ÉTUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI
de programmation pour la refondation de Mayotte
NOR : MOMX2508540L/Bleue-1
22 avril 2025
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 8
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 12
TITRE IER - OBJECTIFS DE L'ACTION DE L'ETAT POUR MAYOTTE 18
Article 1er - Approbation du rapport annexé relatif à la refondation de Mayotte 18
TITRE II - LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE ET L'HABITAT ILLÉGAL 26
CHAPITRE 1ER - DURCIR LES CONDITIONS D'ACCÈS AU SÉJOUR EN LES ADAPTANT À LA SITUATION PARTICULIÈRE DE MAYOTTE 26
Article 2 (2°) - Rendre opposable l'entrée régulière pour l'obtention des titres « parent d'enfant français » et « liens privés et familiaux ») 26
Article 2 (1° et 3°) - Porter la durée de résidence régulière de trois à cinq ans pour l'obtention de la carte de résident « parent d'enfant français » 43
Article 2 (1° et 4°) - Créer une condition de 7 ans de résidence habituelle à Mayotte pour l'obtention de la carte de séjour « liens personnels et familiaux » 53
CHAPITRE II - AMÉLIORER LES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE LES RECONNAISSANCES FRAUDULEUSES DE PATERNITÉ ET DE MATERNITÉ 67
Article 3 - Centralisation des reconnaissances de paternité et de maternité à la commune de Mamoudzou et lecture par l'officier d'état civil des obligations liées à la reconnaissance d'un enfant à Mayotte 67
Article 4 - Allonger les durées du sursis à l'enregistrement de la reconnaissance d'un enfant prononcé par le procureur de la République le temps de l'enquête 82
Article 5 - Durcir la peine d'amende encourue en cas de mariage ou de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité en vue d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l'éloignement ou la nationalité 94
CHAPITRE III - MIEUX LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE ET FACILITER L'ÉLOIGNEMENT 103
Article 6 - Extension de l'aide au retour volontaire à Mayotte -problématique des ressortissants d'Afrique des Grands Lacs 103
Article 7 - Possibilité de placer un étranger accompagné d'un mineur dans une unité familiale pour la rétention des familles avec mineur 112
Article 8 - Permettre le retrait des titres des parents lorsque leurs enfants constituent une menace pour l'ordre public 121
Article 9 - Conditionner les flux financiers depuis le département de Mayotte à la vérification préalable de la régularité du séjour du client par les prestataires de services de paiement fournissant un service de transmission de fonds 136
CHAPITRE IV - RENFORCER LA LUTTE CONTRE L'HABITAT INFORMEL 151
Article 10 - Faciliter les opérations de résorption de l'habitat informel 151
TITRE III - PROTÉGER LES MAHORAIS 169
CHAPITRE I - RENFORCER LE CONTRÔLE DES ARMES 169
Article 11 - Visites domiciliaires aux fins de recherches d'armes 169
Article 12 - Remise des armes 187
CHAPITRE II - RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE L'EMPLOI D'ÉTRANGERS SANS TITRE 193
Article 13 - Permettre aux officiers et agents de police judiciaire, sur réquisition du procureur de la République, de traverser un local tiers - y compris un domicile - pour pénétrer dans les lieux à usage professionnel 193
TITRE IV - FACONNER L'AVENIR DE MAYOTTE 204
CHAPITRE IER - GARANTIR AUX MAHORAIS L'ACCÈS AUX BIENS ET AUX RESSOURCES ESSENTIELS 204
Article 14 - Organiser un recensement exhaustif de la population pour toutes les communes de Mayotte 204
Article 15 - Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour déterminer les modalités de convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte avec la législation applicable dans l'hexagone ou dans les DROM 210
Article 16 - Extension de l'IRCANTEC à Mayotte 221
Article 17 - Augmenter le nombre de pharmacies d'officine 229
Article 18 - Favoriser la représentation des professionnels exerçant à Mayotte au sein de l'union régionale des professionnels de santé océan indien 237
CHAPITRE II - FAVORISER L'AMÉNAGEMENT DURABLE DE MAYOTTE 243
Article 19 - Faciliter la prise de possession de terrains pour des opérations et infrastructures jugées essentielles 243
Article 20 - Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété 257
Article 21 - Assouplir les procédures en matière de construction d'ERP, notamment des collèges et lycées : proroger la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 autorisant la passation des marchés globaux de type conception-réalisation pour les écoles du 1er degré, et l'étendre aux constructions du 2nd degré, aux constructions affectés à l'enseignement supérieur public et aux résidences universitaires au sens de l'article L. 631-12 du code de la construction 267
CHAPITRE III - CRÉER LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT DE MAYOTTE 275
Article 22 - Création d'une zone franche globale par adaptation du régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (ZFANG) existant 275
Article 23 - Prévoir le zonage de tout le territoire en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à Mayotte 283
Article 24 -Extension des compétences de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte 294
Article 25 - Modifier le code du sport afin de permettre à Mayotte d'exercer les mêmes compétences que l'ensemble des départements en faveur du développement des sports de nature 300
CHAPITRE IV - ACCOMPAGNER LA JEUNESSE DE MAYOTTE 306
Article 26 - Prise en charge par l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) des lycéens de Mayotte dès lors que la filière qu'ils ont choisie est indisponible dans leur territoire 306
Article 27 - Créer un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte 316
CHAPITRE V - FAVORISER L'ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE 325
Article 28 - Création d'une nouvelle priorité légale de mutation du fonctionnaire de l'Etat affecté à Mayotte justifiant d'une durée de services accomplis de trois ans dans un emploi pour accroître l'attractivité de ce territoire et renforcer l'action de l'Etat sur ce territoire 325
Article 29 - Attirer des talents dans la fonction publique : prévoir une bonification d'ancienneté pour l'avancement d'échelon des fonctionnaires de l'Etat et des fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte à l'instar de ce qui est prévu pour ceux affectés dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles 334
TITRE V - MODERNISER LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA COLLECTIVITÉ 339
CHAPITRE IER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 339
Article 30 - Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité 339
CHAPITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE ÉLECTORAL 351
Articles 31 et 33 - Révision du mode de scrutin 351
Articles 32 et 33 - Prise en compte du changement de nom 364
TITRE VI - DISPOSITIONS FINALES ET TRANSITOIRES 370
Article 34 - Mise en cohérence rédactionnelle 370
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Profondément touché au cours des récents mois par des catastrophes naturelles, tout d'abord le cyclone Chido puis la tempête tropicale intense Dikeledi, le département de Mayotte a subi de nombreux dégâts humains, matériels et environnementaux, affaiblissant encore une économie fragile. Face à l'ampleur de ces dégâts, l'Etat est immédiatement intervenu pour gérer la crise et répondre aux urgences immédiates. Puis, d'un point de vue juridique, la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte est venue constituer l'outil législatif principal au service de la reconstruction de Mayotte. Elle vise à faciliter le rétablissement des conditions de vie des Mahorais à travers l'adaptation des règles de construction, d'urbanisme ou de commande publique. Elle porte également différentes mesures de soutien aux habitants et aux entreprises sur le plan économique et social.
Il convient toutefois d'oeuvrer plus profondément pour confier un caractère structurel à la refondation de Mayotte. La loi de programmation pour la refondation de Mayotte porte ainsi l'ambition de donner les moyens aux Mahorais d'exercer leurs droits, vivre en paix et en sécurité dans ce département de l'océan Indien.
Structurée autour de 6 titres, elle entend apporter durablement aux Mahorais les moyens de leur réussite au sein de leur environnement régional :
Au travers de son titre I un rapport présente un programme d'investissements prioritaires dans les infrastructures essentielles afin de soutenir la triple ambition de la refondation : protéger les Mahorais, garantir l'accès aux biens et ressources essentiels et développer les leviers de la prospérité de Mayotte.
Le titre II regroupe des mesures fortes visant à lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine, source de déstabilisation majeure de la société mahoraise, et l'habitat illégal, entrave à la réalisation des projets du territoire visant à améliorer le quotidien des Mahorais.
Le titre III entend protéger les Mahorais par le double renforcement du contrôle des armes et de la lutte contre l'emploi clandestin.
Le titre IV contient des mesures ambitieuses à caractère économique et social destinées à garantir aux Mahorais l'accès aux biens et aux ressources essentiels, à favoriser l'aménagement durable de Mayotte, à créer les conditions du développement et à favoriser l'attractivité du territoire, notamment par l'accompagnement de la jeunesse.
Le titre V vise à moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité unique, dénommée « Département-région de Mayotte », en la positionnant au même niveau que la Guyane et la Martinique dans le code général des collectivités du territoire mais aussi à permettre à Mayotte d'exercer les mêmes compétences que l'ensemble des départements en faveur du développement des sports de nature. Il réforme par ailleurs l'organisation électorale en donnant un cadre démocratique rénové aux Mahorais.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS
Article |
Objet de l'article |
Consultations obligatoires |
Consultations facultatives |
1er |
Approbation du rapport annexé relatif à la refondation de Mayotte |
Conseil économique social et environnemental (CESE) Conseil départemental de Mayotte Haut-Conseil des finances publiques (HCFP) |
Sans objet. |
2 (2°) |
Rendre opposable l'entrée régulière pour l'obtention des titres « parent d'enfant français » et « liens privés et familiaux » |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
2 (1° et 3°) |
Porter la durée de résidence régulière de trois à cinq ans pour l'obtention de la carte de résident « parent d'enfant français » |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
2 (1° et 4°) |
Créer une condition de 7 ans de résidence habituelle à Mayotte pour l'obtention de la carte de séjour « liens personnels et familiaux » |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
3 |
Centralisation des reconnaissances de paternité et de maternité à la commune de Mamoudzou et lecture par l'officier d'état civil des obligations liées à la reconnaissance d'un enfant à Mayotte |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
4 |
Allonger les durées du sursis à l'enregistrement de la reconnaissance d'un enfant prononcé par le procureur de la République le temps de l'enquête |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
5 |
Durcir la peine d'amende encourue en cas de mariage ou de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité en vue d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l'éloignement ou la nationalité |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
6 |
Extension de l'aide au retour volontaire à Mayotte - problématique des ressortissants d'Afrique des Grands Lacs |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
7 |
Possibilité de placer un étranger accompagné d'un mineur dans une unité familiale pour la rétention des familles avec mineur |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
8 |
Permettre le retrait des titres des parents lorsque leurs enfants constituent une menace pour l'ordre public |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
9 |
Conditionner les flux financiers depuis le département de Mayotte à la vérification préalable de la régularité du séjour du client par les prestataires de services de paiement fournissant un service de transmission de fonds |
Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
10 |
Faciliter les opérations de résorption de l'habitat informel |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
11 |
Visites domiciliaires aux fins de recherches d'armes |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
12 |
Remise des armes |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
13 |
Permettre aux officiers et agents de police judiciaire, sur réquisition du procureur de la République, de traverser un local tiers - y compris un domicile - pour pénétrer dans les lieux à usage professionnel |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
14 |
Organiser un recensement exhaustif de la population pour toutes les communes de Mayotte |
Conseil départemental de Mayotte |
Commission nationale d'évaluation du recensement de la population |
15 |
Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour déterminer les modalités de convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte avec la législation applicable dans l'hexagone ou dans les DROM |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
16 |
Extension de l'IRCANTEC à Mayotte |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
17 |
Augmenter le nombre de pharmacies d'officine |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
18 |
Favoriser la représentation des professionnels exerçant à Mayotte au sein de l'union régionale des professionnels de santé océan indien |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
19 |
Faciliter la prise de possession de terrains pour des opérations et infrastructures jugées essentielles |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
20 |
Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété |
Conseil départemental de Mayotte Conseil régional de Guadeloupe Conseil départemental de Guadeloupe Assemblée de Martinique Conseil régional de La Réunion Conseil départemental de la Réunion Assemblée de Guyane Conseil territorial de Saint-Barthélemy Conseil territorial de Saint-Martin Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Sans objet. |
21 |
Assouplir les procédures en matière de construction d'ERP, notamment des collèges et lycées : proroger la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 autorisant la passation des marchés globaux de type conception-réalisation pour les écoles du 1er degré, et l'étendre aux constructions du 2nd degré, aux constructions affectés à l'enseignement supérieur public et aux résidences universitaires |
Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
22 |
Création d'une zone franche globale par adaptation du régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (ZFANG) existant |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
23 |
Prévoir le zonage de tout le territoire en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à Mayotte |
Conseil départemental de Mayotte Conseil national des villes |
Sans objet. |
24 |
Extension des compétences de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
25 |
Modifier le code du sport afin de permettre à Mayotte d'exercer les mêmes compétences que l'ensemble des départements en faveur du développement des sports de nature |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
26 |
Prise en charge par l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) des lycéens de Mayotte dès lors que la filière qu'ils ont choisie est indisponible dans leur territoire |
Conseil départemental de Mayotte |
Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) |
27 |
Créer un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
28 |
Création d'une nouvelle priorité légale de mutation du fonctionnaire de l'Etat affecté à Mayotte justifiant d'une durée de services accomplis de trois ans dans un emploi pour accroître l'attractivité de ce territoire et renforcer l'action de l'Etat sur ce territoire |
Conseil commun de la fonction publique Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
29 |
Attirer des talents dans la fonction publique : prévoir une bonification d'ancienneté pour l'avancement d'échelon des fonctionnaires de l'Etat et des fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte à l'instar de ce qui est prévu pour ceux affectés dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles |
Conseil commun de la fonction publique Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
30 |
Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité |
Conseil départemental de Mayotte Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Sans objet. |
31 et 33 |
Révision du mode de scrutin |
Conseil départemental de Mayotte Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Sans objet. |
32 et 33 |
Prise en compte du changement de nom |
Conseil départemental de Mayotte Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Sans objet. |
34 |
Mise en cohérence rédactionnelle |
Conseil départemental de Mayotte |
Sans objet. |
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION
Article |
Objet de l'article |
Textes d'application |
Administration compétente |
1er |
Approbation du rapport annexé relatif à la refondation de Mayotte |
Sans objet. |
Sans objet. |
2 (2°) |
Rendre opposable l'entrée régulière pour l'obtention des titres « parent d'enfant français » et « liens privés et familiaux » |
Arrêté |
Ministère de l'Intérieur Direction générale des étrangers en France (DGEF) |
2 (1° et 3°) |
Porter la durée de résidence régulière de trois à cinq ans pour l'obtention de la carte de résident « parent d'enfant français » |
Arrêté |
Ministère de l'Intérieur Direction générale des étrangers en France (DGEF) |
2 (1° et 4°) |
Créer une condition de 7 ans de résidence habituelle à Mayotte pour l'obtention de la carte de séjour « liens personnels et familiaux » |
Arrêté |
Ministère de l'Intérieur Direction générale des étrangers en France (DGEF) |
3 |
Centralisation des reconnaissances de paternité et de maternité à la commune de Mamoudzou et lecture par l'officier d'état civil des obligations liées à la reconnaissance d'un enfant à Mayotte |
Sans objet. |
Sans objet. |
4 |
Allonger les durées du sursis à l'enregistrement de la reconnaissance d'un enfant prononcé par le procureur de la République le temps de l'enquête |
Sans objet. |
Sans objet. |
5 |
Durcir la peine d'amende encourue en cas de mariage ou de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité en vue d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l'éloignement ou la nationalité |
Sans objet. |
Sans objet. |
6 |
Extension de l'aide au retour volontaire à Mayotte - problématique des ressortissants d'Afrique des Grands Lacs |
Arrêté |
Ministère de l'Intérieur Direction générale des étrangers en France (DGEF) Ministère des Outre-mer Direction générale des Outre-mer (DGOM) |
7 |
Possibilité de placer un étranger accompagné d'un mineur dans une unité familiale pour la rétention des familles avec mineur |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère de l'Intérieur Direction générale des étrangers en France (DGEF) Direction de l'immigration |
8 |
Permettre le retrait des titres des parents lorsque leurs enfants constituent une menace pour l'ordre public |
Sans objet. |
Sans objet. |
9 |
Conditionner les flux financiers depuis le département de Mayotte à la vérification préalable de la régularité du séjour du client par les prestataires de services de paiement fournissant un service de transmission de fonds |
Sans objet. |
Sans objet. |
10 |
Faciliter les opérations de résorption de l'habitat informel |
Sans objet. |
Sans objet. |
11 |
Visites domiciliaires aux fins de recherches d'armes |
Sans objet. |
Sans objet. |
12 |
Remise des armes |
Arrêté préfectoral |
Représentants de l'Etat dans le territoire |
13 |
Permettre aux officiers et agents de police judiciaire, sur réquisition du procureur de la République, de traverser un local tiers - y compris un domicile - pour pénétrer dans les lieux à usage professionnel |
Sans objet. |
Sans objet. |
14 |
Organiser un recensement exhaustif de la population pour toutes les communes de Mayotte |
Décret simple |
Ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) |
15 |
Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour déterminer les modalités de convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte avec la législation applicable dans l'hexagone ou dans les DROM |
Ordonnances, textes réglementaires |
Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles |
16 |
Extension de l'IRCANTEC à Mayotte |
Décret simple |
Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles |
17 |
Augmenter le nombre de pharmacies d'officine |
Sans objet. |
Sans objet. |
18 |
Favoriser la représentation des professionnels exerçant à Mayotte au sein de l'union régionale des professionnels de santé océan indien |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles |
19 |
Faciliter la prise de possession de terrains pour des opérations et infrastructures jugées essentielles |
Décrets en Conseil d'Etat |
Ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) Ministère des Outre-mer Direction générale des Outre-mer (DGOM) |
20 |
Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété |
Décret simple |
Ministère de la Justice Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) |
21 |
Assouplir les procédures en matière de construction d'ERP, notamment des collèges et lycées : proroger la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 autorisant la passation des marchés globaux de type conception-réalisation pour les écoles du 1er degré, et l'étendre aux constructions du 2nd degré, aux constructions affectés à l'enseignement supérieur public et aux résidences universitaires |
Sans objet. |
Sans objet. |
22 |
Création d'une zone franche globale par adaptation du régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (ZFANG) existant |
Sans objet. |
Sans objet. |
23 |
Prévoir le zonage de tout le territoire en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à Mayotte |
Décret simple |
Ministère de l'Intérieur Direction générale des collectivités locales (DGCL) |
24 |
Extension des compétences de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte |
Décret simple |
Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) Ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA) |
25 |
Modifier le code du sport afin de permettre à Mayotte d'exercer les mêmes compétences que l'ensemble des départements en faveur du développement des sports de nature |
Sans objet. |
Sans objet. |
26 |
Prise en charge par l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) des lycéens de Mayotte dès lors que la filière qu'ils ont choisie est indisponible dans leur territoire |
Décret simple |
Ministère des Outre-mer Direction générale des Outre-mer (DGOM) |
27 |
Créer un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte |
Décret simple |
Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) |
28 |
Création d'une nouvelle priorité légale de mutation du fonctionnaire de l'Etat affecté à Mayotte justifiant d'une durée de services accomplis de trois ans dans un emploi pour accroître l'attractivité de ce territoire et renforcer l'action de l'Etat sur ce territoire |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) |
29 |
Attirer des talents dans la fonction publique : prévoir une bonification d'ancienneté pour l'avancement d'échelon des fonctionnaires de l'Etat et des fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte à l'instar de ce qui est prévu pour ceux affectés dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) |
30 |
Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité |
Ordonnance |
Ministère des Outre-mer |
31 et 33 |
Révision du mode de scrutin |
Décret en Conseil d'Etat Arrêté préfectoral |
Ministère de l'Intérieur Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) pour le DCE Représentant de l'Etat dans le département pour l'arrêté. |
32 et 33 |
Prise en compte du changement de nom |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère de l'Intérieur Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) |
34 |
Mise en cohérence rédactionnelle |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère des outre-mer Direction générale des Outre-mer (DGOM) |
TABLEAU D'INDICATEURS
Indicateur |
Objectif et modalités de l'indicateur |
Objectif visé (en valeur et/ou en tendance) |
Horizon temporel de l'évaluation (période ou année) |
Identification et objectif des dispositions concernées |
Nombre de CST « PEF » demandées/délivrées |
Nombre de CST « PEF » délivrées à Mayotte et proportion par rapport au nombre total de CST délivrées - taux de refus |
Annuel |
Article 2 (2°) Rendre opposable l'entrée régulière pour l'obtention des titres « parent d'enfant français » et « liens privés et familiaux » |
|
Augmentation du nombre d'oppositions à reconnaissance formées par le procureur de la République |
La durée du sursis à l'enregistrement de la reconnaissance sera allongée, ce qui devrait permettre d'effectuer des enquêtes plus approfondies. Mesurer l'augmentation du nombre d'oppositions à reconnaissance permettra de constater l'application effective de cette disposition de lutte contre les reconnaissances frauduleuses. |
Augmentation |
5 ans |
Article 4 Allonger les durées du sursis à l'enregistrement de la reconnaissance d'un enfant prononcé par le procureur de la République le temps de l'enquête afin de renforcer la lutte contre les reconnaissances frauduleuses |
Nombre de retours aidés depuis Mayotte par nationalité |
A partir des données de l'OFII, nombre de retours effectifs de bénéficiaires de l'aide au retour volontaire, réparti par nationalité du bénéficiaire |
1 an après l'entrée en vigueur de la loi puis chaque année |
Article 6 Extension de l'aide au retour volontaire à Mayotte -problématique des ressortissants d'Afrique des Grands Lacs |
|
Nombre d'arrêtés préfectoraux pris en application de l'article 11-1 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer |
Evolution dans le temps de l'indicateur, ce nombre devant aller à la hausse puis à la baisse Indicateur suivi par la préfecture de Mayotte |
Augmentation puis réduction du nombre d'arrêtés préfectoraux |
Annuel pendant cinq ans |
Article 10 Faciliter les opérations de résorption de l'habitat informel Lutter contre l'expansion de l'habitat informel |
Nombre de créations d'officines |
Nouvelles licences octroyées par le DG ARS Autorisation de transfert ou de regroupement par le DG ARS Indicateur suivi avec l'ARS et la CPAM de Mayotte |
Augmentation |
Un an |
Article 17 Augmenter le nombre de pharmacies d'officine |
Nombre de lycéens résidents de Mayotte bénéficiaires du passeport pour la mobilité des études (PME) |
Vérifier la durabilité du besoin de l'aide pour les lycéens résidents de Mayotte PME pour les lycéens |
320 lycéens |
Annuel |
Article 26 Prise en charge par l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) des lycéens de Mayotte dès lors que la filière qu'ils ont choisie est indisponible dans leur territoire |
TITRE IER - OBJECTIFS DE L'ACTION DE L'ETAT POUR MAYOTTE
Article 1er - Approbation du rapport annexé relatif à la refondation de Mayotte
1. ÉTAT DES LIEUX
Le cyclone CHIDO qui a ravagé l'archipel de Mayotte le 14 décembre 2024 et, dans une moindre mesure, la tempête tropicale DIKELEDI du 12 janvier 2025 n'ont pas seulement marqué les esprits et les corps par leur violence, ils ont profondément affecté l'existence quotidienne et l'activité des Mahorais, mais aussi considérablement affaibli une économie déjà fragile et durablement modifié les paysages et le cadre de vie des habitants.
Le bilan de cette catastrophe naturelle fait état de 40 personnes décédées et autant de disparus, 125 blessés graves et 6933 personnes plus légèrement blessées. Sur un plan matériel, le montant des dégâts s'élève à 3.426 milliards d'euros (Mds€) (88% pour les infrastructures et les biens, 12% pour les milieux naturels).
L'engagement de l'Etat et des collectivités locales a été à la hauteur du caractère inédit de cette catastrophe naturelle. La mobilisation dans l'urgence de l'Etat, du département et des collectivités locales, a été rapide et multidimensionnelle. Près de 493 millions d'euros (M€) dont 356 M€ supportés par les ministères ont été engagés dans la gestion de la crise.
Malgré cette mobilisation, un constat lucide s'impose.
La multitude de plans sectoriels - au demeurant généralement pertinents mais insuffisamment financés et peu suivis dans le temps - n'a pas permis à Mayotte de rattraper ses retards de développement. Trop sectoriels, les plans adoptés ne se sont pas inscrits dans une approche globale et n'ont été que rarement synchronisés entre eux de manière à traiter à la fois les questions de sécurité et celles liées au développement.
Malgré des progrès, le processus de départementalisation reste perfectible. La feuille de route du « Pacte pour la départementalisation de Mayotte (2008) » a été respectée : développement d'un état civil fiable, identité législative, pleine application de la justice républicaine, égalité entre les hommes et les femmes, développement de la politique sociale, à travers l'alignement sur une génération des principales prestations sociales et des minima sociaux sur ceux de l'Hexagone, instauration d'une fiscalité de droit commun, accompagnement du développement économique, passage au statut européen de région ultrapériphérique (RUP). Toutefois, il a été noté à plusieurs reprises par la Cour des comptes que l'Etat n'avait pas mis en place un pilotage efficace dans la durée, que les questions foncières et notamment celle de la régularisation des titres de propriété n'étaient pas résolues et que la situation financière des collectivités, au premier rang desquelles le département, restait très fragile.
Le cyclone CHIDO et la tempête DIKELEDI ont mis en exergue les difficultés structurelles et la crise multidimensionnelle que connaît le 101ème département français.
Plus pauvre de nos départements, Mayotte connaît une situation hors norme, illustrée par les données socio-économiques suivantes :
- Taux de chômage de 37% ;
- 77% des habitants sous le seuil de pauvreté ;
- 75% des enfants entrant en 6ème ont une faible maîtrise du français ;
- 75% de la population de plus de quinze ans sans diplôme qualifiant ;
- 50% de la population n'a pas accès à une alimentation en quantité et qualité suffisantes
Cette situation n'a pas permis de lever les freins au développement du territoire, en particulier dans le domaine des services publics qui souffrent d'un retard majeur. Ainsi, à la destruction de l'île s'est ajoutée la conviction largement partagée d'un territoire faisant face à de profondes difficultés. Parmi celles - ci, la problématique foncière comme celles de l'habitat illégal et l'immigration concentrent une large part des critiques formulées à l'égard de l'Etat dont on attend beaucoup.
2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La situation sécuritaire et socio-économique de Mayotte est extrêmement dégradée depuis le passage du cyclone Chido qui a provoqué plus de 3,426 Mds€ de dommages.
Dans ce contexte inédit, une nouvelle approche ambitieuse et holistique est nécessaire en matière de développement, impliquant tous les acteurs, elle doit permettre le traitement des difficultés à la fois conjoncturelles et structurelles que connait Mayotte.
Les dispositions proposées ont vocation à aller au-delà du plan « Mayotte Debout » et de la loi d'urgence pour Mayotte afin de définir sans délai les mesures structurantes nécessaires à l'accélération du développement du territoire.
Le présent projet de texte, qui marque une nouvelle étape pour l'avenir de Mayotte, sera arrimée à une stratégie quinquennale (2026-2031) permettant de traiter l'ensemble des enjeux liés au développement du territoire.
La stratégie de refondation du territoire de Mayotte sera préparée dans le cadre des orientations proposées dans le rapport annexé au présent article.
En ce sens, le texte proposé a pour objectifs :
- d'affirmer l'ambition de la France pour le développement de Mayotte dans une région marquée par la pauvreté ;
- de considérer la question migratoire et celle de l'habitat illégal en prenant en compte une réalité complexe mêlant les dimensions économique, sociale et humanitaire ;
- de définir une doctrine de convergence visant à proposer un modèle économique, social et culturel adapté au territoire dans son environnement régional ;
- de stabiliser un cadre institutionnel s'inscrivant pleinement dans les principes constitutionnels de décentralisation effective et de libre administration des collectivités territoriales.
Dans ce cadre, il s'agit :
- de renforcer les instruments existants en matière de lutte contre l'immigration illégale pour réduire l'arrivée de nouveaux migrants ;
- de renforcer les capacités d'action des forces de sécurité intérieure ;
- de développer de nouveaux outils pour lutter contre l'habitat illégal, qui constitue une entrave à la réalisation des projets de territoire visant à améliorer le quotidien des Mahorais ;
- de favoriser l'accélération du développement économique de Mayotte ;
- de moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité ;
- d'accélérer la convergence sociale par la mise exergue de la « valeur travail » afin de lutter contre l'économie informelle.
La refondation repose sur une triple ambition : protéger les Mahorais, garantir l'accès aux biens et ressources essentiels et façonner l'avenir de Mayotte. Ces trois axes structurent la stratégie mentionnée dans le rapport annexé.
L'objectif de cette stratégie de refondation est de définir des politiques publiques réalistes, soutenables financièrement, destinées à accompagner les efforts de nos compatriotes à Mayotte et à garantir l'engagement de la République dans la durée.
Cette stratégie est fondée sur une approche globale incluant le développement, les institutions, la sécurité et la position de Mayotte dans son environnement régional et international.
Cette stratégie programmatique établie sur 5 ans (2026-2031), mettra en exergue les actions prioritaires à mener pour obtenir rapidement des résultats tangibles, certains observables dès 2025.
Associée à un échéancier de financements de l'Etat, des collectivités, de l'Union européenne, d'autres structures publiques et d'acteurs privés, l'objectif de cette stratégie est d'inscrire l'action publique dans la durée et d'évaluer scrupuleusement chaque étape de sa mise en oeuvre.
3. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
3.1. IMPACTS JURIDIQUES
3.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Sans objet.
3.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
3.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
3.2.1. Impacts macroéconomiques
En tant qu'il constitue une disposition programmatique, le présent article n'a pas par lui-même d'impact macroéconomique.
Le rapport et la stratégie programmatique permettront :
- le désenclavement de l'île avec le développement des infrastructures portuaires et aéroportuaires ;
- la fluidification des échanges dans les espaces matériels (liaison multimodale) et immatérielle (fibre et 5G) ;
- l'intégration de Mayotte dans son environnement régional dans les secteurs stratégiques de l'environnement, de l'agriculture, des partenariats avec les CCI des pays voisins, du numérique et de la formation professionnelle.
3.2.2. Impacts sur les entreprises
En tant qu'il constitue une disposition programmatique, le présent article n'a pas par lui-même d'impact sur les entreprises.
Le rapport et la stratégie programmatique doivent permettre la relance de l'activité des entreprises locales par :
- la mise en place d'une zone franche globale ;
- le développement de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture ;
- la rénovation de la filière touristique ;
- le rétablissement de l'offre hôtelière pour attirer les investisseurs.
3.2.3. Impacts budgétaires
En première approche, nécessitant d'être affinée, l'impact budgétaire peut être apprécié comme suit.
Domaine |
Nature |
Montant des investissements 2025-2031 (en M€) |
Lutte contre l'immigration clandestine / sécurité |
Renforcement du dispositif de surveillance et d'interception aérien et maritime |
52 |
Justice |
Création d'un deuxième centre pénitentiaire |
292 |
Construction d'une cité judiciaire |
124 |
|
Création d'un centre éducatif fermé |
14 |
|
Santé |
Projet de construction d'un second site hospitalier à Combani |
407 |
Extension et modernisation du CHM |
||
Eau |
Financement des investissements nécessaires en matière d'eau et d'assainissement du plan Eau Mayotte (y compris de la deuxième usine de dessalement et troisième retenue collinaire) |
730 |
Transports |
Sécurisation de la desserte aérienne |
1200 |
Infrastructures routières et transports en commun, dont pôles d'échanges multimodaux et notamment celui de Mamoudzou - Réalisation de voies de contournement pour soulager les principales agglomérations - projet CARIBUS |
280 |
|
Déchets |
Rattrapage structurel, première tranche de points de collecte, développement de l'économie circulaire |
27 |
Numérique |
Déploiement de la fibre |
50 |
3.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
En tant qu'il constitue une disposition programmatique, le présent article n'a pas par lui-même d'impact sur les collectivités territoriales.
