation

27,66 €

Dénonciation au débiteur du procès-verbal de saisie des rémunérations

Dénonciation au débiteur de la saisie-vente pratiquée entre les mains d'un tiers détenteur

32,98 €

Formalité de publication de la procédure sur le registre

Inscription, y compris radiation totale d'une inscription non périmée d'un acte de gages sur meubles corporels (prestation réalisée par les greffiers de tribunal de commerce)

Selon le montant de la créance en jeu, il est possible d'avoir des tarifs différents :

7,81 € (inférieur à 7 800 €),

16,72 € (de 7 800 € à 20 800 €), 50,16 € (supérieur à 20 800 €)

Signification du procès-verbal d'opposition

Signification au tiers saisi du certificat de non-contestation

27,66 €

Les prestations relatives aux commissaires de justice répartiteurs ne peuvent pas, en l'état des travaux, faire l'objet d'une estimation tarifaire. En effet, il ne semble pas exister de prestations équivalentes en l'état du droit à celles qui vont naître de l'adoption de ce projet. Il sera nécessaire à cette fin de définir les prestations réalisées par les commissaires de justice répartiteurs.

L'arrêté établissant le tarif de ces prestations ne pourra être travaillé, en lien avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qu'une fois les dispositions législatives et réglementaires stabilisées, afin de disposer d'une vision globale de la procédure.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le présent article a été rédigé en concertation avec des représentants de la chambre nationale des commissaires de justice.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

Le comité social d'administration spécial des services judiciaires (CSA SJ) a été facultativement informé le 16 mars 2023 (après reconvocation pour absence de quorum le 6 mars).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Le présent article entrera en vigueur à une date qui sera fixée par décret en Conseil d'Etat au plus tard le 1er juillet 2025. Il est applicable aux procédures en cours à cette date.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions seront applicables sur tout le territoire sauf à Wallis et Futuna (Cf. étude d'impact de l'article Outre-mer).

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire afin, d'une part, d'abroger les dispositions réglementaires actuelles régissant la procédure de saisie des rémunérations et, d'autre part, d'insérer dans le code des procédures civiles d'exécution les nouvelles dispositions précisant et déclinant la procédure nouvelle.

Un arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre de la justice sera en outre nécessaire pour fixer la tarification des actes nouveaux.

Article 18 - Dispositions relatives à la légalisation des actes étrangers

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les actes publics (actes de l'état civil, jugements, actes notariés, actes administratifs, etc.) produisent des effets dans l'Etat dans lequel ils ont été établis, sans nécessité de formalité supplémentaire, dès lors qu'ils y sont connus et réglementés.

En revanche, pour pouvoir produire un effet en France, les actes publics étrangers doivent faire préalablement l'objet, hors cas de dispense ou de formalité simplifiée, d'une formalité administrative (cf. détails infra dans le 1.2), la légalisation, qui vise à établir la véracité de la signature ainsi que la qualité de leur signataire. La légalisation est formalisée par l'apposition d'un cachet sur l'acte lui-même.

La légalisation est ainsi, sauf convention internationale contraire, une formalité administrative indispensable à l'admission en France des actes publics établis par une autorité étrangère.

Cette simple formalité administrative ne garantit pas la sincérité du contenu de l'acte ou sa régularité. A titre illustratif, la légalisation de la copie d'un acte étranger de l'état civil ne dispense pas l'autorité française devant laquelle elle est produite de s'assurer du respect de l'ensemble des conditions de l'article 47 du code civil (notamment que l'acte a été dressé dans le respect de la loi étrangère)232(*).

La procédure de légalisation d'un acte public étranger destiné à produire des effets en France impose en principe une double vérification :

1) pré-légalisation de l'acte par l'autorité compétente de l'État émetteur (généralement le ministère des affaires étrangères local qui authentifie la signature, la qualité et le sceau du signataire, par exemple d'un officier de l'état civil qui a délivré la copie d'un acte de naissance) ;

2) puis une légalisation par l'ambassade ou le consulat de France en résidence dans l'Etat émetteur de l'acte public étranger (authentification de la signature, de la qualité et du sceau de l'autorité compétente de l'Etat émetteur).

1.2. CADRE COUTUMIER

Le principe de légalisation est apparu en droit français dans l'ordonnance royale sur la marine d'août 1681, qui prévoyait que « tous actes expédiés dans les pays étrangers où il y aura des consuls ne feront aucune foi en France s'ils ne sont pas par eux légalisés » (article 23 du titre IX du livre Ier).

Cette ordonnance royale, complétée à plusieurs reprises, a fondé en droit français l'exigence de légalisation des actes publics étrangers jusqu'à l' ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques (ratifiée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures) qui l'a abrogée par erreur233(*), dénuant ainsi la légalisation de toute base légale.

La légalisation a tout de même été maintenue dans notre droit par la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle a retenu la coutume internationale comme source du principe exigeant la légalisation des actes publics étrangers234(*). Comme le relèvent, en effet, les travaux préparatoires à la convention de La Haye de 1961235(*), la légalisation « fait partie de la pratique consulaire de tous les pays membres qui s'appuie soit sur des textes législatifs de portée générale (par ex. Espagne, Portugal), soit sur des textes simplement réglementaires mais de portée générale (par ex. Belgique), soit sur des textes législatifs ou réglementaires spéciaux à certains cas déterminés (par ex. Suède), soit enfin sur la simple coutume ».

Dans la mesure où l'ordonnance royale avait été abrogée par erreur dans le cadre d'une loi de simplification, le législateur français avait estimé opportun de réintroduire l'exigence de légalisation dans la loi française. Le principe de légalisation a ainsi été réaffirmé à l'article 16 II de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, lequel avait renvoyé à un décret236(*) en Conseil d'Etat le soin de déterminer les actes publics concernés et de fixer les modalités de leur légalisation. Par une décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel a censuré les premier et troisième alinéas du II de l'article 16 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, faute pour celui-ci de prévoir une voie de recours en cas de refus de légalisation par l'autorité compétente. Le Conseil constitutionnel a reporté les effets de la censure au 31 décembre 2022, en raison de conséquences manifestement excessives qu'aurait entraînées une censure immédiate.

Le Conseil d'Etat237(*) a tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, en annulant le décret n°2020-1370 du 10 novembre 2020 avec effet différé au 31 décembre 2022.

En conséquence, depuis le 1er janvier 2023, le principe de légalisation, s'il s'impose sur le fondement de la coutume internationale, ne dispose plus de base légale. Il est donc primordial de réintroduire à brefs délais dans la loi le principe de légalisation des actes publics étrangers.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Si la légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France est le principe, celui-ci est écarté en cas de dispense de légalisation prévue par un règlement européen et des conventions bilatérales ou multilatérales conclues par la France, ainsi que dans les cas où la légalisation est remplacée par la formalité simplifiée de l'apostille.

S'agissant de la dispense de légalisation, la France a ratifié de nombreuses conventions qui emportent dispense de légalisation des actes publics étrangers, dont notamment :

- les conventions de la Commission internationale238(*) de l'état civil n°2 et 17 ;

- de nombreuses conventions bilatérales (Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962, accord franco-camerounais du 21 février 1974, accord franco-centrafricain du 18 janvier 1965...).

Le règlement n°2016/1191 du 6 juillet 2016 dit « légalisation des documents publics » supprime également l'exigence de légalisation ou autre formalité équivalente afin de faciliter la libre circulation de certains documents publics (actes de l'état civil et relevés de casier judiciaire principalement) entre les Etats membres de l'Union européenne. En cas de « doute raisonnable » sur l'authenticité des actes publics étrangers, une demande d'information peut être faite par l'intermédiaire d'une plateforme dédiée.

S'agissant de l'allègement du formalisme de la légalisation, la convention de La Haye du 5 octobre 1961239(*), à laquelle la France est partie, a remplacé la légalisation des actes publics par la formalité simplifiée nommée « apostille » (cachet unique sur l'acte). Contrairement à la légalisation, seul l'Etat d'émission de l'acte intervient dans la formalité d'authentification de l'acte public. L'apostille consiste, après la vérification de la qualité, du sceau et de la signature de l'auteur de l'acte, en l'apposition sur l'acte lui-même d'un timbre, l'« apostille », conforme à un modèle annexé à la convention. Cet acte peut ensuite être produit dans l'Etat étranger partie à la convention.

Malgré la dispense de légalisation dans certaines conventions et le règlement européen précité, ainsi que la simplification du formalisme de la légalisation par l'apostille240(*), la légalisation des actes publics étrangers reste une formalité encore largement utilisée comme en témoignent les chiffres.

Chaque année en France, environ 25 000 actes publics étrangers sont légalisés par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises en résidence dans l'Etat étranger émetteur de l'acte public destiné à être produit en France.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Si le principe de légalisation n'était pas réintroduit dans la loi, la légalisation des actes publics étrangers reposerait à compter du 1er janvier 2023 uniquement sur la coutume internationale, comme cela était le cas entre l'abrogation par erreur de l'ordonnance royale de la marine et sa réintroduction dans la loi n°2019-222 du 23 mars 2019.

Or, dans ses rapports annuels entre 2009 et 2016, la Cour de cassation avait plaidé la nécessité d'instaurer une base légale textuelle à l'obligation de légalisation, afin d'« assurer la stabilité et la sécurité juridiques que requiert un principe comme la légalisation »241(*).

Le rétablissement du principe de légalisation dans la loi permettrait donc d'assurer une certaine sécurité juridique.

Il est en conséquence nécessaire de réintroduire rapidement dans la loi française le principe de la légalisation des actes publics étrangers et de prévoir un recours contre le refus de légalisation, afin de tirer toutes les conséquences de la censure constitutionnelle.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La censure du II de l'article 16 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 par le Conseil constitutionnel et l'annulation par le Conseil d'Etat du décret en découlant ont pour conséquence de priver le principe de légalisation des actes publics étrangers de base textuelle.

Aussi, l'objectif poursuivi par cet article est de rétablir dans la loi l'exigence de légalisation des actes publics étrangers, tout en tenant compte du motif ayant conduit à la censure, à savoir l'absence de voie de recours contre un refus de légalisation par l'autorité compétente.

La légalisation est également une formalité administrative essentielle permettant de lutter contre la fraude documentaire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Néant.

3.2. OPTION RETENUE

Il est proposé de compléter par trois alinéas, le II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Le principe de légalisation des actes publics étrangers est réintroduit au premier alinéa de cet article, en indiquant que sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. Pour tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel, il est également précisé le recours en cas de refus de légalisation par l'autorité compétente.

La légalisation étant une simple formalité administrative destinée à authentifier une signature et une qualité, le recours contre un refus de légalisation opposé par une autorité française pourra être porté devant le juge administratif selon les voies de droit commun, quelle que soit la nature de l'acte public concerné.

Les actes publics concernés et les modalités de la légalisation sont renvoyés à un décret pris en Conseil d'Etat.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les dispositions complétant le II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice visent uniquement à redonner une base légale textuelle au principe bien connu en droit français de légalisation des actes publics étrangers, ainsi qu'à préciser que le refus de légalisation peut être contesté devant le juge administratif selon les voies de droit commun.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Les dispositions complétant le II de l'article 16 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice permettront une meilleure accessibilité au droit et une sécurité juridique nécessaire tant pour les citoyens que pour les autorités administratives et juridictionnelles.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les présentes dispositions n'entraînent aucun impact significatif sur l'organisation et le fonctionnement de la justice et des autorités diplomatiques et consulaires. Elles ne nécessitent donc pas de mener des consultations.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

Entre le 1er janvier 2023 et l'entrée en vigueur de la présente loi, le principe de légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France reposera de nouveau sur la coutume internationale, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.

5.2.2. Application dans l'espace

La légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France est une formalité administrative qui concerne les relations entre la France et les États étrangers, ainsi que les conditions dans lesquelles un acte peut produire effet sur le territoire national. Aussi, cette disposition est nécessairement destinée à régir l'ensemble de ce territoire et a ainsi le caractère de loi de souveraineté.

Ces dispositions seront donc applicables de plein droit, sans nécessité d'une mention expresse d'application, dans l'ensemble des collectivités ultramarines, à savoir les collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Les présentes dispositions ne nécessitent pas de consulter les collectivités ultra-marines.

5.2.3. Textes d'application

Le Conseil d'Etat a annulé, par décision du 7 avril 2022, le décret n°2020-1370 précisant les actes publics concernés par la légalisation et les modalités de la légalisation. Cette annulation ayant pris effet au 31 décembre 2022, un décret en Conseil d'Etat viendra de nouveau préciser les modalités de mise en oeuvre du principe de légalisation, tel que réaffirmé par les présentes dispositions.

Article 19 - Rehaussement au niveau master 2 du diplôme pour accéder à la profession d'avocat

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les conditions d'accès à la profession d'avocat sont prévues à l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Outre les conditions de nationalité, d'absence de condamnation pénale, disciplinaire ou administrative et de faillite personnelle, toute personne désirant accéder à la profession doit actuellement être titulaire d'une maîtrise en droit ainsi que du certificat d'aptitude à la profession d'avocat.

Aujourd'hui, les titulaires d'un master 2 sont largement majoritaires au sein des lauréats à l'examen d'entrée dans la profession d'avocat : 95,2 % des élèves pour la promotion 2019-2020, 94% pour les promotions 2020-2021 et 2021-2022 (source : Observatoire Conseil national des barreaux, Enquêtes 2021 auprès des élèves avocats).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 15 mars 2021, par le Premier ministre, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande portant sur la nature juridique des mots « une maîtrise » figurant au 2° de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Dans sa décision n° 2021-292 L du 15 avril 2021, le Conseil constitutionnel a rappelé :

« 1. Aux termes de l'article 34 de la Constitution, « La loi détermine les principes fondamentaux ... des obligations civiles et commerciales ». Ressortissent en particulier aux principes fondamentaux de ces obligations civiles et commerciales les dispositions qui mettent en cause les conditions essentielles de l'exercice d'une profession ou d'une activité économique.

2. Aux termes du même article, « La loi fixe les règles concernant ... les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Les droits de la défense sont garantis par cette disposition. En vertu de la loi du 31 décembre 1971 mentionnée ci-dessus, la profession d'avocat dispose, sauf exceptions, du monopole de l'assistance et de la représentation en justice. Par conséquent, il appartient au législateur de fixer notamment les conditions d'accès à cette profession garantissant le respect des droits de la défense.

Sur les mots « une maîtrise » figurant au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 :

3. Le 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que toute personne souhaitant devenir avocat doit être titulaire, sauf exceptions, d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités.

4. L'exigence d'un diplôme en droit d'un niveau minimal conditionnant l'accès à cette profession permet de s'assurer de l'aptitude des candidats à exercer les missions d'assistance et de représentation des personnes en justice garantissant le respect des droits de la défense. Ce faisant, les dispositions dont le déclassement est demandé constituent des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Par suite, elles ont un caractère législatif. »

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La disposition envisagée restreint l'accès à la profession d'avocat aux titulaires d'un master en droit (5 années post-bac), aux lieu et place d'une maîtrise en droit (4 années post-bac). Ce relèvement est conforme à la réforme LMD et aux qualifications requises pour les autres professions judiciaires et juridiques (commissaire de justice, notaire, greffier des tribunaux de commerce).

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Cette exigence de qualification (bac + 5) pour accéder à la profession d'avocat est commune à de nombreux Etats membres de l'Union européenne. Ainsi, à titre d'exemple, les réglementations en vigueur en Belgique, Espagne, Italie, Croatie, Luxembourg, Pays-Bas, Lituanie, Danemark et Finlande exigent un master en droit pour accéder à la profession d'avocat.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le projet de loi relève le niveau de diplôme exigé au niveau du master aux lieu et place de la maîtrise.

Ce niveau de diplôme doit être revu pour être, tout d'abord, mis en concordance avec la réforme des diplômes de l'enseignement supérieur adoptée en 2002 (LMD). Le diplôme de maîtrise n'existe plus et le master 1 ne correspond désormais à aucune étape universitaire diplômante. Aujourd'hui, les étapes diplômantes sont la licence puis le master 2.

Ce niveau de diplôme doit également être revu afin de garantir un niveau académique suffisant des candidats à l'entrée dans la profession et de consacrer ainsi la pratique actuelle qui compte très majoritairement au sein des lauréats à l'examen d'entrée dans la profession des titulaires du master 2.

Ce niveau de diplôme doit enfin être revu pour permettre aux candidats d'achever un cycle de formation de niveau équivalent à celui exigé pour les autres professions judiciaires et juridiques telles que les notaires ou les commissaires de justice. Le décret n° 2022-1401 du 2 novembre 2022 relatif aux conditions d'accès à la profession de greffier de tribunal de commerce, publié au Journal officiel le 4 novembre dernier, vient d'ailleurs de relever le niveau de diplôme exigé pour l'accès à cette profession de master 1 (maîtrise) à master 2.

Le rapport Clavel-Haeri242(*), remis au directeur des affaires civiles et du sceau au mois de juillet 2020, avait déjà préconisé ce relèvement de qualification pour les avocats. La profession réclame, elle-aussi, depuis plusieurs années, cette réforme.

Le ministère de la justice avait, à cette fin, saisi le Conseil constitutionnel d'une demande de déclassement afin de pouvoir procéder à cette modification par décret. Par décision du 15 avril 2021 ( n° 2021-292 L), le Conseil constitutionnel a considéré que le niveau de diplôme exigé pour l'accès à la profession d'avocat avait un caractère législatif (voir supra).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il s'agit de se conformer au système LMD qui tend à faire disparaître toute référence à l'ancien diplôme de maîtrise. Ce projet de loi est donc conforme à la réforme LMD et cohérent avec les exigences qui s'appliquent aux autres professions judiciaires et juridiques.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Néant.