La stratégie programmatique doit permettre aux collectivités territoriales :
- de mieux exercer leurs responsabilités ;
- de disposer de compétences en ingénierie via le nouvel Etablissement public;
- de bénéficier de moyens financiers adaptés à la réalité de la population ;
- de disposer d'un cadastre fiable permettant une hausse des recettes fiscales.
3.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
En tant qu'il constitue une disposition programmatique, le présent article n'a pas par lui-même d'impact sur les services administratifs.
Les effets attendus du rapport et de la stratégie programmatique concernent principalement :
- la mobilisation des agents des services administratifs dans la régularisation du cadastre ;
- la contribution à l'action du nouvel établissement public en matière d'ingénierie de projet.
3.5. IMPACTS SOCIAUX
3.5.1. Impacts sur la société
Le rapport et la stratégie programmatique portent une ambition pour Mayotte et l'ensemble de la société française. Ces documents permettent :
- de souligner aux yeux de tous l'importance que revêt le 101ème département français pour la collectivité nationale ;
- de montrer l'engagement de l'Etat, dans la durée, aux côtés des citoyens français de Mayotte ;
- de susciter l'engagement des Français de l'hexagone sur le territoire de Mayotte ;
- de garantir l'accès des Mahorais aux biens, ressources et droits essentiels à l'instar des autres citoyens français (convergence sociale, eau, logement...) ;
- de réduire l'importance du secteur informel sur ce territoire français.
3.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
3.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
3.5.4. Impacts sur la jeunesse
Le rapport et la stratégie programmatique auront un impact multidimensionnel s'agissant de la jeunesse puisqu'ils permettront :
- de garantir l'accès à une éducation de qualité ;
- de mettre fin à la rotation scolaire en construisant des écoles ;
- d'augmenter l'offre dans le secondaire et à l'université ;
- de construire les infrastructures sportives et culturelles ;
- de développer les activités périscolaires ;
- de renforcer les capacités de formation et d'insertion professionnelle des jeunes Mahorais.
3.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
3.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Le rapport et la stratégie programmatique portent le projet ambitieux et réaliste visant à :
- permettre aux Mahorais de vivre en sécurité ;
- proposer une nouvelle offre de soins aux Mahorais ;
- accroitre les possibilités d'accès à un logement salubre ;
- aider certains professionnels ;
- faciliter les déplacements des Mahorais.
3.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Le rapport et la stratégie programmatique permettront :
- de mieux protéger les Mahorais face aux risques naturels ;
- de développer une culture de prévention et de gestion des risques ;
- de faire de Mayotte un exemple pertinent d'adaptation aux effets du changement climatique.
4. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été consulté conformément à l'article 70 de la Constitution, et a rendu un avis le 16 avril 2025.
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Le Haut conseil des finances publiques a été consulté conformément au VII de l'article 61 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances, et a rendu un avis le 16 avril 2025. Le Haut Conseil observe que, bien qu'ils recouvrent des projets d'ampleur au niveau local, les montants prévisionnels en jeu, malgré les incertitudes les affectant, ne sont pas de nature à modifier substantiellement la trajectoire pluriannuelle de la dépense publique inscrite dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur.
TITRE II - LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE ET L'HABITAT ILLÉGAL
CHAPITRE 1ER - DURCIR LES CONDITIONS D'ACCÈS AU SÉJOUR EN LES ADAPTANT À LA SITUATION PARTICULIÈRE DE MAYOTTE
Article 2 (2°) - Rendre opposable l'entrée régulière pour l'obtention des titres « parent d'enfant français » et « liens privés et familiaux »)
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Ø Le statut juridique de Mayotte
Le statut de Mayotte a récemment connu deux importantes modifications :
- l'accession au rang de département d'Outre-mer à compter du 1er avril 2011 ;
- la transformation en région ultrapériphérique de l'Union européenne (RUP) à compter du 1er janvier 2014.
La départementalisation a entraîné l'application du régime de l'identité législative (article 73 de la Constitution), mais n'a pas substitué l'ensemble du droit métropolitain en vigueur à la législation spéciale propre à Mayotte1(*). Elle y a seulement permis l'applicabilité de plein droit des textes édictés à compter de cette date, sous réserve d'adaptations éventuelles.
Les premières années de la départementalisation ont ainsi vu le maintien en vigueur à Mayotte de la législation spéciale relative à l'entrée et au séjour des étrangers issue principalement de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte. Ce n'est qu'avec l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 qu'a été fait le choix, de rendre applicable la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA)en abrogeant notamment l'ordonnance précitée du 26 avril 2000. Le décret n° 2014-527 du 3 mai 2014 a fait de même au niveau réglementaire.
Ø Polarisation des titres de séjour délivrés par la préfecture de Mayotte
Trois points saillants méritent d'être relevés s'agissant de l'immigration régulière à Mayotte.
Premièrement, Mayotte se distingue largement des autres départements français par la répartition des titres qui y sont délivrés.
En effet, le volume de titres délivrés ou renouvelés en matière d'immigration familiale est prépondérant : 13 554 titres en 2023 et 15 747 titres en 20242(*) soit plus de 80% des titres délivrés ou renouvelés à Mayotte (85% en 2023). Sur l'ensemble du territoire national, les proportions sont très différentes : 405 804 titres immigration familiale en 2023 et 390 617 en 2024 soit respectivement 35,7% et 36% du total des titres délivrés.
Deuxièmement, au sein même des titres de séjour pour motif familial, la répartition des titres délivrés ou renouvelés est également très différente du reste du territoire national.
Là où à Mayotte, 50% environ des titres de séjour délivrés ou renouvelés concernent des parents d'enfant français (9 852 selon les données provisoires collectées pour 2024) et 27% des titres concernent les étrangers régularisés au titre de leurs liens personnels et familiaux (5 334 selon les mêmes données), ces mêmes publics ne représentent respectivement que 5% (soit 58 208) et 12% (soit 131 709) des titres délivrés et renouvelés sur l'ensemble du territoire national.
2023 |
2024 (provisoire)3(*) |
|||
Mayotte |
Territoire national |
Mayotte |
Territoire national |
|
Nombre TS « parent d'enfant français » |
7 263 |
54 509 |
9 852 |
58 208 |
Nombre TS « liens personnels et familiaux » |
5 880 |
141 022 |
5 334 |
131 709 |
Nombre total de titres délivrés et renouvelés |
15 944 (dont 13 554 en matière d'immigration familiale) |
1 134 018 (dont 405 804 en matière d'immigration familiale) |
19 619 (dont 15 747 en matière d'immigration familiale) |
1 077 272 (dont 390 617 en matière d'immigration familiale) |
Par conséquent, l'immigration régulière à Mayotte est caractérisée par une immigration familiale représentée d'une part, par l'immigration « parents d'enfants français » (PEF) et d'autre part, par « liens personnels et familiaux » (LPF).
3/Troisièmement, à Mayotte, les titres PEF et LPF sont délivrés de manière quasi-exclusive à des étrangers entrés irrégulièrement, c'est-à-dire entrés sans détenir un visa, même de court séjour. Ainsi :
- Presque 85% des titres de séjour délivrés à Mayotte et en cours de validité pour des « parents d'enfant français » concernent des étrangers entrés en situation irrégulière.
- Plus de 90% des titres de séjour délivrés et en cours de validité pour un motif « liens personnels et familiaux » concernent des étrangers entrés en situation irrégulière ;
- Enfin, sur l'ensemble des titres de séjour en cours de validité à Mayotte, 83% de ces titres ont été délivrés à des étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire national.
Tableau n°1 : nombre de titres de séjour en cours de validité (stock) au 31/12/2023 délivrés à des ressortissants étrangers entrés en situation irrégulière (extraction de l'Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France - AGDREF)
Titre de séjour (TS) délivré |
Nombre de TS en stock |
Entrée irrégulière |
Part des irréguliers |
Parent d'enfant français |
14 621 |
12 237 |
84% |
Liens personnels familiaux |
10 486 |
9 720 |
93% |
Etranger malade |
748 |
670 |
90% |
Conjoint étranger de français |
1 255 |
435 |
35% |
Etranger parent d'enfant de français |
500 |
397 |
79% |
Etranger né en France |
218 |
198 |
91% |
Total tous titres de séjour confondus |
37 197 |
30 761 |
83% |
Ø Spécificités dans les conditions de délivrance du titre de séjour « parent d'enfant français » à Mayotte
En l'état actuel du droit, la délivrance du titre de séjour « liens personnels et familiaux », encadrée par les dispositions de l'article L. 423-23 du CESEDA, ne présente aucune spécificité à Mayotte. En d'autres termes, aucune adaptation, en application de l'article 73 de la Constitution, n'est prévue.
En revanche, la délivrance du titre de séjour « parent d'enfants français » est encadrée par des conditions spécifiques. La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration4(*) a adapté l'article L. 423-7 du CESEDA, à la situation de Mayotte. Désormais, les étrangers qui sollicitent leur admission au séjour à ce titre doivent justifier de l'entretien de leur enfant depuis la naissance ou depuis au moins trois ans, au lieu des deux ans actuellement prévus pour le reste du territoire national (L. 441-7 8°bis du CESEDA)5(*). En outre, l'accès à la carte de résident en qualité de « parent d'enfant français » avait d'ores et déjà été rendu plus difficile : en effet, les étrangers qui sollicitent un tel titre de séjour à Mayotte doivent justifier de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins, condition qui n'est pas exigée pour les demandeurs résidant ailleurs sur le territoire national (L. 441-7 8° du CESEDA).
Ø La typologie des visas de long séjour en droit des étrangers
A titre liminaire, il convient de préciser qu'à Mayotte, comme sur l'ensemble du territoire national, la délivrance de ces deux titres de séjour n'est aucunement soumise à une condition d'entrée régulière6(*) sur le territoire, et donc, a fortiori, à la justification d'un visa de long séjour. Il s'agit d'une dérogation légale à l'article L. 412-1 du CESEDA7(*).
Si les visas de court séjour pour l'entrée à Mayotte ne sont pas régis par les mêmes règles que pour l'Hexagone 8(*), les visas de long séjour relèvent, en revanche, de la même typologie. Aussi, s'agissant des visas de long séjour (288 108 délivrances en 2024), il en existe trois principaux types9(*) :
- le visa de long séjour temporaire (VLS-T) d'une durée maximale d'un an comportant la mention « dispense temporaire de carte de séjour »10(*). Plus de 15 000 VLS-T avaient été délivrés en 2019, avant la crise sanitaire. Pour les années 2020, 2021 et 2022, le nombre de ces visas est passé respectivement à environ 3 500, 6 500 et 8 100. Pour l'essentiel, ces VLS-T sont délivrés à des personnes ayant fait état de leur intention de séjourner pendant une période de temps limitée. En 2016, la durée maximale du séjour autorisé par le VLS-T a été portée de 6 à 12 mois11(*). Aucune disposition ne confère les droits attachés à la détention d'un titre de séjour au titulaire d'un VLS-T, à la différence du VLS-TS. Néanmoins, le VLS-T semble répondre à la définition du VLS requis pour déposer certaines demandes de carte de séjour en application de l'article L. 412-1 du CESEDA puisqu'il est visé par l'article L. 411-1 1° du même code ;
- le visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) d'une durée maximale d'un an, conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour (165 556 délivrances en 2024, ce qui représente plus de la moitié du total des visas de long séjour délivrés). Il est délivré aux étrangers ayant vocation à s'installer durablement sur le territoire. Créé en 2009, il est devenu progressivement le VLS « standard » ;
- le visa de long séjour d'une durée maximale de trois mois, comportant la mention « carte de séjour à solliciter dans les deux mois ». Ce VLS, au contraire des deux autres, ne dispense donc pas son titulaire de solliciter une carte de séjour à son arrivée sur le territoire français.
Fait d'ailleurs partie de cette dernière catégorie de visas de long séjour le VLS12(*) pour les ressortissants de pays tiers, parents d'enfant français mineur, souhaitant venir en France en accompagnement de leur enfant de nationalité française, ou pour l'y rejoindre. Il n'est, en effet, pas nécessaire que l'enfant soit présent sur le territoire français pour obtenir ce visa de long séjour. Un arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH) du 14 septembre 2022 précise que les stipulations du 2 de l'article 3 du protocole n° 4 à la Convention consacrent un droit inaliénable d'entrée du ressortissant sur le territoire national13(*).
Pour obtenir ce visa de long séjour, les demandeurs doivent répondre à l'ensemble des critères suivants : filiation avec un enfant français mineur légalement établie ; contribution effective et régulière à l'entretien de l'enfant et à son éducation depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans ; résidence ou projet d'établissement de l'enfant en France ; absence de polygamie sur le territoire français.
Comme évoqué supra, il ne constitue pas une condition sine qua none à la délivrance du titre de séjour correspondant.
Tableau n°2 : nombre de visas de long séjour délivrés par le poste consulaire français à Moroni (COMORES) en 2024 et 202514(*)
Pays |
Motif N1 |
Motif N2 |
2024 |
2025 |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
|||
Comores |
A. Economique |
2 - Actif non salarié |
1 |
1 |
4 - Artiste |
1 |
|||
5 - Salarié |
7 |
|||
6 - Saisonnier ou temporaire |
||||
Total |
9 |
1 |
||
B. Familial |
1 - Famille de Français |
526 |
92 |
|
2 - Membre de famille |
58 |
13 |
||
Total |
584 |
105 |
||
C. Etudiants |
Etudiant et stagiaire |
640 |
||
Total |
640 |
|||
D. Divers |
1 - Visiteur |
13 |
1 |
|
6 - Motifs divers |
34 |
3 |
||
8 - Mission diplomatique et apparentée (Titulaire et accompagnant) |
1 |
|||
Total |
48 |
4 |
||
E. Humanitaire |
2 - Asile territorial/protection subsidiaire |
2 |
||
Total |
2 |
|||
Total général |
1 283 |
110 |
Tableau n°3 : nombre de visas délivrés à des étrangers en qualité de parents d'enfants français mineurs par les postes consulaires français depuis 2019.
Poste |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
|
KIGALI (Ambassade) |
1 |
4 |
1 |
||||
KINSHASA (Ambassade) |
1 |
1 |
2 |
4 |
|||
MORONI (Ambassade) |
11 |
9 |
7 |
21 |
21 |
12 |
2 |
MUTSAMUDU (Antenne consulaire) |
6 |
1 |
1 |
||||
TANANARIVE (Consulat général) |
95 |
45 |
55 |
29 |
23 |
16 |
2 |
Total |
112 |
55 |
64 |
52 |
50 |
33 |
4 |
Total monde |
597 |
356 |
539 |
582 |
362 |
421 |
56 |
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Dans sa décision n°2018-770 DC du 6 septembre 2018, le Conseil Constitutionnel a considéré que « la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants. Ces circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers. ».
Le législateur peut donc, sans méconnaître l'article 1er de la Constitution ni le principe d'égalité devant la loi, adapter les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte afin de lutter contre l'immigration irrégulière.
En revanche, le droit constitutionnel n'aborde pas de manière très précise la délivrance des visas d'entrée en France mais il reconnaît bien facilement que ce domaine est l'expression même de la souveraineté de l'Etat et que le législateur dispose d'une certaine latitude pour réguler les conditions d'accès au territoire et de séjour sur celui-ci.
Dans sa décision de référence du 20 juillet 1993, le Conseil constitutionnel a, notamment, souligné que les étrangers sont « placés dans une situation différente de celle des nationaux » compte tenu de l'absence de « droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national »15(*). Sont ainsi conformes à la Constitution : l'obligation d'un visa pour accéder au territoire national sauf engagements conventionnels contraires ; l'obligation d'un titre de séjour pour s'y établir ; la possibilité de mettre fin au droit au séjour pour des motifs prévus par la loi ; le recours à l'exécution forcée dans le cadre d'une procédure d'éloignement, si besoin en privant une personne de sa liberté. Dans une décision du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel confirme également que l'autorité publique dispose de pouvoirs étendus pour restreindre les conditions d'accès des étrangers au territoire français et que le législateur peut assez librement déterminer, compte tenu de l'intérêt public qu'il s'assigne, les mesures applicables à l'entrée et au séjour des étrangers en France16(*).
Certaines catégories d'étrangers doivent toutefois l'objet d'une protection particulière, notamment ceux ayant développé des attaches personnelles ou familiales sur le territoire français, puisque le droit à mener une vie privée et familiale normale17(*) constituent des principes à valeur constitutionnelle devant être conciliés avec les nécessités de la sauvegarde de l'ordre public dans le domaine de la police des étrangers.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La délivrance de certaines catégories de visas fait l'objet d'un encadrement par le droit de l'Union européenne. Il s'agit notamment des visas de court séjour18(*) (90 % des visas délivrés avant la crise Covid-19) et des visas de longs séjours pour études (qui correspondent à près de la moitié des visas de long séjour délivrés)19(*).
Ces textes organisent la répartition des compétences entre les États membres, fixent les règles de présentation des demandes ainsi que les procédures d'examen, et déterminent, de manière limitative, les motifs de refus des visas sollicités.
Ces éléments ne valent toutefois pas pour Mayotte. En effet, l'acquis de Schengen ne s'appliquant qu'au territoire européen de la France20(*), c'est le droit national qui s'applique en totalité à la délivrance de visas pour l'outre-mer. En conséquence, ces visas sont délivrés par les seules autorités françaises, qu'ils soient de court séjour ou de long séjour. En effet, les visas Schengen ne permettent pas de pénétrer dans les départements et territoires d'outre-mer français, sauf exceptions. De même, les visas de court séjour délivrés pour l'entrée dans ces départements ou sur ces territoires ne sont pas valables pour pénétrer dans l'espace Schengen. L'arrêté du 4 février 201521(*) relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire de Mayotte détaille les modalités de délivrance de ce visa national de court séjour.
Cela signifie qu'il n'y a pas de règles de rang supra-national susceptible d'encadrer la délivrance du visa qui serait exigé à l'appui d'une demande de titre de séjour déposée en qualité de « parent d'enfant français » ou au titre des « liens personnels et familiaux ».
Par ailleurs, il est vrai que certaines catégories d'étrangers font toutefois l'objet d'une protection particulière, comme en droit national, au titre notamment du droit à mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Néanmoins, la mesure ici envisagée ne semble pas porter atteinte, de manière disproportionnée, à l'article 8 CEDH et ce, pour plusieurs raisons :
- le tableau n°3 présenté dans la partie 1.1 « cadre général » de la présente étude d'impact démontre d'ores et déjà que les postes consulaires délivrent des visas de long séjour à des étrangers qui ont la qualité de « parents d'enfants français » : cela signifie qu'il ne s'agit pas d'une formalité impossible (voir supra).
- surtout, le préfet a toujours la possibilité, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de régulariser un étranger en lui octroyant un titre de séjour nonobstant le fait qu'il n'en remplisse pas toutes les conditions et ce, notamment dans les situations où la vie privée et familiale de l'étranger sur le territoire national est particulièrement caractérisée. Cela signifie, en d'autres termes, que les règles nationales sont toujours mises en oeuvre dans le cadre de l'article 8 CEDH et donc sous le contrôle du juge administratif, qui contrôlera la conventionalité des décisions de refus de séjour prises sur le fondement de cette nouvelle mesure.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
L'instauration d'une nouvelle condition pour l'entrée sur le territoire national et la délivrance de deux catégories de titres de séjour nécessite l'intervention du législateur, car une telle mesure consiste à prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques fixant les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire national. En effet, le législateur doit assurer, à cette occasion, la conciliation entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public, auquel participent les objectifs de lutte contre l'immigration irrégulière et de lutte contre la fraude, et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés garantis par la Constitution tels que la liberté d'aller et venir et le droit de mener une vie familiale normale.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Premièrement, la mesure a vocation à faire baisser le nombre de titres de séjour délivrés sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-23 du CESEDA et ainsi, rendre le territoire mahorais moins attractif au vu de son contexte migratoire. Il a été indiqué, supra, que les titres PEF et LPF représentaient plus de 80% des titres de séjour en cours de validité à Mayotte.
Deuxièmement, et s'agissant particulièrement des titres de séjour délivrés aux parents d'enfants français, la mesure aura pour effet de diminuer le nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité en restreignant l'accès au titre de séjour.
A ce propos, le nombre de reconnaissances de paternité à Mayotte détecté a connu une augmentation de 13%, passant de 7348 en 2019 à 8 328 en 2023, liée au contexte migratoire de ce département22(*). En effet, plus de la moitié des déclarants sont de nationalité étrangère et plus particulièrement 52% sont de nationalité comorienne. En 2023 sur 350 reconnaissances effectuées dans la commune de Pamandzi, 177 déclarants étaient de nationalité française, 157 sont de nationalité comorienne, 12 de nationalité malgache, 1 de nationalité burundaise, 1 de nationalité congolaise, 1 de nationalité portugaise et 1 de nationalité rwandaise.
Les détections de reconnaissances frauduleuses représentent près de 7% du nombre total de reconnaissances à Mayotte. Toutefois, au regard de la jurisprudence et des difficultés de la caractérisation de l'intention frauduleuse de la reconnaissance de paternité, en 2023, la préfecture de Mayotte n'a effectué que 8 signalements au procureur de la République. En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation a le 27 septembre 202323(*), est venue préciser l'infraction pénale. Elle rappelle que la reconnaissance de paternité est l'acte libre et volontaire par lequel un homme ou une femme déclare être le père ou la mère d'un enfant et s'engage à assumer toutes les conséquences qui en découlent selon la loi, notamment celle de prendre en charge l'entretien et l'éducation de l'enfant. Elle indique également que dès lors qu'une reconnaissance de paternité n'atteste en elle-même aucune réalité biologique, l'acte par lequel une personne souscrit une telle reconnaissance alors qu'elle sait ne pas être le père biologique de l'enfant est insusceptible de caractériser l'altération frauduleuse de la vérité constitutive d'un faux au sens des articles 441-1 et 441-2 du code pénal24(*).
Troisièmement, la mesure permet d'amoindrir les dérogations à l'article L. 412-1 qui, pour rappel, impose la justification d'un visa de long séjour à l'appui d'une première demande de titre de séjour. Surtout, la mesure aura également pour effet de rendre cohérentes les règles relatives à l'admission sur le territoire qui imposent, a minima et sauf exceptions, la justification d'un visa de court séjour et celles relatives à la délivrance d'un titre de séjour. En d'autres termes, la mesure agit comme un renfort des règles d'admission sur le territoire et leur permet de déployer tout leur effet utile, la majorité des étrangers qui arrivent à Mayotte souhaitant y solliciter leur admission au séjour.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La régularité de l'entrée sur le territoire peut être justifiée selon plusieurs modalités, qui auraient pu être retenues pour conditionner la délivrance des titres de séjour visés par la présente mesure:
Ø la déclaration d'entrée sur le territoire
Par analogie avec le système prévu par la Convention de Schengen et tel qu'il résulte de l'article L. 621-3 du CESEDA, une déclaration d'entrée sur le territoire aurait pu être créée. Cette déclaration, souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale, serait rendue obligatoire pour tout étranger entré sans visa. Cette option faciliterait le recensement de la population étrangère entrante à Mayotte, tout en permettant aux étrangers arrivés irrégulièrement de disposer d'une voie de régularisation de leurs conditions d'entrée en France.
Toutefois, il est souhaitable de maintenir le visa comme dispositif de principe. Par ailleurs, et à titre de comparaison, dans le système Schengen, la déclaration d'entrée demeure un outil résiduel imposant à l'étranger de justifier son entrée régulière lorsque celui-ci n'est pas en mesure de la justifier par d'autres moyens.
Ø Le visa national de court séjour
Certains publics sont soumis, en droit des étrangers, à la simple justification d'une entrée régulière pour l'obtention d'un titre de séjour. En d'autres termes, ils peuvent présenter un simple visa de court séjour, par exemple un visa Schengen de type C valable 90 jours, pour l'obtention du titre de séjour sollicité. C'est notamment le cas, par exemple, de certains publics étrangers qui sollicitent leur admission au séjour en qualité de conjoint de Français :
- par exemple, des étrangers qui se sont mariés en France avec un ressortissant français et qui justifient de six mois de vie commune, en application de l'article L. 423-2 du CESEDA ;
- des ressortissants algériens en application de l'article 6 2° de l'Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
Cette option aurait donc pu être choisie. Néanmoins, la règle de principe demeure celle de la justification d'un visa de long séjour qui atteste de ce que l'étranger souhaite s'installer sur le territoire français. La délivrance du visa de long séjour est par ailleurs soumise à des vérifications, notamment sécuritaires, plus poussées. Il convient de rappeler que le visa de long séjour accordé aux parents d'enfant français existe d'ores et déjà a fait l'objet de presque 350 délivrances en 2023.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le visa de long séjour permettra de justifier de la régularité de l'entrée à l'appui d'une demande de titre de séjour présentée en qualité de parent d'enfant français ou au titre des liens personnels et familiaux. Tout visa de long séjour, nonobstant le type de VLS, permettra d'obtenir le titre de séjour sollicité.
Aussi, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, les ressortissants étrangers qui sollicitent, à Mayotte, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ou au titre de leurs liens personnels et familiaux devront justifier d'un visa de long séjour et donc, a fortiori, d'une entrée régulière. Le visa de long séjour constitue, en effet, la modalité la plus aboutie justifiant de l'entrée régulière puisqu'il permet également l'installation de son titulaire sur le territoire.
Cette disposition ne concernera pas le stock des titres de séjour actuellement en cours de validité. Ainsi, elle ne s'appliquera qu'aux nouvelles premières demandes de titres de séjour présentées après l'entrée en vigueur de la loi. En effet, si, postérieurement à son entrée irrégulière en France, un titre de séjour a été délivré à l'étranger, cette entrée irrégulière ne peut plus lui être opposée ultérieurement en application de l'article L. 431-5 du CESEDA. Il n'est donc pas souhaitable d'opposer la condition de visa de long séjour aux étrangers d'ores et déjà présents sur le territoire français et ayant déjà été admis au séjour.
Cela signifie que si aujourd'hui plus de 3 000 cartes de séjour temporaires « PEF » et « LPF » sont délivrées à Mayotte par an et que parmi ces titres plus de 85% entrent en situation irrégulière (i.e. sans même un visa de court séjour) alors la préfecture pourrait être en capacité de refuser plus de 2 500 titres de séjour. L'effet de la mesure pourrait permettre de ne délivrer que 500 cartes de séjour temporaires par an et donc, de réduire, comme évoqué supra, l'attractivité de Mayotte qui subit une pression migratoire très forte.
Toutefois, cette première estimation repose sur une application de la condition d'entrée régulière sans prendre en compte la possibilité pour les étrangers, qui ne sont aujourd'hui pas soumis à la détention d'un visa de long séjour, de l'obtenir avant d'entrer sur le territoire. Le taux de refus du poste de Moroni (COMORES), à ce jour, toutes demandes confondues, est de 48 %.
Les ressortissants algériens, dont le droit au séjour est régi par des stipulations internationales25(*), ne seront pas assujettis à cette nouvelle mesure.
D'une façon générale et en cohérence avec le respect de l'article 8 CEDH, il convient de rappeler que le préfet dispose toujours d'un pouvoir discrétionnaire pour délivrer un titre de séjour même si le demandeur ne remplit pas toutes les conditions de délivrance de plein droit. Reconnu de longue date par la jurisprudence, ce pouvoir a été rappelé par le Conseil d'État26(*), ce dernier ayant par ailleurs précisé27(*) que le dispositif législatif de l'admission exceptionnelle au séjour (ou en l'espèce le L. 423-23 pour le cas mahorais) ne faisait, en tout état de cause, pas obstacle à l'exercice, par l'autorité administrative, du pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit de régulariser la situation d'un étranger, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il justifierait.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Cette mesure entraîne la modification de l'article L. 441-7 du CESEDA, qui prévoit, dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, des adaptations mesurées au territoire de Mayotte. Il conditionnera, dès l'entrée en vigueur de la loi, la délivrance des titres de séjour « parents d'enfants français » et « liens personnels et familiaux » à la justification d'un visa de long séjour.
Elle nécessite également la modification de l'arrêté du 10 juin 2022 qui fixe la liste des pièces justificatives à présenter à l'appui de toute demande de titre de séjour. Il faudra, en effet, ajouter aux rubriques dédiées une nouvelle pièce justificative à fournir.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Aucun impact direct n'est identifié, sous réserve d'une potentielle baisse du nombre des étrangers en situation régulière sur le territoire et donc de la disparition des effets de leur présence sur l'économie française.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
En faisant obstacle à la délivrance de plusieurs milliers de titres de séjour par an, la mesure envisagée conduira à exclure les destinataires d'une telle mesure du bénéfice des allocations sociales et prestations familiales réservées aux étrangers en séjour régulier.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure impliquera une vérification supplémentaire à effectuer pour les services séjour de la préfecture de Mayotte.
Sa portée sera toutefois très limitée : la vérification de cette pièce justificative constitue un élément auquel les services séjour d'une préfecture sont confrontés très régulièrement.
La charge administrative reposera donc essentiellement sur les postes consulaires qui devraient constater une augmentation des demandes. En 2023, 1 406 premières demandes de titres ont été déposées au regard des liens personnels et familiaux à Mayotte et 3 273 premières demandes ont été déposées par des étrangers qui se prévalent de leur qualité de « parent d'enfant français ». Aussi, le nombre de demandes de visas, qui seraient désormais exigibles pour le dépôt d'un dossier complet et l'octroi d'un titre sur ces deux fondements, pourrait être estimé à environ 5 000.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure est susceptible de limiter les reconnaissances frauduleuses de paternité.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure restreint nécessairement les conditions d'accès au territoire national ainsi que les conditions de séjour des étrangers.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mesure envisagée entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'applique au seul département de Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Un arrêté devra modifier la liste des pièces justificatives à présenter à l'appui d'une demande de titre de séjour. Cette liste est fixée par arrêté NOR : INTV2212654A du 4 mai 2022 modifié fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 2 (1° et 3°) - Porter la durée de résidence régulière de trois à cinq ans pour l'obtention de la carte de résident « parent d'enfant français »
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
L'intégration de Mayotte dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) a fait l'objet d'une ordonnance n°2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation du CESEDA à Mayotte.
L'ordonnance a eu pour objectif de transposer les directives européennes relative à la migration légale et au retour à la suite de l'accès de Mayotte au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne et de rapprocher la législation applicable à Mayotte avec le droit commun sous réserve toutefois de certaines adaptations justifiées par le contexte migratoire particulier de ce département.
Les dispositions relatives à la délivrance d'une carte de résident « parents d'enfant français » (CR PEF) sont prévues à l'article L. 423-10 du CESEDA :
« L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-7 ou d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée aux étrangers mentionnés aux articles L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23, sous réserve qu'il continue de remplir les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans.
La délivrance de cette carte de résident est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7.
L'enfant visé au premier alinéa s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger. »
Les dispositions particulières pour Mayotte sont prévues à la section 2 du Chapitre I du titre IV du livre IV notamment à l'article L. 441-7 du CESEDA qui dispose que :
« Pour l'application du présent livre à Mayotte :
[...]
8° Pour l'application du premier alinéa de l'article L. 423-6 et de l'article L. 423-10, l'étranger doit justifier de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins ;
Si un accès facilité à la carte de résident de dix ans était prévu pour les parents d'enfant français résidant régulièrement sur le territoire depuis trois ans, la forte pression migratoire à Mayotte justifie le renforcement de la condition relative à la durée de résidence régulière en France.
Enfin, cette exigence d'une durée de résidence régulière et ininterrompue en France métropolitaine pendant cinq ans pour la délivrance de la CR PEF a été introduite par la loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité (article 21 de la loi modifiant l'article 14 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France), il ne paraît donc pas incohérent d'établir cette condition à la délivrance d'une CR PEF au département d'outre-mer de Mayotte.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Il est nécessaire de rappeler qu'aucun principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu au séjour sur le territoire national et que les conditions de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993). C'est ainsi que le Conseil Constitutionnel a jugé que le législateur pouvait, en fonction des objectifs d'intérêt général qu'il s'est assigné, soumettre l'obtention de la carte de résident à des conditions plus exigeantes.
En outre dans sa décision n°2018-770 DC du 6 septembre 2018, le Conseil Constitutionnel a considéré que « la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants. Ces circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ».
Le législateur peut donc, sans méconnaître l'article 1er de la Constitution ni le principe d'égalité devant la loi, adapter les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte afin de lutter contre l'immigration irrégulière.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Si l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, il ne garantit pas, pour autant, à un ressortissant le droit d'obtenir un type particulier de titre de séjour. La cour l'a rappelé dans son arrêt Kaftailova c. Lettonie (radiation du rôle) [GC],2007, § 51), ce choix relève en principe de l'appréciation souveraine des autorités nationales.
Cependant, la cour a précisé que la solution proposée par les autorités doit permettre à l'individu concerné d'exercer sans entrave ses droits au respect de la vie privée et familiale (B.A.C. c. Grèce, 2016, § 35). En particulier, s'il permet à la personne qui en bénéficie de résider sur le territoire de l'État d'accueil et d'y exercer librement son droit au respect de la vie privée et familiale, l'octroi d'un tel titre de séjour constitue en principe une mesure suffisante pour que les exigences de l'article 8 soient remplies. En pareil cas, la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur l'opportunité d'accorder à l'étranger concerné tel statut légal plutôt que tel autre, ce choix relevant de l'appréciation souveraine des autorités nationales (Hoti c. Croatie, 2018, § 121).
Cet allongement de la durée de résidence régulière est, en outre, conforme aux dispositions prévues par l'article 4-1 de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée qui prévoit que les « Etats membres accordent le statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l'introduction de la demande en cause ».
Par conséquent, il est loisible à l'Etat de conditionner de manière proportionnée l'accès à la CR PEF à cinq ans de séjour régulier à Mayotte.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La modification des conditions de délivrance de l'accès à la CR PEF nécessite l'intervention de la loi en modifiant le CESEDA.
En matière d'immigration régulière, Mayotte se distingue des autres départements français par la typologie de titres qui y sont délivrés.
Si en 2023 en France entière, hors immigration familiale, étaient délivrés ou renouvelés 637 485 titres de séjour, ce qui représente 62% de l'ensemble des titres, à Mayotte ce même ensemble ne représente que 15% des titres délivrés ou renouvelés (2 378). A l'inverse, en France entière étaient délivrés ou renouvelés 384 034 titres immigration familiale, ce qui représente 38% de l'ensemble des titres alors qu'à Mayotte ce même ensemble représente 85% des titres délivrés et renouvelés (13 609).
Plus précisément, au sein des titres de séjour pour motif familial, la répartition des titres délivrés ou renouvelés est également très différente du reste du territoire national.
Là où à Mayotte 46% des titres de séjour délivrés ou renouvelés concernent des parents d'enfant français (7 289) et 37% des titres concernent les liens privés et familiaux (5 905), ces mêmes publics ne représentent respectivement que 5% et 14% des titres délivrés et renouvelés en France entière (PEF - 54 663 ; LPF : 141 327).
Cette situation spécifique de Mayotte marquée par une population dont plus de la moitié est d'origine étrangère justifie d'adapter les conditions de délivrance de la CR PEF.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'allongement de la durée de résidence en France de cinq années au lieu de trois années comme condition de la délivrance de la CR PEF a pour objectif de limiter l'attractivité de ce titre. En effet, si le ressortissant étranger justifiant de trois années de séjour régulier peut solliciter une carte de résident, il devra avoir obtenu au moins une carte de séjour pluriannuelle de deux ans lors du renouvellement de son titre ou alors des cartes de séjour temporaires d'un an en qualité de conjoint de Français ou au titre des liens personnels et familiaux.
Cette durée répond, en outre, à des considérations liées à la lutte contre la fraude et permettra à l'administration d'exercer son pouvoir de contrôle et de vérification du droit au séjour lors de la délivrance et au renouvellement des CST, puis à la demande et au renouvellement du titre pluriannuel de deux années et, enfin, lors de la délivrance de la carte de résident.
Par ailleurs, cette condition de résidence portée de trois à cinq années en France a pour objectif de de mieux prendre en compte l'intégration de l'étranger dans le pays au sein duquel il a formulé le souhait de résider sur la durée, dans son propre intérêt comme dans celui de la communauté nationale.
Cette condition supplémentaire est en cohérence avec l'article 20 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (CIAI) qui conditionne l'obtention des titres de séjour pluriannuels (CSP et CR) à deux nouvelles conditions : l'atteinte d'un niveau de langue et la réussite à un examen civique. En matière de niveau de langue, pour les CSP, le ressortissant étranger devra atteindre le niveau A228(*) et atteindre le niveau B129(*) pour la CR.
Pour le passage de la CSP à la CR sur les motifs liés à l'immigration familiale, au 31 décembre2023, sont en cours de validité à Mayotte :
- 9 980 CSP PEF
- 7 338 CSP LPF
- 83 CSP « Conjoint de Français »
Cela représente 17 318 bénéficiaires d'une CSP, soit 94% des CSP en cours de validité à Mayotte. S'ils veulent obtenir la CR PEF ou LPF, ces étrangers devront obtenir le niveau de langue B1 et réussir l'examen civique, ce qui constitue un motif supplémentaire pour limiter l'attractivité de ces titres de séjour.
Cette nouvelle exigence répond à l'objectif retenu par le législateur selon lequel la CR PEF doit être accordée à ceux qui ont exprimé leur adhésion au modèle républicain français et dont l'ancienneté du séjour est suffisamment caractérisée pour attester de la réalité de leur insertion dans la société française.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Option 1 : « L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins cinq années de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-7 ou d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée aux étrangers mentionnés aux articles L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23, sous réserve qu'il continue de remplir les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans».
Si le remplacement du mot « trois » par le mot « cinq » à l'article L. 441-7 du CESEDA dans un nouvel 8° quater est envisagé, la rédaction semble incompatible avec l'article 21 de la loi CIAI précisant qu'il ne peut être procédé à plus de trois renouvellements consécutifs d'une CST portant une mention identique.
Afin de tenir compte de la loi CIAI, cette rédaction ne sera pas retenue.
Option 2 : « L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français, résidant en France en situation régulière depuis au moins cinq années et titulaire de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-7 ou d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée aux étrangers mentionnés aux articles L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23, sous réserve qu'il continue de remplir les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans».
Si la loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a subordonné la délivrance de la carte de résident PEF à une condition de résidence régulière et ininterrompue de cinq années en France, il convient de ne pas retenir l'expression « ininterrompue » au regard de la situation géographique de Mayotte rendant impossible une application stricte de la mesure.
3.2. DISPOSITIF RETENU
A compter de l'entrée en vigueur de la loi, la délivrance de la CR PEF sera subordonnée à la régularité du séjour d'une durée de cinq ans à Mayotte.
La condition de la régularité de la résidence depuis au moins cinq années est remplie lorsque l'étranger est en mesure de justifier de la détention de titres de séjour suivants :
- soit au minimum la détention de trois CST PEF et d'autres cartes de séjour délivrées sur un autre motif ;
- soit au minimum de la détention d'une CSP de deux ans délivrée sur le fondement de l'article L. 423-1 (conjoint de français) ou d'une CSP de deux ans délivrée sur le fondement de l'article L. 423-7 (Parent d'enfant français) ou d'une CSP délivrée sur le fondement de l'article L. 423-23 (liens privés et familiaux) et d'autres cartes de séjour délivrées sur un autre motif.
Au regard de la discontinuité pouvant exister entre les dates de validité des cartes de séjour temporaires et pluriannuelles, les attestations de prolongation d'instruction en 1ère demande et en renouvellement du titre sont prises en compte dans l'historique des cinq années de séjour régulier, la seule exigence étant que le demandeur totalise au minimum cinq ans de résidence à Mayotte sous couvert d'un titre ou d'un document de séjour.
Les autorisations provisoires de séjour (APS) seront également prises en compte dans le calcul des cinq années de résidence régulière en France.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
Le nombre d'étrangers potentiellement concernés par cette mesure est difficile à évaluer, en l'absence de statistiques précises mettant en parallèle les titres de séjour et les lieux de résidence effectifs. Néanmoins, le nombre de renouvellements des titres de séjour de longue durée effectués chaque année peut permettre de mesurer l'impact non négligeable de cette mesure.
Quelques chiffres :
Comme évoqué précédemment, pour le passage de la CSP à la CR sur les motifs liés à l'immigration familiale, au 31 décembre 2023, sont en cours de validité à Mayotte :
- 9 980 CSP PEF
- 7 338 CSP LPF
Aussi, et s'il n'est pas possible d'avoir une appréciation exacte du nombre de situations qui seraient concernées par cette mesure, la volumétrie importante des renouvellements des cartes de séjour pluriannuelles et des cartes de résident, permet d'entrevoir les impacts que pourrait avoir la mesure sur le nombre de ces renouvellements.
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article modifie la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'insertion d'un 8° quater à l'article L. 441-7 du CESEDA. Le présent article introduit un alinéa 1° visant à adapter l'article L. 412-2 pour l'application du L. 423-7 à Mayotte.
Il modifie également l'annexe 10 du même code.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure proposée s'inscrit dans le respect de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant 26 janvier 1990 qui stipule que « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ». Si ces stipulations créent des obligations entre Etats, elles ne sauraient être interprétées comme ouvrant des droits aux ressortissants étrangers.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Aucun impact direct n'est identifié, sous réserve d'une potentielle baisse du nombre des étrangers en situation régulière sur le territoire et donc de la disparition des effets de leur présence sur l'économie française.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'augmentation du nombre de refus de renouvellement de titres de séjour pourrait entraîner une diminution des charges pour les dispositifs de protection sociale. En effet, l'octroi de nombreuses prestations d'assurance et d'assistance sociale est subordonné d'une part, à une condition de résidence régulière à Mayotte et, d'autre part, à une durée de résidence régulière préalable.
Par exemple, le bénéfice du revenu de solidarité active (RSA) est octroyé à un ressortissant étranger s'il justifie d'une antériorité de titre de séjour autorisant à travailler de cinq années (article L. 542-6 du code de l'action sociale et des familles). Le refus de délivrance d'une CR de dix années pourrait faire obstacle à l'octroi de cette aide sociale.
L'allocation spéciale aux personnes âgées (ASPA) est octroyée à l'étranger qui réside régulièrement à Mayotte sous couvert d'une carte de résident (article 31 de l'ordonnance n°2002-411 du 27 mars 2002) et qui y a résidé de façon permanente et dans des conditions régulières de séjour pendant au moins quinze ans (article 22 du décret n°2003-589 du 1 juillet 2003 portant application des dispositions du titre II (Assurance vieillesse) et du chapitre Ier du titre VI (Allocation spéciale pour les personnes âgées) de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte).
De même l'allocation adulte handicapé (AAH) est délivrée à l'étranger qui réside régulièrement à Mayotte sous couvert d'une carte de résident (article 37 de l'ordonnance n°2002-411 du 27 mars 2002) et qui y a résidé depuis quinze ans (article 2 du décret n°2003-576 du 27 juin 2003).
Le refus de délivrance d'une carte de résident pourrait donc faire obstacle à l'octroi de ces prestations.
Par ailleurs, la diminution du nombre de renouvellement des titres de séjour longue durée aura un impact sur la perception des taxes de séjour dont le montant diffère selon le titre envisagé. Pour la plupart des renouvellements de cartes de séjour pluriannuelles et de cartes de résident, le montant de la taxe de séjour est de 225€.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Au regard des conditions strictes définies pour la délivrance de la CR PEF, la charge de travail des agents du département de Mayotte sera considérablement réduite pour suivre les bénéficiaires des aides aux personnes handicapées et celles relatives à l'insertion sociale et professionnelle (RSA).
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'instruction de la demande de délivrance du titre de séjour sera un peu rallongée dans la mesure où seront exigés au demandeur des pièces justifiant de la régularité de séjour sur le territoire français sur une période supplémentaire de deux ans. En outre, la dématérialisation complète de la demande de titre PEF depuis avril 2023 reposant sur le principe du « dites-le nous une fois » et limitant la formulation quasi-systématique de pièces complémentaires auprès de l'usager permettra à l'agent instructeur de gagner du temps dans l'examen des dossiers.
Cette mesure conduira à une modification partielle de la téléprocédure.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure est susceptible de favoriser l'intégration des étrangers sur le territoire en augmentant la durée de résidence requise en vue de la délivrance d'un titre de séjour de longue durée.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure restreint modérément les conditions d'accès à la carte de résident en qualité parent d'enfants français. Néanmoins, la mesure permet dans le même temps de renforcer l'exigence d'intégration des étrangers en France, qui se caractérise intrinsèquement par la résidence sur le territoire national.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
En réduisant potentiellement le nombre de titres de séjour de personnes faisant des allers-retours entre la France et le pays dont il possède la nationalité, cette mesure aura un impact marginal sur le nombre de voyage effectués par ces personnes et donc la pollution inhérente.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Cette disposition entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Ces dispositions s'appliqueront de plein droit à Mayotte qui est une collectivité au sens de l'article 73 de la Constitution.
5.2.3. Textes d'application
Un arrêté devra modifier la liste des pièces justificatives à présenter à l'appui d'une demande de titre de séjour. Cette liste est fixée par arrêté du 4 mai 2022 modifié fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (NOR : INTV2212654A).
Article 2 (1° et 4°) - Créer une condition de 7 ans de résidence habituelle à Mayotte pour l'obtention de la carte de séjour « liens personnels et familiaux »
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Ø Premier temps : caractériser les liens personnels et familiaux en France
Il convient de procéder à une appréciation globale de la situation personnelle de l'étranger. En effet, la caractérisation des liens créés avec la France suppose l'examen de plusieurs critères. L'examen d'un seul critère ne peut suffire à fonder une décision.
La caractérisation des liens personnels et familiaux avec la France s'apprécie au regard de 4 critères dégagés par le législateur, repris de l'article 8 tel qu'interprété par la jurisprudence de la CEDH : intensité, ancienneté et stabilité des liens personnels et familiaux en France, conditions d'existence de l'intéressé, son insertion dans la société française, et nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine.
Ø Second temps : Evaluer l'atteinte qu'un refus d'autoriser le séjour porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des motifs du refus
Il s'agit là d'examiner ce que deviendrait la vie privée et familiale du demandeur si le titre lui était refusé et qu'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français était prononcé à son encontre. Principalement il faut répondre à la question suivante : la vie privée et familiale pourrait-elle se reconstituer dans le pays de renvoi ? La proportionnalité de l'atteinte à la vie privée qu'entraînerait une décision de refus et d'éloignement s'apprécie différemment dans l'hypothèse où cette décision s'appuie sur des motifs d'ordre public.
1. L'intensité des liens : Les liens personnels et familiaux, appréciés au regard des 4 critères légaux doivent être confrontés à l'impact qu'aurait une décision de refus de séjour. Plus ces liens sont forts, plus l'atteinte qui leur serait portée risque d'être disproportionnée.
2. La possibilité effective de reconstituer une vie familiale dans le pays d'origine ou de renvoi : L'atteinte doit être relativisée s'il existe une possibilité effective pour la famille proche (conjoint, partenaire, concubin, enfants) de l'étranger de le suivre en cas de renvoi dans son pays d'origine, permettant ainsi de reconstituer une vie privée et familiale hors de France. A l'inverse, si la vie privée et familiale dans le pays d'origine ne peut reprendre, l'atteinte sera forte.
3. La prise en compte des motifs de refus, notamment des circonstances d'ordre public : Il est nécessaire d'apprécier si l'atteinte est proportionnée en se référant aux considérations qui fondent le refus. Elles peuvent être de plusieurs ordres et se cumuler :
a. le non-respect des conditions d'admission au séjour définies par le législateur ;
b. le non-respect des règles d'entrée et de séjour régulier ;
c. la prévention des menaces à l'ordre public ;
Si le refus est motivé par un trouble ou une menace à l'ordre public, l'appréciation de l'atteinte change de nature compte tenu de l'intérêt public qui s'attache à la mesure d'éloignement dès lors qu'elle est nécessaire à la préservation de la sécurité publique
Ø Les modalités d'application du CESEDA à Mayotte :
Le département de Mayotte a intégré le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) le 26 mai 2014, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation du CESEDA à Mayotte. Un arrêté en date du 4 février 2015 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée sur le territoire de Mayotte précise le régime de circulation et les conditions d'entrée des étrangers tiers.
L'ordonnance a eu pour objectif de transposer les directives européennes relatives à la migration légale et au retour suite à l'accès de Mayotte au statut de région ultrapériphérique et de rapprocher le droit applicable avec le droit commun sauf adaptations nécessaires.
La loi dispose déjà que l'admission exceptionnelle au séjour (AES), voie d'accès au séjour régulier pour l'étranger qui ne satisfait pas à la condition d'entrée régulière sur le territoire national, ne s'applique pas à Mayotte.
La délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » au titre des liens personnels et familiaux (article L. 423-23 du CESEDA) constitue la « traduction » en droit interne des exigences de protection du droit au respect de la vie privée et familiale qui découlent de l'article 830(*) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
En 1998, le législateur (Loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile dite loi Chevènement) a souhaité que les personnes qui ne pouvaient être éloignées au titre de l'article 8 puissent bénéficier d'une voie d'admission au séjour de plein droit.
Il s'agit de personnes dont le centre des intérêts privés et familiaux se situe en France, sans qu'aucun équivalent ne puisse être retrouvé dans le pays d'origine ou de renvoi.
La délivrance de plein droit d'un titre de séjour s'impose dans des situations particulières dans lesquelles la mise en oeuvre d'un éloignement entraînerait une atteinte disproportionnée au respect de leur vie privée et familiale.
Les dispositions de l'article L. 423-23 du CESEDA, qui traduisent en droit français l'article 8 de la CEDH, prévoient, pour un étranger ne répondant pas aux conditions des titres de plein droit, la délivrance d'un titre de séjour si le demandeur « dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».
La circulaire du 22 juillet 201131(*) précise les modalités d'évaluation des critères retenus par la loi. Ainsi, pour ce qui concerne l'appréciation des conditions de l'article L. 423-23, les préfets doivent apprécier, de manière globale :
- l'ancienneté et le caractère prépondérant des liens personnels et familiaux développés en France par rapport aux liens maintenus dans le pays d'origine ;
- les conditions d'existence de l'intéressé : si l'insuffisance ou la précarité des moyens d'existence de l'étranger ne constituent pas, en elles-mêmes, un motif de refus de séjour, elles peuvent révéler une insuffisance voire une absence de liens familiaux effectifs. Les préfets doivent apprécier dans sa globalité le critère de « conditions d'existence » ;
- tout comportement manifestement contraire aux valeurs de la République, lequel conduit à écarter la demande.
Les dispositions de l'article L. 423-23 impliquent un examen particulièrement approfondi de la situation personnelle du demandeur. L'examen d'un seul critère ne peut suffire à fonder une décision. Il n'y a pas d'automaticité s'agissant de la délivrance de la carte de séjour temporaire au profit de toute personne en mesure d'avancer des considérations d'ordre personnel ou familial.
Ø Une forte polarisation des titres délivrés :
En matière d'immigration régulière, Mayotte se distingue des autres départements français par la typologie de titres qui y sont délivrés.
En effet, le volume de titres délivrés ou renouvelés en matière d'immigration familiale est prépondérant comparativement aux titres délivrés sur les autres motifs : 13 554 titres en 2023 et 15 747 titres en 2024 soit près de 80,26 % des titres délivrés ou renouvelés à Mayotte tous titres confondus. Sur l'ensemble du territoire national, les proportions sont très différentes : en 2023, 405 804 titres relatifs à l'immigration familiale et 390 617 en 2024 soit respectivement 35,7 % et 36% du total de titres.
Plus précisément, la répartition des titres de séjour pour motif familial par catégories est également très différente du reste du territoire national.
Là où à Mayotte 50.72% des titres de séjour délivrés ou renouvelés concernent des parents d'enfant français (9 95232(*)) et 27,2 % des titres concernent les liens privés et familiaux (533433(*)), ces mêmes publics ne représentent respectivement que 5.4% et 12,2 % des titres délivrés et renouvelés en France entière (PEF - 58 208 ; LPF : 131 70934(*) ).
2023 |
2024 (provisoire)35(*) |
|||
Mayotte |
Territoire national |
Mayotte |
Territoire national |
|
Nombre TS « parent d'enfant français » |
7 263 |
54 509 |
9 952 |
58 208 |
Nombre TS « liens personnels et familiaux » |
5 880 |
141 022 |
5 334 |
131 709 |
Nombre total de titres délivrés et renouvelés |
15 944 (dont 13 554 en matière d'immigration familiale) |
1 134 018 (dont 405 804 en matière d'immigration familiale) |
19 619 (dont 15 747 en matière d'immigration familiale) |
1 077 272 (dont 390 617 en matière d'immigration familiale) |
Cette situation spécifique justifie de nouvelles dispositions législatives propres aux titres de séjour délivrés pour motif familial (PEF et LPF) à Mayotte.
Considérant que les dispositions de l'article L. 423-23 sont la traduction en droit interne de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (qui conduit à la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels qu'un refus conduirait à porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familial), l'appréciation de la situation démographique à Mayotte et l'impérative nécessité de réguler l'immigration locale invitent à adapter les modalités de délivrance des titres de séjour relatifs aux « liens personnels et familiaux ».
Ø La pression démographique :
La pression démographique subie par le département de Mayotte, du fait de flux migratoires exceptionnels est en constante progression. Une publication de l'INSEE de février 2019 établit à 48 % la part de la population de nationalité étrangère en 2017.
En 2019, 9 760 nouveau-nés ont vu le jour à Mayotte. L'année 2020 marque une légère inflexion mais reste à un niveau élevé et proche du record de 2019 : 9 180 naissances. De janvier à juillet 2021, 6 550 enfants sont nés de mères domiciliées à Mayotte (soit 9 % de plus par rapport à la même période en 2020).
En 2023, 10 280 enfants sont nés de mères domiciliées à Mayotte, ce qui représente une diminution par rapport à 2022 (10 770).
Le taux de natalité est trois fois supérieur à celui du reste du territoire national (voir dix fois supérieur avant 20 ans).
Une publication actualisée de l'INSEE de septembre 2021 souligne que la fécondité est structurellement portée par les mères de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart : « Celles-ci donnent naissance aux trois quarts des bébés nés en 2020, comme les quatre années précédentes. » 56 % des nouveau-nés de 2020 ont au moins un parent français et naissent ainsi Français (tendance stable depuis 2016). Dans la plupart des cas, le parent français est de sexe masculin et moins de 20% des nouveau-nés ont un père et une mère français.
Compte tenu de la pression migratoire exceptionnelle à Mayotte, il est opportun de durcir les conditions de délivrance de la carte de séjour en créant une condition de sept ans de résidence habituelle à Mayotte pour l'obtention de la carte de séjour « liens personnels et familiaux ».
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Mayotte est une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution. Toutefois, la situation particulière de Mayotte a conduit le législateur, en matière de droit des étrangers et de droit de la nationalité, à adapter le droit à la situation spécifique de ce département.
Dans sa décision n°2018-770 DC du 6 septembre 2018 le Conseil Constitutionnel a considéré que « la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants. Ces circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ».
Le législateur peut donc, sans méconnaître l'article 1er de la Constitution ni le principe d'égalité devant la loi, adapter les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte afin de lutter contre l'immigration irrégulière dont le nombre élevé d'enfants nés de parents étrangers est l'un des aspects les plus visibles.
Dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, le Conseil Constitutionnel a précisé « qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; que les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques ; que le législateur peut ainsi mettre en oeuvre les objectifs d'intérêt général qu'il s'assigne ; que dans ce cadre juridique, les étrangers se trouvent placés dans une situation différente de celle des nationaux ; que l'appréciation de la constitutionnalité des dispositions que le législateur estime devoir prendre ne saurait être tirée de la comparaison entre les dispositions de lois successives ou de la conformité de la loi avec les stipulations de conventions internationales mais résulte de la confrontation de celle-ci avec les seules exigences de caractère constitutionnel ».
Par ailleurs, la loi n° 97-396 portant diverses dispositions relatives à l'immigration du 24 avril 1997 avait prévu de subordonner le renouvellement de la carte de résident à la condition que son titulaire réside habituellement en France et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Le Conseil Constitutionnel a cependant censuré ce dernier motif de refus de renouvellement en raison des liens particuliers avec la France qu'un étranger a développé après dix ans de résidence régulière sur le territoire et de l'atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale qui résulterait de la remise en cause de son droit au séjour au motif d'une menace « simple » pour l'ordre public36(*).
En revanche, et si le législateur a décidé d'abroger la condition de résidence habituelle en France par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, celle-ci n'avait pas fait l'objet de griefs de la part du Conseil constitutionnel.
Dans le respect de la liberté de circulation, prévue à l'article L. 414-3 du CESEDA, cette condition est pleinement constitutionnelle s'agissant des cartes de résident. Le même raisonnement peut être tenu, a fortiori, s'agissant des cartes de séjour pluriannuelles. Il a été précisé par le Conseil Constitutionnel que la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires importants. Ces circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers.
Par conséquent, le législateur peut donc, sans méconnaître l'article 1er de la Constitution ni le principe d'égalité devant la loi, adapter les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte afin de lutter contre l'immigration irrégulière dont le nombre élevé d'enfants nés de parents étrangers est l'un des aspects les plus visibles. ( n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 le Conseil Constitutionnel)
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Ø Sur l'Union Européenne :
La directive n°2004/38 du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement prévoit que le droit à la libre circulation s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille. La directive précise qu'un membre de famille peut s'entendre « comme le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d'un État membre, si, conformément à la législation de l'État membre d'accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l'État membre d'accueil. ».
Ø Sur l'article 8 de la CEDH :
La voie d'admission au séjour au titre des liens personnels et familiaux établis en France par un ressortissant étranger est la traduction de la protection du droit au respect de la vie privée et familiale telle que consacrée, notamment, par les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme aux termes desquels :
" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
" 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
Ces stipulations ont pour effet de protéger contre l'éloignement des personnes qui ne remplissent les conditions d'attribution d'aucun titre de séjour quel qu'en soit le motif. En 1998, le législateur a souhaité que ces personnes qui ne pouvaient être éloignées puissent bénéficier d'une voie d'admission au séjour de plein droit.
Il s'agit de personnes dont le centre des intérêts privés et familiaux se situe en France, sans qu'aucun équivalent ne puisse être retrouvé dans le pays d'origine ou de renvoi. La délivrance de plein droit d'un titre de séjour s'impose dans ces situations particulières dans lesquelles la mise en oeuvre d'un éloignement entraînerait une atteinte disproportionnée au respect de leur vie privée et familiale.
Ainsi, l'article 8 de la Convention ne se limite pas à affirmer le droit au respect de la vie privée et familiale mais autorise les Etats à encadrer ce droit. Au regard de la spécificité du contexte migratoire du département de Mayotte l'instauration d'une condition de résidence habituelle adaptée de sept ans, vise à poursuivre un objectif légitime et proportionné à ce territoire de maîtrise des flux migratoires.
Ø Sur la notion de résidence habituelle selon la CJUE :
Par un arrêt du 25 novembre 2021, sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé la notion de « résidence habituelle » au sens de l'article 3, § 1er, sous a), du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles IIbis, en ces termes :
- En l'absence d'une définition de la notion de « résidence habituelle » dans le règlement Bruxelles IIbis ou d'un renvoi exprès au droit des États membres à cet égard, cette notion doit être interprétée de manière autonome et uniforme ;
- Ni l'article 3, § 1er, sous a) du règlement ni d'autres dispositions de celui-ci n'envisagent qu'une personne puisse, de manière concomitante, posséder plusieurs résidences habituelles ou une résidence habituelle dans une pluralité de lieux ;
- La notion de « résidence habituelle », aux fins de la détermination de la compétence en matière de dissolution du lien matrimonial est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d'une part, la volonté de l'intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d'autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l'État membre concerné.
Dès lors, si un époux peut concomitamment disposer de plusieurs résidences parce qu'il partage sa vie entre plusieurs États, il ne peut avoir, à un moment donné, qu'une seule résidence habituelle, qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, sur la base de l'ensemble des circonstances de fait propres à l'espèce. Si un époux a transféré sa résidence habituelle sur le territoire d'un État membre autre que celui de l'ancienne résidence conjugale, il doit avoir manifesté la volonté d'établir le centre habituel de ses intérêts dans cet autre État membre et avoir démontré que sa présence dans cet État membre témoigne d'un degré suffisant de stabilité.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
L'article 73 de la Constitution permet au législateur de prévoir des adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer.
De telles adaptations sont prévues pour Mayotte par les articles L. 441-7 et L.441-8 du CESEDA.
A l'heure actuelle, aucune autre disposition spéciale n'est appliquée pour le territoire de Mayotte s'agissant des conditions de délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale ». Pour les raisons précitées (contexte migratoire notamment) il convient de modifier la partie législative du CESEDA pour adapter les conditions de délivrance des titres « liens personnels et familiaux » aux étrangers résidant à Mayotte.
Les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire pour les étrangers ayant des liens personnels et familiaux avec le territoire sont aujourd'hui définies par circulaire ministérielle du 22 juillet 2011 relative à la maîtrise de l'immigration au titre des liens personnels et familiaux. Il est proposé, au regard du nombre des titres de séjour délivrés à Mayotte pour ce motif, d'élever au niveau législatif la condition de résidence habituelle sur le territoire. Cette condition sera portée à sept ans.
En l'état actuel du droit français, l'article L. 423-23 du CESEDA prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger qui n'entre dans aucune des catégories suivantes :
- Conjoint de français ;
- Parent d'enfant français ;
- Regroupement familial (conjoint et enfant) ;
- Etranger résidant en France depuis l'âge de 13 ans ;
- Etranger confié à l'ASE.
Dans le cas où l'étranger « dispose de liens personnels et familiaux en France, [...] tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus », un titre de séjour lui est délivré.
Une exception à la condition de production d'un VLS est faite pour la délivrance du titre de séjour LPF.
Par ailleurs, il convient de noter que la durée de validité de la carte de séjour pluriannuelle délivrée en renouvellement au titre des liens personnels et familiaux est de 2 ans par exception à l'article L. 411-4 du CESEDA.
A Mayotte, département où la voie d'admission exceptionnelle au séjour n'est pas autorisée (L. 441-7 15° du CESEDA), les titres LPF constituent donc la seule voie de « régularisation » pour les étrangers ne pouvant prétendre à un titre de plein droit. Le service séjour de la préfecture applique, en cohérence avec la jurisprudence, une durée minimale de 5 ans de présence sur l'île afin d'envisager la délivrance d'un titre LPF. En effet, Il ressort d'un arrêt rendu par la cour administrative de Versailles en date du 9 octobre 2023 n°23VE00468 qu'une requérante de nationalité marocaine, entrée en France en 2016 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L.423-23 du CESEDA. Elle invoque notamment à cette fin sa durée de séjour. Sur la question de la durée de présence, la CAA a estimé que la présence de l'intéressée n'était établie que depuis le second semestre 2017 (soit quatre ans au moment de la décision) et était donc récente. Si elle a relevé que Madame était intégrée professionnellement et avait une relation avec un ressortissant marocain, titulaire d'un titre de longue durée, avec lequel elle a eu un enfant en 2018, elle a considéré que l'arrêté ne portait pas atteinte au respect de sa VPF et qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine.