3.2. OPTION RETENUE

L'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est modifié pour remplacer les mots : « une maîtrise » par les mots : « un master ». La procédure de contrôle de la qualification du candidat au moment de son inscription à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats demeure inchangée. Le huitième alinéa de l'article 11 est supprimé, car devenu sans objet.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 est modifié.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Conformément à la directive (UE) 2018/958 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 relative à un contrôle de proportionnalité, la nouvelle mesure envisagée a fait l'objet d'un contrôle de proportionnalité.

L'exigence de qualification vise à protéger le consommateur et les destinataires de service (personnes physiques, personnes morales, professionnels, juridictions, organismes publics, organismes privés, organismes privés gérant une mission de service public) ainsi qu'à assurer la sauvegarde de la bonne administration de la justice.

La mesure vise à assurer aux destinataires de la prestation de service que le professionnel possède les connaissances et compétences nécessaires à la réalisation de la prestation de service. Elle permet ainsi la protection des droits des destinataires de service. Les avocats disposent du monopole de représentation des justiciables devant les juridictions. Dans leur exercice tant de défense que de conseil, ils participent à l'Etat de droit. Une absence de qualification serait préjudiciable pour le destinataire de service.

L'exigence de qualification est nécessaire pour assurer la sécurité juridique des missions qui sont confiées à l'avocat et ce dans l'intérêt du bénéficiaire du service, mais aussi pour préserver, les droits du justiciable et permettre un bon fonctionnement de la justice.

L'environnement spécifique dans lequel s'insèrent les activités de l'avocat, notamment devant les juridictions, rend nécessaire l'exigence de qualifications professionnelles spécifiques tenant tant à la technicité qu'à l'expertise des activités qui sont réservées à ce professionnel.

Celui-ci a la charge d'intérêts importants tant en terme de droits des justiciables que de fonctionnement de la justice de sorte qu'il est indispensable de s'assurer qu'il dispose des qualifications professionnelles déterminées.

En tout état de cause, les règles de droit commun et celles à portée générale, notamment le code de la consommation et le code de commerce, ne sont pas suffisantes pour protéger le destinataire de service.

Cette nouvelle mesure s'applique sans aucune discrimination.

Les objectifs d'intérêt général sont poursuivis de façon cohérente et systématique : cette même exigence est imposée à toutes les professions juridiques et judiciaires.

En outre, ainsi que cela a été précédemment exposé, le niveau de diplôme doit être revu pour être mis en concordance avec la réforme des diplômes de l'enseignement supérieur adoptée en 2002 (LMD). Le diplôme de maîtrise n'existe plus et le master 1 ne correspond désormais à aucune étape universitaire diplômante. Aujourd'hui, les étapes diplômantes sont la licence puis le master 2. Conformément aux dispositions de l'article D. 612-36-1 du code de l'éducation, le diplôme de master sanctionne un niveau correspondant à l'obtention de 120 crédits européens au-delà du grade de licence et les parcours types de formation visant à l'acquisition du diplôme de master sont organisés sur deux années.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les chiffres démontrent qu'une très large majorité des élèves-avocats sont actuellement titulaires d'un master 2 : 95,2 % des élèves pour la promotion 2019-2020, 94% pour les promotions 2020-2021 et 2021-2022.

La réforme n'aura donc qu'un impact limité puisque plus de 9 élèves avocats sur 10 sont déjà titulaires du master en droit. Une année d'étude supplémentaire sera donc exigée pour les personnes titulaires du seul master 1 souhaitant devenir élèves-avocats.

La réforme envisagée est donc adaptée à l'exigence de la profession d'avocat et ne dépasse pas ce qui est strictement nécessaire à la poursuite des objectifs d'intérêt général de protection du destinataire de service et de sauvegarde de la bonne administration de la justice.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le Conseil national des barreaux a indiqué le 27 octobre 2022 être favorable à cette réforme.

Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche s'est déclaré également favorable à cette réforme dès le mois de novembre 2022. Il a renouvelé son accord par courriel du 25 janvier 2023.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025. Il n'est pas applicable aux personnes qui sont, au 1er janvier 2025, titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ou de l'examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle (cf. étude d'impact de l'article d'entrée en vigueur).

5.2.2. Application dans l'espace

La présente mesure s'applique sur tout le territoire national.

5.2.3. Texte d'application

Des arrêtés préciseront les modalités d'application de cet article.

Article 20 - Rémunération des greffiers des tribunaux de commerce

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Dans l' ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, les greffiers des tribunaux de commerce ont été supprimés par erreur de la liste des professionnels concernés par la conclusion de conventions d'honoraires et la publicité des tarifs dans ces articles du code de commerce. Cette suppression est effective depuis le 1er juillet 2022, date d'entrée en vigueur de la réforme pour les commissaires de justice.

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice prévoyait bien de restaurer la mention des greffiers des tribunaux de commerce dans ces deux articles du code de commerce. Il n'a jamais été adopté.

Les greffiers des tribunaux de commerce sont donc, légitimement, en demande de sécurisation juridique de ces conventions.

Quant à l'affichage des tarifs, les greffiers des tribunaux de commerce n'ont, a priori, pas modifié leur pratique depuis le 1er juillet. Il ne pourrait toutefois pas leur être reproché de ne plus y procéder, cette mesure étant destiné à protéger les usagers.

Le présent article vise simplement à rectifier une erreur matérielle.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La réintégration de la profession des greffiers des tribunaux de commerce à l' article L. 444-1 du code de commerce est nécessaire car si les émoluments de la profession demeurent applicables en vertu de l' article L. 743-13 du code de commerce, les articles consacrés aux conventions d'honoraires et aux versements des frais et débours prévus au titre IV bis du livre IV du code de commerce ne sont plus applicables à cette profession alors qu'ils doivent l'être au même titre que les autres professions réglementées.

L' article L. 444-4 du code de commerce porte, quant à lui, sur l'obligation d'affichage des tarifs. Les greffiers des tribunaux de commerce doivent y être soumis au même titre que les autres professions réglementées du droit.

Le niveau de norme à modifier justifie le recours à un véhicule de nature législative.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La présente disposition vise à rétablir les greffiers des tribunaux de commerce dans leurs droits (perception d'honoraires) et leurs devoirs (publicité des tarifs).

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Néant.

3.2. OPTION RETENUE

Néant.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les greffiers des tribunaux de commerces seront rétablis dans leurs droits (perception d'honoraires) et leurs devoirs (publicité des tarifs), par une modification des articles L. 444-1 et L. 444-4 du code de commerce.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant. La modification proposée n'a un impact que pour les greffiers des tribunaux de commerce lesquels étaient exclus de ces articles depuis le 1er juillet 2022. S'agissant de la conclusion de convention d'honoraires de l'article L. 444-1 du code de commerce, elles sont quasi nulles pour les greffiers des tribunaux de commerce et ne représentent qu'une part minime de leur chiffre d'affaires.

Le seul impact, non quantifiable, repose sur les éventuelles conventions d'honoraires qui auraient voulues être conclues depuis le 1er juillet dernier et qui n'ont pu l'être en raison de la privation de base légale.

Sur l'article L. 444-4 du code de commerce, il permet seulement aux clients d'avoir une meilleure information sur les tarifs pratiqués par les greffiers. Or, les greffiers des tribunaux de commerce n'ont pas fait disparaître leurs affichages tarifaires depuis le 1er juillet dernier. L'information des clients est identique.

4.2.3. Impacts budgétaires

Bien que la majorité des prestations réalisées par les greffiers de tribunal de commerce relève du domaine du tarif réglementé, la part d'honoraires représentait en 2021, pour l'ensemble de la profession, 6,4 millions d'euros, soit moins de 1% de leur chiffre d'affaire annuel.

Afin de rétablir les greffiers des tribunaux de commerce dans leurs droits (perception d'honoraires) et leur devoirs (publicité des tarifs), il faut modifier les articles L. 444-1 et L. 444-4 du code de commerce.

Cette disposition est sans impact sur les finances de l'Etat : les honoraires libres sont payés par les clients des greffiers dans des situations très encadrées, par exemple en matière de fusions transfrontalières ou de demandes de données statistiques.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Les greffiers des tribunaux de commerce seront rétablis dans leurs droits (perception d'honoraires) et leurs devoirs (publicité des tarifs). La modification proposée a simplement pour objet de rétablir les greffiers des tribunaux de commerce dans leurs droits (L. 444-1 code de commerce pour la conclusion de convention d'honoraires) et devoir (L. 444-4 c.com pour la publicité des tarifs).

A l'heure actuelle, l'effet de la modification des deux articles visés est encore récent. L'entrée en vigueur de l'ordonnance les ayant modifiés date du 1er juillet dernier. Depuis cette date, aucune difficulté liée à l'impossibilité de conclure des conventions d'honoraires n'a été signalée, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'il n'en existe pas. Les difficultés pourraient naître d'une prolongation de cet état du droit. La réintroduction des GTC dans ces deux articles ne bouleverse donc pas leurs conditions d'exercice mais corrige simplement une erreur matérielle.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Il sera nécessaire d'informer les usagers des greffiers des tribunaux de commerce s'agissant de la publicité des tarifs.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a été consulté, à titre facultatif, le 8 mars 2023, en vertu de l'article L. 741-2 du code de commerce.

Le comité social d'administration ministériel (CSAM) a été consulté lors de sa séance des 20 et 21 mars 2023 sur l'ensemble du texte (consultation obligatoire), après reconvocation pour absence de quorum le 9 mars.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La présente mesure entrera en vigueur le lendemain de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

L'application dans l'espace sera identique à celle prévue par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, à savoir une application sur l'ensemble du territoire national, y compris Outre-mer à l'exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française où les dispositions du titre IV bis du livre IV du code de commerce ne sont pas applicables.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 21 - Report de l'habilitation sur la publicité foncière

1. ÉTAT DES LIEUX

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS », comporte en son article 198 une habilitation autorisant le Gouvernement à réformer le droit de la publicité foncière par voie d'ordonnance, dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi. Ce délai expirera le 20 août 2023.

Ainsi, le Gouvernement a été autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant de la loi pour :

Ø améliorer la lisibilité du droit de la publicité foncière ;

Ø moderniser le régime de la publicité foncière et renforcer son efficacité ;

Ø moderniser et clarifier le régime de l'inscription des hypothèques ;

Ø tirer les conséquences, avec, le cas échéant, les adaptations législatives nécessaires, des modifications apportées par les ordonnances prévues notamment à la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et au livre V du code civil.

L'objectif de cette réforme est d'aboutir à un droit de la publicité foncière modernisé et facile d'accès pour ses usagers, en permettant aux services de la publicité foncière (SPF) de gagner en efficacité tout en préservant la sécurité juridique requise. Cette réforme, d'une grande technicité, nécessite un travail interministériel étroit ainsi qu'une consultation régulière des acteurs concernés, au premier rang desquels le notariat.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les travaux menés dans la cadre de l'habilitation prévue à l'article 198 de la loi « 3DS » ont révélé que le délai d'habilitation initial de 18 mois ne permettrait pas d'atteindre les objectifs fixés.

Ø La nécessité d'harmoniser la rédaction de l'ordonnance et celle du décret d'application

Le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, qui régit actuellement le droit de la publicité foncière, est qualifié de « décret-loi ». Il contient donc depuis l'origine des mesures législatives, en partie insérées dans le code civil, et des mesures réglementaires d'accompagnement.

Au cours des 70 dernières années, le décret a été assez peu remanié mais les quelques modifications intervenues sous la Vème République ont procédé alternativement de décrets, de lois ou d'ordonnances, ratifiées ou non.

Le travail de reconstitution historique des 59 articles du décret a fait apparaître un traitement légistique extrêmement complexe, conduisant à privilégier l'abrogation complète du texte par l'ordonnance.

En plus de cette abrogation, l'ordonnance réformera et codifiera les aspects législatifs de ce texte au sein du code civil. Elle renverra à son décret d'application le soin de reprendre et de réformer les aspects réglementaires du texte abrogé.

A la lumière de ces travaux méthodologiques, il apparaît nécessaire, pour anticiper toute difficulté d'application des nouveaux textes régissant la matière et le fonctionnement des services de la publicité foncière, que cette réforme soit conçue sur les plans tant législatif que réglementaire dans le même laps de temps.

Les implications au niveau réglementaire sont conséquentes notamment pour la Direction générale des Finances publiques en charge de la mission de publicité foncière. Il s'agit de concerter la réorganisation du travail et l'accompagnement au changement des agents qu'impliquera la future réforme au sein des SPF, tout en restructurant les applicatifs informatiques et en procédant à l'important travail réglementaire de refonte des décrets du 4 janvier 1955 mais aussi du 14 octobre 1955 (179 articles au total).

Dès lors, la préparation du décret d'application de l'ordonnance ne peut s'aligner sur le calendrier de travail initialement prévu pour l'ordonnance.

Ø La nécessité de mener une consultation approfondie avec les parties prenantes

En parallèle de l'élaboration du projet d'ordonnance, une première consultation des parties prenantes (notaires, avocats, commissaires de justice, géomètres-experts...) a eu lieu sous forme d'un questionnaire destiné à faire le point notamment sur les mesures proposées dans l'avant-projet rédigé en 2018 par la Commission de réforme de la publicité foncière.

Les retours sur ce questionnaire démontrent la nécessité de conduire des consultations approfondies avec l'ensemble des acteurs de la publicité foncière. Cette association étroite n'apparaît pas compatible avec le délai initial d'habilitation.

Par ailleurs, il importe que ces mêmes acteurs disposent le plus tôt possible d'une visibilité sur les mesures règlementaires à envisager, compte tenu des impacts que cette réforme aura sur l'exercice de leur profession.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il s'agit de conduire la réforme du droit de la publicité foncière dans des conditions permettant, d'une part, d'obtenir un nouveau cadre juridique sécurisé aux niveaux tant législatif que réglementaire. Cet objectif ne pourra être atteint qu'en desserrant le calendrier de l'ordonnance elle-même, afin de pouvoir concevoir, concerter et présenter les deux projets de textes en parallèle. Un report permettra également de conserver la capacité de réaction nécessaire pour adapter l'ordonnance aux contingences techniques qui apparaîtraient à l'issue de la refonte des applicatifs métiers, sans risquer l'entrée en vigueur d'un cadre juridique incompatible avec les nouveaux outils pratiques des SPF.

D'autre part, il s'agit d'être au plus près des préoccupations des usagers professionnels de la publicité foncière tout en atteignant les objectifs de rationalisation et de modernisation fixés par les termes de l'habilitation.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Plusieurs options ont été envisagées.

D'une part, il a été envisagé de continuer les travaux de rédaction et de concertation tout en laissant l'habilitation initiale devenir caduque. A l'occasion d'un vecteur législatif utile, une nouvelle habilitation aurait été proposée. Cette solution ne permet toutefois pas de fixer une échéance certaine pour une réforme attendue et nécessaire.

D'autre part, il a été envisagé de finaliser la rédaction de l'ordonnance dans le délai initialement fixé. Cette option n'a pas été retenue, pour ne pas courir le risque d'avoir à modifier le texte de l'ordonnance a posteriori et de ne pas répondre aux préoccupations des parties prenantes.

3.2. OPTION RETENUE

Au regard des objectifs poursuivis mentionnés ci-dessus, la solution de la prorogation du délai d'habilitation est apparue la plus pertinente.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

La prorogation du délai d'habilitation n'a pas d'impact.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI DE PROROGATION DE D'HABILITATION

Compte tenu des contraintes en cause (corpus de règles d'une grande technicité, nécessité de conduire en parallèle les travaux réglementaires, nécessité d'une consultation attentive des parties prenantes), la prorogation de l'habilitation pour une durée qui ne pourra excéder le 1er novembre 2024 permettra au Gouvernement de mener à bien cette réforme.

TITRE VI - DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FIANCIÈRES ET À LA RESPONSABILITÉ DES GESTIONNAIRES PUBLICS

Article 22 - Modalités d'accès aux corps des magistrats des tribunaux administratifs et des chambres régionales des comptes

1. ETAT DES LIEUX

L'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 a modifié les modalités d'accès aux corps de magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de magistrats des chambres régionales des comptes, en instaurant, à l' article L. 234-2-1 du code de justice administrative et à l' article L. 221-2-1 du code des juridictions financières, une obligation de mobilité statutaire au grade de conseiller.

Si les anciens élèves de l'INSP justifiant, avant leur nomination dans les corps concernés, d'une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d'une durée d'au moins quatre ans dans des fonctions d'un niveau équivalent à celles de la catégorie A, sont réputés avoir accompli cette mobilité statutaire, les anciens élèves issus du concours externe exerçant le même choix à la sortie de l'INSP devront ainsi justifier de deux ans de services publics effectifs en qualité d'administrateur de l'Etat avant d'être affectés en juridiction.

Cette mesure s'est traduite par une disposition aux termes de laquelle les conseillers de tribunaux administratifs et cours administratives d'appel et les conseillers de chambres régionales des comptes « sont recrutés, au grade de conseiller : 1° Parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public et préalablement affectés pendant une durée de deux ans dans les administrations de l'Etat ainsi que dans les établissements publics administratifs de l'Etat, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. » (art. L. 233-2 du code de justice administrative et L. 221-3 du code des juridictions financières).

Une telle rédaction posait d'importantes difficultés de gestion pour les corps concernés qui n'avaient aucune garantie de voir un ancien élève de l'INSP intégrer effectivement les juridictions à l'issue de son expérience d'administrateur de l'Etat.

Ces différents éléments ont fait l'objet de nombreux échanges entre le Gouvernement, les chefferies de corps et la section de l'administration du Conseil d'Etat au moment de la rédaction du projet de décret relatif aux conditions d'accès et aux formations à l'INSP, qui avait notamment pour objectif de rénover la procédure de sortie des élèves de l'INSP.

Les craintes exprimées par le Conseil d'Etat et la Cour des comptes ont été entendues et le texte prévoit désormais qu'« Au terme de cette affectation [de deux ans], les anciens élèves issus du concours externe qui avaient exercé, à la sortie de l'Institut national du service public, le choix d'être affectés dans un emploi relevant d'un des corps mentionnés aux 3° et 4° de l'article 1er sont intégrés dans ce corps et affectés dans cet emploi. » (article 34 du décret n° 2023-30 du 25 janvier 2023).

2. NÉCESSITER DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Si cette dernière rédaction permet de réduire substantiellement l'atteinte qui pourrait être portée à l'attractivité des corps juridictionnels, elle ne permet toutefois pas de répondre ni aux problématiques de gestion des effectifs des corps juridictionnels soulevées par le Conseil d'Etat et la Cour des comptes, ni aux écueils qui sont apparus au cours des échanges préalables à l'examen du projet de décret par la section de l'administration.

D'une part, une mobilité préalable de deux ans dans le corps des administrateurs de l'Etat va contraindre le Premier ministre à réserver une liste de postes dédiés à des anciens élèves qui quitteront, à l'issue de leur période de mobilité statutaire, le corps des administrateurs de l'Etat, ce qui peut conduire à s'interroger sur la qualité des postes que les ministères seront en capacité de proposer.

D'autre part, si les anciens élèves de l'INSP faisant ce choix rempliront tous la condition tenant à l'obligation de mobilité statutaire à la date de leur affectation en juridiction, les magistrats issus des concours directs, largement majoritaires, n'effectueront leur mobilité statutaire, comme les administrateurs de l'Etat, qu'au cours des années précédant leur changement de grade, c'est-à-dire en moyenne au cours des six premières années de carrière, conduisant à des différences de situation au début de la carrière dans les corps concernés.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est de supprimer l'obligation de mobilité statutaire préalable à l'affectation dans un corps juridictionnel. Cette modification aurait pour l'avantage d'homogénéiser les conditions de mobilité statutaire applicables aux corps des AE et aux corps juridictionnels, et à l'intérieur de ces derniers corps.

3. DISPOSITIF RETENU

Il est donc proposé une modification des articles L. 233-2 du code de justice administrative et L. 221-3 du code des juridictions financières en supprimant, à compter du 1er janvier 2025, l'obligation de mobilité statutaire préalable à l'affectation dans un corps juridictionnel. L'obligation de mobilité statutaire aurait vocation, aux termes des articles L. 234-2-1 du code de justice administrative et L. 221-2-1 du code des juridictions financières à s'exercer au cours des six années précédant, en moyenne, le passage au grade de premier conseiller pour l'ensemble des magistrats des corps concernés.

Il est par ailleurs proposé de corriger trois erreurs légistiques résultant de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les articles L. 131-6, L. 231-5-1, L. 233-2 du code de justice administrative sont modifiés.

L'article L. 221-3 du code des juridictions financières est modifié.

L'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat est également modifiée.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Ces dispositions permettront de ne plus faire peser la charge de cette mobilité aux ministères employeurs.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Ces modifications ont nécessité la consultation obligatoire du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (CSTACAA) le 23 mars 2023 et du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes (CSCRC), qui a rendu un avis favorable le 22 mars 2023, en vertu respectivement de l'alinéa 3 de l'article L. 232-3 du code de justice administrative et de l'article L. 220-12 du code des juridictions financières.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Le 3° du I et le II de l'article 22 sont applicables à compter du 1er janvier 2025.

5.2.2. Application dans l'espace

Le texte s'applique à l'ensemble du territoire national.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions appellent des textes d'application, notamment un décret en Conseil d'Etat.

Article 23 : Modernisation de la gestion des carrières des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le corps des magistrats de la Cour des comptes comprend 400 magistrats, dont 205 en fonction à la Cour (14 auditeurs, 59 conseillers référendaires, 124 conseillers maîtres et 8 présidents de chambre), les autres en détachement ou disponibilité. Le corps des magistrats de chambre régionale des comptes (CRC) en compte 420 dont 345 exerçant en CRC, répartis en trois grades conformément à l'article L. 220-3 du code des juridictions financières : 45 conseillers, 236 premiers conseillers, 64 présidents de section.

Les chambres régionales et territoriales des comptes sont au nombre de dix-sept. L'emploi de président de chambre régionale ou territoriale des comptes est pourvu par un conseiller maître ou par un conseiller référendaire à la Cour des comptes, celui de vice-président est pourvu par un conseiller référendaire à la Cour des comptes. Dans les deux cas, les magistrats nommés sur ces emplois le sont pour une durée de sept ans, qui ne peut être ni prorogée, ni renouvelée au sein d'une même chambre.

Aux termes de l'article L. 122-3 du code des juridictions financières, les conseillers maîtres sont nommés, dans la proportion de quatre nominations sur cinq, parmi les conseillers référendaires ayant accompli douze années au moins en cette qualité. Pour être nommés conseillers maîtres, les conseillers référendaires doivent avoir accompli une mobilité statutaire dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. En dehors des conseillers référendaires, nul ne peut être nommé conseiller maître s'il n'est âgé de quarante-cinq ans accomplis.

Depuis 2020, les juridictions financières se sont engagées dans un projet stratégique de modernisation de leurs missions, de leurs méthodes de travail et de leur organisation interne, intitulé « JF 2025 ». Fondé sur une démarche collaborative ayant associé l'ensemble des personnels (magistrats, vérificateurs, services administratifs), ce projet s'est traduit par l'élaboration d'un plan de 75 actions destinées à être mises en oeuvre d'ici 2025. 34 de ces actions portent sur la politique de ressources humaines des juridictions financières et le renforcement de l'attractivité des carrières en leur sein243(*).

A la mise en oeuvre de ce projet stratégique s'ajoutent les conséquences de l' ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, qui ont fait évoluer les conditions de recrutement et d'avancement dans les corps des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, et ont également renforcé les exigences de mobilité professionnelle applicables à ces derniers, comme à l'ensemble des autres cadres supérieurs de l'Etat.

Ce contexte rend nécessaire une évolution des dispositions statutaires applicables aux magistrats de la Cour des comptes et des CRC, dans une optique de modernisation de la gestion et de renforcement de l'attractivité des carrières.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel rappelle dans sa décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 que la Cour des comptes est une juridiction administrative dont l'indépendance est constitutionnellement protégée (§106).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Sans objet.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Sans objet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le statut des magistrats des juridictions financières (Cour des comptes, chambre régionale des comptes) est régi par le code des juridictions financières et, « pour autant qu'elles n'y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l'Etat » (articles L. 120-2 et L. 220-2 du code des juridictions financières, CJF).

Les conditions d'accès à la maîtrise des conseillers référendaires, la définition des grades composant le corps des magistrats de chambres régionale des comptes (CRC) et la durée du mandat des présidents de CRC sont de niveau législatif.

Il est apparu nécessaire de faire évoluer les règles de nomination au grade de conseiller maître au tour extérieur.

Par ailleurs, le corps des magistrats de CRC comprend trois grades : conseiller, premier conseiller, président de section. Le grade de président de section, grade sommital du corps des magistrats de CRC, correspond également le plus souvent à l'exercice de l'emploi de président de section. Cette spécificité, qui ne se retrouve pas dans le corps des magistrats de la Cour des comptes ni dans le droit commun de la fonction publique qui distingue le grade de l'emploi, n'apparaît plus adaptée.

Enfin, les présidents et vice-présidents de CRC sont à l'heure actuelle nommés pour sept ans. Cette durée présente le double inconvénient de limiter, de facto, la nomination d'un président ou d'un vice-président sur deux postes successifs d'une durée totale dans les mêmes fonctions de 14 ans, et de ne pas permettre un niveau suffisant de renouvellement au sein des juridictions financières et limite. Pour les titulaires de ces fonctions, le plus souvent nommés sur celles-ci à un stade déjà avancé de leur carrière, une telle durée sur un seul poste les empêche généralement d'exercer les fonctions de président au sein d'une seconde chambre d'affectation, sinon pour une durée résiduelle.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif des modifications législatives envisagées est de moderniser la gestion des cadres des magistrats de la Cour et de CRC et d'en renforcer l'attractivité.

Les conseillers référendaires nommés au grade de conseiller maître sont aujourd'hui promus différemment selon qu'ils sont en position normale d'activité ou en position de détachement. Alors que les premiers sont comptabilisés dans les tours internes, les seconds sont comptabilités hors tour. La modification proposée vise à neutraliser la position des magistrats, en position d'activité ou en détachement, dans leur promotion au grade supérieur. Des dispositions similaires sont prévues pour les membres du conseil d'Etat. Par ailleurs, il est proposé de préciser la nomination hors tour des magistrats en disponibilité dont la situation, dans le silence des textes, était jusqu'à présent juridiquement incertaine. Ces dispositions auront pour corollaire de stabiliser la nomination des conseillers maîtres au tour extérieur (dont le nombre a été réduit par l'ordonnance du 2 juin 2021244(*) de 1 pour 3 à 1 pour 5) et conseillers maîtres au 18e tour, sans plus la faire dépendre de la situation d'activité ou de détachement des magistrats concernés.

La mesure proposée concernant le changement de dénomination du grade de président de section, qui est le grade sommital, du corps des magistrats de chambre régionale des comptes, permet de dissocier le grade, rebaptisé conseiller-président, de la fonction de président de section et de tenir compte de la réforme statutaire de novembre 2022 applicables aux administrateurs de l'Etat245(*).

L'évolution de la durée des fonctions de président et de vice-président de CRC doit permettre, d'une part, d'assurer un renouvellement plus régulier dans l'exercice de ces fonctions, et d'autre part, le cas échéant, l'exercice de ces fonctions dans une seconde chambre d'affectation. Cette évolution se double d'un assouplissement des conditions de nomination des présidents de section à l'emploi de président de CRC, aujourd'hui trop contraignantes.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Aucune autre option n'a été envisagée.

3.2. OPTION RETENUE

L'article L. 122-3 du CJF est modifié de façon à internaliser la nomination au grade de conseillers maître des conseillers référendaires en détachement. Seuls les conseillers référendaires en disponibilité seront nommés hors tour. Des dispositions similaires sont prévues pour les membres du Conseil d'Etat.

Ce même article L. 122-3 ainsi que les articles L. 212-2, L. 220-3, L. 221-2, L. 221-2-1, L. 262-15 et L. 272-17 sont modifiés de façon à renommer le grade sommital de « président de section » en « conseiller président ». Cette évolution terminologique est justifiée par la nécessité de mieux différencier, dans le cadre des futures grilles indiciaires qui seront élaborées par rapprochement avec celles des administrateurs de l'Etat, le grade et l'emploi actuellement confondus sous le terme de « président de section ». A l'avenir, la « présidence de section » ne désignera plus que l'emploi, qui sera par ailleurs fonctionnalisé et dont la durée sera en conséquence limitée, à l'instar de l'emploi de sous-directeur ou chef de service en administration centrale.

La durée maximale du mandat de président ou de vice-président de CRC, prévue à l'article L. 221-2 du CJF, est ramenée de sept à cinq ans. Cette règle nouvelle ne sera applicable qu'aux nominations intervenant à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. Les conditions d'ancienneté applicables aux magistrats de CRC nommés présidents ou vice-présidents de CRC sont assouplies à ce même article avec la suppression de l'obligation d'un minimum de quinze années de service public.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les présentes dispositions modifient les articles L. 122-3, L. 212-2, L. 220-3, L. 221-2, L. 221-2-1, L. 262-15, L. 262-25, L. 272-17 et L. 272-28 du code des juridictions financières.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

L'évolution des conditions de nomination des conseillers référendaires au grade de conseiller maître aura pour conséquence de stabiliser le nombre de conseillers maîtres nommés au tour extérieur et au 18e tour (II de l'article L. 122-3 du CJF), sans plus la faire dépendre de la situation d'activité ou de détachement des magistrats concernés. En 2023, le nombre de tours extérieurs sera de 3, quelle que soit la situation d'activité ou de détachement des magistrats inscrits sur le tableau d'avancement, contre 4 en 2022 et 2 en 2021.

Les autres mesures sont neutres sur le plan budgétaire.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Ces dispositions ne font peser aucune obligation nouvelle sur les collectivités territoriales.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Ces dispositions sont sans impact sur les services administratifs de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

En application des dispositions des articles L. 120-14 et L. 220-12 du code des juridictions financières, le Conseil supérieur de la Cour des comptes et le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes ont été saisis à titre obligatoire de ces dispositions et ont rendu un avis défavorable le 26 avril 2023.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. Toutefois, la limitation de la durée maximale du mandat de président ou de vice-président au sein d'une même juridiction, prévue par la modification de l'article L. 221-2, ne sera applicable qu'aux nominations postérieures à l'entrée en vigueur de la loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions envisagées seront applicables dans les ressorts des CRC (métropole, Réunion et Mayotte, Antilles-Guyane) et dans ceux des chambres territoriales des comptes.

Les articles L. 262-25 et L. 272-28 prévoient, pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, une mention expresse d'applicabilité s'agissant des dispositions du code des juridictions financières relatives aux présidents des chambres régionales des comptes et au statut des magistrats composant ces juridictions. La rédaction de ces articles est clarifiée de façon à ce qu'il soit indiqué expressément que ces dispositions sont applicables de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de faire référence à la version du droit applicable.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Toutefois, un toilettage de la partie réglementaire du code des juridictions financières sera effectué dans le courant de l'année 2023 pour assurer la mise en cohérence de ses dispositions avec les conséquences de l'ordonnance du 2 juin 2021, qui ont rendu caduques certaines d'entre elles.

Article 24 - Ratification de l'ordonnance sur le régime de responsabilité des gestionnaires publics

Le présent projet de loi ratifie, sans aucune modification, l' ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

Par ailleurs, à la fin du dernier alinéa de l'article 4 de l' ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, les mots : « de discipline budgétaire et financière » sont remplacés par les mots : « des comptes », à des fins de mise en cohérence avec les dispositions l'ordonnance du 23 mars 2022 précitée.

Article 25 - Application du régime interministériel de protection sociale complémentaire aux membres des juridictions administratives et financières

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L' ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, codifiée aux articles L. 827-1 et suivants du code général de la fonction publique, a prévu 1) le principe d'une participation financière des employeurs publics aux garanties de protection sociale complémentaire destinées à couvrir les frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident auxquelles souscrivent leurs agents et 2) la possibilité, pour les partenaires sociaux, de conclure un accord collectif définissant un régime de protection sociale complémentaire et de prévoir la souscription obligatoire des agents au contrat collectif sélectionné par l'employeur.

L'accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'Etat, signé le 26 février 2022 par la ministre de la fonction et de l'action publiques avec les organisations syndicales siégeant au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat (CSFPE), a instauré un régime de couverture complémentaire collective des frais de santé dans la fonction publique de l'Etat et défini un socle de garanties interministériel.

Le décret n° 2022-633 du 22 avril 2022, pris pour la mise en oeuvre de l'accord interministériel du 26 janvier 2022, prévoit que chaque employeur public souscrit pour l'ensemble de ses agents un contrat collectif de protection sociale complémentaire couvrant les frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident.

A l'occasion de l'examen du projet de décret, le Conseil d'Etat (section de l'administration) a constaté, dans un avis du 29 mars 2022, qu'alors même que le code général de la fonction publique est en principe applicable aux membres des juridictions administratives et financières, le dispositif mis en place par l'accord interministériel du 26 février 2022 n'était applicable ni aux membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, ni aux magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (TACAA), ni à ceux des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC).

Aucune de ces catégories d'agents n'ont en effet participé à des élections prises en compte pour déterminer la composition du CSFPE, de telle sorte que les organisations siégeant au CSFPE ne peuvent être regardées comme représentatives des membres des juridictions administratives et financières.

Comme l'a souligné le Conseil d'Etat (section de l'administration) dans son avis du 29 mars 2022, la situation des magistrats des TACAA et des CRTC d'une part et celle des membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes d'autre part ne sont pas identiques : alors que les magistrats des TACAA et des CRTC votent à des élections qui permettent d'identifier des organisations syndicales représentatives, les membres du Conseil d'Etat et ceux de la Cour des comptes ne prennent part à aucune élection organisée sur liste syndicale.

Il y a lieu de souligner que les agents autres que les magistrats et membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes sont en revanche couverts par l'accord interministériel du 26 février 2022.

Les agents des greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel qui appartiennent à des corps gérés par le ministère de l'intérieur sont électeurs au comité social d'administration de ce ministère et sont pris en charge, pour la protection sociale complémentaire, par ce ministère.

Les quelque 1100 agents du Conseil d'Etat et de la Cour nationale du droit d'asile sont électeurs au comité social d'administration institué auprès du vice-président du Conseil d'Etat et relèvent, pour la protection sociale complémentaire, du Conseil d'Etat.

De même, les 1050 agents de la Cour des comptes et des CRTC sont électeurs au CSA institué auprès du Premier président de la Cour des comptes et participent à une élection dont les résultats sont pris en compte pour déterminer la composition du CSFPE.