Aux fins de tenir compte des spécificités migratoires et de maitrisé l'attractivité du département de Mayotte, il est proposé de porter cette durée minimale de présence à sept ans et de l'inscrire dans la loi. Cette adaptation et le niveau juridique proposé est proportionné aux enjeux de ce territoire.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La résidence effective et habituelle sur le territoire français est le premier vecteur d'intégration des étrangers sur le territoire.
Premièrement, cette mesure vise à durcir les conditions d'accès au séjour en les adaptant à la situation particulière de Mayotte. Il s'agit d'inscrire dans la loi la condition de durée de résidence habituelle de sept ans pour restreindre l'attractivité de cette catégorie de titre de séjour (LPF).
Deuxièmement, l'objectif est la lutte contre les avantages indus conférés par la détention d'un titre de long séjour. En effet, il est de nature à sanctionner les cas dans lesquels un étranger vient ponctuellement en France dans le seul but de solliciter le renouvellement de son titre de séjour et donc, par extension, de pouvoir bénéficier de l'ensemble des droits attachés à la détention d'un titre de séjour en France, alors même que sa résidence principale ne s'y trouve pas. A Mayotte, les titres PEF et LPF sont délivrés de manière quasi-exclusive à des étrangers entrés irrégulièrement, c'est-à-dire entrés sans même un visa de court séjour. Ainsi :
- 85% des titres de séjour délivrés à Mayotte et en cours de validité pour des « parents d'enfant français » concernent des étrangers entrés en situation irrégulière.
- 90% des titres de séjour délivrés et en cours de validité pour un motif « liens personnels et familiaux » concernent des étrangers entrés en situation irrégulière ;
- 83% de ces titres ont été délivrés à des étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire national.
De plus, le présent article a pour objet de faire évoluer les dispositions relatives à la délivrance de certains titres de séjour. En 2024, à Mayotte, 80.26 % des titres de séjour délivrés et renouvelés l'étaient pour des motifs liés à l'immigration familiale. Il s'agit notamment des titres « liens personnels et familiaux ». Cet article modifie les règles relatives aux conditions pour la délivrance de ces titres.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
A compter de l'entrée en vigueur de la loi, l'obtention de la carte de séjour « liens personnels et familiaux » sera soumise à une condition de résidence habituelle à Mayotte de sept ans.
Le titre de séjour le plus délivré à Mayotte est la carte de séjour temporaire délivrée aux étrangers ayant des liens personnels et familiaux avec la France. Ce titre est prévu par l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est délivré aux étrangers qui présentent des liens personnels et familiaux tels « que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ». L'étranger qui demande ce titre n'est pas soumis à l'obligation d'entrer en situation régulière sur le territoire.
Le présent article propose que pour obtenir ce titre de séjour, l'étranger devra être entré sous couvert d'un visa de long séjour un visa de long séjour valant titre de séjour et avoir résidé sept ans habituellement à Mayotte.
Il est également proposé de faire de l'entrée sous couvert d'un visa de long séjour ou d'un visa de long séjour valant titre de séjour une condition nécessaire pour l'obtention de ce titre.
D'une façon générale et en cohérence avec le respect de l'article 8 CEDH, il convient de rappeler que le préfet dispose toujours d'un pouvoir discrétionnaire pour délivrer un titre de séjour même si le demandeur ne remplit pas toutes les conditions de délivrance de plein droit. Reconnu de longue date par la jurisprudence, ce pouvoir a été rappelé par le Conseil d'État37(*), ce dernier ayant par ailleurs précisé38(*) que le dispositif législatif de l'admission exceptionnelle au séjour (ou en l'espèce le L. 423-23 pour le cas mahorais) ne faisait, en tout état de cause, pas obstacle à l'exercice, par l'autorité administrative, du pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit de régulariser la situation d'un étranger, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il justifierait.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Deux alinéas sont ajoutés à l'article L. 441-7 du CESEDA pour adapter l'article L. 423-23 du même code.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le droit européen donne la possibilité aux Etats membres d'appliquer aux ressortissants de pays tiers des conditions d'intégration, dans le cadre du droit national, ce qui inclut en France le respect des principes et valeurs de la République. Les textes européens (article 7.2 de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relatif au droit au regroupement familial et article 5.2 de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée-UE) prévoient ainsi que "Les Etats membres peuvent exiger que les ressortissants de pays tiers satisfassent à des conditions d'intégration conformément à leur droit national".
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Aucun impact direct n'est identifié, sous réserve d'une potentielle baisse du nombre des étrangers en situation régulière sur le territoire et donc de la disparition des effets de leur présence sur l'économie française.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
En faisant obstacle à la délivrance de plusieurs milliers de titres de séjour par an, la mesure envisagée conduira à exclure les destinataires d'une telle mesure du bénéfice des droits sociaux réservés aux étrangers en séjour régulier.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'annexe 10 du CESEDA issue de l'arrêté du 30 avril 2021, modifiée par décret n° 2024-606 du 26 juin 2024 - art.20, fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devra également être modifiée.
En effet, il faut y insérer les conditions de sept ans de résidence habituelle à Mayotte pour l'obtention de la carte de séjour « liens personnels et familiaux » et aussi celle d'être en possession d'un visa de long séjour ou d'un visa de long séjour valant titre de séjour, condition nécessaire pour obtention de ce titre.
Le caractère habituel pourrait être prouvé par tout moyen.
La vérification de la condition habituelle de résidence par les services préfectoraux n'engendrera ni de délai supplémentaire, ni une augmentation de la charge de travail pour ces services. En effet, l'annexe 10 citée ci-dessus comporte la liste des pièces justificatives à produire dans le cadre des demandes de titre LPF.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La population totale de l'île est estimée à 321 000 personnes au 1er janvier 202439(*). Selon les chiffres publiés par l'INSEE, près de 50% de la population serait étrangère (dont 50% en situation irrégulière40(*)). La pression démographique est telle que l'archipel connaît des difficultés d'ordre sécuritaire, économique, de salubrité, etc. La possibilité de refuser davantage de titres de séjour s'accompagne nécessairement de la possibilité d'éloigner les étrangers qui sont donc en situation irrégulière.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La présente disposition entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
L'annexe 10 du CESEDA issue de l'arrêté du 30 avril 2021, modifiée par décret n° 2024-606 du 26 juin 2024 - art.20, fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devra également être modifiée.
CHAPITRE II - AMÉLIORER LES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE LES RECONNAISSANCES FRAUDULEUSES DE PATERNITÉ ET DE MATERNITÉ
Article 3 - Centralisation des reconnaissances de paternité et de maternité à la commune de Mamoudzou et lecture par l'officier d'état civil des obligations liées à la reconnaissance d'un enfant à Mayotte
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Ø La reconnaissance frauduleuse
La reconnaissance constitue l'un des modes d'établissement de la filiation paternelle ou maternelle. Conformément à l'article 316 du code civil, elle peut être effectuée avant la naissance ou après la naissance de l'enfant, concomitamment ou postérieurement à la déclaration de naissance devant l'officier de l'état civil. Elle peut également être effectuée auprès d'un notaire. La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur.
Par l'acte juridique de reconnaissance, son auteur s'engage à assumer toutes les conséquences légales du lien de filiation ainsi établi, notamment en matière d'autorité parentale et de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.
La « reconnaissance de complaisance » est l'acte par lequel un homme déclare un lien de filiation avec un enfant, dont il sait ne pas être le père biologique, mais à l'égard duquel il souhaite se comporter comme un père, en assumer la responsabilité et pourvoir à son éducation. En effet, une tradition établie de longue date admet la reconnaissance d'un enfant qui n'est pas le sien, dès lors que cette reconnaissance est motivée par la volonté d'assurer pleinement la responsabilité parentale qui en résulte et qu'elle n'est pas contestée, en particulier par celui qui se prétend le parent véritable.
Cette reconnaissance de complaisance est à distinguer de la reconnaissance de paternité ou de maternité frauduleuse. Une reconnaissance a un caractère frauduleux lorsqu'elle est souscrite :
- par un auteur qui ne présente aucun lien biologique avec l'enfant sans avoir aucune intention d'assumer les droits et devoirs résultant du lien de filiation ainsi établi ;
- dans le seul but d'obtenir un avantage personnel ou de faire obtenir un avantage personnel à l'autre parent, lié principalement à l'obtention d'un titre de séjour, d'une protection contre l'éloignement, de la nationalité française ou du bénéfice de prestations sociales et familiales.
Il s'agit à la fois d'un contournement des règles de l'entrée et du séjour des étrangers en France et d'un détournement des règles d'établissement de la filiation.
Les reconnaissances frauduleuses conduisent à une instrumentalisation des enfants mais également à l'exploitation de la fragilité de parents qui se sentent tenus de payer une certaine somme d'argent afin d'obtenir ce qu'ils perçoivent comme la garantie d'un avenir meilleur pour leur enfant. Elles vont à l'encontre des principes qui gouvernent la protection de l'enfance et l'exercice des responsabilités parentales. Elles peuvent également avoir des implications sur le plan migratoire et peser sur les finances publiques lorsque les personnes concernées sont dénuées de ressources et ont recours à des minimas sociaux et aux prestations familiales.
Ces fraudes peuvent revêtir plusieurs formes :
- celle de la reconnaissance de l'enfant mineur d'une ressortissante étrangère par un français. Elle permet d'attribuer à l'enfant la nationalité française puis, à sa mère, un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Elle permet également au parent étranger de bénéficier de prestations sociales, pour lui-même et/ ou pour son enfant, étant précisé que des reconnaissances multiples peuvent également être effectuées dans cet objectif ;
- celle de la reconnaissance de l'enfant mineur d'une française par un ressortissant étranger. Ce dernier devient ainsi parent d'enfant français et peut, à ce titre, obtenir la délivrance d'un titre de séjour, sous réserve notamment de contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ( article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Le parent étranger pourra également bénéficier de prestations sociales, pour lui-même et/ ou pour son enfant, étant précisé que des reconnaissances multiples peuvent également être effectuées dans cet objectif.
Dans ces différents cas, il s'agit de reconnaissance frauduleuse de paternité.
Ø La lutte contre les reconnaissances frauduleuses
Antérieurement à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il existait seulement des dispositifs, civils, pénaux et administratifs, destinés à lutter a posteriori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité.
En effet, en cas de doute sur le caractère frauduleux de la reconnaissance, notamment au regard des pièces sollicitées ou produites, l'officier de l'état civil est dans l'obligation d'enregistrer la reconnaissance41(*). Il doit toutefois en informer, sans délai, le procureur de la République qui peut, le cas échéant, engager une action en contestation de la filiation sur le fondement de l'article 336 du code civil si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendaient invraisemblable ou en cas de fraude à la loi.
Le nombre d'actions en contestation de paternité annuellement intentées par le ministère public s'établit comme suit pour l'ensemble des tribunaux judiciaires :
|
Dans l'ensemble des tribunaux judiciaires de France |
2016 |
133 |
2017 |
111 |
2018 |
142 |
2019 |
198 |
2020 |
245 |
2021 |
193 |
2022 |
148 |
L'article 55 II de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a complété ce dispositif en introduisant deux mesures de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses, entrées en vigueur le 1er mars 2019, qui visent à permettre d'identifier et de lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité avant même qu'un acte de reconnaissance ne soit établi.
Ces mesures ont été élaborées à partir de l'adaptation du dispositif initialement mis en oeuvre exclusivement à Mayotte par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration (article 108) afin de tenir compte des difficultés d'application relevées lors de son expérimentation à Mayotte. Selon le parquet du tribunal judiciaire de Mamoudzou, les dispositions de la loi du 24 juillet 2006 étaient difficilement applicables en raison d'obstacles locaux et de la difficulté des officiers de l'état civil pour identifier les « indices sérieux laissant présumer la fraude », notamment au regard du nombre de reconnaissances douteuses faites à Mayotte.
Ainsi, l'article 316 du code civil conditionne désormais, en premier lieu, l'établissement de l'acte de reconnaissance par l'officier de l'état civil à la production de justificatifs d'identité et de domicile par la personne souhaitant établir un lien de filiation.
En second lieu, les nouveaux articles 316-1 à 316-5 du code civil, qui généralisent à l'ensemble du territoire national la possibilité, initialement mise en oeuvre exclusivement à Mayotte, pour le procureur de la République de surseoir ou de s'opposer à l'enregistrement d'une reconnaissance de paternité ou de maternité lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer son caractère frauduleux, renforcent la pleine efficacité de ce contrôle en permettant à l'officier de l'état civil, en cas de doute sur la sincérité de la démarche de l'auteur de la reconnaissance, de procéder à l'audition de l'intéressé, préalablement à l'enregistrement de la reconnaissance.
Cette audition, facultative, est destinée à vérifier la réalité de l'intention de l'auteur de la reconnaissance et de permettre, le cas échéant, de saisir le procureur de la République. Ce dispositif s'est inspiré du contrôle préventif en matière de mariages simulés ou arrangés, dans le cadre duquel il a montré sa pertinence.
En l'absence d'outil statistique national qui recense le nombre de saisines du procureur de la République par l'officier de l'état civil en cas de suspicion de reconnaissance frauduleuse ou le nombre d'oppositions du parquet à l'enregistrement de la reconnaissance, les seuls chiffres disponibles s'agissant du tribunal judiciaire de Mamoudzou sont ceux communiqués par le parquet général de la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion :
|
Saisine du parquet par l'officier de l'état civil pour suspicion de reconnaissance frauduleuse |
Opposition du parquet |
2020 |
x |
0 |
2021 |
x |
20 |
2022 |
26 |
1 |
2023 (1er semestre) |
27 |
3 |
Ces chiffres ne permettent toutefois pas de refléter l'ampleur du phénomène des reconnaissances frauduleuses à Mayotte, notamment en raison de la difficulté à détecter ces fraudes.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
En application de l'article 73, alinéa 1, de la Constitution du 4 octobre 1958, « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
Le Conseil constitutionnel a été saisi de la constitutionnalité de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie en application de l'article 61 de la Constitution. Sa saisine ne concernait cependant pas l'article 55 de cette loi qui a introduit les deux dispositifs préventifs de lutte contre les reconnaissances de paternité ou de maternité frauduleuses précités.
Le Conseil constitutionnel n'a pas davantage été saisi de la constitutionnalité de l'article 108 de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration qui avait instauré exclusivement à Mayotte le dispositif de contrôle a priori des reconnaissances ensuite étendu à l'ensemble du territoire national par la loi du 10 septembre 2018 précitée.
Cependant, en matière d'acquisition de la nationalité française par naissance et résidence en France, le Conseil constitutionnel a considéré que les éléments propres à Mayotte relevaient de l'article 73 de la Constitution et pouvaient justifier une adaptation, dans une certaine mesure, de ces règles42(*).
Il a estimé que les dispositions de l'article 2493 du code civil, qui se bornaient à modifier certaines conditions d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France en imposant d'établir la régularité du séjour de l'un des parents au moment de la naissance pendant une période minimale limitée à trois mois, instauraient une différence de traitement qui tenait compte des caractéristiques et contraintes particulières propres à Mayotte et qui était en rapport avec l'objet de la loi.
Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d'acquisition de la nationalité française paraît transposable aux dispositifs de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité qui, compte tenu de la particularité de la situation de ce département, nécessitent également des adaptations pour Mayotte.
Le Conseil d'Etat a également considéré que les éléments propres à Mayotte relevaient de l'article 73 de la Constitution et justifiaient des règles différenciées, sous réserve que l'ampleur des adaptations soit proportionnée43(*). En l'espèce, les conditions posées par la proposition (régularité du séjour d'un seul des parents, durant une brève durée avant la naissance de l'enfant) apportaient « une adaptation limitée, adaptée et proportionnée à la situation particulière de Mayotte et présentent un lien direct avec les caractéristiques et contraintes qui les justifient ».
Concernant la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, le Conseil d'Etat n'a pas émis d'objection à l'extension à l'ensemble du territoire national du dispositif de contrôle a priori des reconnaissances initialement prévu exclusivement pour Mayotte (création des articles 316-1 à 316-5 du code civil)44(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur la conventionnalité du dispositif préventif de contrôle a priori des reconnaissances de paternité et de maternité.
En l'état du droit positif, le dispositif prévu par les articles 316-1 à 316-5 du code civil et la disposition envisagée n'ont et n'auraient pas pour effet de priver les parents de la possibilité d'établir leur lien de filiation à l'égard d'un enfant par reconnaissance mais simplement d'en encadrer les modalités au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi et de la situation particulière à Mayotte.
Il n'est donc pas porté d'atteinte disproportionnée à un droit conventionnellement garanti, en particulier le droit au respect de la vie privée et familiale prévu par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, ni au principe de non-discrimination prévu par l'article 14 de cette même Convention.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La loi fixe les règles concernant la nationalité et l'état des personnes45(*) ( article 34 de la Constitution), qui comprend les règles relatives à l'établissement d'une filiation. Les mesures envisagées nécessitent donc une modification au niveau législatif.
Ainsi que l'ont rappelé le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat, la lutte contre les reconnaissances de frauduleuses de paternité et de maternité s'inscrit, à Mayotte, dans des circonstances très particulières.
La population de Mayotte a quadruplé entre 1985 (67.200 habitants) et 2017 (256.500 habitants), avec une forte hausse observée entre 2012 et 2017 (+3,8% par an en moyenne).
A l'horizon 2050, entre 440 000 et 760 000 personnes pourraient vivre à Mayotte, selon une étude de projection démographique réalisée par l'INSEE en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte, parue en juillet 2020. La croissance de la population, qui repose en grande partie sur le dynamisme des naissances, sera plus ou moins importante selon l'évolution des migrations (déficit migratoire, solde migratoire nul ou excédent migratoire, taux de fécondité). Mayotte est le département français où la part d'étrangers dans la population est la plus importante (50% des adultes en 2020), devant la Guyane. Selon la dernière étude de l'INSEE parue en 2017, la moitié des étrangers non natifs de Mayotte se trouvent en situation administrative irrégulière46(*).
En 2019, 9 770 enfants sont nés à Mayotte, soit le plus haut niveau jamais enregistré. 75% des enfants nés en 2019 ont une mère de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart (contre 63% en 2014 et environ 74% à compter de 2015). La tendance s'est légèrement infléchie en 2020, sans doute du fait de la crise sanitaire, le nombre des naissances (9 180) et la proportion d'enfants nés d'une mère étrangère (environ 74%) équivalant à ceux de l'année 2015. De janvier à juillet 2021, 6 550 enfants sont nés de mères domiciliées à Mayotte, soit 9 % de plus par rapport à la même période de 202047(*). En 2022, un nouveau record de naissances, avec une hausse de 17 % par rapport à 2020, a été constaté et 75% des enfants nés à Mayotte ont une mère de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart48(*).
Naissances vivantes domiciliées à Mayotte en 2020, selon la nationalité de la mère |
|||||||||
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Ensemble |
7 310 |
9 000 |
9 500 |
9 760 |
9 590 |
9 770 |
9 180 |
10 610 |
10 730 |
Comorienne |
4 330 |
6 270 |
6 590 |
6 740 |
6 690 |
6 810 |
6 300 |
7 410 |
7 320 |
Française |
2 730 |
2 430 |
2 430 |
2 560 |
2 460 |
2 450 |
2 370 |
2 580 |
2 670 |
Malgache |
200 |
260 |
440 |
420 |
390 |
440 |
440 |
540 |
690 |
Autres nationalités |
60 |
40 |
50 |
40 |
50 |
70 |
80 |
90 |
100 |
Note : les nombres de naissances par nationalité sont arrondis à la dizaine. |
|
|
|||||||
Source : Insee, statistiques de l'état civil. |
|
|
La proportion de nouveau-nés dont les deux parents sont étrangers avoisine 45% depuis ces dernières années.
Naissances vivantes domiciliées à Mayotte, selon la nationalité des parents en % |
|||||||||
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Père et mère étrangers |
28 |
39 |
42 |
42 |
45 |
45 |
44 |
46 |
45 |
Père français et mère étrangère |
35 |
34 |
32 |
32 |
30 |
30 |
30 |
29 |
30 |
Mère française et père étranger |
9 |
7 |
7 |
7 |
8 |
7 |
8 |
7 |
7 |
Père et mère français |
28 |
20 |
19 |
19 |
18 |
18 |
18 |
17 |
17 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Source : Insee, statistiques de l'état civil.
Les caractéristiques de la population vivant à Mayotte et les conséquences s'attachant à l'établissement de la filiation d'un enfant (attribution de la nationalité française à l'enfant, délivrance d'un titre de séjour à un parent, bénéfice de prestations sociales et familiales) font de la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité - susceptibles de favoriser l'immigration irrégulière - un enjeu important.
Dans son rapport d'information sur la sécurité à Mayotte du 27 octobre 2021, la commission des lois du Sénat note d'ailleurs que les dispositifs préventifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses « ne sembl[aient] pas avoir eu d'effet notable à Mayotte [...] », ainsi que la persistance de « filières » de reconnaissances frauduleuses49(*).
Si l'effet dissuasif des dispositifs préventifs introduits par la loi précitée du 10 septembre 2018 ne doit pas être sous-estimé, il est nécessaire de les rendre plus efficients, et ce d'autant plus que les règles de compétence en matière de reconnaissance de filiation peuvent fragiliser l'application du dispositif de contrôle a priori dès lors que tout officier de l'état civil français est compétent pour enregistrer une reconnaissance de paternité ou de maternité, quel que soit le lieu de naissance de l'enfant reconnu, ce qui rend plus difficile la détection de la fraude, notamment en cas de reconnaissances multiples de paternité par une même personne.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Les dispositions envisagées visent à rendre plus efficiente la mise en oeuvre du dispositif de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité prévu par les articles 316-1 à 316-5 du code civil, et à renforcer l'information délivrée aux auteurs de reconnaissance sur les conséquences civiles et pénales de cet acte, afin d'atteindre l'objectif poursuivi par la présente loi.
Cet objectif est double :
- d'une part, il s'agit de préserver l'intérêt de l'enfant par la responsabilisation de l'auteur de la reconnaissance, qu'il s'agisse d'un père français reconnaissant l'enfant d'une mère étrangère ou d'un père étranger reconnaissant l'enfant d'une mère française. En effet, au moment de son établissement, la filiation doit être fondée sur l'une des trois composantes suivantes :
une composante biologique (laquelle justifie que le lien de filiation puisse être imposé à une personne contre sa volonté à l'issue d'une action en recherche de paternité ou de maternité) ;
une composante volontaire et affective (qui justifie qu'une personne soit en droit de reconnaître un enfant qu'elle sait ne pas être née de ses oeuvres à condition que cette reconnaissance constitue, de sa part, un engagement à assumer l'ensemble des conséquences de la filiation ainsi établie) ;
une composante sociologique (qui assoit la filiation sur la possession d'état d'enfant).
- d'autre part, il s'agit de lutter contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation effectuées dans un unique objectif de régularisation ou de pérennisation de la situation administrative du parent d'enfant français sur le territoire national.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La commission des lois du Sénat propose de « renforcer les moyens alloués à la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de filiation, en constituant un fichier unique d'état civil à l'échelle du département » de Mayotte afin de « lever les obstacles opérationnels rencontrés par les services en charge de la lutte contre celles-ci » et de faciliter leur identification. La commission recommande également d'encourager la formation des officiers de l'état civil50(*).
Toutefois, l'organisation communale de l'état civil français s'oppose à la constitution d'un « fichier unique d'état civil à l'échelle [d'un] département ».
Seule l'interconnexion des registres de l'état civil portant sur les actes de reconnaissance de paternité ou de maternité et les actes de naissance des différentes communes de Mayotte pourrait être envisagée. Elle constituerait une dérogation au droit commun. En l'état du droit positif, cette interconnexion n'est en effet possible que pour les communes nouvelles, les communes fusionnées et les communes comportant des divisions administratives51(*). Son éventuelle extension aux communes de Mayotte ne résoudrait cependant pas la question essentielle de la formation des officiers de l'état civil à Mayotte, évoquée par le rapport de la commission des lois du Sénat. En tout état de cause, cette mesure relèverait du pouvoir réglementaire et non législatif.
Cette mesure ne sera donc pas retenue, tant en opportunité qu'au regard de son caractère réglementaire.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Ø Centralisation à Mamoudzou de l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité
Afin de remédier au manque d'efficience du dispositif de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité prévu aux articles 316-1 à 316-5 du code civil, il est nécessaire d'aménager le principe selon lequel tout officier de l'état civil français est compétent pour enregistrer une reconnaissance de paternité ou de maternité quel que soit le lieu de naissance de l'enfant reconnu. A cette fin, il est créé, au sein des dispositions du code civil applicables à Mayotte, un article 2496 alinéa 1er qui prévoit, lorsque la reconnaissance est faite à Mayotte, la centralisation à Mamoudzou de l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité des enfants nés à Mayotte. Un effet dissuasif est attendu de ce nouveau dispositif.
Cette centralisation permettra une meilleure détection des reconnaissances frauduleuses en ce que :
- les auteurs de reconnaissances multiples - et ce caractère multiple constitue un indice de fraude éventuelle - seront plus facilement identifiés par les officiers de l'état civil puisqu'une telle centralisation les empêchera de ventiler celles-ci entre différentes communes de l'île ;
- les officiers de l'état civil de la commune de Mamoudzou pourront être plus spécialement formés à la détection des reconnaissances frauduleuses et à la mise en oeuvre de la procédure préventive des articles 316-1 à 316-5 du code civil, un point essentiel pour en assurer l'efficacité.
Cette mesure dérogatoire du droit commun applicable à Mayotte est justifiée par un but d'intérêt général, la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, et rendue nécessaire par la situation particulière du département de Mayotte. Afin d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre le but d'intérêt général poursuivi et l'atteinte légitime portée aux droits fondamentaux, la restriction du droit de reconnaître une paternité ou une maternité voit son champ d'application limité aux reconnaissances établies à Mayotte, avant ou après la naissance de l'enfant.
Ainsi il restera possible de :
- procéder à l'enregistrement d'une reconnaissance de paternité ou de maternité d'un enfant né à Mayotte auprès de tout officier de l'état civil français hors de Mayotte, y compris les autorités diplomatiques ou consulaires françaises à l'étranger ;
- faire une reconnaissance de paternité ou de maternité d'un enfant né à Mayotte auprès d'un officier de l'état civil à Mayotte simultanément à la déclaration de naissance de l'enfant, laquelle est faite à l'officier de l'état civil du lieu de naissance. Cette possibilité vise à ne pas imposer au parent souhaitant à la fois déclarer l'enfant et reconnaître sa paternité ou sa maternité de se rendre auprès de deux officiers de l'état civil distincts lorsque l'enfant naît dans une commune de Mayotte autre que la commune de Mamoudzou52(*).
Ø Lecture des dispositions relatives aux conséquences civiles et pénales d'une reconnaissance
Afin de responsabiliser davantage les auteurs d'une reconnaissance d'un enfant né à Mayotte, il est nécessaire de renforcer l'information qui leur est délivrée par l'officier de l'état civil au moment de l'établissement de l'acte quant aux conséquences civiles et pénales de la reconnaissance.
A cette fin, il est créé, au sein des dispositions du code civil applicables à Mayotte, un article 2496 alinéa 2 qui prévoit la lecture par l'officier de l'état civil :
- des dispositions civiles relatives à l'autorité parentale et à la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant (articles 371-1 et 371-2 du code civil), à l'instar de ce que prévoit déjà le droit commun au dernier alinéa de l'article 62 du code civil ;
- des dispositions pénales relatives au délit de soustraction par un parent à ses obligations légales ( article 227-17 du code pénal) et de reconnaissance frauduleuse ( article L823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).
Ces ajouts visent à renforcer l'efficacité de la lutte en amont contre les fraudes relatives aux reconnaissances effectuées par des ressortissants français pour obtenir ou faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l'éloignement, la nationalité française ou des prestations sociales et familiales.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Un article 2496 est créé au sein du titre Ier du livre V du code civil consacré aux dispositions applicables à Mayotte. Ce rétablissement n'appelle pas d'autres modifications.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La présente mesure est compatible avec le droit au respect de la vie privée et familiale prévu par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales et respecte le principe de non-discrimination prévu par l'article 14 de cette même Convention.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
La réforme envisagée aura un impact sur la charge de travail des officiers de l'état civil des communes de Mayotte. La charge de travail fera l'objet d'une nouvelle répartition entre les communes de Mayotte concernant l'enregistrement des reconnaissances de paternité et de maternité pour être concentrée sur l'une d'entre elles.
L'accroissement de la charge de travail des officiers de l'état civil de la commune de Mamoudzou liée à la centralisation de l'établissement des actes de reconnaissances de paternité et de maternité et à la lecture des dispositions relatives aux conséquences civiles et pénales d'une reconnaissance, doit cependant être relativisée en ce que :
- l'officier de l'état civil fait déjà lecture des dispositions des articles 371-1 et 371-2 du code civil lors de l'établissement de l'acte de reconnaissance (article 62 du code civil);
- 25% des reconnaissances de paternité et de maternité effectuées à Mayotte ont lieu simultanément à la déclaration de naissance, et resteront donc de la compétence de chacune des communes ;
- les efforts de formation des officiers de l'état civil à Mayotte seront également concentrés sur ceux de la commune de Mamoudzou pour l'enregistrement des reconnaissances de paternité et de maternité, ce qui devraient permettre aux officiers de l'état civil de gagner en efficacité.
La spécialisation des officiers de l'Etat civil de Mamoudzou permettra au surplus d'augmenter leur efficacité.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La centralisation de l'établissement des reconnaissances de paternité et de maternité devrait entraîner une augmentation des saisines du parquet par les officiers de l'état civil, et par conséquent, des services d'enquête. Cet impact devrait toutefois être limité compte tenu de l'effet dissuasif que pourra jouer la lecture des textes rappelant les conséquences tant civiles que pénales de l'acte de reconnaissance
La réforme devrait également faciliter les échanges du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Mamoudzou avec les officiers de l'état civil en matière de lutte contre les reconnaissances de paternité et de maternité frauduleuses en ce qu'elle :
- limitera le nombre de ses interlocuteurs parmi les officiers de l'état civil dans le cadre du contrôle préventif des actes de reconnaissance ;
- permettra de mieux former ces officiers de l'état civil spécialement désignés pour l'enregistrement des reconnaissances de paternité et de maternité.
Les comportements constitutifs de reconnaissances frauduleuses de filiation ont des effets collatéraux majeurs sur plusieurs organismes (préfectures et organismes sociaux notamment). L'accentuation de la lutte contre ce phénomène opéré par ces dispositions devrait conduire à moins solliciter ces services.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Seules les personnes souhaitant reconnaître leur paternité ou leur maternité avant ou après la naissance d'un enfant (la réforme envisagée ne s'appliquera pas à la reconnaissance concomitante à la déclaration de naissance) seront tenus de solliciter l'enregistrement de cette reconnaissance auprès d'un officier de l'état civil de la commune de Mamoudzou.
La contrainte ainsi imposée doit être relativisée en ce que 75% des naissances à Mayotte ont lieu à Mamoudzou, qui sera la commune spécialement désignée pour l'enregistrement des actes de reconnaissance de paternité ou de maternité et elle n'impactera donc pas la situation d'une reconnaissance simultanée à une déclaration de naissance qui aurait pu soulever des problèmes de mise en oeuvre pratique pour le ou les parents.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucun impact significatif de la disposition envisagée sur l'organisation et le fonctionnement des juridictions n'est prévu. Il n'y a dès lors pas lieu à consultation du comité technique des services judiciaires en application de l'article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
La disposition s'applique exclusivement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Une circulaire de présentation du ministère de la justice est envisagée avec les objectifs suivants, étant rappelé que la lutte contre cette fraude constitue une priorité de l'action gouvernementale.
Article 4 - Allonger les durées du sursis à l'enregistrement de la reconnaissance d'un enfant prononcé par le procureur de la République le temps de l'enquête
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le dispositif de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses, initié par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration puis modifié par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a pour objectif d'endiguer les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité en agissant en amont, avant l'enregistrement de ces reconnaissances par l'officier de l'état civil. Ce dispositif de lutte a priori contre les fraudes se décline en deux mesures distinctes.
La première de ces mesures renforce le formalisme des actes de reconnaissance : lorsqu'une personne se présente devant un officier de l'état civil ou un notaire pour effectuer une reconnaissance de paternité ou de maternité, avant ou après la naissance de l'enfant ou au cours de la déclaration de naissance, il doit désormais justifier de son identité et de son domicile ou résidence, conformément aux nouveaux alinéas 4 à 6 de l'article 316 du code civil. Selon ce même article, les justificatifs sont nécessaires, quelle que soit la nationalité ou l'État de résidence du parent. En l'absence de ces pièces justificatives, l'acte de reconnaissance ne pourra pas être établi.
La seconde de ces mesures prévoit la possibilité pour l'officier de l'état civil de saisir le procureur de la République, après audition préalable de l'auteur de la reconnaissance, le cas échéant, lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer son caractère frauduleux.
La mise en oeuvre de ce dispositif a été accompagnée par la diffusion de la circulaire du 20 mars 2019 relative à la présentation des dispositions destinées à lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité et de ses annexes qui détaillent les deux nouveaux dispositifs préventifs introduits à l'article 55, II de la loi n°2018-778.
Le procureur de la République dispose d'un délai de quinze jours à compter de sa saisine pour décider des suites à y donner. Il est tenu de prendre sa décision dans ce délai et peut alors, soit laisser l'officier de l'état civil procéder à l'enregistrement ou à la mention de la reconnaissance en marge de l'acte de naissance, soit y faire opposition, soit enfin, y surseoir dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fera procéder (articles 316-1 à 316-5 du code civil).
Le procureur de la République est donc tenu de se prononcer dans le délai contraint de quinze jours à compter de sa saisine et il lui revient de tenir informé l'officier de l'état civil et l'auteur de la reconnaissance, quelle que soit sa décision, afin de leur permettre de procéder aux formalités nécessaires pour les officiers de l'état civil ou de faire valoir leurs droits pour les auteurs de la reconnaissance.
Dans l'hypothèse où ce délai de quinze jours serait dépassé et où la reconnaissance envisagée serait enregistrée par l'officier de l'état civil, ce dernier pourrait encore transmettre au procureur de la République l'acte de reconnaissance effectué ainsi que les pièces annexes (pièces produites par l'auteur de la reconnaissance et le compte-rendu de l'audition, le cas échéant). Le parquet pourra alors apprécier s'il convient de contester a posteriori la reconnaissance effectuée auprès du tribunal judiciaire, conformément à l'article 336 du code civil susvisé.
En cas de décision de sursis à l'enregistrement de la reconnaissance, cette décision est notifiée à l'officier de l'état civil et à l'auteur de la reconnaissance, et le sursis ne peut excéder un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Toutefois, lorsque l'enquête est menée, en totalité ou en partie, à l'étranger par l'autorité diplomatique ou consulaire, la durée du sursis est portée à deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. La décision de sursis, comme celle de son renouvellement, peut être contestée devant le tribunal judiciaire.
Durant ce sursis, le procureur de la République fera procéder à une enquête destinée à confirmer ou infirmer le caractère frauduleux de la reconnaissance envisagée.
Ces enquêtes s'avèrent en général ardues dans la mesure où il convient de s'adresser à de multiples instances (CAF, CNAM, juge aux affaires familiales, services fiscaux, etc.) et où la démonstration de l'absence de lien biologique ne suffit pas. Il faut non seulement démontrer que la reconnaissance est mensongère mais également que le seul but poursuivi est l'obtention de la nationalité et d'un titre de séjour. Ainsi, la reconnaissance pourra être qualifiée de frauduleuse seulement si les éléments recueillis au cours de l'enquête permettent de caractériser l'absence de projet parental à l'égard de l'enfant et un objectif étranger à l'établissement de la filiation et à ses conséquences.
A l'issue de l'enquête, le procureur de la République doit indiquer à l'officier de l'état civil et aux intéressés, par décision motivée, s'il laisse procéder à l'enregistrement de la reconnaissance ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant ou, au contraire, s'il s'y oppose.
En cas d'opposition, l'officier de l'état civil fera sans délai mention sommaire de l'opposition sur le registre de l'état civil. La décision sera également notifiée à l'auteur de la reconnaissance, qui peut la contester devant le tribunal judiciaire.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
En application de l'article 73, alinéa 1, de la Constitution du 4 octobre 1958, « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
Le Conseil constitutionnel a été saisi de la constitutionnalité de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie en application de l'article 61 de la Constitution. Sa saisine ne concernait cependant pas l'article 55 de cette loi qui a introduit les deux dispositifs préventifs de lutte contre les reconnaissances de paternité ou de maternité frauduleuses précités.
Le Conseil constitutionnel n'a pas davantage été saisi de la constitutionnalité de l'article 108 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration qui avait instauré exclusivement à Mayotte le dispositif de contrôle a priori des reconnaissances ensuite étendu à l'ensemble du territoire national par la loi du 10 septembre 2018 précitée.
Cependant en matière d'acquisition de la nationalité française par naissance et résidence en France, le Conseil constitutionnel a considéré que les éléments propres à Mayotte relevaient de l'article 73 de la Constitution et justifiaient une adaptation, dans une certaine mesure, de ces règles53(*).
Il a estimé que les dispositions de l' article 2493 du code civil, qui se bornaient à modifier certaines conditions d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France en imposant d'établir la régularité du séjour de l'un des parents au moment de la naissance pendant une période minimale limitée à trois mois, instauraient une différence de traitement qui tenait compte des caractéristiques et contraintes particulières propres à Mayotte et qui était en rapport avec l'objet de la loi.
Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d'acquisition de la nationalité française paraît transposable aux dispositifs de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité qui, compte tenu de la particularité de la situation de ce département, nécessitent également des adaptations pour Mayotte.
Le Conseil d'Etat a également considéré que les éléments propres à Mayotte relevaient de l'article 73 de la Constitution et justifiaient des règles différenciées, sous réserve que l'ampleur des adaptations soit proportionnée54(*). En l'espèce, les conditions posées par la proposition (régularité du séjour d'un seul des parents, durant une brève durée avant la naissance de l'enfant) apportaient « une adaptation limitée, adaptée et proportionnée à la situation particulière de Mayotte et présentent un lien direct avec les caractéristiques et contraintes qui les justifient ».
La mesure proposée est conforme à l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant consacrée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, dès lors qu'elle contribue à lutter contre l'instrumentalisation des enfants. En effet, la reconnaissance frauduleuse est souscrite par un auteur qui ne présente aucun lien biologique avec l'enfant et qui n'a aucune intention d'assumer les droits et devoirs résultant du lien de filiation. Elle vise uniquement à retirer un avantage lié à la qualité de parent d'un enfant français en matière de séjour ou de nationalité française. Le lien de filiation établi frauduleusement porte ainsi préjudice à l'enfant, qui ne peut pas voir sa filiation établie à l'égard de son véritable parent, et qui pourrait en outre être amené à devoir assumer des obligations juridiques envers l'auteur de la reconnaissance, telles que l'obligation alimentaire prévue par l'article 205 du code civil.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur la conventionalité du dispositif préventif de contrôle a priori des reconnaissances de paternité et de maternité.
En l'état du droit positif, le dispositif prévu par les articles 316-1 à 316-5 du code civil et la disposition envisagée n'ont et n'auraient pas pour effet de priver les parents de la possibilité d'établir leur lien de filiation à l'égard d'un enfant par reconnaissance mais simplement d'en encadrer les modalités au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi et de la situation particulière à Mayotte.
Il n'est donc pas porté d'atteinte disproportionnée à un droit conventionnellement garanti, en particulier le droit au respect de la vie privée et familiale prévu par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, ni au principe de non-discrimination prévu par l'article 14 de cette même Convention.
Ce dispositif est par ailleurs conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant qui est garanti par l'article 3.1 de la Convention internationale des droits de l'enfants du 20 novembre 1989.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Ainsi que l'ont rappelé le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat, la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité s'inscrit, à Mayotte, dans des circonstances démographiques très particulières. La population de Mayotte a quadruplé entre 1985 (67 200 habitants) et 2017 (256 500 habitants), avec une forte hausse observée entre 2012 et 2017 (+3,8% par an en moyenne)55(*). A l'horizon 2050, entre 440 000 et 760 000 personnes pourraient vivre à Mayotte, selon une étude de projection démographique réalisée par l'INSEE en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte, parue en juillet 202056(*).
La croissance de la population repose en grande partie sur le dynamisme des naissances et dépend fortement de l'évolution du phénomène migratoire (déficit migratoire, solde migratoire nul ou excédent migratoire, taux de fécondité). Mayotte est le département français où la part d'étrangers dans la population est la plus importante (50% des adultes en 2020), devant la Guyane. Selon la dernière étude de l'INSEE parue en 2017, la moitié des étrangers non natifs de Mayotte se trouvent en situation administrative irrégulière57(*).
En 2019, 9 770 enfants sont nés à Mayotte, soit le plus haut niveau jamais enregistré, dont 75% d'une mère de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart (contre 63% en 2014 et environ 74% à compter de 2015). Si la tendance s'est légèrement infléchie en 2020, sans doute du fait de la crise sanitaire, on observe une reprise de la dynamique des naissances en 2021 : 6 550 enfants sont nés de mères domiciliées à Mayotte, soit 9 % de plus par rapport à la même période de 202058(*). En 2022, un nouveau record de naissances, avec une hausse de 17 % par rapport à 2020, a été constaté et 75% des enfants nés à Mayotte ont une mère de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart59(*).
Naissances vivantes domiciliées à Mayotte en 2020, selon la nationalité de la mère |
|||||||||
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Ensemble |
7 310 |
9 000 |
9 500 |
9 760 |
9 590 |
9 770 |
9 180 |
10 610 |
10 730 |
Comorienne |
4 330 |
6 270 |
6 590 |
6 740 |
6 690 |
6 810 |
6 300 |
7 410 |
7 320 |
Française |
2 730 |
2 430 |
2 430 |
2 560 |
2 460 |
2 450 |
2 370 |
2 580 |
2 670 |
Malgache |
200 |
260 |
440 |
420 |
390 |
440 |
440 |
540 |
690 |
Autres nationalités |
60 |
40 |
50 |
40 |
50 |
70 |
80 |
90 |
100 |
Note : les nombres de naissances par nationalité sont arrondis à la dizaine.
Source : Insee, statistiques de l'état civil.
La proportion de nouveau-nés dont les deux parents sont étrangers avoisine 45% depuis ces dernières années.
Naissances vivantes domiciliées à Mayotte, selon la nationalité des parents en % |
|||||||||
Année |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Père et mère étrangers |
28 |
39 |
42 |
42 |
45 |
45 |
44 |
46 |
45 |
Père français et mère étrangère |
35 |
34 |
32 |
32 |
30 |
30 |
30 |
29 |
30 |
Mère française et père étranger |
9 |
7 |
7 |
7 |
8 |
7 |
8 |
7 |
7 |
Père et mère français |
28 |
20 |
19 |
19 |
18 |
18 |
18 |
17 |
17 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Source : Insee, statistiques de l'état civil.
Les caractéristiques de la population vivant à Mayotte et les conséquences s'attachant à l'établissement de la filiation d'un enfant (attribution de la nationalité française à l'enfant, délivrance d'un titre de séjour à un parent, bénéfice de prestations sociales et familiales) font de la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité - susceptibles de favoriser l'immigration irrégulière - un enjeu important.
Aucune opposition n'a été formée en 2020. En 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Mamoudzou s'est opposé à l'enregistrement de vingt reconnaissances de paternité ou de maternité60(*). En 2022, sur vingt-six cas signalés par les officiers de l'état civil, une seule opposition a été formée par le parquet. Au premier semestre 2023, trois oppositions ont été formées sur les vingt-sept cas signalés. Ces chiffres ne sont toutefois pas à l'échelle de la réalité du phénomène des reconnaissances frauduleuses de paternité à Mayotte.
Dans son rapport d'information sur la sécurité à Mayotte du 27 octobre 2021, la commission des lois du Sénat note d'ailleurs que les dispositifs préventifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses « ne sembl[aient] pas avoir eu d'effet notable à Mayotte [...] », ainsi que la persistance de « filières » de reconnaissances frauduleuses61(*).
Si l'effet dissuasif des dispositifs préventifs introduits par la loi précitée du 10 septembre 2018 ne doit pas être sous-estimé, il est nécessaire de les rendre plus efficients, et ce d'autant plus que les spécificités de la situation à Mayotte pèsent sur les délais dans lesquels peuvent aboutir les enquêtes ordonnées par le procureur de la République dans le cadre d'un sursis à enregistrement d'une reconnaissance de paternité ou de maternité. Plus particulièrement, de nombreuses enquêtes supposent des investigations à l'étranger, notamment aux Comores, ce que les délais actuels permettent difficilement de réaliser.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La disposition envisagée vise à rendre plus efficiente la mise en oeuvre du dispositif de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité prévu par les articles L. 316-1 à 316-5 du code civil, en renforçant les capacités d'action du parquet afin d'atteindre l'objectif poursuivi par la présente loi.
Cet objectif est double :
- d'une part, il s'agit de préserver l'intérêt de l'enfant par la responsabilisation de l'auteur de la reconnaissance, qu'il s'agisse d'un père français reconnaissant l'enfant d'une mère étrangère ou d'un père étranger reconnaissant l'enfant d'une mère française. En effet, au moment de son établissement, la filiation doit être fondée sur l'une des trois composantes suivantes :
o une composante biologique (laquelle justifie que le lien de filiation puisse être imposé à une personne contre sa volonté à l'issue d'une action en recherche de paternité ou de maternité) ;
o une composante volontaire et affective (qui justifie qu'une personne soit en droit de reconnaître un enfant qu'elle sait ne pas être née de ses oeuvres à condition que cette reconnaissance constitue, de sa part, un engagement à assumer l'ensemble des conséquences de la filiation ainsi établie) ;
o une composante sociologique (qui assoit la filiation sur la possession d'état d'enfant, c'est-à-dire le fait de se comporter et d'être considéré comme l'enfant de la personne par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation).
- d'autre part, il s'agit de lutter contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation effectuées dans un unique objectif de régularisation ou de pérennisation de la situation administrative du parent d'enfant français sur le territoire national.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il a été envisagé de porter à six mois, renouvelable une fois, le délai initial de sursis en cas d'enquête à l'étranger. Cette option n'a toutefois pas été retenue car elle présentait une fragilité constitutionnelle. Une telle durée de sursis aurait en effet conduit, en cas de renouvellement, à priver le parent de l'établissement d'un lien de filiation pendant une année, ce qui apparaissait disproportionné au regard de son droit à mener une vie familiale normale (article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; 10ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946). Une telle durée de sursis aurait en outre conduit à priver également l'enfant d'un lien de filiation pendant une année, ce qui aurait été contraire à son intérêt qui, en la matière, est de pouvoir bénéficier d'un double lien de filiation.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Partant du constat que les investigations à Mayotte en matière de reconnaissance frauduleuse se heurtent à des difficultés de mise en oeuvre, la disposition envisagée prévoit d'allonger la durée du sursis de droit commun à l'enregistrement d'une reconnaissance décidé par le procureur de la République, lorsque l'enfant est né à Mayotte.
Le délai de sursis est porté pour Mayotte à deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Lorsque l'enquête est menée, en totalité ou en partie, à l'étranger par l'autorité diplomatique ou consulaire, la durée de ce sursis est portée à trois mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Un article 2497 est créé au sein du titre Ier du livre V du code civil consacré aux dispositions applicables à Mayotte (et plus particulièrement du Titre Ier consacré aux dispositions relatives au livre Ier du code civil). Ce rétablissement n'appelle pas d'autres modifications.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
L'augmentation des délais de sursis à statuer n'aura pas d'impact sur le travail de l'officier de l'état civil qui a saisi le procureur de la République, dès lors qu'une telle augmentation aura uniquement pour effet de différer l'envoi de la décision du procureur de la République à l'officier de l'état civil.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
En l'état actuel, les services d'enquête sont peu saisis par le parquet près le tribunal judiciaire de Mamoudzou, eu égard au faible nombre de cas signalés par les officiers de l'état civil.
L'effet conjoint de la centralisation de l'établissement des reconnaissances de paternité et de maternité et de l'allongement de la durée possible des enquêtes en cas de suspicion de fraude devrait entraîner une augmentation des saisines du parquet par les officiers de l'état civil, et par conséquent, des services d'enquête.
Cet impact devrait toutefois être limité dans la mesure où, d'une part, l'allongement des délais permettra une meilleure gestion des enquêtes, et, d'autre part, compte tenu de l'effet dissuasif que pourra jouer la lecture des textes rappelant les conséquences tant civiles que pénales de l'acte de reconnaissance.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
La mesure envisagée vise à réduire les établissements de liens de filiation contraires à l'intérêt de l'enfant car effectués par des personnes qui n'ont aucune intention d'assumer les droits et devoirs résultant de ce lien.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Ce dispositif préventif peut empêcher temporairement une personne d'établir le lien de filiation à l'égard d'un enfant. Il ne s'agit toutefois pas d'empêcher un enfant d'être élevé par ses parents, mais de lutter contre la fraude et de limiter le caractère purement déclaratif de l'acte de reconnaissance.
La reconnaissance lorsqu'elle est frauduleuse conduit à une instrumentalisation des enfants à des fins étrangères aux principes gouvernant la protection de l'enfance et l'exercice des responsabilités parentales. L'ingérence dans le droit familial est proportionnée au regard de l'intérêt général poursuivi et la rédaction retenue, qui retient un dispositif proche de celui validé par le Conseil constitutionnel à propos du mariage62(*), respecte l'exigence de délais courts, de l'existence d'un droit de contestation, et de décision tacite favorable à l'intéressé à défaut d'action du parquet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucun impact significatif de la disposition envisagée sur l'organisation et le fonctionnement sur l'organisation et le fonctionnement des juridictions n'est prévu. Il n'y a dès lors pas lieu à consultation du comité technique des services judiciaires en application de l'article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Une circulaire de présentation du ministère de la justice est envisagée, avec l'objectif de rappeler que la lutte contre cette fraude constitue une priorité de l'action gouvernementale. Elle contiendra la présentation de la nouvelle durée du sursis à l'enregistrement de la reconnaissance de paternité ou de maternité dans le cadre de la lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses.
Article 5 - Durcir la peine d'amende encourue en cas de mariage ou de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité en vue d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l'éloignement ou la nationalité
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La reconnaissance de paternité est l'acte libre et volontaire par lequel un homme ou une femme déclare être le père ou la mère d'un enfant et s'engage à assumer toutes les conséquences qui en découlent selon la loi, notamment celle de prendre en charge l'entretien et l'éducation de l'enfant. Ainsi, il n'existe aucun critère biologique dans cette démarche : il est indifférent que cette reconnaissance corresponde à la réalité biologique. S'il existe une divergence, la reconnaissance est dite « de complaisance » mais elle ne tombe pas sous le coup de la loi pénale.
Il en va différemment de la reconnaissance de paternité faite dans un objectif particulier étranger à l'intérêt de l'enfant, pour l'obtention d'un titre de séjour ou de prestations sociales. Ce n'est que dans ces hypothèses que la reconnaissance est dite frauduleuse.
Au regard des caractéristiques particulières des flux migratoires propres à Mayotte, en particulier l'immigration pour motif familial qui représente plus de 85% des titres de séjour délivrés à Mayotte63(*), un phénomène de détournement des démarches administratives aux fins d'obtention d'un droit au séjour de la nationalité a été observé.
Ainsi, il peut arriver que des personnes reconnaissent des enfants pour obtenir ou faire obtenir un droit au séjour, une protection contre l'éloignement ou d'acquérir la nationalité. Le fait qu'à Mayotte sont délivrés en proportion inédite des titres parents d'enfant français implique mécaniquement un recours accru aux reconnaissances frauduleuses de paternité en vue, d'une part, de faire obtenir à l'enfant la nationalité française et, d'autre part, de faire obtenir à l'autre parent un droit au séjour.
La reconnaissance d'un enfant est un acte libre et volontaire par lequel une personne déclare être un parent d'un enfant et s'engage à en assumer les responsabilités. Les articles 316 et suivants du code civil ne conditionnent pas la validité d'une telle reconnaissance à l'existence d'un lien biologique.
Le nombre de reconnaissances de paternité à Mayotte a connu une augmentation de 13%, passant de 7348 en 2019 à 8 328 en 2023 selon des chiffres transmis par la préfecture de Mayotte, liée au contexte migratoire spécifique dans ce département (hors communes de Bandraboua, Chiconi, Dembeni et Tsingoni pour lesquelles les données ne sont pas disponibles). En effet, plus de la moitié des déclarants sont de nationalité étrangère et plus particulièrement 52% sont de nationalité comorienne et, de manière marginale, 0,2% des déclarants sont de nationalité malgache.
Selon la préfecture de Mayotte, en 2023 sur 350 reconnaissances effectuées dans la commune de Pamandzi, 177 déclarants étaient de nationalité française, 157 sont de nationalité comorienne, 12 de nationalité malgache, 1 de nationalité burundaise, 1 de nationalité congolaise, 1 de nationalité portugaise et 1 de nationalité rwandaise.
Les détections de reconnaissances frauduleuses représentent près de 7% du nombre total de reconnaissances à Mayotte.
Le droit pénal français sanctionne l'obtention de droits par des agissements frauduleux. Tel est l'objet des infractions de faux et d'usage de faux ou encore de mariage ou de reconnaissance d'un enfant dans le seul but d'obtenir un droit relatif au séjour ou à la nationalité. Ces incriminations se trouvent dans le code pénal, pour ce qui concerne le faux et usage de faux, et dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA ci-après), pour ce qui concerne le recours au mariage ou à la reconnaissance d'un enfant pour obtenir ou faire obtenir un droit.
Dans le premier cas, il s'agit de sanctionner le faux dans une démarche administrative, c'est-à-dire qu'une personne a altéré la réalité pour obtenir le bénéfice d'un droit. Dans le second cas il s'agit de sanctionner l'intention de la personne qui a choisi de se marier ou de reconnaître un enfant dans le seul but d'obtenir ou de faire obtenir à l'un des parents un avantage particulier, notamment lié à l'attribution de la nationalité française à l'enfant mineur. Dans l'hypothèse où le parent étranger est en situation irrégulière au regard du droit au séjour, l'attribution à son enfant de la nationalité française lui ouvre en effet un droit au séjour et/ou une protection contre une mesure d'éloignement.
Le code pénal réprime les faits relatifs aux faux dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un droit ou une autorisation. Ainsi, l'article 441-1 du code pénal dispose : « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ». L'article 441-2 du même code dispose : « Le faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. ».
Par un arrêt du 27 septembre 2023 (n° 21-83.673), la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que la reconnaissance de paternité est l'acte libre et volontaire par lequel un homme ou une femme déclare être le père ou la mère d'un enfant et s'engage à assumer toutes les conséquences qui en découlent selon la loi, notamment celle de prendre en charge l'entretien et l'éducation de l'enfant. Elle indique également que dès lors qu'une reconnaissance de paternité n'atteste en elle-même aucune réalité biologique, l'acte par lequel une personne souscrit une telle reconnaissance alors qu'elle sait ne pas être le père biologique de l'enfant est insusceptible de caractériser l'altération frauduleuse de la vérité constitutive d'un faux au sens des articles 441-1 et 441-2 du code pénal. Il s'agit là d'une reconnaissance de paternité dite de « complaisance », et non frauduleuse.
L'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile réprime également « le fait, pour toute personne, de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française. Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. » Dans ce cas, la peine encourue est de 5 ans d'emprisonnement et 15 000€ d'amende. Des peines complémentaires d'interdiction de séjour, d'exercice d'une activité professionnelle ou d'interdiction du territoire français sont également prévues aux articles L. 823-13 à L. 823-15 du CESEDA.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Bien que l'article 8 de la Déclaration de 1789 prévoie un principe de stricte nécessité des infractions pénales et de proportionnalité des peines, le Conseil constitutionnel n'exerce à ce titre qu'un contrôle très limité, réduit à l'erreur manifeste d'appréciation. Il estime, selon une formule classique depuis la décision 80-127 DC du 20 janvier 1981 relative à la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes (cons. 13), qu'« il [ne lui] appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des peines attachées aux infractions définies par celui-ci ». Néanmoins, il se réserve la possibilité de censurer les dispositions qui prévoient des peines manifestement disproportionnées par rapport aux faits reprochés.
Le Conseil constitutionnel n'a usé de cette possibilité qu'à de très rares occasions et non en matière pénale au sens strict (décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987 dans laquelle il a censuré une disposition prévoyant que le montant de l'amende fiscale encourue en cas de divulgation du montant du revenu d'une personne en violation des dispositions de l'article L. 111 du livre des procédures fiscales sera, en toute hypothèse, égal au montant des revenus divulgués).
Les dispositions proposées ne posent donc pas de difficulté au regard du principe de nécessité des peines.
Le 9 juin 2011 (2011-631 DC), dans une décision relative aux reconnaissances frauduleuses de paternité et mariages frauduleux et leurs conséquences en droit des étrangers, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré d'une violation du principe d'égalité entre citoyen français et personnes de nationalité étrangère, considérant que ces infractions n'instaurent aucune différence de traitement (cons. 40).
En dépit de l'objet du projet de loi, il apparaît nécessaire d'aggraver la peine à l'échelle nationale et non de manière spécifique aux infractions commises sur le territoire de Mayotte. En effet, le Conseil constitutionnel juge classiquement que « aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit opérée par le législateur entre agissements de nature différente ; que, toutefois, la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi » (décision 2011-161 QPC, cons. 3). En l'espèce, une telle différence n'apparaît pas caractérisée.
Les dispositions proposées sont donc conformes au principe d'égalité devant la loi pénale.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le droit européen ne régit pas les dispositions de nature pénale réprimant les mariages frauduleux ou reconnaissances frauduleuses d'un enfant aux fins d'obtenir des droits.
1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Aujourd'hui, les peines de 5 ans d'emprisonnement et 15 000€ d'amende prévues à l'article L.823-11 du CESEDA ne semble plus adaptée à la réalité du phénomène constaté à Mayotte ni parfaitement cohérentes avec des faits de même nature qui sont réprimés plus sévèrement par le code pénal.
En effet, le code pénal réprime, lorsqu'il est commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité, ou une qualité ou d'accorder une autorisation, le faux et l'usage de faux d'une peine de 5 ans d'emprisonnement et 75 000€ d'amende (art. 441-2 code pénal).
Il apparaît cohérent d'aligner la peine d'amende encourue pour ces deux infractions pour les raisons suivantes.
D'une part, alors que les peines d'emprisonnement sont identiques (5 ans), le CESEDA prévoit une peine d'amende plus de 4 fois inférieure à celle de l'article 441-2 du code pénal. Cela pourrait inciter les autorités à qualifier les reconnaissances frauduleuses de paternité de faux, la répression attachée à cette incrimination étant plus favorable.
De 2021 à 2023, sur l'ensemble du territoire national 82 condamnations par an en moyenne ont été prononcées pour le délit de reconnaissance frauduleuse de paternité, dont moins de 5 condamnations par an prononcées par le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Ces chiffres ne sont pas représentatifs du phénomène décrit précédemment et peuvent s'expliquer par un effet d'éviction au profit des infractions de faux.
Statistiques relatives au délit de reconnaissance d'enfant pour l'obtention d'un titre de séjour, d'une protection contre l'éloignement ou pour l'acquisition de la nationalité française
Tableau 1 : Infractions sanctionnées par les juridictions de première instance
Infraction |
Année |
Infractions ayant donné lieu à condamnation |
Dont prononcées par le TJ de Mamoudzou |
Reconnaissance d'enfant pour l'obtention d'un titre de séjour, d'une protection contre l'éloignement ou pour l'acquisition de la nationalité française. |
2019 |
94 |
<5 |
2020 |
35 |
0 |
|
2021 |
105 |
<5 |
|
2022 |
63 |
<5 |
|
2023 |
79 |
<5 |
Source : SG-SSER SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP
Le calcul des peines s'effectue lorsque l'infraction recherchée est la plus sévèrement réprimée dans la condamnation, ce qu'on désigne par « condamnation infraction principale ».
Les données concernant le tribunal judiciaire de Mamoudzou sont trop faibles pour définir une tendance. Sur la période 2019 à 2023, seulement une amende ferme a été recensée avec un montant de 10 000€.
Tableau 2 : Peines prononcées pour les condamnations (infraction principale) par les juridictions de première instance
Année |
Condamnation (infraction principale) |
Ensemble des amendes |
Amendes fermes |
Montant moyen de l'ensemble des amendes fermes |
2019 |
68 |
18 |
16 |
2 006 € |
2020 |
27 |
10 |
7 |
3 514 € |
2021 |
72 |
23 |
19 |
1 724 € |
2022 |
51 |
7 |
6 |
1 208 € |
2023 |
64 |
8 |
7 |
1 157 € |
Source : SG-SSER SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP
D'autre part, le renforcement de la répression attachée à la reconnaissance frauduleuse de paternité pourra améliorer l'effet dissuasif de la répression.
Les dispositions aujourd'hui en vigueur n'étant pas suffisamment répressives, il est nécessaire d'intervenir via une disposition législative pour remédier à cette difficulté et redonner aux sanctions pénales leurs pleins effets.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le présent article a pour effet de durcir la peine d'amende encourue lorsque les faits prévus à l'article L.823-11 du CESEDA sont constitués.
Ainsi, le présent article poursuit deux objectifs :
- en améliorant le caractère dissuasif des dispositions pénales sanctionnant les fraudes ayant pour effet d'obtenir un droit au séjour ou à la nationalité, l'objectif poursuivi est celui d'améliorer la lutte contre l'immigration illégale, qui fait partie de l'objectif de valeur constitutionnelle de préservation de l'ordre public, tant sur le territoire national qu'à Mayotte, où l'immigration familiale est particulièrement forte ;
- en améliorant la lisibilité et la cohérence des dispositions pénales prévues par le CESEDA par rapport à celles prévues par le code pénal, l'objectif de clarté et d'intelligibilité du droit est poursuivi.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Les dispositions de nature pénale nécessitent l'intervention du législateur pour être modifiées. Aucune autre option, notamment réglementaire, n'a donc pu être utilement envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'option retenue pour réaliser les deux objectifs poursuivis est de porter à 75 000€ l'amende encourue en répression des faits incriminés à l'article L.823-11 du CESEDA.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Il s'agit d'apporter une modification à l'article L.823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Les articles L. 832-1, L. 833-1, L. 834-1, L. 835-1 et L. 836-1 sont également modifiés pour comporter une dispositions d'application expresse dans les territoires soumis au principe de spécialité législative (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Wallis-et-Futuna, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie).
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Cette disposition est sans incidence sur le droit international et le droit de l'Union européenne.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'aggravation de la peine d'amende encourue est susceptible de conduire les juridictions à prononcer des amendes plus sévères qui viendront abonder le budget général de l'Etat.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Il est espéré que le renforcement des peines encourues en répression du délit de reconnaissance frauduleuse de paternité ait un effet dissuasif qui amènera à une diminution du nombre de reconnaissance de paternité auprès des officiers d'état civil, en particulier à Mayotte
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'aggravation des peines encourues en répression du délit de reconnaissance frauduleuse de paternité ne nécessite pas de moyens supplémentaires.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
La mesure envisagée vise à éviter les établissements de liens de filiation contraires à l'intérêt de l'enfant car effectués par des personnes qui n'ont aucune intention d'assumer les droits et devoirs résultant de ce lien.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La rédaction de cette disposition a fait l'objet d'échanges interministériels et de présentations informelles aux élus de Mayotte.