Il en résulte une situation dans laquelle les personnels administratifs des juridictions administratives et financières sont couverts par l'accord du 26 février 2022 et les textes pris pour sa mise en oeuvre tandis que les membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, comme les magistrats des TACAA et des CRTC, ne sont pas couverts par cet accord.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Sans objet.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Sans objet.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Face à la situation décrite ci-dessus, plusieurs options sont possibles.

La première option consiste à laisser les membres des juridictions administratives et financières en dehors du dispositif interministériel de protection sociale complémentaire.

Pourtant, cette option n'est pas satisfaisante pour deux raisons principales.

La première est que la participation de l'employeur au financement de la protection sociale complémentaire suppose l'adhésion au régime sélectionné par l'employeur. Si les membres des juridictions administratives et financières étaient laissés en dehors du régime, ils ne pourraient pas bénéficier de la même prise en charge financière que les autres agents publics.

La seconde tient à ce que l'accord du 26 février 2022 a vocation à couvrir l'ensemble des personnels de la fonction publique de l'Etat. Il ne paraît dès lors pas possible de s'accommoder durablement d'une situation dans laquelle seuls les 1500 membres de la juridiction administrative et les 700 membres de la juridiction financière resteraient en dehors du dispositif général.

Une deuxième option, qui ne nécessite pas l'intervention d'une mesure législative, consisterait à susciter la conclusion d'accords, d'une part, entre le Conseil d'Etat et les syndicats des magistrats des TACAA et, d'autre part, entre la Cour des comptes et le syndicat des magistrats des CRTC.

Une telle option ne serait pas satisfaisante pour deux raisons principales.

En premier lieu, la négociation d'un accord spécial avec les syndicats de magistrats administratifs et financiers n'aurait guère de sens alors que l'ensemble des agents de la fonction publique ont vocation à être couverts par l'accord interministériel du 26 février 2022.

En second lieu et surtout, cette option laisse en dehors du dispositif les 230 membres du Conseil d'Etat et les 220 membres de la Cour des comptes.

Une troisième option, qui pourrait être une variante de l'option précédente, consisterait à organiser, pour les membres du Conseil d'Etat d'une part et pour les membres de la Cour des comptes d'autre part, une élection sur liste syndicale.

Une telle option ne peut être retenue.

Elle induirait un changement profond dans le mode de représentation des membres de ces deux institutions, changement dont les implications iraient très au-delà et seraient sans lien avec la question spécifique de la protection sociale complémentaire.

Une quatrième option consisterait à assurer la participation des membres des juridictions administratives et financières à des élections dont les résultats seraient pris en compte pour la composition du CSFPE.

La création d'un CSA commun à l'ensemble des catégories de personnels de la juridiction administrative d'une part, et de la juridiction financière d'autre part, si ce CSA était élu sur liste syndicale au sein d'un collège unique, permettrait de tenir compte des résultats de cette élection pour la composition du CSFPE.

Cette option ne peut être retenue.

En effet, il s'agirait d'une profonde modification du mode de représentation des personnels de ces deux institutions, dont une partie des membres bénéficie d'organes de représentation spécifiques liés à leur statut. La création d'un CSA couvrant tout le périmètre de la juridiction administrative ou financière implique de redéfinir la compétence ou du moins l'articulation des compétences du CSA et des organes spécifiques. Compte tenu de son ampleur, une telle modification ne peut être mise en oeuvre uniquement, ni même principalement, pour résoudre la question de l'application de la protection sociale complémentaire.

En outre, le délai nécessaire à la mise en oeuvre d'une telle option ne permettrait pas de résoudre la question avant plusieurs années. D'autant que la prise en compte des voix des membres des juridictions administratives et financières ne vaudrait que pour l'avenir et n'aurait pas pour effet de rendre l'accord du 26 février 2022 applicable à ces personnels.

3.2. OPTION RETENUE

La cinquième option, qu'il est proposé de retenir, consiste à habiliter le pouvoir réglementaire à étendre le régime interministériel aux membres des juridictions administratives et financières et à déterminer les conditions de cette extension.

Cette option répond à l'objectif de permettre l'application aux membres des juridictions administratives et financières du régime applicable à l'ensemble de la fonction publique de l'Etat. Il permet ainsi d'assurer l'application des mêmes règles aux agents administratifs - déjà régis par l'accord du 26 février 2022 - et aux membres et magistrats des juridictions.

Le renvoi à une mesure réglementaire fait écho aux dispositions du II de l'article 1er de l'ordonnance du 17 février 2021 prévoyant que le mécanisme des accords collectifs peut être rendu applicable à certaines catégories d'agents figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat. Ces dispositions ne s'appliquent toutefois qu'aux agents qui ne sont pas soumis au statut général de la fonction publique de l'Etat et ne sont donc pas applicables aux membres des juridictions administratives et financières qui sont couverts par le statut général pour autant qu'il ne soit pas contraire aux règles statutaires qui leur sont propres.

Le renvoi au décret non seulement pour décider du principe de l'application du régime commun mais aussi pour en préciser les conditions d'application paraît nécessaire notamment pour prévoir, le cas échéant, le rattachement des personnels de la juridiction administrative et de ceux de la juridiction financière, au contrat collectif d'un autre employeur public.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Des articles L. 131-12 et L. 231-10 sont créés dans le code de justice administrative.

Dans le code des juridictions financières, des articles L. 120-3-1 et L. 220-4-1 sont créés et les articles L. 262-25 et L. 272-28 sont modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Le dispositif aura un impact budgétaire découlant de la prise en charge par l'employeur de la moitié des frais d'adhésion au contrat collectif pour les 1500 membres du Conseil d'Etat et magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et pour les 700 magistrats de la Cour des comptes et des CRTC.

Pour une participation financière de l'ordre de 35 euros par agent et par mois, l'impact sur le budget de la juridiction administrative atteindrait, pour les 1500 membres du Conseil d'Etat et magistrats concernés, environ 650 000 euros par an.

L'impact sur le budget des juridictions financières pourrait être de l'ordre de 300 000 euros par an.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'impact du dispositif proposé est limité aux catégories de personnels concernés (les membres des juridictions administratives et financières).

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

L'impact social peut être regardé comme positif dès lors qu'il rendra obligatoire la souscription de garanties de couverture des risques en matière de santé et qu'il permettra la participation financière de l'employeur à hauteur de 50 % des frais d'adhésion au régime complémentaire.

Ces avantages ont pour contrepartie la suppression de la liberté de choix de la mutuelle ou de l'organisme fournissant une protection sociale complémentaire.

Le dispositif peut créer une complication liée à la dissociation opérée pour le moment entre la protection sociale complémentaire et la prévoyance alors que de nombreux contrats en cours couvrent les deux types de risques.

Du point de vue de l'employeur, le dispositif crée une charge administrative liée à l'obligation de gérer une procédure de sélection du prestataire retenu pour conclure le contrat collectif.

La charge administrative existe toutefois déjà, indépendamment du projet d'article, puisque les personnels administratifs des juridictions administratives et financières sont d'ores et déjà couverts par le dispositif interministériel.

En permettant au décret en Conseil d'Etat de définir les conditions d'application du régime et, le cas échéant, de prévoir un rattachement à un autre employeur public, l'article proposé offre une alternative qui permettrait de mutualiser le coût administratif de gestion du dispositif.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Il ne semble pas y avoir d'impact notable ni sur l'égalité entre les femmes et les hommes ni sur la jeunesse dès lors que les populations concernées (membres des juridictions administratives et financières) sont en quasi-totalité d'ores et déjà couvertes par des dispositifs de protection sociale complémentaire.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Il ne semble pas avoir d'impact notable ni sur l'égalité entre les femmes et les hommes ni sur la jeunesse dès lors que les populations concernées (membres des juridictions administratives et financières) sont en quasi-totalité d'ores et déjà couvertes par des dispositifs de protection sociale complémentaire.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS SUR L'ENVIRONNEMENT

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le dispositif proposé a été discuté avec les représentants des membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes ainsi qu'avec les représentants des magistrats des TACAA et des CRTC.

Le projet d'article a été soumis aux avis :

- de la Commission supérieure du Conseil d'Etat qui a émis un avis favorable le 24 mars 2023 ;

- du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel qui a émis un avis favorable le 23 mars 2023, en vertu de l'article L.232-3 al. 3 du CJA ;

- du Conseil supérieur de la Cour des comptes qui a émis un avis favorable le 22 mars 2023 

- du Conseil supérieur des chambres régionales et territoriales des comptes qui a émis un avis favorable le 22 mars 2023, en vertu de l'article L220-12 du code des juridictions financières.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Le calendrier prévu pour la mise en oeuvre du dispositif vise à permettre au nouveau contrat de prendre le relais des accords en cours avec des mutuelles référencées.

S'agissant de la juridiction administrative, dont les membres sont majoritairement rattachés à la mutuelle référencée par le ministère de la justice, l'objectif est de mettre en place le nouveau contrat à l'échéance de la convention de référencement, à la fin de l'année 2024.

S'agissant de la juridiction financière, qui ne bénéficie pas d'une mutuelle référencée et sans rattachement à ce jour à un autre employeur public, l'objectif est de mettre en place un contrat au 1er janvier 2024, à l'instar des personnels administratifs et sous réserve des délais d'adoption du dispositif.

5.2.2. Application dans l'espace

Le dispositif est applicable de plein droit aux membres des juridictions administratives et financières sur l'ensemble du territoire national.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 26 - Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale au juge administratif de droit commun

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les recours contre les décisions administratives en matière de tarification sanitaire et sociale des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) sont actuellement jugés en première instance par les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale (TITSS), au nombre de 5, et en appel par la cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS).

Ces juridictions sont gérées par le Conseil d'Etat, avec des formations de jugements composées d'une part de membres du CE pour la CNTSS et de magistrats administratifs pour les TITSS, et complétées par des assesseurs échevins (des représentants de l'Etat, des personnes proposées par le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale - CNOSS - et par les conférences régionale de la santé et de l'autonomie - CRSA) ; les greffes sont composés par des agents du Conseil d'Etat (CNTSS et TITSS de Paris) ou des cours administratives d'appel du siège du TITSS (Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes).

La tendance générale de ce contentieux est à la baisse depuis 2014, à un peu moins de 200 affaires par an pour les TITSS et de moins de 50 pour la CNTSS. Les stocks d'affaires en instance de jugement sont également très bas. Néanmoins, les délais de jugement restent généralement supérieurs à un an, compte tenu de la difficulté à organiser des audiences, et la procédure suivie devant ces juridictions reste intégralement sous la forme du papier, quand toutes les juridictions administratives de droit commun fonctionnent aujourd'hui par des téléprocédures dématérialisées, ce qui représente un gain de temps, de productivité et sont sources d'économie.

Statistiques relatives à l'activité des TITTSS et la CNTSS

 

Stock au 1er janvier 2022

Entrées

Sorties

Stock au 31/12/2022

TITSS Paris

42

43

36

49

TITSS Bordeaux

8

48

15

41

TITSS Lyon

7

44

11

40

TITSS NANTES

28

16

21

23

TITSS NANCY

29

51

46

34

CNTSS

71

9

61

19

TOTAL:

185

211

190

206

La Mission d'inspection des juridictions administratives a proposé, dans un rapport de 2020, de faire évoluer les juridictions spécialisées de la tarification sanitaire et sociale au vu des constats suivants :

- La difficulté à trouver des magistrats et des échevins ;

- Un fonctionnement artisanal, chronophage et une procédure contentieuse largement obsolète au regard des règles actuelles du code de justice administrative ;

- Une prégnance de plus en plus grande des questions de procédure et des règles de droit abstraite et moins de questions d'appréciation susceptibles d'intéresser tout particulièrement les échevins issus du milieu sanitaire et social ;

- Des juridictions peu accessibles et peu transparentes pour leurs usagers, avec un rôle de plus en plus important des avocats dans les contentieux (et moins les établissements directement).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'article 34 de la Constitution donne compétence à la loi pour la « création de nouveaux ordres de juridiction ».

La Constitution n'impose pas de prévoir un juge spécialisé pour un type de contentieux donné.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Aucune norme du droit de l'Union européenne ou du droit de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne détermine comment doit être examiné le contentieux de la tarification sanitaire et sociale.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Des dispositions spécifiques dans le code de l'action sociale et des familles prévoient d'une part l'attribution à un juge administratif spécialisé du contentieux des décisions des autorités de la tarification sanitaire et sociale et d'autre part l'organisation en deux niveaux du contentieux, avec le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) en première instance (article L. 351-1 du CASF) et la cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS) en appel (article L. 351-4 du CSAF). Le Conseil d'Etat statuant au contentieux est le juge de cassation des décisions rendues par la CNTSS. Ces dispositions, qui créent un ordre de juridiction particulier au sens de l'article 34 de la Constitution ne peuvent être modifiées ou abrogées que par la loi.

Pour confier le contentieux au juge administratif de droit commun, il convient de supprimer les dispositions spécifiques régissant le contentieux en question (articles L. 351-1 à article L. 351-8), relatives à la fois à la compétence, à la composition et à certaines règles de procédures des juridictions de la tarification sanitaire et sociale.

En l'absence de règles spéciales, les décisions énumérées à l'article L. 351-1 du CASF relèveront alors du juge administratif de droit commun.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est de remédier à la difficulté de composer des formations de jugement pour les TITSS et la CNTSS, alors que le niveau du contentieux a fortement baissé.

En outre, le jugement par le juge administratif de droit commun permettra d'appliquer pour le contentieux de la tarification sanitaire et sociale les règles du code de justice administrative dans leur intégralité, avec notamment la possibilité d'utiliser Télérecours et de dématérialiser l'ensemble des procédures, ou encore de déposer des référés urgents.

Comme pour le contentieux de la sécurité sociale qui a été en 2019 concentré auprès des tribunaux judiciaires (pôle social), l'unification du contentieux de la tarification sanitaire et sociale auprès du juge de droit commun permettra un traitement des affaires par des magistrats professionnels selon les standards du droit commun. Les délais de jugement sont aujourd'hui inférieurs à un an en moyenne devant les TA comme devant les CAA, de sorte que la situation des requérants devrait s'améliorer globalement. La constitution d'une base de jurisprudence exhaustive permet enfin désormais d'assurer une grande homogénéité de la jurisprudence.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Dans son rapport de 2020, la MIJA a étudié plusieurs scénarios d'évolution.

La première possibilité consisterait à moderniser la procédure applicable devant les juridictions de la tarification sanitaire et sociale pour la rapprocher de la procédure contentieuse du juge administratif de droit commun, à savoir celle prévue par le code de justice administrative.

Toutefois, si la mise en oeuvre de cette mesure moderniserait et sécuriserait la procédure devant les juridictions du tarif mais aussi améliorerait à la marge le service rendu aux usagers, les juridictions en question resteraient néanmoins assez éloigné des standards désormais observés devant les juridictions de droit commun. Elle ne permettrait pas non plus de traiter les points faibles des juridictions du tarif: possibles discontinuités, intermittence du fonctionnement, efficacité incertaine.

En outre, ces améliorations passent par des adaptations qui paraissent disproportionnées pour un si faible volume de requêtes.

La deuxième possibilité consiste en le regroupement des juridictions de la tarification sanitaire et sociale dans une juridiction spécialisée unique en première instance. Mais cette hypothèse ne répondrait qu'en partie aux difficultés actuelles.

Si un tel regroupement garantirait un plan de charge significatif à cette juridiction unique, en revanche il présente plusieurs inconvénients :

- un regroupement atténuerait, mais ne permettrait sans doute pas de dépasser complètement, la problématique de la constitution des juridictions en première instance et en appel, due à la multiplication des catégories de leurs membres propres à l'échevinage (représentants du secteur sanitaire, du secteur social et médico-social, membres désignés par l'Etat, membres désignés par les professionnels) ;

- l'absence d'outil de gestion et de télétransmission rendrait peu probable l'obtention d'effets d'échelle et au contraire, la gestion manuelle d'un plus grand nombre de dossiers aurait toutes les chances de provoquer un effet inverse d'engorgement. Ce changement d'échelle ne serait pas suffisant pour modifier la problématique du coût de la mise en place d'un logiciel de gestion de la procédure au regard du volume d'activité ;

- en l'absence d'affectation d'agents de greffe et/ou de magistrats à plein temps, il ne permettrait pas de dépasser les limites affectant le service rendu, liées à l'intermittence du fonctionnement des juridictions ;

- l'accessibilité de ces juridictions constitue déjà un de leurs points faibles. L'institution d'une juridiction unique - même si la question de la proximité physique est loin d'épuiser la question de l'accessibilité- la réduirait encore. Cet inconvénient est accentué par l'absence d'outils de télétransmission.

- la question de l'utilité de l'échevinage face à l'évolution de ce contentieux resterait posée.

Une troisième hypothèse consisterait à transférer le contentieux au juge administratif de droit commun, mais en incluant des échevins dans des formations de jugement. Mais cette hypothèse présente trop d'inconvénients.

Certes, cette solution présenterait l'avantage de conserver au sein de la juridiction, les compétences des actuels échevins. Cependant, au nombre des inconvénients nombreux et sérieux on peut mentionner :

- alors qu'une bonne administration de la justice réclame des règles simples, claires et faciles à mettre en oeuvre, elle créerait un précédent difficile à justifier : pourquoi ne pas prévoir l'échevinage pour les matières aussi techniques que le règlement des marchés ou la responsabilité hospitalière dans lesquelles il peut être soutenu que des professionnels seraient en mesure d'éclairer utilement la formation de jugement ?

- elle introduirait, selon toute vraisemblance, des complications dans le fonctionnement des juridictions, liées aux disponibilités des échevins ;

- les difficultés parfois importantes constatées actuellement pour la désignation des échevins se reproduiraient probablement.

3.2. OPTION RETENUE

La quatrième hypothèse, qui est celle que retient le Gouvernement, est de transférer le contentieux de la tarification sanitaire et sociale au juge administratif de droit commun, mais en aménageant les règles de compétence territoriale.

En effet, ce contentieux assez technique réclame un investissement significatif de la part des magistrats. Une certaine spécialisation est nécessaire.

Un transfert de la compétence dans l'ensemble des tribunaux administratifs conduirait à éparpiller le contentieux du tarif entre de très nombreuses juridictions dont certaines ne traiteraient qu'un tout petit nombre de dossiers chaque année. Cette configuration ne permettrait pas aux magistrats chargés de ce contentieux de le maîtriser facilement, cela d'autant moins qu'ils ne pourraient plus bénéficier de l'apport des échevins.

Ce sont donc des arguments liés à la qualité du service rendu par les juridictions et à l'efficacité des magistrats, qui militent en faveur du maintien d'un ressort interrégional pour les juridictions compétentes en cas de transfert de compétence aux juridictions de droit commun.

Pour les mêmes raisons, il est envisagé qu'une unique cour administrative d'appel soit compétente.

Tels sont les éléments justifiant les termes de l'habilitation à prendre une ordonnance sur le fondement de l'article 38 de la Constitution.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impact sur l'ordre juridique interne

Il est envisagé de prévoir une ordonnance dont l'objet sera d'une part d'abroger les dispositions spécifiques du code de l'action sociale et des familles pour le contentieux de la tarification sanitaire et sociale et d'autre part de prévoir les règles transitoires pour les affaires pendantes au moment de la suppression du juge spécialisé.

La détermination des juridictions compétentes (TA et la CAA) se fera par la voie réglementaire.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Compte tenu du volume des affaires à transférer, et du fait que les juridictions de la tarification sanitaire et sociale relèvent déjà pour le fonctionnement du programme 165, l'impact budgétaire tiendra essentiellement à la suppression des indemnités versées aux membres des formations de jugement.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACT SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'impact portera essentiellement sur les greffes de la CNTSS et du TITSS de Paris, rattaché à la section sociale du Conseil d'Etat, qui seront supprimés au profit des greffes de la juridiction qui reprendra la compétence du TITSS de Paris et celle de la CNTSS, qui auront vocation à bénéficier des emplois actuellement dévolus.

 

Personnels affectés dans les TITSS et à la CNTSS  à ce jour

 
                     
 

PERMANENTS

VACATAIRES

 
 

Effectifs par catégorie

Président

Président Suppléant

Rapporteur

Commissaire du gouvernement

Membres

Membres suppléants

TOTAL

 

A

B

C

           

 

TITSS 75

 

1

1

1

1

3

2

4

4

17

TITSS 33

1

 

 

1

1

1

1

4

4

13

TITSS 69

 

 

1

1

1

5

1

4

4

17

TITSS 44

 

 

1

1

1

3

1

4

4

15

TITSS NANCY

 

 

1

1

 

2

1

4

4

13

CNTSS

 

1

1

1

1

4

2

6

6

22

                     

SOUS -TOTAL:

1

2

5

6

5

18

8

26

26

97

                     

TOTAL:

8

89

97

                     

Effectifs réels

6

85

91

                     

Pour les administrations désignant des échevins, le transfert du contentieux au juge de droit commun entraînera la suppression de la procédure de désignation.

Enfin, pour les administrations de la tarification et les établissements financés, l'utilisation des téléprocédures (Télérecours et Télérecours citoyens) pour la procédure contentieuse allègera la charge administrative.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACT SUR LES PARTICULIERS

S'agissant d'une juridiction administrative spécialisée ne tranchant pas de litiges avec des particuliers, l'impact sur ces derniers sera nul.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La section sociale du Conseil national de l'organisation sanitaire et sociale (article L. 312-3 du CASF) a été consultée à titre facultatif.

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel est consulté à titre obligatoire en vertu de l'alinéa 3 de l'article L. 232-3 du code de justice administrative.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

L'ordonnance à prendre devra intervenir dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions seront applicables sur tout le territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de transférer aux juridictions administratives de droit commun le contentieux de première instance et d'appel de la tarification sanitaire et sociale.

TITRE VII - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 27 - Dispositions relatives à l'Outre-Mer

S'agissant de l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) (article 3) :

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (article 804).

S'agissant du code pénitentiaire, une mise à jour des « compteurs LIFOU » (articles L. 757-1 pour Wallis et Futuna, L. 767-1 pour la Polynésie française, L. 777-1 pour la Nouvelle-Calédonie) sera également nécessaire compte tenu de la modification de l'article L. 612-1.

Concernant le travail d'intérêt général (article 4) :

Les dispositions du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale visant à rendre plus efficace le travail d'intérêt général et la procédure qui lui est applicable, doivent être applicables sur l'ensemble du territoire de la République, y compris dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie soumis au principe de spécialité législative.

Aucune adaptation n'étant nécessaire, il n'y pas lieu de procéder à la consultation de ces collectivités.

L'extension du projet de loi dans ces collectivités se fait par mentions expresses d'application, via la mise à jour des « compteurs LIFOU », par la modification à cette fin de l'article 804 du code de procédure pénale, de l'article 711-1 du code pénal, des articles L.721-1, L.722-1 et L.723-1 du code de la justice pénale des mineurs.

La mise en oeuvre des dispositions relatives à l'accueil de personnes condamnées à un TIG au sein des sociétés commerciales de l'Economie sociale et solidaire (ESS) ou au sein des sociétés à mission est conditionnée par l'applicabilité de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. En son article 96, ladite loi précise la nécessité pour le Gouvernement de prendre par voie d'ordonnance, dans les matières relevant de la loi, les mesures permettant, d'une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l'Etat, ainsi que de procéder aux adaptations nécessaires pour les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon et, d'autre part, de procéder aux adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer et du département de Mayotte dans les conditions prévues à l'article 73 de la Constitution.

Or, même si la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 n'a pas encore été rendue applicable à l'ensemble de l'outre-mer, cela ne pose pas de difficulté s'agissant de l'article 131-8 qui ne prévoit qu'une faculté que le TIG soit réalisé au profit d'une personne morale de droit privé remplissant les conditions prévues à l'article 1er de la loi du 31 juillet 2014.

Concernant le personnel de justice (article 11) :

Les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution :

Le présent projet est applicable de plein droit, donc sans mention spéciale, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, et à Mayotte, conformément au principe d'identité législative posé par l'article 73 de la Constitution et sans qu'il soit nécessaire de prévoir d'adaptation pour ces collectivités.

Les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie :

a) Collectivités régies par le principe d'identité législative

Dans la mesure où le texte porte sur des matières relevant de la compétence de l'Etat, le projet d'article est applicable de plein droit dans les collectivités de l'article 74 de la Constitution relevant de ce régime (Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon).

b) Collectivités du Pacifique

L'organisation judiciaire constitue en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna une compétence de l'Etat sur mention expresse d'application.

Cette création sera directement prise en compte dans les dispositions applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, du fait de l'applicabilité générale du livre Ier du code de l'organisation judiciaire (COJ) à ces territoires, via la mise à jour des « compteurs LIFOU » prévus aux articles L. 531-1, L. 551-1 et L. 561-1 du code de l'organisation judiciaire.

Concernant les conseils de juridiction (article 12) :

Les dispositions seront applicables de plein droit dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, (Martinique, Guyane, Mayotte, Guadeloupe et la Réunion).

Concernant les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution (Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon), l'organisation judiciaire est une compétence de l'Etat, le texte sera donc applicable de plein droit.

L'organisation judiciaire constitue en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie une compétence de l'Etat sur mention expresse d'application.

Afin que la modification législative envisagée soit applicable en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les articles suivants du code de l'organisation judiciaire, constituant des « compteurs Lifou », seront mis à jour :

- Pour la Polynésie française, articles L. 552-2 et L. 552-10 ;

- Pour la Nouvelle-Calédonie, les articles L. 562-2 et L. 562-25.

En revanche, les dispositions du code de l'organisation judiciaire relatives au conseil de juridiction ne sont pas applicables dans la collectivité de Wallis et Futuna. En effet, actuellement, les dispositions règlementaires du code de l'organisation judiciaire relatives au conseil de juridiction ne sont pas applicables à Wallis et Futuna en l'absence de mention expresse d'extension. La réforme législative envisagée ne sera pas étendue à cette collectivité.

Concernant la réserve pénitentiaire (article 14) :

Les dispositions sur la réserve pénitentiaire (articles L. 114-1 à L. 114-6 du code pénitentiaire) sont applicables sur l'ensemble du territoire de la République.

Compte tenu de la modification des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code pénitentiaire, une mise à jour des « compteurs LIFOU » figurant aux articles L. 752-1, L. 762-1 et L. 772-1 de ce code est nécessaire pour permettre l'application de ces dispositions à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Concernant le dispositif de surveillant adjoint contractuel (article 14) :

Compte tenu de la création du dispositif de surveillant adjoint contractuel et de l'insertion d'un nouvel article L. 113-4-1 dans le code pénitentiaire, une mise à jour des « compteurs LIFOU » pour Wallis-et-Futuna (article L. 752-1 du code pénitentiaire), la Polynésie française (article L. 762-1) et la Nouvelle-Calédonie (article L. 772-1) est nécessaire pour permettre l'application de la disposition dans les collectivités du Pacifique.

Concernant les caméras individuelles (article 14) :

Compte tenu de la création de l'article L. 223-20 du code pénitentiaire, une mise à jour des « compteurs LIFOU » (articles L. 753-1 pour Wallis et Futuna, L. 763-1 pour la Polynésie française, L. 773-1 pour la Nouvelle Calédonie) du code pénitentiaire est nécessaire pour permettre l'application de la disposition dans les collectivités du Pacifique.

Concernant la déspécialisation du juge des libertés et de la détention (article 15) :

S'agissant de la modification du code de santé publique :

Le présent projet est applicable de plein droit, donc sans mention spéciale, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, et à Mayotte, conformément au principe d'identité législative posé par l'article 73 de la Constitution et sans qu'il soit nécessaire de prévoir d'adaptation pour ces collectivités.

Dans la mesure où le texte porte sur des matières relevant de la compétence de l'Etat, le projet d'article est applicable de plein droit dans les collectivités de l'article 74 de la Constitution relevant de ce régime (Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon).

Les collectivités de Wallis et Futuna, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française sont régies par le principe de spécialité législative. A Wallis et Futuna, l'Etat est compétent en matière de santé, de garantie des libertés publique et d'organisation judiciaire. Ne sera rendu applicable que l'article L. 3131-3 relevant du titre III du livre 1er. La modification de l'article L. 3131-13 implique de modifier l'article L. 3821-11.

Les autres dispositions du projet de loi ne sont pas applicables à Wallis et Futuna. Il n'y a pas de services psychiatriques à Wallis et Futuna. Le patient est transféré dans un établissement en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française (cf. les articles L. 3824-1 et suivants).

En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, l'Etat n'est pas compétent en matière de santé. Il est en revanche compétent en matière de garantie des libertés publiques, justice et organisation judiciaire.

Les dispositions du code de la santé publique modifiées par ce projet de loi impliquent la modification des articles L. 3841-2, L. 3844-1 et L. 3844-2.

S'agissant de la modification du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Il convient de rappeler que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'applique de la manière suivante :

- Application de plein droit au territoire métropolitain et, sous réserve des adaptations prévues, aux départements d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion) et à Saint-Pierre-et-Miquelon. S'agissant de Mayotte, l'article L. 761-8 doit être modifié ;

- Application à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin sous réserve d'une mention expresse et des adaptations prévues : si le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est applicable à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, les statuts de ces collectivités prévoient que les lois et règlements relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi qu'au droit d'asile n'y sont applicables que sur mention expresse (articles L.O. 6213-1 et L.O. 6313-1 du code général des collectivités territoriales). Ainsi les articles L. 362-1, L. 363-1, L. 762-1 et L. 763-1 seront modifiés afin d'assurer la pleine applicabilité de la réforme. Enfin, la modification apportée à l'article L. 614-13 est applicable de plein droit (cf. articles L. 652-1 et L. 653-1).

Concernant les collectivités du Pacifique (Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française) :

- Wallis et Futuna : les dispositions modifiées sont applicables en vertu de mentions expresses d'application. Ainsi les articles L. 364-1, L. 364-2, L. 654-1, L. 764-1 seront modifiés afin de permettre l'applicabilité de la réforme dans ce territoire.

Nouvelle-Calédonie et Polynésie française : la mise à jour des articles L. 365-1, L. 365-2, L. 366-1, L. 366-2 L. 765-1 et L. 766-1, permettra la pleine applicabilité du présent projet dans ces territoires. La modification apportée à l'article L. 614-13 est applicable de plein droit (cf. articles L. 655-1 et L. 656-1).

Concernant le portail unique des déclarations de créances (article 16) :

A Wallis et Futuna, les dispositions modifiées (articles L. 814-2 et L. 814-13 du code de commerce) y sont applicables en tant qu'elles concernent les administrateurs judiciaires (AJ).

Cette même précision figurait dans les dispositions diverses et finales de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, qui prévoyait la mise en place du premier portail.

L'article 36 de cette loi précisait ainsi que les 6° et 7° de l'article 20 (le premier créant l'article L. 814-13 relatif à l'utilisation du portail, le second insérant l'alinéa relatif à l'instauration du portail à l'article L. 814-2) étaient applicables dans les îles Wallis et Futuna en tant qu'elles concernent les AJ.

La mise à jour des « compteurs LIFOU » sera effectuée par la modification de l'article L 950-1 du code de commerce.

Concernant la déjudiciarisation des procédures de saisie rémunération (article 17) :

Les dispositions relatives à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations sont réparties entre le code du travail, le code des procédures civiles d'exécution et le code de l'organisation judiciaire. Elles concernent néanmoins exclusivement la matière du droit civil, à laquelle les procédures civiles d'exécution sont rattachées, ainsi que l'organisation judiciaire.

1° En application du principe d'identité législative, les dispositions sont de plein droit applicables à la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion. Elles sont pareillement applicables à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.

2° Elles sont de plein droit applicables à Mayotte : d'une part, le code du travail y a été rendu applicable par l'ordonnance n° 2017-1491 du 25 octobre 2017 (article 1er). D'autre part, le code des procédures civiles d'exécution y est applicable en vertu de l'article L. 612-1. 

3° Les procédures civiles d'exécution ne relèvent pas de la compétence de l'Etat en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française).

Les dispositions d'organisation judiciaire, qui relèvent en Nouvelle-Calédonie et Polynésie française du principe de spécialité législative, n'y sont pas étendues.

4° Dans les Terres australes et antarctiques françaises, depuis l'entrée en vigueur de l'article 1er-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955, dans sa version modifiée par l'article 8 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 et la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011, sont applicables de plein droit les dispositions relatives : au droit civil (4°), au droit pénal et à la procédure pénale (5°), à la monnaie, au crédit (6°), au droit commercial (7°).

Dérogeant au principe ci-dessus exposé, l'article L. 651-1 du code des procédures civiles d'exécution (CPCE) exclut expressément l'application de ce code aux Terres australes et antarctiques. Aucune disposition spécifique n'est donc nécessaire pour exclure l'application de la réforme à ce territoire.

Les dispositions d'organisation judiciaire ne nécessitent pas d'adaptation.

5° Les procédures civiles d'exécution comme les dispositions d'organisation judiciaire relèvent à Wallis et Futuna du principe de spécialité législative et ne sont pas applicables de plein droit : des dispositions expresses sont donc nécessaires pour prévoir l'extension du régime nouveau à ce territoire. Toutefois, en raison de l'absence de commissaires de justice titulaires dans ce territoire, les nouvelles dispositions n'y seront pas étendues au risque que la réforme ne puisse pas y être applicable et qu'aucune saisie des rémunérations ne puisse être menée, privant ainsi les créanciers d'une possibilité d'obtenir la satisfaction de leur droit à l'exécution des jugements.

Article 28 - Dispositions transitoires

Concernant les juristes assistants

Les juristes assistants demeureront à compter de janvier 2024 des agents contractuels de catégorie A, mais exerçant sur les nouvelles fonctions d'attaché de justice. Ils pourront être « CDIsés » dans les termes des dispositions prévues par le présent projet de loi. En effet, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 11 de la présente loi, les personnes nommées en application de l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction antérieure à cette loi, peuvent bénéficier, par décision expresse, lors du renouvellement ou à l'issue d'une durée de six ans d'activité en qualité de juriste assistant, d'un nouveau contrat conclu pour une durée indéterminée.

A compter de l'entrée en vigueur de l'article 11, les juristes assistants dont le contrat est en cours sont nommés, pour le reste de leur contrat, comme attachés de justice auprès des magistrats de la juridiction au sein de laquelle ils ont été nommés, dans les conditions prévues à l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction résultant de la présente loi.

Les impacts de la mesure figurent infra dans les éléments relatifs à l'article 11.

Les modalités d'application du présent article seront fixées par un décret en Conseil d'Etat.

Concernant le rehaussement au niveau master 2 du diplôme pour accéder à la profession d'avocat

Les personnes titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat avant le 1er janvier 2025 et qui ne seraient pas encore inscrites à un barreau, ainsi que pour les titulaires de l'examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle avant le 1er janvier 2025 pourront prétendre à devenir avocat en étant simplement titulaires d'une maîtrise, conformément à l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa version actuellement en vigueur.