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Cette disposition entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. Elle s'appliquera aux demandes d'enregistrement de reconnaissance à compter de cette date.
5.2.2. Application dans l'espace
Cette disposition s'applique à l'ensemble du territoire national de la République française. (Hexagone et Outre-mer).
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
CHAPITRE III - MIEUX LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE ET FACILITER L'ÉLOIGNEMENT
Article 6 - Extension de l'aide au retour volontaire à Mayotte -problématique des ressortissants d'Afrique des Grands Lacs
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
1.1.1. Situation de fait
En l'état du droit, un étranger qui fait l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) peut solliciter une aide au retour volontaire. Cette aide au retour est constituée notamment de la prise en charge des frais de transport ainsi que d'une allocation forfaitaire (somme d'argent remise au moment du départ ou à l'arrivée dans le pays de retour), dont les montants sont fixés par arrêté ministériel. En complément ou indépendamment de l'aide au retour, une aide à la réinsertion peut être octroyée, lorsque le pays de retour est couvert par un programme défini par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Cette aide à la réinsertion consiste par exemple à prendre en charge les frais d'installation (logement, santé, scolarisation des enfants), le retour vers l'emploi (formation professionnalisante) ou une partie des frais liés à la création d'une entreprise.
Toutefois à Mayotte, en application de l'article L. 761-8 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'étranger ne peut pas bénéficier de l'aide au retour, mais seulement d'une aide à la réinsertion économique, dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l'existence d'un projet économique viable ou de mesures d'accompagnement s'il est accompagné d'un ou plusieurs enfants mineurs.
Ce régime dérogatoire spécifique à Mayotte s'explique par le risque d'appel d'air que constitue une telle mesure d'incitation financière, en raison de la situation géographique du département touché par des flux migratoires d'une intensité très importante en provenance des Comores qui représentent 97 % des éloignements forcés depuis le centre de rétention administrative en 202364(*) . Par ailleurs, les éloignements forcés vers les Comores, sont suffisamment fluides pour ne pas nécessiter de dispositif incitatif complémentaire.
Toutefois, depuis quelques années, l'immigration irrégulière en provenance d'Afrique continentale est en constante augmentation. A titre d'exemple, le nombre de ressortissants de la République démocratique du Congo, du Rwanda, du Burundi, de la Somalie et de la Tanzanie placés au centre de rétention administrative a presque quintuplé, passant de 151 en 2021 à 725 en 2023, soit 3 % des placements en rétention cette année65(*) .
Afin d'inciter les ressortissants de ces pays à effectuer un retour volontaire, l'aide à la réinsertion économique a donc été ouverte en 2020 aux étrangers originaires de la République démocratique du Congo, du Rwanda et du Burundi, pour une durée de 18 mois soit jusqu'au 30 juin 2022, par arrêté ministériel. Il a été reconduit pour une période du 1er mai 2023 au 30 avril 2025.
1.1.2. Textes applicables
L'article L. 121-1 du CESEDA attribue à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la compétence relative au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine depuis le territoire national ou depuis les pays de transit.
L'article L. 711-2 du CESEDA prévoit que l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Il est précisé que l'étranger sous assignation à résidence est informé de la possibilité de demander une aide au retour (article L. 732-7). Il peut également bénéficier de cette aide lorsqu'il est placé en centre de rétention administrative (article L. 743-10).
A Mayotte cependant, l'article L. 761-8 3° prévoit que l'étranger ne peut bénéficier d'une aide au retour mais, dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l'existence d'un projet économique viable, d'une aide à la réinsertion économique, ou, s'il est accompagné d'un ou plusieurs enfants mineurs, de mesures d'accompagnement, dans des conditions définies par arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des outre-mer.
Pour Mayotte, l'arrêté du 26 avril 2023 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2020 relatif à l'aide à la réinsertion économique à Mayotte précise dans son article 1 le cadre général d'octroi d'une telle aide (circonstances exceptionnelles, existence d'un projet économique viable, nécessité que le pays de retour soit couvert par un programme défini par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration).
L'article 2 précise les trois niveaux d'aide à la réinsertion (sociale, par l'emploi ou par la création d'une entreprise) et limite le public bénéficiaire (6 mois de présence à Mayotte et ressortissants de la République démocratique du Congo, Rwanda, Burundi et Somalie).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Historiquement, en France, les premiers bénéficiaires des retours aidés furent des étrangers en situation régulière incités, de 1977 à 1991, à retourner dans leur pays d'origine en contrepartie d'une somme donnée. Depuis 1991, ces concours financiers sont réservés aux étrangers en situation irrégulière. L'accès à ces dispositifs ne constitue pas un droit et est conditionné à l'accord de l'OFII. Ainsi, certaines catégories d'étrangers sont exclus du dispositif, comme les étrangers ressortissants d'un pays de l'Union européenne ou encore les étrangers faisant l'objet d'une mesure d'expulsion. A Mayotte, seuls les ressortissants de la République démocratique du Congo, du Rwanda, du Burundi et de Somalie sont concernés par le dispositif d'aide à la réinsertion.
Il n'existe aucune disposition de nature constitutionnelle instaurant pour l'étranger un droit à bénéficier de l'aide au retour ou à la réinsertion.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La directive 2008/115 CE dite « retour » invite dans son considérant 10 les Etats-membres à encourager le retour volontaire et « prévoir une assistance et un soutien renforcés en vue du retour et exploiter au mieux les possibilités de financement correspondantes offertes dans le cadre du Fonds européen pour le retour », dans une logique visant à privilégier le retour volontaire aux mesures de contrainte.
Conformément à son mandat (article 48, paragraphe 1 , point a) i), l'agence Frontex aide les États membres de l'UE et les pays associés à l'espace Schengen à fournir une aide à la réintégration à la fois pendant les premiers jours suivant l'arrivée dans le pays d'origine (assistance après l'arrivée) et une assistance à plus long terme jusqu'à 12 mois (assistance après le retour), à travers des programmes de « joint reintregration service » (JRS), devenus depuis 2024 les « EURP » (european reintegration programs). 34 pays sont ainsi couverts par Frontex66(*).
S'il ne s'agit que de recommandations édictées par les textes européens, la commission européenne fait du retour volontaire un pilier de la politique de retour (adoption le 27 avril 2021 de la première stratégie de l'UE en matière de retour volontaire et de réintégration).
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
La très grande majorité des pays de l'Union européenne dispose de dispositifs visant à inciter au retour volontaire des étrangers, en les informant de la possibilité de bénéficier d'une aide et en versant une aide en numéraire (sauf en Italie67(*)).
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
En l'état actuel du droit, seule l'aide à la réinsertion est possible actuellement à Mayotte, et seules quatre nationalités sont concernées par ce dispositif d'aide (République démocratique du Congo, Rwanda, Burundi et Somalie).
L'aide à la réinsertion suppose l'existence d'un dispositif sur place, soit via une représentation sur place de l'OFII, soit via un conventionnement avec une association locale ou une ONG, afin d'assurer le suivi des personnes retournées. En effet, l'aide à la réinsertion ne peut pas consister au versement d'une somme en liquide mais dans des prestations en nature ou des conseils (formation professionnalisante, prise en charge de frais médicaux, de scolarisation, étude de faisabilité pour la création d'une entreprise, investissements initiaux, etc...).
Il s'agit de projets qualitatifs, mais très consommateurs de temps et d'ingénierie humaine, car ils prévoient un accompagnement personnalisé, jusqu'à 12 mois après le retour, pour s'assurer de la durabilité du projet, et ils impliquent le concours des autorités locales sur place.
Ainsi, si le programme existe d'ores et déjà pour la République démocratique du Congo, il a bénéficié à peu de personnes jusqu'à présent : 4 personnes ont pu en bénéficier entre 2021 et 2022 depuis Mayotte, et aucun en 2023. En 2024, le dispositif a été relancé et 6 ressortissants congolais ont pu en bénéficier entre janvier et mai, au départ de Mayotte.
Compte -tenu de l'augmentation récente à Mayotte du flux de ressortissants provenant de pays vers lesquels l'éloignement est plus durable, comme les pays d'Afrique de l'Est ou de la région des Grands lacs (car ces pays d'origine sont géographiquement plus lointains) mais pas uniquement, il apparait nécessaire de modifier la loi pour permettre, dans certaines conditions, le bénéfice de l'aide au retour aux étrangers présents à Mayotte en situation irrégulière, afin de fluidifier les éloignements depuis Mayotte.
Il convient donc de modifier l'article L. 761-8, 3° du CESEDA.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Il s'agit de répondre à l'accroissement significatif des flux d'étrangers en situation irrégulière en provenance d'Afrique (Afrique des Grands Lacs, mais également de Somalie et Tanzanie) qui se rendent à Mayotte. Dépourvus de documents de voyage dans la grande majorité des cas, il est donc nécessaire de demander aux pays d'origine la délivrance d'un laissez-passer consulaire, ce qui allonge la durée d'éloignement et obèrent les capacités de rétention de Mayotte.
Ces étrangers en situation irrégulière, souvent déboutés de l'asile, constituent par ailleurs une part importante des personnes présentes dans les habitats insalubres ou les campements illégaux comme celui de Cavani.
Enfin, certains étrangers sont parfois volontaires pour regagner leur pays d'origine, mais en l'absence d'existence d'un programme de réinsertion existant, renoncent au retour faute de ressources suffisantes.
La mesure a donc pour objectif de renforcer le taux d'exécution des mesures d'éloignement en permettant aux étrangers qui le souhaitent de repartir volontairement dans leur pays, avec la prise en charge des frais de transport et le versement d'un pécule.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'option retenue consiste à ouvrir le dispositif d'aide au retour (tout en conservant le dispositif d'aide à la réinsertion économique) aux étrangers en situation irrégulière de certaines nationalités présentes irrégulièrement à Mayotte. Les conditions de mise en oeuvre du dispositif sont fixées par arrêté du ministre en charge de l'immigration et du ministre chargé des outre-mer.
Afin d'éviter tout effet d'aubaine, le dispositif est applicable dans des circonstances exceptionnelles. L'arrêté ministériel viendra préciser les conditions exceptionnelles en question, et préciser la possibilité d'octroyer l'aide au retour volontaire dans le cadre d'opérations ponctuelles d'incitation au retour décidées par le préfet ou le ministre de l'Intérieur, comme pour les opérations d'évacuation de campements ou de démantèlements d'habitats indignes.
L'arrêté précisera également les conditions dans lesquelles ces opérations peuvent avoir lieu, notamment son caractère temporaire, ainsi que les conditions dans lesquelles le préfet peut solliciter auprès du directeur général de l'OFII l'octroi de l'aide au retour dans le cadre de ces opérations.
Pour permettre au dispositif de s'adapter aux mouvements migratoires irréguliers, cet arrêté déterminera les nationalités concernées, qui sont en effet susceptibles d'évoluer dans le temps.
Enfin, les montants plafonds de l'allocation forfaitaire ou les modalités d'attribution de cette dernière seront également fixées par cet arrêté.
Dans ce cadre, l'aide à la réinsertion économique est maintenue et ne dépend plus de circonstances exceptionnelles. Les étrangers en situation irrégulière peuvent bénéficier de cette aide sous réserve de l'existence d'un projet économique viable. Il en est de même pour les mesures d'accompagnement pour mineurs accompagnant l'étranger qui bénéficie de cette aide à la réinsertion. Le cadre général de l'octroi de cette aide sera précisé dans le même arrêté.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article L. 761-8 3° du CESEDA est modifié, afin d'ouvrir à Mayotte l'aide au retour, en plus de l'aide à la réinsertion.
La disposition envisagée induit la suppression de l'arrêté du 28 décembre 2020 relatif à l'aide à la réinsertion économique à Mayotte.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La directive 2008/115 CE dite « retour » invite dans son considérant 10 les Etats membres à encourager le retour volontaire et « prévoir une assistance et un soutien renforcés en vue du retour et exploiter au mieux les possibilités de financement correspondantes offertes dans le cadre du Fonds européen pour le retour », dans une logique visant à privilégier le retour volontaire aux mesures de contrainte.
Conformément à son mandat (article 48, paragraphe 1 , point a) i), l'agence Frontex aide les États membres de l'UE et les pays associés à l'espace Schengen à fournir une aide à la réintégration à la fois pendant les premiers jours suivant l'arrivée dans le pays d'origine (assistance après l'arrivée) et une assistance à plus long terme jusqu'à 12 mois (assistance après le retour), à travers des programmes de « joint reintegration service » (JRS), devenus depuis 2024 les « EURP » (European reintegration programs). 34 pays sont ainsi couverts par Frontex68(*).
S'il ne s'agit que de recommandations édictées par les textes européens, la Commission européenne fait du retour volontaire un pilier de la politique de retour (adoption le 27 avril 2021 de la première stratégie de l'UE en matière de retour volontaire et de réintégration).
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'impact budgétaire sera limité. D'une part, l'aide au retour entraine des dépenses moindres pour l'administration que l'aide à la réinsertion, qui comprend des coûts fixes beaucoup plus importants liés à l'accompagnement et au suivi sur place des personnes retournées. En 2021, le coût moyen d'un bénéficiaire de l'aide au retour était de 891€ (4 678 bénéficiaires pour 4,17 millions d'euros de crédits de paiement consommés) contre 2 871 € pour un bénéficiaire de l'aide à la réinsertion (1 326 bénéficiaires pour 3,8 millions d'euros). D'autre part, l'aide au retour volontaire constitue également un gain financier par rapport à un placement en centre de rétention administrative, surtout au vu des durées moyennes de rétention de certaines nationalités.
Il est difficile de mesurer le nombre de bénéficiaires potentiellement concernés car la population séjournant en séjour irrégulier n'est de fait pas connue. Toutefois, même si les flux migratoires en provenance de l'Afrique continentale sont en augmentation, ils représentent encore une part très limitée de l'immigration irrégulière à Mayotte. Ainsi, les ressortissants en situation irrégulière en provenance de République démocratique du Congo, du Burundi, du Rwanda et de Somalie représentaient un peu moins de 3% des placements en rétention en 2023.
Enfin, ce dispositif est conçu comme étant exceptionnel et de nature à répondre à certaines situations de crise. Il ne sera donc pas mis en oeuvre dans la durée mais devra répondre à des situations ponctuelles.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'OFII devra traiter un nombre plus important d'étrangers volontaires au retour depuis Mayotte.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les étrangers qui souhaitent retourner volontairement dans leurs pays pourront bénéficier de la prise en charge de leurs frais de transport, d'une aide de l'OFII pour une éventuelle re-documentation (l'OFII sollicite des laissez-passer consulaires en faveur des personnes dépourvues de passeport) ainsi que du versement d'un pécule, s'ils remplissent les conditions qui auront été fixées dans l'arrêté. Ils pourront ainsi exécuter eux-mêmes la mesure d'éloignement dont ils font l'objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La disposition entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent texte s'appliquera uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article nécessitera la prise d'un nouvel arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé des outre-mer après avis du conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour préciser les conditions d'attribution de l'aide au retour, par exemple les nationalités concernées ou les montants qui pourront être attribués. Cet arrêté reprendra les conditions d'octroi de l'aide à la réinsertion précisées dans l'arrêté du 26 avril 2023 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2020 relatif à l'aide à la réinsertion économique à Mayotte.
Article 7 - Possibilité de placer un étranger accompagné d'un mineur dans une unité familiale pour la rétention des familles avec mineur
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le placement en rétention administrative (articles L. 741-1 et suivants du CESEDA) ne peut intervenir que si l'étranger fait l'objet d'une mesure d'éloignement exécutoire et s'il n'offre pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement. L'autorité administrative peut engager la procédure d'exécution d'office de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français ou, s'il a été mis fin au délai accordé, dès la notification de la décision d'interruption du délai.
Les lieux de rétention ne relèvent pas de l'administration pénitentiaire (art L.744-1 du CESEDA). Les normes d'accueil dans les lieux de rétention sont prévues à l'article R. 744-6 du CESEDA pour les centres de rétention (CRA), au 9° de l'article R. 761-5 du même code pour les locaux de rétention (LRA)
Si un mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une OQTF ni d'une décision de placement en rétention (article L. 611-3 du CESEDA), il pouvait jusqu'à la loi n° 2024 42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, être placé en rétention administrative s'il accompagnait un étranger majeur placé en rétention dans des cas limitatifs prévus par la loi. Aussi, un étranger ne peut être placé en rétention avec un mineur qu'à la condition qu'il n'ait pas respecté une mesure d'assignation à résidence ou ait pris la fuite ou opposé un refus à l'occasion de la mise en oeuvre d'une précédente mesure d'éloignement. Il peut également être placé en rétention en considération de l'intérêt de l'enfant, dans les 48 heures précédant l'embarquement à l'aéroport, afin de préserver l'intéressé et sa famille des contraintes liées aux nécessités du transfert, telles que l'heure de départ vers l'aéroport en fonction du temps de transport nécessaire pour rejoindre l'aéroport et être présent à l'embarquement à l'heure voulue.
Depuis le 28 janvier 2024, « L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une décision de placement en rétention » ( article L. 741-5 du CESEDA modifié par la loi n° 2024 42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration). Par cette rédaction, le législateur a entendu exclure toute présence de mineur en rétention, même pour accompagner ses parents placés eux-mêmes en rétention.
Toutefois, compte tenu du contexte migratoire spécifique à Mayotte, le législateur y a différé au 1er janvier 2027 la fin du dispositif de rétention des familles conformément au III de l'article 86 de la loi du 26 janvier 2024.
Le département de Mayotte demeure donc régi, jusqu'à cette date, par les règles antérieures à savoir que le mineur de dix-huit ans peut être accueilli dans un lieu de rétention s'il accompagne un étranger majeur qui y est lui-même placé.
L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour la mise en oeuvre de ce dispositif. À cet égard, le placement en rétention des mineurs permet de préserver la vie privée et familiale en assurant la cohérence de la cellule familiale, alors même que les parents sont placés en rétention en vue d'organiser leur éloignement.
Toutefois, les familles ne peuvent être hébergées que dans des lieux de rétention expressément habilités à cette fin. Les modalités d'accueil des familles dans les lieux de rétention sont adaptées pour prendre en compte la spécificité inhérente aux familles avec mineurs. Ainsi, dans les lieux de rétention habilités à recevoir des familles, locaux de rétention (LRA) ne peuvent accueillir des étrangers accompagnés d'un mineur que dans des chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l'accueil des familles.
Par ailleurs, d'autres adaptations portant notamment sur le mobilier, la circulation des personnes, l'accès aux locaux d'hygiène, ou encore la présence d'une pièce de détente, ont été mis en oeuvre dans les lieux de rétention pour accueillir des familles et leur garantir des conditions de rétention les plus souples possibles conformément aux articles R744-6 (pour les CRA) et R 744-11 (pour les LRA).
La liste des centres de rétention (CRA) habilités à recevoir des familles est fixée par l'arrêté ministériel du 30 mars 2011 pris en application de l'article R. 744-3 du CESEDA, modifié en dernier lieu le 5 décembre 2023. Cet arrêté cite, pour Mayotte, le centre de rétention situé à Chanfi Sabili, Petit Moya, et Pamandzi (97615). La liste des locaux de rétention administrative est fixée par arrêté préfectoral.
52 places de rétention permettent d'accueillir des familles à Mayotte : 40 au centre de rétention de Pamandzi, 12 au local de rétention dit « STPAF » (service territorial de la police aux frontières) de Pamandzi.
En 2023, 2 143 cellules familiales ont été placées en rétention à Mayotte, incluant 2 909 mineurs accompagnants. La possibilité de placer des familles en rétention est donc utilisée de manière aussi limitée que possible, mais elle représente néanmoins 10,12 %69(*) du nombre de placements en rétention à Mayotte. A titre de comparaison, en France hexagonale en 2023, 47 cellules familiales ont été placées en rétention, incluant 87 mineurs accompagnants
Dans tous les cas, la durée de rétention doit être la plus brève possible eu égard au temps strictement nécessaire à l'organisation du départ. À Mayotte, elle était en moyenne de 1,2 jour en 2023 pour les familles placées en rétention ; de 0,4 jour si l'on considère les seuls ressortissants comoriens. Cette différence s'explique par le fait que les ressortissants comoriens peuvent être éloignés sans laissez-passer consulaire. La durée maximale de maintien dans un local de rétention administrative est en tout état de cause limitée à 24 heures pour les familles ( art. R. 761-5, 8°, du CESEDA).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
L'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière concourt à la sauvegarde de l'ordre public, exigence de valeur constitutionnelle70(*).
L'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant découle des articles 10 et 11 du Préambule de la constitution de 1946, et implique une protection légale attachée à leur âge71(*). Dès lors, la durée de rétention d'un étranger accompagné d'un mineur doit être la plus brève possible et strictement adaptée au temps nécessaire à l'organisation du départ. En outre, le lieu de rétention doit également être adapté et aménagé avec des chambres isolées dédiées à l'accueil des familles.
Le placement en rétention des mineurs n'est pas contraire à la liberté individuelle protégée par l'article 66 de la Constitution, ni au droit de mener une vie familiale normale au terme du Préambule de la Constitution de 1946. Le législateur opère une juste conciliation entre l'intérêt du mineur à ne pas être placé en rétention et l'inconvénient d'être séparé de celui qu'il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l'ordre public72(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La directive 2008/115/CE, dite directive « retour », prévoit à son article 5 de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant à l'occasion de la mise en oeuvre de la présente directive. Son article 17 autorise le placement en rétention des mineurs non accompagnés et des familles comportant des mineurs. Lorsque le droit national interdit la rétention des mineurs non accompagnés ou des mineurs accompagnés de leurs familles, la recommandation 2017/432 de la Commission européenne préconise en outre aux Etats membres de prévoir des alternatives à la rétention, afin de préserver l'effet utile de la directive retour.
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) ne prévoit pas non plus d'interdiction de principe pour la rétention des mineurs. L'arrêt Popov du 19 janvier 2012 a toutefois condamné la France sur ce sujet en considérant qu'elle avait au cas d'espèce insuffisamment pris en compte le bas âge des enfants (un enfant de trois ans et un autre de cinq mois) pour organiser les modalités de leur rétention, tant sur la durée (15 jours) que sur les conditions d'hébergement (absence d'activités adaptées aux enfants) mais, sans exclure par principe la présence de mineur dans un lieu de rétention. Ainsi, les modalités de rétention doivent être adaptées au public retenu et prévoir des espaces réservés aux familles séparés des autres retenus ou encore prévoir du mobilier adapté (coins des meubles arrondis, aire de jeu, matériel de puériculture etc.). En conséquence de cet arrêt d'espèce, toutes les mesures utiles ont été prises pour sécuriser l'accueil de familles dans des lieux de rétention. Dès lors, la rétention de famille avec mineurs ne méconnaît pas, par principe, les articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). Cette position a notamment été confirmée par cinq arrêts du 12 juillet 2016 concernant la France73(*).
En tout état de cause, tant la CESDH que le droit de l'Union européenne imposent que le placement en rétention de mineur intervient en mesure de dernier ressort, si aucune autre mesure n'apparait suffisante pour la mise en oeuvre des décisions de retour.
La Convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 et ratifiée par la France le 7 août 1990 identifie le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, rappelé par le législateur à l'article L. 741-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version antérieure à la loi du 26 janvier 2024 précitée, mais qui demeure toutefois compatible avec l'éloignement et la rétention d'un mineur74(*). L'article 37(c) stipule en outre que les enfants privés de liberté soient traité d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Ainsi qu'il a été mentionné au point précédent, le droit de l'Union européenne n'interdit pas la possibilité de l'accueil de mineurs dans les centres de rétention administrative. En effet, de nombreux pays européens disposent d'une législation prévoyant la rétention de familles et même la rétention des mineurs non accompagnés (MNA).
Ainsi, dans 14 États membres et en Norvège, les MNA peuvent être placés en rétention en attendant l'exécution de la décision d'éloignement. Par ailleurs, les législations des États membres dans leur grande majorité (Belgique, Bulgarie, Chypre, Espagne, Grèce, Italie, Pologne, Portugal, Slovaquie, Autriche, Belgique, Allemagne, Estonie, Finlande, Croatie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Suède et Norvège) autorisent le placement en rétention des familles avec enfants. Cette mesure est, dans tous les cas, décidée en dernier recours, en considération de l'intérêt supérieur du mineur.
Les conditions de rétention sont impérativement adaptées à la situation spécifique des mineurs et des familles avec des infrastructures qui sont notamment séparés des adultes seuls. Neuf pays prévoient une durée de rétention maximum, allant de 48 heures pour la France à 90 jours pour la Bulgarie.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Une évolution législative est nécessaire pour accompagner la fin du placement en rétention administrative des familles à Mayotte.
Il s'agit en effet de tenir compte du contexte migratoire propre à ce département. Ainsi, la proportion de mineurs impliqués dans les migrations irrégulières y est plus élevée que sur le reste du territoire français. En outre, en raison des troubles à l'ordre public qui y sont constatés par ailleurs, il importe que l'autorité administrative puisse disposer d'outils efficaces pour procéder à l'éloignement des personnes étrangères faisant l'objet d'une décision d'éloignement.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'assignation à résidence en application de l'article L. 731-1 du CESEDA constitue une alternative au placement en rétention.
Toutefois, dans certaines situations, en particulier lorsqu'il est question de majeurs délinquants ou d'étrangers en situation irrégulière qui ont troublé l'ordre public ou se sont déjà soustraits à des mesures d'éloignement, et qui se trouvent accompagnés de mineurs, il peut être nécessaire de les accueillir au sein de lieux dans un cadre plus restrictif de liberté, le temps strictement nécessaire à l'organisation de l'éloignement de l'ensemble de l'unité familiale.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Soucieux de l'intérêt supérieur de l'enfant, le Gouvernement a d'emblée écarté la possibilité de revenir sur l'interdiction du placement des familles dans des centres et locaux de rétention à compter de 2027.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le département de Mayotte est régi par l'article 73 de la Constitution. Il suit le principe d'identité législative : les lois s'y appliquent dans les mêmes conditions que dans l'Hexagone, sans besoin d'une mention expresse. Elles peuvent, toutefois, faire l'objet d'adaptations, par dispositions expresses, tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
Dans ce cadre, compte tenu du contexte migratoire de ce département, l'article L. 761-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est modifié pour adapter l'application de l'article L. 741-5 du même code à Mayotte.
Le présent article se propose de créer des lieux d'un nouveau type, les « unités familiales », maisons ou appartements spécialement aménagés pour tenir compte des besoins propres à l'unité familiale et à la vie de famille le temps nécessaire à l'organisation de l'éloignement et leur garantissant une intimité adéquate. Ces unités familiales seront des installées dans des bâtiments distincts des centres de rétention administrative.
La mise en oeuvre d'un dispositif de surveillance plus resserré que l'assignation à résidence favorisera l'efficacité des procédures d'éloignement.
Il est par ailleurs prévu d'assortir ce placement de garanties dérogatoires du régime de la rétention, notamment en matière de durée, afin de protéger l'intérêt supérieur de l'enfant. Ainsi, ce placement ne pourra être supérieur à 48h.
Le délai de recours et de jugement du juge de la liberté et de la détention sera aligné sur ce délai de placement.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article a pour objet d'insérer un 5° bis au sein de l'article L. 761-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent texte est conforme à la directive 2008/115/CE, dite directive « retour », dont l'article 17 dispose que les familles placées en rétention dans l'attente d'un éloignement disposent d'un lieu d'hébergement séparé qui leur garantit une intimité adéquate.
En outre, il maintient l'affirmation du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant énoncé par la Convention de New York relative aux droits des enfants.
Il s'inscrit dans le respect des valeurs de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, selon les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, la CEDH, bien qu'elle n'interdise pas par principe le placement en rétention de mineur ou de famille avec mineur, a déjà eu l'occasion par le passé de souligner l'importance de prendre en compte la minorité pour éviter toute violence psychologique qui caractériserait un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme75(*).
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
La mise en oeuvre du présent article impliquera des aménagements immobiliers.
Toutefois, la structure des unités de vie familiale, plus souple que les lieux de rétention, nécessitera un cahier des charges moins contraignant et moins exigeant en termes d'effectifs dédiés à la surveillance.
De surcroît, l'environnement adapté aux familles permettra de limiter les risques d'obstruction à l'éloignement, évitant ainsi un surcoût résultant de la prolongation de la procédure d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET JUDICIAIRES
La limitation des risques d'obstruction à l'éloignement permettra de faciliter l'action des services préfectoraux chargés de l'administration des étrangers et des forces de sécurité intérieure.
L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement peut la contester devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire dans un délai de quarante-huit heures. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue, par ordonnance, dans les quarante-huit heures suivant sa saisine.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Cet article permettra de créer des unités familiales spécialement aménagées pour tenir compte des besoins propres à l'unité familiale et à la vie de famille le temps nécessaire à l'organisation de l'éloignement et ce, dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune autre consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. Elles s'appliqueront aux personnes étrangères susceptibles d'être, à compter de cette date, placées en rétention.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article sera applicable à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Les dispositions réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devront être modifiées par décret en Conseil d'État, afin de prévoir les caractéristiques notamment bâtimentaires de ces unités familiales.
Article 8 - Permettre le retrait des titres des parents lorsque leurs enfants constituent une menace pour l'ordre public
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
1.1.1. Les modalités d'application du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à Mayotte
Mayotte a intégré le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après CESEDA) le 26 mai 2014, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation du CESEDA à Mayotte. Un arrêté en date du 4 février 2015 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée sur le territoire de Mayotte est venu préciser le régime de circulation et les conditions d'entrée des étrangers tiers.
L'ordonnance avait pour objectif de transposer les directives européennes relatives à la migration légale et au retour76(*) à la suite de l'accès de Mayotte au statut de région ultrapériphérique et de rapprocher le droit applicable à Mayotte avec le droit commun, sauf adaptations nécessaires.
1.1.2. Une forte délivrance de titres temporaires et pluriannuels
En matière d'immigration régulière, Mayotte se distingue des autres départements français par la typologie de titres qui y sont délivrés.
A Mayotte les titres relatifs à l'immigration familiale représentent 85% des titres délivrés ou renouvelés (13 60977(*) en 2023), contre 38% pour l'ensemble du territoire national.
En outre, la répartition des titres de séjour pour motif familial par catégories est également très différente du reste du territoire national.
Là où à Mayotte 46% des titres de séjour délivrés ou renouvelés concernent des parents d'enfant français (7 28978(*)) et 37% des titres concernent les liens privés et familiaux (5 9053), ces mêmes publics ne représentent respectivement que 5% et 14% des titres délivrés et renouvelés en France entière (54 6633 pour les parents d'enfants français ; 141 3273 pour les liens privés et familiaux).
La disposition du présent article, qui permet le retrait à Mayotte des titres de séjour délivrés aux parents dont les enfants représentent une menace à l'ordre public, prend en compte cette situation spécifique de Mayotte.
Les dispositions de l'article L. 432-4 du CESEDA permettent le retrait d'une carte de séjour temporaire/pluriannuelle, ou une carte de résident par une décision motivée, à tout étranger dont la présence en France constitue une menace80(*) pour l'ordre public. Ces dispositions sont conformes à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, dans la mesure où la disposition permettant le retrait du titre de séjour « est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. », conformément au 2 de l'article 8 précité.
Le nombre de mineurs étrangers mis en cause pour des infractions à Mayotte augmente chaque année, à la différence des français et des étrangers majeurs. Source d'insécurité croissante, ces derniers ne peuvent néanmoins pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement (article L. 611-3 du CESEDA).
Condamnations prononcées de mineurs étrangers- évolution comparée Mayotte/France entière.
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Mayotte |
Condamnations de mineurs étrangers |
56 |
45 |
117 |
79 |
225 |
234 |
Total condamnations de mineurs |
264 |
156 |
366 |
216 |
566 |
531 |
|
Poids des mineurs étrangers |
21% |
29% |
32% |
37% |
40% |
44% |
|
France entière |
Condamnations de mineurs étrangers |
8 842 |
7 752 |
10 990 |
8 560 |
7 398 |
7 408 |
Total condamnations de mineurs |
53 478 |
40 297 |
60 749 |
43 827 |
43 457 |
48 057 |
|
Poids des mineurs étrangers |
17% |
19% |
18% |
20% |
17% |
15% |
Source SSER-SID/Cassiopée, traitement DACG-BEPP
Entre 2019 et 2024, le poids des mineurs étrangers condamnés à Mayotte sur l'ensemble des mineurs condamnés, a augmenté de 110%. Sur cette même période, le poids des mineurs étrangers sur l'ensemble de mineurs condamnés baissait inversement de 12% pour l'ensemble du territoire national.
Par ailleurs, la proportion d'étranger parmi les mineurs mis en cause à Mayotte sur toute sorte d'infraction est nettement plus élevée que pour l'ensemble de la France. A titre illustratif, la part d'étrangers parmi les mineurs mis en cause pour Homicide à Mayotte est de 41% contre 18% pour le reste de la France. Concernant la part d'étrangers parmi les mineurs mis en cause pour viols et tentatives de viols à Mayotte est de 30% contre 5% sur l'ensemble du territoire.
Unités de compte |
Mineurs |
|||
France |
Mayotte |
|||
Part d'étrangers |
Part d'étrangers |
|||
Homicides (y compris coups et blessures volontaires suivis de mort) |
Mis en cause |
18% |
41% |
|
Tentatives d'homicide |
Mis en cause |
20% |
28% |
|
Coups et blessures volontaires |
Mis en cause |
10% |
34% |
|
- dont les CBV pour des violences intrafamiliales |
6% |
67% |
||
Violences sexuelles |
Mis en cause |
5% |
21% |
|
- dont viols et tentatives de viols |
5% |
30% |
||
Vols avec armes (armes à feu, armes blanches ou par destination) |
Mis en cause |
16% |
39% |
|
Vols violents sans arme |
Mis en cause |
31% |
32% |
|
Vols sans violence contre des personnes |
Mis en cause |
39% |
43% |
|
Cambriolages de logement |
Mis en cause |
37% |
55% |
|
Vols de véhicule |
Mis en cause |
7% |
50% |
|
Vols dans les véhicules |
Mis en cause |
31% |
53% |
|
Vols d'accessoires sur véhicules |
Mis en cause |
10% |
- |
|
Destructions et dégradations volontaires |
Mis en cause |
8% |
39% |
|
Usage de stupéfiants |
Mis en cause |
100% |
100% |
|
Trafic de stupéfiants |
Mis en cause |
100% |
100% |
|
Escroqueries et fraudes aux moyens de paiement |
Mis en cause |
20% |
62% |
|
Infractions voisines des escroqueries |
Mis en cause |
42% |
12% |
|
Champ : France (France métropolitaine et DROM) et personnes physiques. |
||||
Source : SSMSI, bases statistiques des mis en cause pour des infractions élucidées par la police et la gendarmerie en 2022. |
Ainsi, l'appréciation de la situation démographique du département de Mayotte et l'impérative nécessité d'assurer le maintien de l'ordre public et la protection de la population invitent à adapter les modalités de retrait des titres de séjour aux parents dont les enfants mineurs constituent une menace à l'ordre public. En effet, ce comportement menaçant l'ordre public résulte d'une défaillance éducative telle, que le mineur a pu basculer dans la délinquance ou la criminalité, et justifie la sanction des parents fautifs par le retrait de leurs titres de séjour.
1.1.3. Le contexte démographique :
Le contexte démographique particulier du département de Mayotte, du fait du flux migratoire est en constante progression.
Une publication de l'INSEE de février 2019 établissait à 48 % la part de la population de nationalité étrangère en 2017.
En 2019, ce sont 9 760 nouveaux-nés, toute nationalité confondue, qui ont vu le jour à Mayotte. L'année 2020 marque une légère inflexion mais reste à un niveau élevé et proche du record de 2019 : 9 180 nouveaux-nés, toute nationalité confondue. De janvier à juillet 2021, 6 550 enfants sont nés de mères domiciliées à Mayotte nouveaux-nés, toute nationalité confondue, (soit 9 % de plus par rapport à la même période en 2020).
Sur les 6 dernières années, le taux de natalité à Mayotte est trois fois supérieur à celui de la l'Hexagone (voire dix fois supérieur pour les femmes de moins de 20 ans).
Une publication actualisée de l'INSEE de septembre 2021 souligne que la natalité à Mayotte est structurellement portée par les mères de nationalité étrangère, en grande partie comoriennes : « Celles-ci donnent naissance aux trois quarts des bébés nés en 2020, comme les quatre années précédentes. » 56 % des nouveau-nés de 2020 ont au moins un parent français et naissent ainsi Français (tendance stable depuis 2016).
En 2020, 7,8% sont nés de mère française et de père étranger et 30,5 % de père français et de mère étrangère.
En 2020, 18,2% des nouveau-nés à Mayotte ont un père et une mère français. Et 43,8% sont nés d'un père et d'une mère étrangère.
Compte tenu du contexte migratoire propre à Mayotte, il est opportun de faciliter les conditions de retrait des titres de séjour aux personnes ayant induit, par leur manquement, un comportement de leur enfant représentant une menace pour l'ordre public. Cette mesure pourra ainsi s'appliquer à tout parent étranger en situation régulière dont l'enfant étranger constitue une menace à l'ordre public.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Mayotte est une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution. Toutefois, la situation particulière de Mayotte a conduit le législateur, en matière de droit des étrangers et de droit de la nationalité, à adapter le droit à la situation spécifique de ce département.
Dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 le Conseil Constitutionnel a considéré que « la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants. Ces circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers [...] ».
Le législateur peut donc, sans méconnaître l'article 1er de la Constitution ni le principe d'égalité devant la loi, adapter les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte afin de lutter contre l'immigration irrégulière, qui se traduit spécifiquement à Mayotte par un nombre élevé d'enfants nés de parents étrangers.
Dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, le Conseil Constitutionnel a précisé « qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; que les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques ; que le législateur peut ainsi mettre en oeuvre les objectifs d'intérêt général qu'il s'assigne ; que dans ce cadre juridique, les étrangers se trouvent placés dans une situation différente de celle des nationaux ; que l'appréciation de la constitutionnalité des dispositions que le législateur estime devoir prendre ne saurait être tirée de la comparaison entre les dispositions de lois successives ou de la conformité de la loi avec les stipulations de conventions internationales mais résulte de la confrontation de celle-ci avec les seules exigences de caractère constitutionnel ».
Le législateur peut donc, sans méconnaître l'article 1er de la Constitution ni le principe d'égalité devant la loi, adapter les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, afin de lutter contre l'insécurité engendrée par la pression migratoire sans précédent subie par ce département.
Par son coté expérimental, la mesure présente un caractère temporaire limité dans le temps qui fera l'objet d'une évaluation quant à son efficacité. Elle permettra de s'assurer que l'article 8 de la CEDH soit respecté et ainsi le risque de non-conformité constitutionnelle est amoindri. Cette expérimentation sur le retrait des titres de séjour en lien avec l'ordre public se justifie au regard du contexte migratoire et de la très forte délinquance chez les mineurs étrangers.
Sur la notion d'obligations légales des détenteurs de l'autorité parentale :
Les expulsions de logement de l'ensemble des membres d'une famille peuvent se fonder sur le comportement d'un seul de ces membres. En effet, l'article 1728 du code civil prévoit que le locataire doit « user de la chose louée raisonnablement ».
Dans ce contexte, divers comportements peuvent être sanctionnés par une expulsion locative : l'atteinte à la paix de l'immeuble, les nuisances sonores causées aux autres occupants, les injures et violences, l'hébergement de nombreux animaux causant des nuisances, etc.
Le locataire en titre est également responsable des troubles causés par les personnes qu'il héberge, sur le fondement de l'article 1735 du code civil, même s'il ne contrôle pas effectivement ces personnes. Sont ainsi concernés les agissements des enfants du locataire, qu'ils soient majeurs ou mineurs : les parents sont civilement responsables des troubles qu'ils causent, que ce soient des nuisances sonores ou des comportements plus graves de violence ou de délinquance. Le manquement doit bien entendu être assez grave pour justifier la résiliation du bail, la réitération d'agissements fautifs pouvant permettre de remplir cette condition.
De la même manière, l'article 1242 du code civil pose comme principe que tout personne est responsable non seulement du dommage qu'elle cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont elle doit répondre en précisant également que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
La disposition permettant de retirer leur document de séjour de séjour aux détenteurs de l'autorité parentale qui par défaillance éducative ont laissé leurs enfants constituer par leurs comportements une menace pour l'ordre public s'inscrit dans cette logique.
« Il en résulte que les deux parents,
lorsqu'ils exercent conjointement l'autorité parentale à
l'égard de leur enfant mineur, sont solidairement responsables des
dommages causés par celui-ci dès lors que l'enfant n'a pas
été confié à un tiers par une décision
administrative ou
judiciaire81(*) ». Il en ressort que les parents sont
solidairement responsables et cette responsabilité solidaire permet
à l'administration d'engager à leur encontre une procédure
de retrait de titre de séjour.
« Les pères et mères qui exercent en commun l'autorité parentale sont solidairement responsables de plein droit des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux82(*) ».
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sur le droit de l'Union Européenne :
L'ensemble des directives européennes relatives à la délivrance de titres de séjour comportent des dispositions offrant la possibilité aux Etats membres de s'opposer à leur délivrance et de procéder à leur retrait en cas de menace à l'ordre public.
La directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, dans son considérant (14) indique que « Le regroupement familial peut être refusé pour des raisons dûment justifiées. Notamment, la personne qui souhaite se voir accorder le regroupement familial ne devrait pas constituer une menace pour l'ordre public et la sécurité publique. La notion d'ordre public peut couvrir la condamnation pour infraction grave. Dans ce cadre, il est à noter que les notions d'ordre public et de sécurité publique couvrent également les cas où un ressortissant d'un pays tiers appartient à une association qui soutient le terrorisme, qui soutient une association de ce type ou a des visées extrémistes. ». Elle précise dans son article 6 que « 1. Les États membres peuvent rejeter une demande d'entrée et de séjour d'un des membres de la famille pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. » et que « 2. Les États membres peuvent retirer le titre de séjour d'un membre de la famille ou refuser de le renouveler pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Lorsqu'ils prennent une telle décision, les États membres tiennent compte, outre de l'article 17, de la gravité ou de la nature de l'infraction à l'ordre public ou à la sécurité publique commise par le membre de la famille, ou des dangers que cette personne est susceptible de causer. »
Sur l'article 8 de la CESDH :
La voie d'admission au séjour au titre des liens personnels et familiaux établis en France par un ressortissant étranger est la traduction de la protection du droit au respect de la vie privée et familiale telle que consacrée, notamment, par les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme aux termes desquels :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Ces dispositions ont pour effet d'autoriser les Etats à prendre des mesures de protection envers les personnes représentant une menace à l'ordre public.
Ainsi, l'article 8 de la Convention ne se limite pas à affirmer le droit au respect de la vie privée et familiale mais il précise les conditions dans lesquelles les Etats sont autorisés à encadrer ce droit.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
L'article 73 de la Constitution permet au législateur de prévoir des adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer.
Dans le domaine du droit des étrangers, de telles adaptations sont prévues pour Mayotte par les articles L. 441-7 et L.441-8 du CESEDA.
A l'heure actuelle, aucune disposition spéciale n'est appliquée pour le territoire de Mayotte. Il y a donc un vide juridique auquel il convient de remédier en modifiant la partie législative du CESEDA pour adapter les conditions de retrait des titres de séjour au regard de la menace à l'ordre public que représentent les actes, de plus en plus nombreux, commis par des étrangers mineurs.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La situation migratoire et sécuritaire à Mayotte a mis en exergue l'existence de troubles à l'ordre public commis par des mineurs étrangers. Or, les parents de ces étrangers mineurs peuvent être en situation régulière, ce qui justifie le maintien sur le territoire national de la famille concernée.
Premièrement, cette mesure vise à faciliter les conditions de retrait des titres de séjour en les adaptant à la situation particulière de Mayotte. Il s'agit d'inscrire dans la loi la condition de retrait des titres de séjour pour les parents fautifs qui contribuent directement par leur défaillance éducative à ce que le comportement du mineur constitue une menace pour l'ordre public.
Deuxièmement, l'objectif est la lutte contre l'insécurité à Mayotte. Cette insécurité est, en partie, le fait d'une délinquance forte des mineurs.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
L'option envisagée aurait été de rester à droit constant. Cette option a été écartée, afin de répondre à la réalité mahoraise en ce qui concerne l'éducation des mineurs puisque de nombreux mineurs représentent une réelle menace à l'ordre public.
3.2. DISPOSITIF RETENU
A compter de l'entrée en vigueur de la loi et pour une durée limitée ne pouvant excéder le 31 décembre 2028 le document de séjour du parent défaillant dont l'enfant présentera une menace à l'ordre public pourra être retiré. Cette mesure est limitée dans le temps afin d'en apprécié l'efficacité et l'ensemble des conséquences induites par son implication.
Aujourd'hui, le droit des étrangers permet de retirer le titre de séjour d'un étranger dans certaines situations mais ne prévoit pas le cas du retrait des titres de séjour des détenteurs de l'autorité parentale en raison du comportement menaçant l'ordre public de l'étranger mineur. L'article 227-17 du code pénal consacre de manière exceptionnelle la possibilité de sanctionner une carence/ défaillance éducative en admettant l'existence d'un lien causal entre le comportement du mineur et la soustraction aux obligations légales des parents.
Le présent article retient par analogie, un lien de causalité constitué par la soustraction de l'étranger majeur détenteur de l'autorité parentale à ses obligations légales. Ces manquements peuvent compromettre la santé, la sécurité, la moralité et l'éducation de l'étranger mineur et doivent contribuer directement à ce que son comportement constitue une telle menace.
La mesure prévoit dans un premier temps qu'un avertissement préalable est envoyé aux détenteurs de l'autorité parentale. Ces derniers ont alors la possibilité de présenter leurs observations à cette étape de la procédure dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dans les six mois maximums suivant l'avertissement, si le détenteur de l'autorité parentale continue de contribuer directement à ce que le comportement du mineur menace l'ordre public, le préfet peut alors sanctionner le parent fautif en lui retirant son document de séjour. Ce régime probatoire offre la possibilité aux détenteurs de l'autorité parentale de faire cesser le manquement avant toute sanction administrative. La situation individuelle de chaque parent sera donc bien prise en compte par l'ensemble des acteurs intervenant autour des mineurs et des parents. Selon le cas de figure, il pourra s'agir des services sociaux, des forces de l'ordre ou des services de la préfecture. La caractérisation des situations visées par la mesure législative proposée exige de procéder en deux temps : Cet avertissement d'une durée de six mois participe également à la proportionnalité du dispositif et est susceptible de réduire les menaces pour l'ordre public des mineurs à Mayotte par sa dimension préventive et probatoire.
Ainsi, ce n'est qu'après cet avertissement que le titre peut être retiré. L'autorité préfectorale assortira alors utilement ce retrait d'une OQTF.
Toutefois, conformément au droit commun déjà en vigueur et par exception, les titulaires d'une carte de résident ou d'une carte de résident « permanent » ne sauraient faire l'objet d'une telle OQTF. Sous réserve d'un arrêté d'expulsion, le titulaire d'une CR ou d'une CR « permanent » se verra délivrer de droit une autorisation provisoire de séjour83(*) ou une carte de séjour temporaire84(*).
Ainsi, la mesure retenue apporte les garanties conventionnelles et constitutionnelles de proportionnalité et consacre le principe du contradictoire. Elle prévoit en outre que soient explicitement exclus de ce dispositif les bénéficiaires d'une protection internationale (réfugié ou bénéficiaire d'une protection subsidiaire) ou d'une carte de résident portant la mention "résident longue durée UE" conformément aux obligations internationales de la France.
Le dispositif retenu est parfaitement compatible avec les peines d'interdiction du territoire français. La peine d'interdiction du territoire français, conformément à l'article L. 131-30 du code pénal, "peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime, d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à trois ans ou d'un délit pour lequel la peine d'interdiction du territoire français est prévue par la loi. Sans préjudice de l'article 131-30-2, la juridiction tient compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français ainsi que de la nature, de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens avec la France pour décider de prononcer l'interdiction du territoire français".
Ces sanctions pénales et administratives en ce qu'elles constituent certes des sanctions ayant le caractère d'une punition, poursuivent néanmoins deux objectifs distincts et sanctionnent la violation d'intérêts distincts. La mesure de retrait constitue une mesure de police administrative visant à préserver l'ordre public. L'ITF constitue quant à elle une peine principale ou complémentaire pénale visant à punir et réprimer une infraction pénale. Par ailleurs la mesure d'ITF est circonscrite à des hypothèses limitativement énumérées : crimes ou délits munis d'une peine d'emprisonnement de trois ans ou délit pour lequel la peine d'ITF est prévue par la loi. A contrario, les mesures de police administrative du séjour ont vocation à produire leurs effets sans restrictions particulières dès lors que la menace pour l'ordre public est caractérisée. Aujourd'hui la pratique consacre pleinement la coexistence de la mesure d'ITF mise en oeuvre par les juridictions judiciaires et la mesure administrative à la charge de l'autorité préfectorale. Toutes deux sont complémentaires et non exclusives l'une de l'autre, et n'ont pas soulevé de contentieux à la connaissance du gouvernement.
La caractérisation des situations visées par la mesure législative proposée exige de procéder en deux temps :
Premier temps : Caractériser la menace à l'ordre public que pose le comportement de l'étranger mineur
Le préfet de Mayotte aura à charge d'analysé la nature, la réitération et le degré de gravité des faits commis afin d'établir la réalité et l'actualité de la menace que représente l'étranger mineur pour la société.
Second temps : Evaluer la responsabilité des parents, qui par une soustraction à leurs obligations parentales, ont directement contribué à ce que le comportement de l'étranger mineur menace l'ordre public.
Il s'agit là d'examiner la responsabilité personnelle directe du parent des faits commis par l'étranger mineur et qui représentent une menace à l'ordre public. De ce fait, le détenteur de l'autorité parentale, est tenu d'exercer son autorité parentale afin d'empêcher les menaces à l'ordre public du mineur dont il a la responsabilité/charge.
Il convient donc de procéder à une appréciation globale de la situation personnelle de l'étranger majeur titulaire de l'autorité parentale.
La caractérisation de la défaillance du parent en terme d'éducation d'un enfant représentant une menace à l'ordre public s'apprécie au regard des actions menées par le parent afin d'éloigner son enfant de tout comportement menaçant la société.
Par conséquent, il s'agira de prendre une mesure de police administrative individuelle (retrait de titre) sur le fondement du comportement d'un tiers (le mineur) qui constitue une menace à l'ordre public. Il s'agira donc de déterminer l'existence d'un lien de causalité entre le comportement du mineur et l'éducation de ses parents pour prendre et justifier légalement cette mesure de police à leur encontre.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Après l'article L. 441-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est ajouté un nouvel article L. 441-10. Le présent article est applicable jusqu'au 31 décembre 2028.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le droit européen donne la possibilité aux Etats membres d'appliquer aux ressortissants de pays tiers des conditions d'intégration, dans le cadre du droit national, ce qui inclut en France le respect des principes et valeurs de la République. Les textes européens (article 7.2 de la directive 2003/86/CE précitée du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial et article 5.2 de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée-UE) prévoient ainsi que "Les Etats membres peuvent exiger que les ressortissants de pays tiers satisfassent à des conditions d'intégration conformément à leur droit national".
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
En retirant les titres de séjour des parents dont la défaillance a permis à son enfant de représenter une menace à l'ordre public, la mesure envisagée conduira à exclure les destinataires d'une telle mesure du bénéfice des allocations sociales et prestations familiales réservées aux étrangers en séjour régulier. Cette mesure devrait avoir un effet dissuasif et permettre d'améliorer la sécurité à Mayotte. Une étude permettra de mesurer l'impact réel de cette mesure sur la baisse de l'insécurité, de la délinquance provoquée par les mineurs mais aussi les effets induits par la mise en place de cette mesure.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Il n'y a pas d'impact direct sur les collectivités territoriales.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Afin de pouvoir retirer le titre de séjour aux parents d'enfants représentant une menace à l'ordre public, il faudra dans un premier temps caractériser la menace à l'ordre public que représente l'enfant mais aussi démontrer la défaillance du parent, ce qui constituera une charge nouvelle pour les services de l'Etat chargés de réaliser cette analyse.
Les enfants représentant une menace pour l'ordre public sont déjà connus des services de police et des services sociaux. Les preuves sont donc déjà disponibles à travers différents rapports et c'est à partir de ces preuves que la menace à l'ordre public exercée par l'enfant et la mauvaise gestion des parents ayant amené à cet état de fait pourra être démontrée. L'objectif de cette mesure est bien d'augmenter le nombre de retraits de titres de séjour et donc de ce fait augmenter l'activité du service instruisant les retraits de titres.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Selon les chiffres publiés par l'INSEE, la population totale de l'île est estimée à 310 000 personnes au 1er janvier 2023. Près de 50% de la population serait étrangère (dont 50% en situation irrégulière). Le contexte migratoire est tel que l'archipel connaît des difficultés d'ordre sécuritaire, économique, de salubrité, etc.
La possibilité de retirer davantage de titres de séjour s'accompagnera nécessairement de la possibilité d'éloigner les étrangers qui se retrouveront donc en situation irrégulière.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
En responsabilisant les parents quant à l'impact que leur éducation a sur le comportement de leur enfant, leur implication afin d'éviter que leurs enfants ne représentent une menace à l'ordre public permettrait à moyen terme une diminution de l'insécurité à Mayotte.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure a pour objectif de diminuer l'insécurité à Mayotte en retirant les titres de séjour aux personnes qui n'ont pas accomplies les diligences nécessaires et ont, de ce fait, laissé leurs enfants représenter une menace à l'ordre public.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mesure s'appliquera le lendemain de la promulgation de la loi au Journal officiel de la République française. Le présent article est applicable jusqu'au 31 décembre 2028.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Aucun texte d'application n'est nécessaire. Au plus tard six mois avant le 31 décembre 2028, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant l'application de cette disposition.
Article 9 - Conditionner les flux financiers depuis le département de Mayotte à la vérification préalable de la régularité du séjour du client par les prestataires de services de paiement fournissant un service de transmission de fonds
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
En premier lieu, le territoire du département de Mayotte connaît une immigration irrégulière intense, notamment en provenance de l'archipel des Comores. Sur 321 000 habitants officiellement recensés par l'INSEE au 1er janvier 2024, la moitié vit sur l'île sous le statut d'étranger et 60 000 sont en situation irrégulière.
La présence d'une population en situation irrégulière entretient une économie parallèle, constituée de travail clandestin, source de fraude et de flux financiers, notamment à destination des Comores, qui nourrissent le financement des trafics liés à l'immigration irrégulière notamment les filières de passeurs mais aussi d'importation de produits stupéfiants et de blanchiment d'argent.
En 2024, ce sont 22 454 étrangers en situation irrégulière qui ont été interpellés, 20 762 ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement85(*). Au cours de la même année, 17 filières d'immigration irrégulières ont été démantelées.
En outre, l'antenne de l'office antistupéfiants de La Réunion, compétente à Mayotte, a identifié et documenté plusieurs filières d'importation de produits stupéfiants entre Mayotte et Marseille, transitant par l'Éthiopie et les Comores. L'acheminement des produits stupéfiants depuis les Comores jusqu'à Mayotte s'appuie sur le réseau d'immigration irrégulière à la fois pour le transport via les embarcations de type « kwassas » et le financement via des flux financiers illicites depuis Mayotte.
De même, les produits du proxénétisme, lui-même alimenté par les filières d'immigration illégale, sont largement placés à l'étranger.
En second lieu, l'économie mahoraise est marquée par une plus forte fréquence des transactions en espèces qu'en France hexagonale. L'émission nette de billets de banque par habitant en 2018 s'élevait à plus de 5 000 euros à la Réunion et à Mayotte, un montant plus de deux fois supérieur à l'Hexagone (2 000 euros en moyenne). A contrario, la direction régionale des finances publiques et les services de la Banque de France relèvent la très faible bancarisation sur le territoire : en 2019, l'on notait 0,31 compte de dépôts à vue par habitant à Mayotte contre 1,26 en moyenne pour la France.
Parallèlement, les montants financiers transitant par les services de transmission de fonds depuis Mayotte vers des États tiers s'élèvent à plusieurs dizaines de millions d'euros chaque année. Les chiffres de l'un des principaux acteurs de la transmission de fonds à Mayotte (Western Union) laissent entrevoir l'ampleur du phénomène : entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020, les flux opérés depuis Mayotte et La Réunion vers des Etats tiers s'élevaient à 55 millions d'euros dont plus de la moitié vers la zone comorienne (Madagascar, Comores, île Maurice)86(*).
L'objectif de la mesure proposée est de freiner une partie de ces flux financiers illicites en rendant plus difficile pour les personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire de Mayotte de transférer des fonds à partir de versements en espèces vers des Etats étrangers afin d'atteindre plusieurs objectifs : lutter contre l'immigration irrégulière, lutter contre le blanchiment d'argent et le trafic de stupéfiants. C'est pourquoi il est proposé de conditionner la réalisation d'une opération de transmission de fonds à la présentation d'un titre de séjour régulier, que le prestataire de service de paiement aura pour obligation de contrôler.
La mesure projetée a ainsi vocation à affaiblir l'attractivité du territoire en renforçant les moyens de lutte contre la fraude générée par les activités illicites liées à l'immigration clandestine.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Conseil constitutionnel a consacré les libertés de commerce et d'entreprendre dans sa décision n° 2012-28587(*), en les faisant procéder de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Ces libertés comprennent « non seulement la liberté d'accéder à une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l'exercice de cette profession ou de cette activité ». On y inclut donc les activités des établissements de crédit et plus largement des prestataires de services de paiement. Le Conseil constitutionnel reconnaît toutefois que des restrictions ou obligations peuvent être imposées aux personnes morales (dont les prestataires de services de paiement), pour peu que ces dernières soient proportionnées à l'objectif poursuivi ( décision n° 2014-69288(*)). Il en va de même s'il est constaté que le législateur assure une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d'entreprendre et un objectif à valeur constitutionnelle, comme cela est précisé dans la décision n°2019-82389(*).
Enfin, dans sa décision n°82-14190(*), le Conseil constitutionnel a qualifié l'ordre public comme objectif à valeur constitutionnelle, au nom duquel il est possible de restreindre certaines libertés, et auquel le Conseil constitutionnel a intégré la lutte contre l'immigration irrégulière dans sa décision n° 2023-86391(*). De la même façon, de nombreux droits économiques et sociaux des étrangers sont conditionnés par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2024-692(*), à la régularité de leur séjour sur le territoire national. La limitation des droits pour les étrangers en situation irrégulière est donc possible d'un point de vue constitutionnel dès lors qu'elle est nécessaire et proportionnée à l'objectif recherché.
La juridiction constitutionnelle n'a toutefois pas encore eu l'occasion de se prononcer sur les obligations existantes des prestataires de services de paiement au titre de l'article L. 561-5 du code monétaire et financier.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre la liberté d'entreprise conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales.
Par ailleurs, l' article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que toutes les restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. En revanche, l' article 65 du TFUE admet toutefois certaines restrictions que peuvent apporter les États-membres à la liberté de circulation des capitaux et des paiements, notamment pour « prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique ». La jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne admet également cette possibilité « dans le respect du principe de proportionnalité, c'est-à-dire dans les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché » ( CJCE, 13 juillet 2000, Albore, C-423/98, §19), étant ajouté que des inconvénients administratifs ou des difficultés pratiques ne sauraient justifier en soi une restriction à la libre circulation des capitaux ( CJCE, 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C-386/04, §48).
Les articles 1, 14, 31, 35 et 47, des chapitres « Dignité », « Libertés », « Solidarité » et « Justice » de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ouvrent certains droits aux étrangers en situation irrégulière, dont ne fait toutefois pas partie, le droit à utiliser un service de paiement d'un établissement implanté sur le territoire de l'Union. L' article 26 du TFUE prévoit que le marché intérieur doit comporter un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée. L' article 79 de la Charte précise que le Parlement européen et le Conseil prennent des dispositions en matière de définition des droits des ressortissants des pays tiers en séjour régulier dans un État membre, y compris les conditions régissant la liberté de circulation et de séjour dans les autres États. Les textes européens permettent donc de conditionner (hors droits fondamentaux) les droits économiques et sociaux des étrangers à la régularité de leur séjour.
En matière de services de paiement, la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n°1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE (dite DSP2) réserve la fourniture du service de transmission de fonds, défini comme « un service de paiement pour lequel les fonds sont reçus de la part d'un payeur, sans création de comptes de paiement au nom du payeur ou du bénéficiaire, à la seule fin de transférer un montant correspondant vers un bénéficiaire ou un autre prestataire de services de paiement agissant pour le compte du bénéficiaire, et/ou pour lequel de tels fonds sont reçus pour le compte du bénéficiaire et mis à la disposition de celui-ci », aux prestataires de services de paiement. La disposition envisagée affecterait donc les prestataires de services de paiement au sens de la directive DSP2.
Par ailleurs, la directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l'accès à un compte de paiement assorti de prestations de base (ou directive PAD) précise dans son article 16 paragraphe 2 que « les États membres veillent à ce que les consommateurs résidant légalement dans l'Union, en ce compris les consommateurs qui n'ont pas d'adresse fixe, les demandeurs d'asile et les consommateurs qui n'ont pas de permis de séjour mais dont l'expulsion est impossible pour des raisons légales ou pratiques, aient le droit d'ouvrir un compte de paiement assorti de prestations de base auprès d'établissements de crédit situés sur leur territoire et le droit de l'utiliser. Ce droit s'applique indépendamment du lieu de résidence du consommateur. ». Le considérant (36) de cette directive précise que « Les consommateurs résidant légalement dans l'Union et qui ne sont pas déjà titulaires d'un compte de paiement dans un État membre donné, devraient être en mesure d'ouvrir et d'utiliser un compte de paiement assorti de prestations de base dans cet État membre. La notion de personne « résidant légalement dans l'Union » devrait couvrir à la fois les citoyens de l'Union et les ressortissants de pays tiers qui jouissent déjà des droits que leur confèrent des actes de l'Union tels que le règlement (CEE) n°1408/71 du Conseil, la directive 2003/109/CE du Conseil, le règlement (CE) n°859/2003 du Conseil et la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil. Elle devrait également inclure les demandeurs d'asile au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, de son protocole du 31 janvier 1967 et des autres traités internationaux pertinents. En outre, les États membres devraient avoir la possibilité d'étendre la notion de personne « résidant légalement dans l'Union » à d'autres ressortissants de pays tiers qui sont présents sur leur territoire. » Le projet d'article maintient ainsi le droit au compte pour les personnes en situation irrégulière et ne pose une restriction que sur la réalisation des opérations de transmission de fonds par remise d'espèces.
Enfin, l'Assemblée plénière du Conseil de l'Europe, raisonnant notamment sur la base de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), a prévu que « les migrants en situation irrégulière devraient pouvoir prétendre à la protection de leurs biens. Ils devraient pouvoir les gérer et en disposer, notamment au moyen de facilités bancaires leur permettant de transférer leurs gains et leurs économies », elle n'a pas spécifiquement inclus le droit d'accéder à un service de paiement parmi les droits économiques et sociaux minimaux dont devraient bénéficier les personnes en situation irrégulière ( Résolution 1509/2006).