Par ailleurs, une fois la réforme adoptée, il est prévu que les étudiants en seconde année de master puissent s'inscrire à l'examen d'entrée la même année, sous condition de justifier de la validation de ce diplôme pour leur admission définitive à l'examen. Cette modalité sera mise en oeuvre, après publication de la présente loi, par modification de l'arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats.

Les impacts de la mesure figurent infra dans les éléments relatifs à l'article dédié au rehaussement du niveau de diplôme.

Article 29 - Dispositions d'entrée en vigueur

L'article 3, à l'exclusion du XI et l'article 4, à l'exclusion du 1° du I et du IV, entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi.

Les articles 11 et 15 et le I de l'article 13 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.

Les nouvelles règles de désignation des magistrats et des conseillers d'Etat siégeant au sein des juridictions disciplinaires prévues au 2° du I de l'article 13 sont sans incidence sur les instances disciplinaires engagées antérieurement ou en cours.

L'article 17 entre en vigueur à des dates fixées par décrets, et au plus tard le 1er juillet 2025. Il est applicable aux procédures de saisie et de cession de rémunérations en cours à cette date.

Il est applicable aux procédures de saisie et de cession des rémunérations en cours à cette date.

Les procédures de saisie des rémunérations sont transmises au mandataire du créancier s'il est commissaire de justice. Si le créancier n'est ni assisté, ni représenté à la procédure par un commissaire de justice, elle est transmise à la chambre régionale des commissaires de justice du lieu où réside le débiteur pour son attribution à un commissaire de justice. A compter de la transmission de la procédure au mandataire du créancier ou de son attribution à un commissaire de justice, le créancier dispose, à peine de caducité de la mesure en cours, d'un délai de six mois pour continuer la procédure de saisie des rémunérations, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Par dérogation au deuxième alinéa du III, lorsqu'une demande incidente ou une contestation a été présentée antérieurement à l'entrée en vigueur prévue au premier alinéa, elle est jugée conformément aux dispositions du code du travail et du code des procédures civiles d'exécution dans leurs rédactions antérieures à la même entrée en vigueur. Ces procédures sont transmises dans les conditions fixées au précédent alinéa, après le prononcé d'une décision ayant acquis force de chose jugée.

Les requêtes en saisie des rémunérations introduites avant la date prévue au 1er alinéa du III sont instruites et jugées conformément aux dispositions du code du travail et du code des procédures civiles d'exécution dans leurs rédactions antérieures à la même entrée en vigueur. Elles sont transmises dans les conditions fixées au troisième alinéa du présent III après l'établissement d'un procès-verbal de non-conciliation ou le prononcé d'un jugement autorisant la saisie ayant acquis force de chose jugée.

L'article 19 et les dispositions du 3° du I et du II de l'article 22 entrent en vigueur le 1er janvier 2025.

Les dispositions du 1° du I de l'article 14 entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

ANNEXE 1 - TABLEAU DE TRANSPOSITION

Directive à transposer et dispositions

Normes de droit interne existantes portant déjà transposition de certaines dispositions de la directive

Nature juridique des nouvelles normes à adopter pour assurer l'entière transposition de la directive

Dispositions proposées (en gras les éléments nouveaux)

Observations

Article 28 de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132

« Les États membres veillent à ce que, dans les procédures de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, les parties à la procédure, le praticien et l'autorité judiciaire ou administrative soient en mesure d'effectuer par des moyens de communication électronique, notamment dans les situations transfrontalières, au minimum les actions suivantes:

a) déclaration de créances;

b) soumission de plans de restructuration ou de remboursement;

c) notifications aux créanciers;

d) introduction de contestations et de recours. »

Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce

Loi et décret d'application

Article 16 du PJL

Article L. 814-2 alinéa 2 du code de commerce :

« Le conseil national est chargé de la mise en place d'un portail électronique qui permet l'envoi et la réception des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, et des rapports, par les administrateurs, les mandataires judiciaires et les personnes désignées en application du deuxième alinéa de l'article L. 811-2, du premier alinéa du II de l'article L. 812-2 ou du III de ce même article. Les caractéristiques de ce portail sont fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés ».

Article L.814-13 alinéa 1 nouveau du code de commerce :

« Les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires procèdent par voie électronique lorsque les tiers destinataires ou émetteurs des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, et des rapports ont consenti à l'utilisation de cette voie. A cette fin, ils utilisent le portail mis à leur disposition par le conseil national en application de l'article L. 814-2 ».

L'objectif poursuivi par la directive est de « réduire encore la durée des procédures, faciliter une meilleure participation des créanciers aux procédures de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, et garantir des conditions similaires aux créanciers où qu'ils soient installés dans l'Union » (considérant 90).


* 1 V. CC, décision n°2015-718 DC du 13 août 2015 et CC, décision n°2016-745 DC du 26 janvier 2017.

* 2 Extrait du rapport annexé : « A compter de 2024 et progressivement, les pouvoirs de gestion des chefs de cour pour certains actes dans ces matières seront renforcés afin de gagner en subsidiarité, sous réserve d'études d'impact préalables. Cette déconcentration s'accompagnera d'un renforcement des compétences budgétaires et de gestion des cours d'appel disposant d'un budget opérationnel de programme (BOP) de façon à rationaliser l'emploi des crédits et à définir des politiques cohérentes de gestion. Une réforme organisationnelle sera conduite en ce sens au cours de l'année 2023 avec comme objectif une mise en oeuvre au 1er janvier 2024. Cette déconcentration sera également mise en place à l'échelle des tribunaux judiciaires qui, outre l'attribution d'un budget de proximité, bénéficieront de compétences dans certaines matières, notamment immobilières ou informatiques ».

* 3 La loi du 6 août 2019 offre de nouvelles souplesses aux responsables publics et instaure de nouvelles garanties pour assurer l'égal accès aux emplois publics. Le recours au contrat est significativement élargi. Un contrat de projet est également créé pour permettre l'embauche sur des missions ponctuelles spécifiques avec une durée minimale d'un an et dans la limite de six ans. Parallèlement, les mobilités sont facilitées et encouragées, et les agents dont les services sont transformés bénéficieront d'un accompagnement amélioré.

* 4 V. le rapport annexé.

* 5 V. rapport annexé.

* 6 Idem.

* 7 V. notamment le Traité de procédure pénale de F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Economica, 2008.

* 8 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

* 9 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et au renforcement de l'efficacité des sanctions.

* 10 Loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 11 La mise en état des affaires pénales | vie-publique.fr

* 12 Ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire.

* 13 Loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

* 14 Loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.

* 15 Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

* 16 Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

* 17 Loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

* 18 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 19 Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

* 20 Loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.

* 21 Ordonnance n° 2016-1636 du 1er décembre 2016 relative à la décision d'enquête européenne en matière pénale.

* 22 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

* 23 Loi n° 2014-640 du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive.

* 24 Loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique.

* 25 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

* 26 Loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes.

* 27 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

* 28 Loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

* 29 Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

* 30 Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

* 31 Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

* 32 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 33 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

* 34 Loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale.

* 35 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

* 36 Loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale.

* 37 Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.

* 38 Loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997 consacrant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté.

* 39 Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire.

* 40 Loi n° 96-393 du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence.

* 41 Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale.

* 42 En particulier, la décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981 portant sur la loi « sécurité et liberté » a précisé les conséquences du principe de la présomption d'innocence, du principe de garanties procédurales exigées pour la mise en oeuvre des mesures coercitives, du principe de respect des droits de la défense et du droit au double degré de juridiction : comme l'observe justement la doctrine (Traité de droit pénal, F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, n° 101), cette décision constitue ainsi le socle sur lequel s'est édifiée la jurisprudence constitutionnelle en matière de procédure pénale, même si des décisions ultérieures, comme la décision n° 95-360 DC du 2 février 1995, censurant la procédure d'injonction pénale, sont venues affirmer d'autres principes, tel celui de la séparation des autorités de poursuite et de jugement.

* 43 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue qui fait en effet suite à la décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010.

* 44 Procédure instituée par la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, suite à la condamnation de la France par la Commission européenne des droits de l'homme (CEDH) pour non-respect du droit à un procès équitable dans l'affaire dite Hakkar (décision n°19033/91 du 31 août 1994).

* 45 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, justifiée également par les arrêts CEDH Salduz du 27 nov. 2008 et Dayanan du 13 octobre 2009.

* 46 Par exemple la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 47 https://www.vie-publique.fr/rapport/285620-rapport-du-comite-des-etats-generaux-de-la-justice-oct-2021-avril-2022

* 48 Loi n° 92-683 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions générales du code pénal ; Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes ; Loi n° 92-685 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les biens ; Loi n° 92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique.

* 49 Notamment pour les besoins de coordination avec d'autres codes.

* 50 Ces réserves sont, à l'exception de la dernière, celles qui figurent habituellement dans les articles d'habilitation à procéder à des codifications ou recodifications à droit constant.

* 51 De la même façon que lors de la refonte du code pénal, la loi du 16 décembre 1992 avait procédé aux très nombreuses adaptations exigées par le nouveau code résultant de quatre lois de juillet 1992.

* 52 Les 23 membres de ce comité scientifique, comportant douze magistrats, chefs de juridiction ou exerçant des fonctions pénales, une directrice de greffe, quatre avocats pénalistes, deux professeurs de droit, et quatre représentants de la gendarmerie nationale et de la police nationale ont été officiellement installés par le ministre de la justice le 16 janvier 2023.

* 53 22ème rapport annuel de la Commission supérieure de codification, pages 11 à 13.

* 54 Ces observations sont directement reprises des conclusions de Sophie Boissard sur une affaire concernant le code de la santé publique et une tentative d'extension du champ d'application de règles de procédure pénale CE, 26 novembre 2001, ALIS, n° 222741, au Rec.

* 55 Rapport sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, n° 4 (1999-2000) de la commission des Lois du Sénat, de Patrice Gélard.

* 56 En réalité, la numérotation dite « décimale » utilisée depuis plus de 30 ans pour l'élaboration des codes, implique au plus 9 parties (avec des articles numérotés 1XX-X, 2XX-X jusqu'à 9XX-X), mais il est courant d'ouvrir le code avec une partie « préliminaire » dont les articles sont numérotés 1X-X ou 100-X, comme par exemple dans les récents code de la justice pénale des mineurs ou code pénitentiaire).

* 57 C'est ainsi le cas en Allemagne, en Suisse et en Italie.

* 58 Cet arrêt dispose ainsi que :« lorsque la justice répressive a prononcé, il ne saurait être permis au juge civil de méconnaître l'autorité de ses souveraines déclarations ou de n'en faire aucun compte ; que l'ordre social aurait à souffrir d'un antagonisme qui, en vue seulement d'un intérêt privé, aurait pour résultat d'ébranler la foi due aux arrêts de la justice criminelle, et de remettre en question l'innocence du condamné qu'elle aurait reconnu coupable, ou la responsabilité du prévenu qu'elle aurait déclaré n'être pas l'auteur du fait imputé » et que « les décisions rendues au criminel ont envers et contre tous autorité de chose jugée ».

* 59 Article 706-92 du Code de procédure pénale.

* 60 Cass. crim., 13 sept. 2022, n° 21-87.452.

* 61 Article 706-92 du Code de procédure pénale.

* 62 Article 706-91 du Code de procédure pénale, alinéa 2.

* 63 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 précitée, cons. 46.

* 64 Décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, Société Wesgate Charters Ltd (Visite des navires par les agents des douanes), cons. 5 et 6.

* 65 Décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014, Loi relative à la géolocalisation, cons. 14 et 15.

* 66 Loi n°2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales.

* 67 Crim., 21 juin 2005, n° 04-87-797 ; Crim. 28 mars 2006, n° 05-86.61 ; Crim., 14 décembre 2011, n° 2011-028270.

* 68 Loi n° 2016-731 du 3 juin 201669 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

* 70 Rapport n° 3125 fait au nom de la commission d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement

* 71 Article D. 37 du code de procédure pénale créé par décret n° 2007-699 du 3 mai 2007

* 72 Les règles relatives à la fixation du délai par le juge d'instruction et aux conséquences du dépôt d'une demande hors délai ont été introduites à l'article 167 par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 73 Circulaire DACG n° 2007-10 du 22 juin 2007. NOR : JUSD0730041C

* 74 Cass. Crim. N°19-86.760, 16 juin 2020.

* 75 Estimations pour les TGI de Versailles, Evry, Nanterre et Créteil des années 1996 à 2000.

* 76 https://www.vie-publique.fr/rapport/285620-rapport-du-comite-des-etats-generaux-de-la-justice-oct-2021-avril-2022

* 77 Sources : Ministère de la Justice/SG/SEM/SDSE/fichier statistique GENESIS. Statistiques trimestrielles de milieu fermé au 31 décembre 2022. Tableau 17 : nombre de nouvelles personnes écrouées par catégorie pénale et durée de peine prononcée

* 78 Le coût du matériel est inclus dans les coûts d'exploitation évalué à 3,74€ par journée de placement (le coût du matériel et notamment de sa location représente 2,1€ sur les 3,74€).

* 79 Coût moyen par corps : CPIP : 41 043 € HCAS, DPIP : 57 194 € HCAS et Surveillant : 40 410 € HCAS.

* 80 La loi de 1863 a été reprise par le code de procédure pénale dans son article 71 qui prévoyait que cette procédure exceptionnelle était applicable aux délits flagrants lorsqu'ils étaient punis d'une peine d'emprisonnement. La loi no 75-701 du 6 août 1975 modifiant et complétant certaines dispositions de procédures pénales a prévu la présence d'un avocat. La loi no 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes a étendu cette procédure aux délits non flagrants. La loi no 83-466 du 10 juin 1983 à donner le nom de « comparution immédiate ».

* 81 L'article 397-2 vise en effet désormais « tous les cas prévus par le présent paragraphe », lequel est relatif à la convocation par procès-verbal, la comparution immédiate et la comparution différée (paragraphe 3 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du CPP)

* 82 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2004/2004492DC.htm

* 83 Le dernier alinéa de l'article 63 du CPP prévoit en effet que si une personne a déjà été placée en garde à vue pour les mêmes faits, la durée des précédentes périodes de garde à vue s'impute sur la durée de la mesure, comme le disait la jurisprudence avant que la loi ne consacre cette règle par la loi n°2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

* 84 Considérant 35.

* 85 Considérant 18.

* 86 Voir le rapport de l'IRDES sur l'évaluation médico-économique de la TLM - novembre 2019, le rapport au parlement sur les expérimentations prévues par l'article par l'article 36 de la LFSS pour 2014 et le rapport de la HAS accompagné de son guide des bonnes pratiques à destination des professionnels ( https://www.has-sante.fr/jcms/c_2971632/fr/teleconsultation-et-teleexpertise-guide-de-bonnes-pratiques#toc_1_1). Selon les antécédents médicaux, les possibles symptômes, l'attitude ou le mal-être du patient il sera possible de déterminer ce qui peut être traité à distance et ce qui nécessite un examen en présentiel. Tout comme il est possible actuellement de faire des consultations en visioconférence avec différents professionnels de santé dans le cadre d'un suivi médical classique.

* 87 Le coût de l'investissement dépendra de multiples critères (prestataire choisi pour la mise à disposition des bornes de téléconsultation et leur suivi, nombre de bornes à déployer). A titre d'information, le coût d'une borne de téléconsultation équipée des matériels nécessaires (tensiomètre, stéthoscope, etc.) avoisine les 15 000€.

* 88 Pour la gendarmerie nationale, il est espéré une économie de 53 ETP. Pour un nombre de GAV de + 24h en 2022 de 36103, pour 2/3 de ces mesures, un examen médical à l'occasion d'une prolongation serait nécessaire, avec 2h de délai et 2 EPT pour l'escorte, ce qui correspond à 95 312 heures/gendarme, soit 53 ETP. La DGPN a enregistré en 2021 : 220 147 GAV de -24H00 et 106 416 de + 24H00 sans pouvoir discriminer les transports pour examen dans le cadre de la GAV initiale ou de la prolongation, 317 271 conduites ont été réalisées soit 176 ETP (2018 : 288 980 soit 165 ETP, 2019 : 304 296 soit 172 ETP, 2020 : 267 825 soit 150 ETP). En 2022, 238 708 GAV -24H00 et 116 379 GAV de + 24H00, les statistiques de transport à l'hôpital comptabilisent désormais sans distinction les GAV, les IPM, les retenus et les conduites de détenus soit 320 409 représentant 162 ETP.

* 89 Pour la gendarmerie nationale : il sera nécessaire de réaliser une mise à jour du modèle de PV de déroulement de garde à vue du module LRPGN (notification des nouvelles modalités du droit art.63-3 du CPP+ rubrique liée à l'examen médical).

Pour la police nationale : il s'agit des postes de travail déjà existants dans les services équipés pour l'essentiel de webcam et permettant une connexion via le réseau interministériel de l'État de transmettre un lien à un tiers pour qu'il se connecte à la webconf de l'État.

* 90 https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/exercice/point-teleconsultation

* 91 Il s'agit des infractions relevant de la criminalité organisée mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, ainsi que certaines infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé de données commises en bande organisée (article 706-72 du code de procédure pénale), certaines infractions économiques et financières (articles 706-1-1 et 706-1-2 du code de procédure pénale) et certaines infractions en matière de santé publique (706-2-2 du code de procédure pénale).

* 92 Si le juge des libertés et de la détention estime que les opérations n'ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du code de procédure pénale n'ont pas été respectées, il peut ordonner la destruction des procès-verbaux et enregistrements effectués par ordonnance motivée.

* 93 Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 1019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, paragr. 191

* 94 Consacré, en tant que droit de valeur constitutionnel dans la décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, ce droit est aujourd'hui rattaché par le Conseil constitutionnel à l'article 2 de la Déclaration de 1789.

* 95 Le Conseil constitutionnel a consacré le caractère constitutionnel des droits de la défense, qu'ils rattachent à l'article 16 de la Déclaration de 1789. Pour un exemple, décision 2016-551 QPC du 6 juillet 2016, M. Eric B. [Conditions tenant à l'exercice de certaines fonctions ou activités en France pour l'accès à la profession d'avocat] paragr. 11

* 96 Décret n°2019-1462 du 26 décembre 2019 relatif à l'expérimentation du travail d'intérêt général dans les entreprises de l'économie sociale et solidaire et les sociétés à mission.

* 97 Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 98 CC, décision n°86-215 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance.

* 99 CC, décision n°2014-696 DC du 7 août 2014, Loi relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

* 100 CC, décision n°2007-554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

* 101 Résolution sur les conditions carcérales dans l'Union européenne: aménagements et peines de substitution, Journal officiel n° C 098 du 09/04/1999, p. 0299.

* 102 CEDH, Van der Mussele c. Belgique, 23 novembre 1983 - Requête n°8919/80, Série A n° 70, §37.

* 103 Recommandation R(92) 16 du 19 octobre 1992.

* 104 Recommandation R(99) 22 du 30 septembre 1999.

* 105 « Les leviers permettant de dynamiser le travail d'intérêt général », Rapport remis à Edouard PHILIPPE, Premier ministre, par Didier PARIS, député (Vice-Président de la commission des Lois) et David LAYANI, Président de la société Onepoint, Mars 2018.

* 106La Cour de cassation dans son arrêt n°503 du 11 mai 2021 insiste sur le caractère obligatoire de l'aménagement de ces peines inférieures ou égales à six mois issu des articles 464-2 CPP et 132-25 du CP, qui se traduit pour le tribunal correctionnel par l'obligation d'aménager la peine au moins « dans son principe », c'est-à-dire sans définir les modalités de son exécution et de faire convoquer l'intéressé devant le JAP à cette fin (sauf à motiver son refus exceptionnel d'aménager la peine). Sans se positionner expressément sur la question de la conversion de ces peines en TIG ou Jours-amende, l'arrêt rappelle les formes d'aménagement visés à cet effet par l'article 132-25 du CP : détention à domicile sous surveillance électronique, placement extérieur et semi-liberté. L'imprégnation progressive des textes de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et l'interprétation de l'arrêt du 11 mai 2021 a eu pour effet d'exclure une partie importante des peines inférieures ou égales à six mois du régime de la conversion TIG par le JAP qui privilégie l'aménagement de peine.

* 107 La JUB est une juridiction internationale instituée par l'Accord du 19 février 2013 relatif à une juridiction unifiée du brevet 2013/C 175/01. Son rôle est de statuer dès le 1er avril 2023 sur le contentieux relatif à la contrefaçon et à la validité de brevets unitaires européens et de brevets européens sans effet unitaire. La JUB ayant une compétence exclusive en la matière, les juridictions et autorités nationales ne se prononceront plus sur la validité de brevets européens. L'objectif est d'harmoniser le droit des brevets puisque les décisions de cette juridiction s'appliqueront à l'ensemble des 24 États-parties à l'Accord. La compétence de la JUB sera concurrente à celle du tribunal judiciaire de Paris pendant une période transitoire de sept ans à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord, sauf en ce qui concerne les nouveaux brevets à effet unitaire. (Cf. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A42013A0620%2801%29).

* 108 Il convient de se reporter à l'étude d'impact des articles 53 et 54 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (étude d'impact) (senat.fr)). Au titre des développements relatifs au cadre constitutionnel, il est notamment indiqué que « L'organisation judiciaire entre enfin pleinement dans le champ de l'article 37-1 de la Constitution qui prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Plus encore, l'article 37-1 a été créé par la loi constitutionnelle n° 2003-276 relative à l'organisation décentralisée de la République précisément avec l'un des objectifs de mettre en oeuvre des expérimentations en matière d'organisation judiciaire, ainsi qu'il résulte des débats parlementaires193(*). Son emploi est donc particulièrement indiqué. » La note de bas de page 193 indique : « Voir, en ce sens, l'audition de M. Dominique Perben par la Commission des Lois du Sénat le 16 octobre 2002 : « s'agissant de l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, il a souhaité préciser que les dispositions proposées visaient notamment à permettre au ministère de la justice de conduire des expérimentations, qui encouraient actuellement la censure du Conseil constitutionnel au regard de sa jurisprudence sur l'application du principe d'égalité. Il a rappelé que les débats au Sénat lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, en juillet 2002, avaient mis en exergue la nécessité de procéder à une révision de la Constitution pour pouvoir mettre en oeuvre des expérimentations portant notamment sur la carte judiciaire ». »

* 109 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 110 Voir p. 182 du rapport du Comité des Etats généraux de la justice : https://www.vie-publique.fr/rapport/285620-rapport-du-comite-des-etats-generaux-de-la-justice-oct-2021-avril-2022

* 111 Source : ministère de la Justice, direction des affaires civiles et du sceau.

* 112 Source : ministère de la Justice, direction des affaires civiles et du sceau.

* 113 Source : ministère de la Justice, direction des affaires civiles et du sceau.

* 114 Source : ministère de la Justice, direction des affaires civiles et du sceau.

* 115 L'évaluation de l'expérimentation sera conduite par le ministère de la Justice ; le texte précise que : « Six mois au moins avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation. L'ensemble des acteurs judiciaires et économiques est associé à cette évaluation. L'évaluation repose notamment sur la durée des procédures de liquidation judiciaire, le taux de réformation des décisions, la qualité du service rendu au justiciable et l'appréciation des auxiliaires de justice, au vu des statistiques fournies par le Ministère de la Justice, d'une part, et de questionnaires de satisfaction, d'autre part. »

* 116 Les statistiques du ministère de la justice ne permettent pas de quantifier l'étendue totale du transfert du contentieux entre le TJ et le TAE. Par conséquent, il est difficile de quantifier combien de juges consulaires supplémentaires seront nécessaires et de quantifier le gain ETP magistrats. A l'issue de l'expérimentation, et dans le cadre d'une éventuelle pérennisation, ces éléments pourront être présentés.

* 117 Rapport "Systèmes judiciaires européens - Rapport d'évaluation de la CEPEJ - Cycle d'évaluation 2022 (données 2020) - Fiches pays. Note de la DAEI (Ministère de la justice) du 8 septembre 2022 sur le financement de la justice commerciale.

* 118 Note de la DAEI (ministère de la justice) du 8 septembre 2022 sur le financement de la justice commerciale.

* 119 Rapport Systèmes judiciaires européens - Rapport d'évaluation de la CEPEJ - Cycle d'évaluation 2022 (données 2020) - Fiches pays. Note de la DAEI (ministère de la justice) du 8 septembre 2022 sur le financement de la justice commerciale.

* 120 CC, décision n° 2006-545 DC, 28 décembre 2006, cons. 21, Rec. p. 138, JORF, 31 décembre 2006, p. 20320, texte n°4.

* 121 CEDH, 23 juin 1981, série A n° 43, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique.

* 122 CEDH, 28 juin 1984, série A n° 80, Campbell et Fell c. Royaume-Uni.

* 123 CEDH, 28 juin 1984, série A n° 80, Campbell et Fell c. Royaume-Uni.

* 124 CEDH, 26 août 2003, Filippini c. Saint-Marin.

* 125 CEDH, 22 juin 1989, série A n° 155, Langborger c. Suède ou CEDH, 23 novembre 1993, série A n° 279, Holm c. Suède.

* 126 http://www.sed-trading.eu/UEMC/telechargements/charte-juges-v-francaise.pdf

* 127https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168068510e

* 128 https://www.parijus.eu/assets/pdf/Europa/Europaeische%20Charta_franz.pdf

* 129 Ce délai permet à l'ENM de disposer de plus de souplesse pour organiser la formation, y compris en cas de rattrapage tout en restant cohérent avec la durée du mandat.

* 130 CC, décisions n° 94-355 DC, 10 janvier 1995 ; n° 2003-466 DC, 20 février 2003 ; n° 2004-510 DC, 20 janvier 2005 ; n° 2011-147 QPC, 8 juillet 2011 ; n° 2011-635 DC, 4 août 2011 ; n° 2016-732 DC, 28 juillet 2016.

* 131 CC, décision n° 2010-76 QPC, 3 décembre 2010, cons. 7 et 9.

* 132 CC, décision n° 2016-732 DC précitée, considérant 73.

* 133 http://www.sed-trading.eu/UEMC/telechargements/charte-juges-v-francaise.pdf

* 134https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168068510e

* 135 https://fnapte.fr/charte-europeenne-juges-professionnels/.

* 136 Les assistants de justice sont institués par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, et les assistants spécialisés par l'article 91-I de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Le statut des assistants de justice est précisé par le décret n° 96-513 du 7 juin 1996 modifié relatif aux assistants de justice.

* 137 Les juridictions du XXIème siècle, Rapport du groupe de travail présidé par Didier Marshall, décembre 2013, p. 16.

* 138 L'article 18 de la loi n°2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur crée ainsi au sein du code de procédure pénale une fonction « d'assistant d'enquête », avec pour mission de seconder, dans l'exercice de leurs fonctions, les officiers et les agents de police judiciaire, et notamment procéder, à leur demande expresse et sous leur contrôle, à des convocations, notifications, réquisitions, transcriptions.

* 139 V. not. Dominique Le Vert (dir.), Rapport sur la situation des fonctionnaires des services judiciaires, novembre 1990; Hubert Haenel et Jean Hartuis (dir.), Rapport de la commission de contrôle du Sénat chargée d'examiner les modalités d'organisation et les conditions de fonctionnement des services relevant de l'autorité judiciaire, juin 1991; Christian Cointat (dir.), Quels métiers pour quelle justice? Rapport d'information au Sénat fait au nom de la commission des Lois par la mission d'information sur l' évolution des métiers de la justice, Juillet 2002; Florence Audier, Maya Beauvallet, Eric-Guy Mathias, Jean-Luc Outin, Muriel Tabaries, Le métier de procureur de la République ou le paradoxe du parquetier moderne, Centre d'économie de la Sorbonne (CNRS/Université Panthéon-Sorbonne), GIP Mission de recherche Droit et Justice, 2008; Philip Milburn, Katia Kostulski, Denis Salas, Les procureurs, entre vocation judiciaire et fonctions politiques, coll. Droit et Justice, PUF, 2010; Soraya Amrani-Mekki, « Déjudiciarisation et évolution des professions juridiques », in O. Boskovic (dir.), La déjudiciarisation, éd. Mare et Martin, 2013, p.183 ; Le juge du 21e siècle - Un citoyen acteur, une équipe de justice, Décembre 2013- Groupe de travail présidé par Pierre Delmas-Goyon, conseiller à la Cour de cassation.

* 140 Selon les termes de l'article L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire créé par l'article 24 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016.

* 141 Tel que précisé par l'article R. 123-30 du code de l'organisation judiciaire.

* 142 Source : ministère de la Justice.

* 143 Les assistants spécialisés peuvent notamment assister les magistrats instructeurs dans tous les actes d'information, les magistrats du ministère public dans l'exercice de l'action publique ou les OPJ agissant sur délégation des magistrats. Ils possèdent des pouvoirs de réquisitions dans les pôles ECOFI et bénéficient du droit de communication de l'article 132-22 du code pénal. Leur apport tant dans les JIRS que dans certains services spécialisés du parquet ou de l'instruction sont particulièrement appréciés des magistrats.

* 144 Les dispositions réglementaires concernant les assistants spécialisés sont, quant à elles, inscrites aux articles R 15-33-66-8 (accès aux informations et données à caractère personnel), R 40-45 et R 40-47 (plateforme nationale des interceptions judiciaires), R 49-20-1 (renvoi aux articles R 50 bis à R 50 sexies), R 50 bis à R 50 sexies (nomination, exercice des fonctions et prestation de serment des assistants spécialisés prévus à l'article 706), R 249-13 (accès aux informations enregistrées dans le traitement automatisé de données à caractère personnel), ainsi que D 46-7, D 47-4, D 47-6 et D 47-6-18 (matières devant être validées par l'agent pour exercer les fonctions d'assistant spécialisé) du code de procédure pénale.

* 145Rapport sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires, 2022, p. 13 et 18. L'une des conséquences concrètes de ces vacances d'emploi affecte l'audiencement ou le fonctionnement du service, calibré en fonction de cet apport supplémentaire, qui doit alors être entièrement revu, créant du travail supplémentaire tant pour les magistrats que pour les fonctionnaires de greffe.

* 146 Créés en 2016. Cf. les articles R. 212-64 du code de l'organisation judiciaire, s'agissant des tribunaux judiciaires, et R. 312-85 de ce même code, s'agissant des cours d'appel.

* 147 Conseil supérieur de la magistrature, Recueil des obligations déontologiques des magistrats, Annexe, 2019, p. 114.

* 148 Par ailleurs, un grand nombre de collectivités participent dans le cadre de conventions avec la justice au financement d'associations intervenant dans le champ de l'accès au droit, de l'aide aux victimes ou de la médiation. Les chefs de juridiction comme les magistrats délégués à la politique associative sont à cet égard les interlocuteurs privilégiés des élus locaux et des représentants des administrations territoriales aux fins de définir les financements dont les associations doivent bénéficier au regard des objectifs qui leur sont assignés. De même, la création, la construction ou la restructuration de sites de justice nécessitent une concertation approfondie avec les acteurs locaux, en particulier avec les élus des collectivités territoriales concernées. Il en est de même pour la création et l'animation de maisons de justice et du droit ou de points d'accès au droit.

* 149 Article D. 136-2 du code pénitentiaire.

* 150 Article D. 132-6 du code de la sécurité intérieure.

* 151 Article D. 131-4-1 du code de l'éducation.

* 152 Article D. 472-5-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 153 Décret n° 2016-1056 du 3 août 2016 portant création des comités locaux d'aide aux victimes et des espaces d'information et d'accompagnement des victimes d'actes de terrorisme.

* 154 Décret n° 2020-872 du 15 juillet 2020 relatif à la coordination interministérielle en matière de lutte contre la fraude et à la création d'une mission interministérielle de coordination anti-fraude.

* 155 Rapport d'évaluation de la CEPEJ, cycle d'évaluation 2020 (données 2018), signalé par le Rapport du comité des Etats généraux de la justice, 8 juillet 2022, p.133.

* 156 Rapport sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires, septembre 2022, p. 2.

* 157 Rapport sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires, septembre 2022, p. 40.

* 158 Rapport sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires, septembre 2022, p. 27.

* 159 Rapport sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires, septembre 2022, p.33

* 160 Pourront notamment assister au délibéré des audiences les attachés de justice exerçant auprès des magistrats du siège.

* 161 Articles 628-9, 706, 706-2-3 et 706-25-15 du code de procédure pénale.

* 162 Rapport n°60-13 de la Mission d'inspection aux fins d'évaluation du dispositif des assistants spécialisés, Inspection Générale des Services Judiciaires - Décembre 2013 (non publié).

* 163 Guidelines for developing a criminal justice coordinating committee de 2002 : https://info.nicic.gov/nicrp/system/files/017232.pdf ; Actualisation des guidelines en ligne sur le site du National Institute of Corrections : https://info.nicic.gov/cjcc/

* 164 Guide des élus du comté pour la prise de décision dans le système de justice pénale (2016) : https://www.naco.org/sites/default/files/documents/County%20Elected%20Officials%20Guide%20to%20Criminal%20Justice%20Decision%20Making_FINAL.pdf

* 165 http://videos.senat.fr/video.2821457_620dfee88058e.audition-de-mme-adeline-hazan-magistrate-honoraire-ancienne-controleure-generale-des-lieux-de-priv

* 166 https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-592-notice.html

* 167 Par exemple, la prise en charge des victimes et auteurs des violences au sein du couple, les rapports entre justice et psychiatrie, ou le développement du travail d'intérêt général.

* 168 Cf. Proposition de loi n°840 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination (assemblee-nationale.fr).

* 169 Cf. Rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat du 7 juin 2018.

* 170 Article L. 411-8 du CSI.

* 171 Le taux d'occupation est de 120% en moyenne.

* 172 Les missions sont fixées par l'article 3 du décret n°2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier du corps du personnel de surveillance. C'est l'évolution du cadre de suivi des personnes placées sous-main de justice qui a changé les missions : assignation à résidence sous surveillance électronique, création de système d'aide à la sortie (SAS), dispositif de sortie (établissements INSER), module respect. Par ailleurs, un arrêté du 22 mai 2014 portant règlement d'emploi des formations spécialisés exercées par les personnels pénitentiaires (formateur, équipes régionales de sécurité et d'intervention, équipes cyno-techniques). Enfin les surveillants pénitentiaires exercent les extractions judiciaires, et des équipes locales de sécurité pénitentiaire ont été mises en place (sécurité périmétriques, sécurité des bâtiments, interventions en cas de crise en établissement).

* 173 Pour mémoire, ce concept consiste à placer le surveillant au coeur de la vie en détention, d'en être un acteur en faisant évoluer les procédures et pratiques professionnelles. Celles-ci sont détaillées dans un document de référence intitulé « Référentiel qualité des pratiques professionnelles ». A ce titre l'acquisition et la valorisation des nouvelles compétences liées au surveillant acteur incontournable d'une détention sécurisée doivent s'articuler avec les formations du socle commun. Le triptyque « évaluation, techniques d'entretien et enjeux de l'application des peines/ évolution des normes » constitue le principal objectif de ce concept.

* 174 Fonctions spécialisées : arrêté du 22 mai 2014 portant règlement d'emploi des fonctions spécialisées exercées par les personnels pénitentiaires ; Surveillant acteur : convention ministérielle signée avec les organisations syndicales, cahier des charges et mallette pédagogique ; Equipes locales de sécurité pénitentiaires : arrêté du 21 mai 2019 portant gestion des équipes locales de sécurité pénitentiaires.

* 175 Décret n° 2018-1319 du 28 décembre 2018 portant création d'une prime de fidélisation attribuée à certains personnels relevant de l'administration pénitentiaire et arrêté du 28 décembre 2018 fixant les montants de la prime de fidélisation attribuée à certains personnels relevant de l'administration pénitentiaire.

* 176 La réforme annoncée en février 2022 vise à faire passer les agents du corps d'encadrement et d'application en catégorie B, à inscrire dans le décret statutaire l'évolution des métiers et revoir leurs régimes indemnitaires.

Pour les officiers, il est prévu que le corps soit porté en catégorie A. La réforme au-delà des aspects indiciaires consiste à créer un corps unique de catégorie A (il existe déjà un corps des chefs de service pénitentiaire) et de garantir dans cette réforme une cohérence fonctionnelle.

* 177 L'objectif est que le contrat soit un temps d'apprentissage et de passage vers le statut de surveillant.

* 178 Exposé des motifs du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 septembre 1998.

* 179 Notamment par la loi n°2016-731 du 3 juin 2016.

* 180 Aux termes de l'article 137-1-1 du code de procédure pénale : « Le juge des libertés et de la détention peut être suppléé en cas de vacance d'emploi, d'absence ou d'empêchement, par un magistrat du siège du premier grade ou hors hiérarchie désigné par le président du tribunal judiciaire. En cas d'empêchement de ces magistrats, le président du tribunal judiciaire peut désigner un magistrat du second grade. Pour l'organisation du service de fin de semaine ou du service allégé pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels, le juge des libertés et de la détention d'un tribunal judiciaire peut être désigné afin d'exercer concurremment ces fonctions dans, au plus, deux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d'appel ; cette désignation est décidée par ordonnance du premier président prise à la demande des présidents de ces juridictions et après avis du président du tribunal judiciaire concerné ; elle en précise le motif et la durée, ainsi que les tribunaux pour lesquels elle s'applique ; la durée totale d'exercice concurrent des fonctions de juge des libertés et de la détention dans plusieurs tribunaux judiciaires ne peut excéder quarante jours au cours de l'année judiciaire. La désignation prévue à l'alinéa précédent peut également être ordonnée, selon les mêmes modalités et pour une durée totale, intermittente ou continue, qui ne peut excéder quarante jours, lorsque, pour cause de vacance d'emploi ou d'empêchement, aucun magistrat n'est susceptible, au sein d'une juridiction, d'exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention ».

v. not. Crim. 6 sept. 2022, n° 22-83.707 ; Crim. 25 oct. 2022, F-B, n° 22-84.862.

* 181 v. not. la jurisprudence CEDH, en matière de contrôle des soins psychiatriques sans consentement (CEDH Delbec c. France, n° 43125/98, § 33, 18 juin 2002 ; Laidin c. France (n° 1), n° 43191/98, § 28, 5 novembre 2002 ; Mathieu c. France, n° 68673/01, § 35, 27 octobre 2005 ; S.U. c. France, 10 octobre 2006 - req. n° 23054/03; Tréboux c. France, 3 octobre 2006 - req. n° 7217/05 ; Van Glabeke c. France, 7 mars 2006- req. n°38287/02) et en matière de rétention des étrangers (CEDH 12 juill. 2016, R.M. et a., req. n° 33201/11 ; A.B. et a., req. n° 11593/12 ; A.M. et a., req. n° 24587/12 ; R.K. et a., req. n° 68/264/14 ; R.C. et a., req. n° 76491/14).

* 182 V. not. R. Parizot, « La jurisprudence constitutionnelle sur l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle », Titre VII, n° 7, La liberté individuelle, octobre 2021.

* 183 Cf. notamment le délai de quarante-huit heures prévu pour l'intervention d'un magistrat du siège en cas de prolongation de garde à vue (Déc. n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale, cons. 5.déc. n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, paragr. 180.) ou le délai de 14 jours pour toute prolongation d'une mise en quarantaine ou d'un placement en isolement « sanitaire » (Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, paragr. 43.).

* 184 Dans sa décision n° 79-109 DC, le Conseil constitutionnel avait déjà estimé qu'en vertu de l'article 66 de la Constitution, la liberté individuelle « ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » (cons. 4), considérant repris notamment dans la Décision n° 2011-202 QPC du 2 décembre 2011 (Hospitalisation sans consentement antérieure à la loi n° 90-527 du 27 juin 1990, cons. 13). V. également la Décision n° 2022-996/997 QPC: « en matière de privation de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais. Il appartient aux autorités judiciaires, sous le contrôle de la Cour de cassation, de veiller au respect de cette exigence » (cons. 11). Ce délai varie cependant, selon la nature de la procédure à l 'origine de la mesure en cause et de la justification de la privation de liberté.

* 185 Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010: « s'agissant d'une mesure privative de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans les plus brefs délais compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir des éléments d'information complémentaires sur l'état de santé de la personne hospitalisée » (cons. 39) ; Conseil constitutionnel, 9 juin 2011, n° 2011-631 DC : « les dispositions de l'article L. 3213-4, qui permettent que l'hospitalisation d'office soit maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution » (cons. 13). 

* 186 Conseil constitutionnel, Commentaire de la décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020, p. 2.

* 187 En suite de la modification de la procédure applicable devant le JLD en matière d'isolement et de contention, la circulaire DACS DSJ du 25 mars 2022 (JUS 2209863C) a rappelé les mesures d'accompagnement mises en place en raison de cet accroissement des charges: la mise à disposition de fiches « réflexe » de procédure, l'instauration d'un comité national de suivi associant des professionnels de terrain et des représentants des administrations centrales des ministères de la justice et de la santé , ainsi que le versement d'une indemnité supplémentaire en cas d'intervention sans déplacement de jour les samedis, dimanches et jours fériés pour les juges des libertés et de la détention.

* 188 Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020, cons. 8 : « aucune disposition législative ne soumet le maintien à l'isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l'article 66 de la Constitution » ; Décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021, cons. 19 : « aucune disposition législative ne soumet le maintien à l'isolement ou sous contention au-delà d'une certaine durée à l'intervention systématique du juge judiciaire, conformément aux exigences de l'article 66 de la Constitution ».

* 189 Conseil d'Etat, 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous, 2020, p. 7.

* 190 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012, cons. 20, 21, 22, 25, 27, 28.

* 191 Conseil constitutionnel, décision ° 2017-674 QPC du 30 novembre 2017, cons. 15 : « si la mesure d'assignation à résidence est susceptible d'inclure une astreinte à domicile, la plage horaire de cette dernière ne saurait dépasser douze heures par jour sans que l'assignation à résidence soit alors regardée comme une mesure privative de liberté, contraire aux exigences de l'article 66 de la Constitution, dans la mesure où elle n'est pas soumise au contrôle du juge judiciaire ».

* 192 V. not. Conseil Constitutionnel, décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, cons. 15 et 17 ; Décision n° 2021-983 QPC du 17 mars 2022.

* 193 Source : ministère de la Justice.

* 194 D'autres mesures de remplacement existent, mais emportent d'autres contraintes : l'article R. 212-5 du code de l'organisation judiciaire permet de pallier les seules hypothèses d'absence ou d'empêchement, et non la vacance d'emploi. Impliquant une décision du chef de cour ainsi qu'un vivier d'effectifs disponibles dans le ressort de la cour d'appel, le recours à un magistrat placé ou aux délégations de magistrat prévues par le code de l'organisation judiciaire peuvent remédier à un poste vacant, mais ne sont souvent pas pleinement mobilisables à brèves échéances, compte tenu de l'impératif de disponibilité lié au contentieux civil du JLD, impliquant de statuer à bref délai.

* 195 Auquel il faut notamment ajouter la loi n°2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention introduisant une compétence du juge judiciaire pour le contrôle de la dignité des conditions de détention, en suite des décisions CEDH, 5e section, arrêt JMB et autres c/ France, 30 janvier 2020, req. n° 9671/15 et autres, et Conseil constitutionnel, n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020.

* 196 Pour exemple, le JLD statue sur les demandes aux fins de maintien ou de mainlevée d'une mesure d'isolement ou de contention avant l'expiration, selon le cas, du délai de 24 heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du II de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, ou du délai de sept jours mentionné au cinquième alinéa du même II. Le non-respect des délais impartis pour statuer emporte la mainlevée de la mesure d'isolement et de contention.

* 197 P. Le Monnier de Gouville, « Le juge des libertés et de la détention entre présent et avenir », Les Cahiers de la Justice, 2011/4 (N° 4), pp. 145-157.

* 198A. Haroune, « Le juge des libertés et de détention : un magistrat qui sort de l'ombre », Les Cahiers de la Justice, vol. 1, no. 1, 2019, pp. 169-181.

* 199 S. Papillon, Isolement et contention : le rôle du juge des libertés et de la détention depuis la loi du 22 janvier 2022, Revue de droit sanitaire et social, 2022 p. 693.

* 200 Rapport du comité des Etats généraux de la justice, 8 juillet 2022, p. 108.

* 201 Rapport du groupe de travail sur la simplification de la justice civile, 8 juillet 2022, p. 45.

* 202 Rapport du groupe de travail sur la simplification de la justice pénale, 8 juillet 2022, p. 29.

* 203 Sur l'intérêt des protocoles institutionnels en lien avec l'office du juge, v. not. Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapport d'activité 2021, 2022, p. 328.

* 204 Il n'y aura ainsi aucun impact procédural sur le fond des matières et l'exercice des voies de recours.

* 205 Source : ministère de la Justice.

* 206 Demande d'autorisation relative à la rétention et au maintien en zone d'attente d'un étranger.

* 207 Demande d'autorisation de prolongation des mesures de rétention prises à l'encontre des étrangers en situation irrégulière.

* 208 Demande d'autorisation de maintien en zone d'attente d'un étranger demandant son admission sur le territoire français.

* 209 Demande de mainlevée d'une mesure d'isolement et/ou de contention formée à titre principal.

* 210 Demande de maintien d'une mesure d'isolement et/ou de contention formée par le directeur de l'établissement.

* 211 Demande de prolongation d'une mesure de quarantaine ou d'isolement.

* 212 Demande de mainlevée d'une mesure de quarantaine ou d'isolement.

* 213 Demande relative à l'internement d'une personne.

* 214 Demande de mainlevée d'une mesure d'hospitalisation complète par le patient ou toute personne agissant dans son intérêt.

* 215 Demande de contrôle obligatoire périodique de la nécessité d'une mesure d'hospitalisation complète.

* 216 Demande de contrôle de la nécessité d'une mesure d'hospitalisation complète en cas de désaccord entre psychiatres et préfet.

* 217 Demande de mainlevée d'une mesure d'hospitalisation autre que complète par le patient ou toute personne agissant dans son intérêt

* 218 L'indemnisation des astreintes JLD résulte des articles 10 du décret n° 2003-1284 et 5 de l'arrêté du 3 mars 2010 pris pour l'application dudit décret. L'annexe C de l'arrêté devra être modifiée pour tenir compte du fait que certaines attributions ne relèvent plus du JLD mais d'un magistrat du siège non spécialisé.

* 219 Les auditeurs de justice de la promotion 2019 ont bénéficié d'une formation, sous forme de ciné-débat, de 3 heures sur les fonctions de JLD civil consistant en la projection du film « 12 jours » suivie d'un débat animée par un magistrat JLD, un psychiatre, une avocate et une greffière. Les auditeurs des promotions 2020 et 2021 ont bénéficié d'une conférence de 2 heures sur le thème de l'hospitalisation sans consentement, débat animé par un magistrat JLD, un psychiatre, et une avocate. Ils avaient été invités à visionner avant la séquence, le film « 12 jours ». Les auditeurs de justice de la promotion 2022 ont bénéficié d'enseignements sur le JLD dans le cadre d'un module de formation en ligne de 30 minutes qui vise à une présentation transversale des fonctions de JLD tant civiles (incluant donc les hospitalisations sous contraintes et le contentieux des étrangers en situation irrégulière) que pénales. Il était jusqu'à ce jour envisagé la reconduction de ce format pour les auditeurs de justice de la promotion 2023 qui débutera sa scolarité en juin 2023.

* 220 V. not. Conseil constitutionnel, Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, cons. 25 : « Considérant que, si l'intervention d'un magistrat du siège pour autoriser, dans ces cas, la prolongation de la garde à vue, est nécessaire conformément aux dispositions de l'article 66 de la Constitution, aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'exige que ce magistrat ait la qualité de juge d'instruction ».

* 221 v. not. CEDH, Stephens c. Malte (n° 1), 2009, § 95 ; Ali Osman Özmen c. Turquie, 2016, § 87, Bas c. Turquie, 2020, §§ 266-267.

* 222 A titre d'exemple, la section 3 du chapitre Ier du Titre Ier du Livre II de la troisième partie règlementaire du code de la santé publique relative aux procédures judiciaires de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement (articles R. 3211-7 à R. 3211-30 du code de la santé publique).

* 223 Il résulte du bilan de l'expérience Creditor services établi par le CNAJMJ au 31 aout 2020 que 57%, en moyenne, des dossiers de procédures collectives ont été mis en ligne sur Creditors Services :

- Nombre de procédures collectives (source Données CNAJMJ + estimation pour 2019) :

52 517 en 2016, 48 949 en 2017, 47 848 en 2018 et 45 551 en 2019 ;

- Nombre de procédures publiées sur Creditors : 32 215 en 2016, 27 947 en 2017, 26 849 en 2018 et 26 253 en 2019 ;

- Pourcentage de procédures publiées sur Creditors : 61,34% en 2016, 57,09% en 2017, 56,11% en 2018 et 57,63% en 2019.

La cible d'actes réalisés chaque année par la plateforme était de 1 200 000 d'actes. Or, dans les faits les réalisations d'actes ont été bien inférieures : 4 286 en 2016, 6 305 en 2017, 12 289 en 2018, 1 884 en 2019 et 3 965 au total 40 729 actes.

* 224 Une jurisprudence ancienne assimile la déclaration de créance à une action en justice : Com. 14 déc. 1993, n° 93-11.690, Bull. civ. IV, n° 471 ; Rev. sociétés 1994. 100, note Y. Chartier ; RTD com. 1994. 364, obs. A. Martin-Serf ; AP 26 janv. 2001, n°99-15-153 ; AP 4 fév. 2011, n°09-14.619 ; Com. 14 oct. 2014, n° 13-16.609 NP.

* 225 Source : ministère de la Justice.

* 226 Cons. Const., n°2014-455 QPC, 6 mars 2015.

* 227 Cons. Const., n° n°2017-672 QPC, 17 nov. 2017.

* 228 CEDH 19 mars 1997, Hornsby c/ Grèce, req. n° 25701/94.

* 229 CEDH 29 mars 2016, Scordino c/ Italie, req. n° 36813/97.

* 230 CEDH 7 mai 2002, Bourdov c/ Russie, req. n° 59498/00.

* 231 CEDH 11 janvier 2001, Lunari c/ Italie, req.n° 21463/93.

* 232 « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ».

* 233 Article 7 de l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006.

* 234 Cf. la doctrine, reprise dans le commentaire du Conseil Constitutionnel de sa décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022, Association Avocats pour la défense des droits de étrangers et autres. Voir aussi Civ.1ère, 4 juin 2009, n°08-10.962 et n°08-13.541: « Mais attendu que malgré l'abrogation de l'ordonnance de la marine d'août 1681, la formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, obligatoire ».

* 235 G. Droz, Doc. prél. n° 1 de mars 1959, p.2 - Rapport préparatoire à la convention de la Haye du 5 octobre 1961.

* 236 Décret n°2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère.

* 237 Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 07 avril 2022, n°448296.

* 238 https://www.ciec1.org/conventions-fr

* 239 https://assets.hcch.net/docs/e963e513-7483-4627-81eb-620e2c755876.pdf

* 240 Tableau récapitulatif de l'état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation, apostille et dispenses, diffusé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

* 241 Rapport annuel 2016 de la Cour de cassation, p. 23

* 242 http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_GT_formation_avocats_def.pdf

* 243 Documents disponibles sur le site de la Cour des comptes.

* 244 Cf. le 13° de l'article 8 de l' ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

* 245 Décret n° 2022-1452 du 23 novembre 2022 modifiant le statut particulier du corps des administrateurs de l'Etat ; décret n° 2022-1453 du 23 novembre 2022 relatif aux conditions de classement, d'avancement et de rémunération applicables à certains emplois supérieurs de la fonction publique de l'Etat ; décret n° 2022-1454 du 23 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives à l'échelonnement indiciaire applicable à l'encadrement supérieur de l'Etat ; décret n° 2022-1455 du 23 novembre 2022 portant diverses dispositions applicables à certains emplois supérieurs de la fonction publique de l'Etat.