L'appréciation de la vie privée et familiale d'un étranger sur le territoire français se fait principalement à la lecture de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) en ce qu'il constitue une transposition de l'article 8 de la CEDH. Selon l'article L. 423-23 du CESEDA, l'atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale d'un étranger sur le territoire français doit être examinée « au regard de [l'] intensité, de [l'] ancienneté et de [la] stabilité » des liens sur le territoire français ainsi que de « la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ».
Il découle de cette disposition que le droit au séjour au titre de la vie privée et familiale en France découle d'un enracinement dans la durée sur le territoire français, d'autant plus à Mayotte compte tenu de l'article 2 du projet de loi qui prévoit que l'étranger doit attester d'un séjour de 7 ans sur place. Autrement dit, la délivrance d'un titre de séjour sur le motif de l'article L. 423-23 du CESEDA acte l'existence en France d'une vie familiale, principalement liée à la famille nucléaire car la seule présence de cousins ou de grands-parents n'est pas suffisante à elle seule, et donc son défaut, au moins partiel, à l'étranger. Il est en de même pour les autres titres qui complètent la majorité des délivrances à Mayotte (conjoint de français et parent d'enfant français), ceux-ci étant directement liés à la famille nucléaire.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La lutte contre le financement des filières illégales de passeurs, le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants et contre les fraudes sociales reposant sur le travail dissimulé constitue un objectif central pour les services de l'Etat à Mayotte.
S'il est difficile de disposer de données précises quant aux flux illicites opérés via des services de transmission de fonds du fait de la nature même de ces flux, il apparaît que ce type de service est particulièrement exposé aux risques de criminalité financière (transactions forcées, par exemple en relation avec la prostitution ou la traite des êtres humains). Les informations recueillies au niveau mondial par le Groupe d'action financière (GAFI) mettent clairement en évidence les liens entre le blanchiment d'argent dans le secteur des transferts de fonds et d'autres activités criminelles (par exemple, la fraude, la traite ou le trafic d'êtres humains, le trafic de stupéfiants, la criminalité économique, etc.).
Les dispositions proposées s'inscrivent en cohérence avec l'analyse nationale des risques de blanchiment de capitaux et l'analyse géographique des risques qui sont des documents socles ayant permis d'identifier des risques spécifiques sur la transmission de fonds, en particulier sur remise d'espèces, ainsi que sur le territoire mahorais. Pour la seule année 2023, les montants financiers transitant en espèces depuis Mayotte vers des États tiers s'élèvent à plusieurs dizaines de millions d'euros, contribuant ainsi à renforcer l'attractivité du territoire mahorais pour l'immigration irrégulière, notamment en provenance des Comores.
Le recours combiné aux espèces et aux services de transmission de fonds sont exposés à une menace élevée de blanchiment de capitaux eu égard à leur caractère répandu, et à l'évidente accessibilité de transférer des fonds facilement. Les espèces concernaient près de neuf cas de saisie sur dix en 2021. La vulnérabilité liée aux espèces est également très élevée car en comparaison à d'autres moyens de paiement, les espèces offrent des possibilités d'opacification et d'anonymat importantes, notamment lorsque les sommes sont fractionnées en de petites quantités afin de faciliter leur transmission. Plus spécifiquement, l'instantanéité des opérations de transmission de fonds peut compliquer les vérifications sur l'origine des fonds, notamment lorsque la clientèle est considérée comme étant occasionnelle. Les opérations de transmission de fonds peuvent en outre être exécutées par des personnes peu formées aux contrôles (buralistes, « taxiphones », etc.).
Afin de lutter plus efficacement contre les filières de passeurs, la fraude sociale, le travail dissimulé et le blanchiment de ces infractions, la mesure vise à prévoir, en complément des vérifications mentionnées à l'article L. 561-5 et L. 561-5-1 du code monétaire et financier, une mesure de vigilance complémentaire pour les prestataires réalisant une opération de transmission de fonds sur remise d'espèces, consistant à vérifier la régularité du séjour sur le territoire national.
Le droit interne prescrit déjà la vérification de l'identité d'un client par les organismes financiers, conformément au 2° du I de l'article L. 561-5, sur la « présentation de tout document écrit à caractère probant ». En pratique, la vérification de l'identité d'un client, personne physique, repose sur la présentation de l'original d'un document officiel d'identité, en cours de validité et comportant photographie (tel qu'une carte nationale d'identité, un passeport, un titre de séjour, le permis de conduire sécurisé au format européen, le récépissé de demande de titre de séjour/carte de résident, attestation de prolongation d'instruction ou de demande d'asile en cours de validité).
Il est prévu de créer un nouvel article L. 561-10-5, qui consacre l'obligation, pour réaliser une transmission de fonds sur remise d'espèces depuis Mayotte, d'exiger la présentation d'un document de séjour en cours de validité mentionné au Livre II, Titre III et Livre IV, Titres I, II, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Cette nouvelle obligation de vigilance complémentaire quant à la régularité du séjour sur le territoire national des personnes souhaitant transmettre des fonds sur remise d'espèces depuis Mayotte s'appliquera aux personnes mentionnées aux 1° à 1° quater de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier (CMF). Le choix a été fait de prendre en compte l'intégralité des prestataires de services de paiement réalisant ce type d'opérations à savoir les établissements de paiement - qui représentent la principale catégorie concernée par les opérations visées - les établissements de crédit et les établissements de monnaie électronique afin de prévenir toute tentative de contournement et d'éviter d'éventuelles distorsions de concurrence.
2.2. Objectifs poursuivis
Pour l'un des principaux services de transmission de fonds, les flux depuis Mayotte et la Réunion entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020 s'élèvent ainsi à 55 millions d'euros de flux sortants, dont 23,5 millions d'euros vers la zone comorienne (Madagascar, île Maurice et les Comores).
S'agissant plus spécifiquement des flux d'argent liquide, une étude réalisée par la direction régionale des douanes (DGDDI) a permis de quantifier les flux de déclaration de capitaux à destination des Comores ainsi que ceux non déclarés appréhendés en infraction par l'administration des douanes pour manquement à l'obligation déclarative. Cette étude s'appuie uniquement sur les flux de capitaux identifiés d'un montant supérieur à 10 000 euros.
Déclarations de capitaux (nombre et montant) |
Manquement à l'obligation déclarative (nombre et montant) |
|
2021 |
719 12 551 835 € |
54 385 290 € |
2022 |
31 11 897 256 € |
51 847 618 € |
2023 |
670 1 428 560 € |
33 451 710 € |
S'agissant plus spécifiquement des flux d'argent liquide, une étude réalisée par la direction régionale des douanes a permis de quantifier les flux de déclaration de capitaux à destination des Comores ainsi que ceux non déclarés appréhendés en infraction par l'administration des douanes. Ainsi, en 2023, 670 déclarations ont représenté 1,4 millions d'euros et 33 manquements à l'obligation déclarative ont porté sur 0,5 millions d'euros. Cette étude s'appuie uniquement sur les flux de capitaux identifiés d'un montant supérieur à 10 000 euros. Or, dans l'état actuel du droit, il n'est imposé qu'une simple vérification d'identité aux prestataires de services de transferts.
Ces chiffres combinés illustrent l'importance des flux financiers en provenance de Mayotte à destination des pays de la zone comorienne.
Or, dans l'état actuel du droit, l'article L. 561-5 du code monétaire et financier n'impose qu'une vérification d'identité aux prestataires de services de paiement fournissant un service de transmission de fonds. Indépendamment de la régularité de leur séjour sur le territoire, les ressortissants étrangers en situation irrégulière peuvent donc continuer à envoyer des fonds dans des pays tiers, notamment aux Comores, sur simple présentation d'un passeport ou de tout autre titre ou document de séjour valide.
De manière générale, les filières d'immigration irrégulière oeuvrant à Mayotte organisent le trafic de personnes migrantes principalement depuis les Comores, Madagascar, la Somalie et la République démocratique du Congo. Les flux financiers générés financent en grande partie d'autres activités illégales comme le trafic de drogue, le trafic d'armes et sont une source de blanchiment d'argent ensuite réinvesti dans d'autres actifs illicites en France ou à l'étranger.
Les données disponibles depuis 2020 traduisent une progression constante des interpellations entre cette année de référence et 2023. Elles passent ainsi de 13 608 en 2020 à 26 855 en 2023 avant de subir une baisse en 2024, leur nombre total atteignant 20 383. Cette diminution du nombre d'interpellations est due pour partie aux blocages de l'îles pendant 7 semaines, à la conduite de l'opération « Mayotte, place nette » et au passage de Chido en décembre 2024.
Le début de l'année 2025 est marqué par une forte croissance du nombre d'interpellations du 1er janvier au 16 février (2 873) soit une progression de 573 interpellations par rapport à la même période en 2024.
Par ailleurs, le nombre de kwassas détectés continue d'augmenter fortement (772 en 2022, 965 en 2023 et 809 en 2024 en tenant compte de la tempête CHIDO) avec un taux d'interception de 69 % en moyenne. Ainsi 8003 personnes ont été interpellées en 2022, 8669 en 2023 et 6764 en 2024 dont 475 passeurs présumés en 2022, 508 en 2023 et 382 en 2024. Ces chiffres illustrent une activité en hausse des passages irréguliers organisés par des réseaux de passeurs.
Plusieurs enquêtes judiciaires récentes, diligentées par les services de police judiciaire et de police aux frontières de la direction territoriale de la police nationale de Mayotte illustrent l'importance des filières de trafic de migrants :
- en janvier 2022, le service territorial de police judiciaire de Mayotte recueillait une information relative à une filière d'immigration clandestine en provenance de Madagascar, ayant recours à des embarcations de type « Kwassa ». Les départs des barques avaient pour destination la pointe sud-est de Mayotte, soit 2 jours de voyage, 40 à 100 passagers pouvant être ainsi transportés à raison d'un voyage par mois, pour des sommes allant de 500 à 1 000 €. Un couple à la tête du réseau, propriétaire des barques sur Madagascar, avait ainsi pu se constituer un patrimoine immobilier grâce à cette activité illégale en percevant ces paiements directement auprès des candidats à l'immigration et de leur entourage. Les investigations permettaient d'identifier les principaux acteurs de ce réseau sur Mayotte, dont un employé de mairie. Entre mars et mai 2022, les principaux suspects étaient interpelés et placés en détention provisoire ;
- depuis le début de l'année 2024, 17 filières d'immigration irrégulière ont été démantelées par l'antenne de l'office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM). En outre, l'antenne de l'office antistupéfiants (OFAST) de La Réunion, compétente à Mayotte, a identifié et documenté plusieurs filières d'importation de produits stupéfiants entre Mayotte et Marseille, transitant par l'Éthiopie et les Comores. Il est à noter que l'acheminement des produits stupéfiants depuis les Comores jusqu'à Mayotte s'appuie sur le réseau d'immigration irrégulière transportée par les kwassas-kwassas. La montée en puissance des réseaux criminels liés aux stupéfiants à Mayotte s'appuie sur des flux financiers illicites ;
- enfin, parmi les affaires sensibles de l'année 2024, on peut citer l'exemple du démantèlement d'une filière d'aide au séjour irrégulier, de traite des êtres humains et de proxénétisme, agissant en bande organisée au préjudice de ressortissantes malgaches. Ce réseau, composé d'un organisateur, d'un logeur et de trois aidants gérait une « maison close » dans laquelle des jeunes femmes se livraient à la prostitution, sous la surveillance d'une « souteneuse ». Une dizaine de femmes a été victime de cette structure qui a généré un bénéfice de 200 000 euros, dont une partie des flux a été placée à l'étranger. Plus récemment, à l'issue d'une enquête préliminaire, les effectifs de l'Antenne OLTIM de Mayotte ont procédé au démantèlement d'une filière d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers, agissant en bande organisée au profit de ressortissants comoriens. Cette structure, composée d'un organisateur et de deux aidants, organisait la traversée en « kwassa-kwassa » de compatriotes désireux de gagner Mayotte. 880 personnes ont pu bénéficier de cette filière qui a généré un gain financier évalué à 266 000 euros pour la structure concernée.
Enfin, la disposition permet de répondre à Mayotte aux vulnérabilités identifiées par les autorités de contrôle sur les opérations de transmission de fonds. Elles s'inscrivent dans le respect du règlement européen relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (règlement (UE) 2024/1624 du 31 mai 2024) et qui prévoit un renforcement des mesures de vigilance à l'égard de la clientèle occasionnelle.
Une des conséquences de la disposition envisagée sera de conduire les personnes en situation irrégulière à recourir à des services bancaires qui offrent davantage de traçabilité s'ils souhaitent procéder à des opérations de transmission de fonds.
Il convient en effet de souligner que ces personnes pourront toujours disposer d'un compte de dépôt93(*) ou de paiement94(*) tenu par un prestataire de services de paiement et qu'elles pourront continuer à réaliser des transferts sans qu'il ne leur soit opposé de barrière notable (ni juridique, ni financière, le coût de ces transferts étant souvent moins élevé que dans le cadre d'une opération de transmission de fonds sur remise d'espèces). Le cas échéant, les personnes en situation irrégulière sur le territoire national pourront bénéficier du droit au compte afin d'obtenir l'ouverture d'un compte de dépôt auprès d'un établissement de crédit, conformément à l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, et qui n'est pas affecté par ce projet de loi.
Un client peut créditer un compte de dépôt ou de paiement à partir d'espèces avant de pouvoir procéder à des opérations de paiement. Le prestataire de services de paiement pourra ainsi réaliser un virement à la suite d'un dépôt d'espèces pour le compte de son client, après avoir effectué ses obligations de vigilance.
Ce type d'opération de paiement présente intrinsèquement moins de risque que la transmission de fonds dans la mesure où l'ouverture d'un compte de dépôt ou de paiement s'inscrit dans le cadre d'une relation d'affaires qui implique davantage d'exigences en termes de vigilance de la part du prestataire de services de paiement ( articles L. 561-5-1 et L. 561-6 du code monétaire et financier) alors que la transmission de fonds est majoritairement le fait d'une clientèle occasionnelle ou de passage, impliquant des diligences moins poussées ( article L. 561-5-I et II de l'article R. 561-10 du code monétaire et financier).
Cette obligation de vérification de régularité du séjour pour les opérateurs privilégiés par les personnes en situation irrégulière sur le territoire de Mayotte, concernera en particulier les établissements de paiement, les établissements de crédit et les établissements de monnaie électronique et cartes prépayées. S'agissant plus spécifiquement des flux d'argent liquide, une étude réalisée par la direction régionale des douanes a permis de quantifier les flux de déclaration de capitaux à destination des Comores ainsi que ceux non déclarés appréhendés en infraction par l'administration des douanes. En 2023, 670 déclarations ont représenté 1,4 million et 33 manquements à l'obligation déclarative ont porté sur 0,5 million.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il a été envisagé pour les besoins de la lutte contre les flux financiers sous-jacents à l'immigration irrégulière à Mayotte, de renforcer, sous l'égide de Tracfin, les mesures de vigilance à l'égard de toutes les opérations financières par les transmetteurs de fonds, qui serait par ailleurs adossé à la création d'un dispositif de communication systématique d'information (COSI) aux autorités compétentes relatives à l'ensemble des flux financiers. Cette mesure d'ordre infra-législatif a été considérée insuffisante pour endiguer le caractère structurel de l'immigration clandestine à Mayotte et l'attractivité que suscite l'économie parallèle. Elle ne saurait se substituer à une mesure législative entravant les flux, mesure indispensable pour renforcer les obligations de contrôles imposées aux fournisseurs de services de paiement.
Il a par ailleurs été envisagé de fonder le critère de vigilance complémentaire non pas sur la régularité du séjour mais sur la capacité à démonter l'origine licite des fonds à transférer par un document justificatif. Néanmoins, il apparaît difficilement praticable de confier aux acteurs privés concernés le soin d'apprécier l'origine licite ou non des fonds, d'autant plus qu'il s'agit dans les cas de transmissions de fonds depuis Mayotte de faibles montants. Dès lors, un critère davantage objectif tel que la présentation d'un titre ou document de séjour valide semble devoir être privilégié.
Enfin, la question s'est posée d'introduire à la mesure un mécanisme de signalement systématique à la cellule de renseignement financier (Tracfin) de toute tentative de transmission de fonds sur remise d'espèces depuis Mayotte par un client n'ayant pas été en mesure de justifier de la régularité de son séjour sur le territoire national. Toutefois, l'obligation pour les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier de transmettre une déclaration de soupçon à Tracfin sur « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme » (article L. 561-15 du code monétaire et financier), s'applique déjà pleinement aux prestataires de services de paiement fournissant des services de transmission de fonds à Mayotte. Aussi, après consultation de Tracfin, il a été décidé de s'en tenir au cadre déjà en place au titre de l'article L. 561-15, et de ne pas créer de flux superficiels de signalements sur des cas qui n'auraient par ailleurs pas vocation à éveiller de soupçon (ex : une personne se rendant auprès d'un opérateur de transmission de fonds sans se munir des justificatifs nécessaires, bien qu'étant en situation régulière ; elle est alors invitée à se représenter munie des documents nécessaires, sans que cette situation en elle-même n'appelle à une déclaration de soupçon).
3.2. DISPOSITIF RETENU
A l'inverse, il a été retenu de créer une disposition nouvelle dans le code monétaire et financier visant à imposer aux prestataires de services de paiement réalisant des services de transmission de fonds (établissements de crédit, établissements de monnaie électronique ou établissements de paiement), pour le département de Mayotte, en complément des vérifications mentionnées à l'article L. 561-5 et L. 561-5-1 du CMF, une nouvelle mesure de vigilance complémentaire pour les clients de ces prestataires de service de paiement, consistant à vérifier la régularité du séjour sur le territoire national, avant de procéder à une transmission de fonds sur remise d'espèce.
Il est donc proposé en conséquence de créer un nouvel article L. 561-10-5, qui prévoit l'obligation d'exiger la présentation de l'original d'un document de séjour en cours de validité.
La mesure est circonscrite à la seule remise d'espèces par le donneur d'ordre dans la mesure où il n'est matériellement pas possible de contrôler l'origine géographique d'une transmission de fonds dans le cadre d'une relation à distance.
En pratique, toute personne en situation irrégulière se verra dans l'impossibilité de procéder à une opération de transmission de fonds sur remise d'espèces depuis Mayotte, sans obérer pour autant la possibilité d'effectuer des virements depuis un compte de dépôt ou de paiement.
L'objectif de la mesure est pour autant de limiter toute pratique de sur-conformité qui conduirait à restreindre les relations commerciales avec ces catégories de clients. Les personnes en situation irrégulière doivent pouvoir continuer à recevoir d'autres services bancaires et financiers, y compris au titre du droit au compte.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La mesure envisagée crée un nouvel article L. 561-10-5 dans le code monétaire et financier.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
On dénombre trois acteurs principaux réalisant des opérations de transmission de fonds sur le territoire mahorais. Il s'agit d'établissements de paiement exerçant en libre établissement via des agents prestataires de services de paiement enregistrés par des superviseurs étrangers. Deux des trois opérateurs mentionnés font appel à 156 et 30 agents pour offrir leur service.
Le nouvel article L. 561-10-5 aura pour effet de créer une nouvelle obligation pour les entreprises qui réalisent des opérations de service de transmission de fonds, en les obligeant à vérifier la régularité du séjour du futur client avant la réalisation d'une opération de transmission de fonds sur remise d'espèces.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services chargés de contrôler le respect des obligations de vigilance en application de l'article L. 561-36-1 du code monétaire et financier, notamment l'obligation de vérification de régularité du séjour créée par le nouvel article L. 561-10-5 du code monétaire et financier se verront imposer une nouvelle modalité dans leur mission de contrôle des services de transmission de fonds.
Concrètement, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution devra intégrer cette nouvelle obligation pesant sur les professionnels dans la planification de ses contrôles sur pièces et sur place sur le territoire mahorais.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La majorité de la société Mahoraise et les élus locaux souhaitent un renforcement des procédures permettant de mieux lutter contre le travail illégal, le trafic de stupéfiants, l'immigration irrégulière et le blanchiment d'argent. Une telle mesure est de nature à répondre aux préoccupations de la population concernant ces difficultés.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Pour les particuliers, la mesure aura pour effet de bloquer la possibilité pour toute personne en situation irrégulière sur le territoire de Mayotte d'envoyer des fonds à partir de versement d'espèces par le biais d'un prestataire de services de paiement fournissant un service de transmission de fonds. A l'inverse, la présente mesure n'aura aucun impact pour les personnes en situation régulière qui sont déjà obligées de communiquer leur identité et de présenter une pièce valide dès le premier euro aux services de transmission de fonds.
Ces dispositions permettent ainsi de répondre à Mayotte aux vulnérabilités identifiées par les autorités de contrôle sur les opérations de transmission de fonds, de sorte que les personnes en situation irrégulière seront forcées de recourir à des comptes de dépôt qui offrent davantage de traçabilité.
Ce type d'opération présente moins de risque que la transmission de fonds dans la mesure où l'ouverture d'un compte bancaire s'inscrit dans le cadre d'une relation d'affaires, ce qui implique davantage d'exigence en termes de vigilance par l'établissement ( articles L. 561-5-1 et L.561-6 du code monétaire et financier) alors que la transmission de fonds est le fait d'une clientèle occasionnelle ou de passage ( article L. 561-5-I et II de l'article R. 561-10 du code monétaire et financier).
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
En application de l'article L. 614-2 du code monétaire et financier, la consultation du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été réalisée le 23 mai 2024.
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La présente disposition entrera en vigueur à compter du premier jour du deuxième mois suivant celui de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le dispositif s'applique exclusivement à Mayotte. Ne sont donc pas concernées les autres régions du territoire hexagonal et les autres collectivités d'outre-mer relevant de l'article 73 et de l'article 74 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Saint-Pierre et Miquelon et les îles Wallis et Futuna).
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
CHAPITRE IV - RENFORCER LA LUTTE CONTRE L'HABITAT INFORMEL
Article 10 - Faciliter les opérations de résorption de l'habitat informel
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La population de Mayotte est estimée à 321 000 personnes en 2024 (estimation INSEE) et est en constante augmentation depuis plus de vingt ans. La population mahoraise est jeune (plus de 60 % de la population est âgée de moins de 23 ans en 2022 contre 30 % sur le territoire français). Un taux de natalité élevé couplé à une immigration forte. A titre d'exemple, la densité de la population est comparable à celle du Val-De-Marne.
Mayotte se distingue par un niveau élevé pauvreté : l'INSEE estime que le taux de pauvreté selon le seuil national est de 84 %.
Le parc de logements, évalué à 70 300 résidences principales en 2022, comprenait 22 369 habitations de fortune (32 %), majoritairement composées de tôles, et 20 000 logements en dur présentant des défauts graves (répertoire d'immeubles localisés par l'Insee (RIL), 2022). Ces constructions en tôle, précaires, souvent érigées sans fondation, après un terrassement sommaire et avec des matériaux légers de mauvaise qualité, sont particulièrement vulnérables, notamment sur des terrains en forte pente.
Ci-après l'évolution de la population et du nombre de résidences principales par catégorie entre 1997 et 2017.
L'analyse des données de construction entre 2017 et 2022 révèle une tendance à l'auto-construction des résidences. En croisant les données du recensement des résidences principales et l'outil statistique Sitadel, il apparaît que 67,2 % des constructions ont été réalisées sans dépôt de permis de construire, soit 4 836 sur les 7 200 nouvelles constructions enregistrées sur cette même période. Seules 43 nouvelles résidences (0,59 %) ont fait l'objet d'une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux (DAACT) et ont respecté l'intégralité des normes règlementaires.
Chacune des 17 communes de Mayotte fait face à une proportion significative de logements insalubres et informels, avec une concentration marquée dans les unités urbaines de Koungou, Mamoudzou et Dembéni. Ces trois communes concentraient 57 % du parc insalubre et informel de Mayotte, soit 12 961 des 22 369 habitations de fortune recensées en 2022.
D'après les données du répertoire
des immeubles localisés (RIL)95(*), les trois communes
abritaient :
- Koungou : 3 760 habitats de fortune pour 8 607 logements (44 %) ;
- Mamoudzou : 7 589 habitats de fortune pour 19 402 logements (39 %) ;
- Dembéni : 1 612 habitats de fortune pour 3 622 logements (44,5 %).
Par ailleurs, à Mayotte, le parc social avant le cyclone était de96(*) :
- 962 logements locatifs très sociaux dit LLTS (équivalent PLAI c'est-à-dire financés par le prêt locatif aidé d'Intégration) ;
- 363 logements locatifs sociaux dit LLS (équivalent PLUS financés par le prêt locatif à usage social) ;
- 25 PLS (financés par le prêt locatif social) ;
- 1 467 "autre financement" : il s'agit de logements appartenant à des bailleurs sociaux dont la majeure partie est au moins assimilable à du LLS.
S'agissant de la programmation pour le développement du logement social en 2023 et 2022 :
- en 2023, 181 logements ont été agréés à Mayotte, dont 62 LLS, 72 LLTS, 20 PLS et 27 "logements spécifiques" (foyers, village relais, LLTSA...) ;
- en 2022, pour mémoire, 335 agréments ont été délivrés : 122 LLS, 166 LLTS et 47 PLS.
Dans ce contexte, la situation en matière de logement était dégradée avant même le passage du cyclone Chido.
Le cyclone Chido, suivi de la tempête Dikeledi, ont frappé, au mois de décembre 2024, le territoire de Mayotte déjà en proie à des défis de logement majeurs et urgents. Ainsi, selon les premiers retours de la mission d'inspection interministérielle d'évaluation des dommages et des besoins suite aux dégâts causés par le Cyclone Chido, l'habitat individuel et collectif est la principale catégorie de biens endommagés :
- ¾ de l'habitat avant Chido était insalubre ;
- 75 % des constructions étaient auto-construites ;
- les habitats précaires ont été sévèrement touchés, de même que ceux en tôles et les toitures en dur, avec des destructions complètes.
L'ampleur des dégâts s'explique notamment par la vulnérabilité intrinsèque du territoire en raison notamment de :
- la fragilité des constructions comme mentionné précédemment ;
- la densité des constructions en raison de l'absence de foncier disponible : Mayotte étant un archipel montagneux (5 massifs érodés, les 2/3 de la surface de Grande-Terre sont des pentes supérieures à 15 %).
La préfecture de Mayotte n'est pas en mesure de donner un chiffre sur le nombre d'habitat informel car le décompte n'est pas établi et les habitats sont entremêlés au sein de bidonvilles dont le décompte individuel n'est pas opérant. La préfecture indique que l'essentiel des habitats informels (plus de 90%) a été détruit par le cyclone mais reconstruit pour la quasi-totalité.
Les principaux obstacles sont identiques à ceux rencontrés parfois sur le territoire métropolitain : manque de moyens de la justice et des autorités verbalisatrices, longueur des procédures judiciaires, difficultés à proposer des solutions de relogement des personnes concernées, le tout exacerbé par le contexte spécifique à Mayotte.
La mobilisation de ces outils nécessite des moyens humains et d'ingénierie, la mobilisation des collectivités locales et des opérateurs publics ainsi que l'adhésion des populations et une coordination globale des opérations.
Les dispositifs issus de la loi ELAN et de la loi du 9 avril 2024 sont subordonnés à l'existence de solutions d'hébergement/relogement, difficilement mobilisables à très court-terme à Mayotte, dans l'attente d'un dispositif spécifique de grande ampleur, au vu des besoins massifs des populations concernées par la réinstallation sur les constructions informelles. A noter que l'Etat supporte les frais liés à l'exécution d'office des mesures prescrites.
La dynamique de résorption des bidonvilles et d'aménagement urbain est engagée à travers plusieurs programmes et dispositifs :
Depuis 2010, 56 opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) portées par les collectivités ont fait l'objet de financements de l'Etat (100 millions d'euros engagés).
- Depuis 2018, 3 projets du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) sont engagés sur le territoire et situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) dans lesquels des bidonvilles se sont formés (Kaweni, Majicavo Koropa et La Vigie).
- Depuis 2019, des opérations d'évacuation et de démolitions sont réalisées dans le cadre de la Loi ELAN (article 197) entre 2019 et 2023, 2 897 bangas ont été démolis. Depuis janvier 2024, 443 bangas ont été démolis avec une démolition en cours à Mavadzani pour plus de 400 bangas.
Récemment, les ministres chargés du logement et de l'outre-mer ont lancé des travaux pour la création d'une opération d'intérêt national (OIN) afin de faciliter le traitement de l'habitat insalubre et informel avec une reprise en main par l'Etat des autorisations d'urbanisme et des décisions de création de zones d'aménagement concerté (ZAC), et la mise en place de nouvelles dispositions permettant d'accélérer les aménagements nécessaires : procédure commune pour les évaluations environnementales prévues par l'article L.122-15 du CE introduites dans la loi 3DS (article 259), possibilité de prise de possession anticipée dans les OIN prévue par la loi du 9 avril 2024 visant à l'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement introduisant dans son article 50, après décret avec avis conforme du Conseil d'Etat).
Le projet d'OIN de Mayotte a pour finalité de contribuer à la résorption de l'habitat insalubre et informel (bidonvilles) dans les communes les plus concernées par cette problématique Koungou, Mamoudzou et Dembéni, et par conséquent réorganiser du foncier aménagé pour tous les publics. Le développement de l'ensemble de ces projets au-delà du calibrage juridique et financier, du portage d'ensemble, nécessitera une étude des situations sociales et du droit des ménages, sur l'ensemble des secteurs de bidonville ciblés et identifiés comme territoire de projet.
En droit commun, le problème de l'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier est traité sous l'angle de la protection du droit de propriété privée. Tout propriétaire peut ainsi agir devant les juridictions judiciaires en expulsion des occupants irréguliers de son immeuble ( articles L. 411-1 à L. 451-1 du code des procédures civiles d'exécution).
Par ailleurs, l'autorité de police administrative
est fondée à évacuer et démolir certains
bâtiments, lorsque des circonstances affectant l'ordre public l'exigent (
articles
L. 1331-22 et
R.
1331-16 du code de la santé publique ;
articles
L. 511-1 à L. 511-22 et
R.
511-1 à R. 511-13 du code de la construction et de l'habitation.
Dans le cadre de ce type de mesures, l'intervention publique est en
général motivée par des problèmes de
dangerosité ou d'insalubrité des bâtiments.
Dans certaines collectivités ultramarines, ces problématiques sont accentuées par la présence massive d'habitats sommaires répondant à la définition de l'habitat informel fixée par l'article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement. Aux termes de cette définition, l'habitat informel correspond aux locaux et installations à usage d'habitation édifiés majoritairement sans droit ni titre sur le terrain d'assiette, dénués d'alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales, ou de voiries ou d'équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité ou la sécurité dans des conditions satisfaisantes.
La loi ELAN du 25 novembre 2018 a créé un cadre spécifique d'intervention administrative pour enrayer la prolifération des zones d'habitat informel à Mayotte et en Guyane. Elle a ajouté un article 11-1 à la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. Ces dispositions instituent un régime de police administrative dérogatoire. Dans ce cadre, le préfet peut ordonner l'évacuation et la démolition d'un habitat informel Lorsque les constructions répondent aux trois conditions cumulatives suivantes :
- Etre édifiées sans droit ni titre et constituer un « habitat informel » ;
- Former un « ensemble homogène » sur un ou plusieurs terrains d'assiette ;
- Présenter des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.
La loi ELAN a également introduit au II de l'article 11-1 de la loi du 23 juin 2011 une procédure plus courte en cas d'édification en cours d'une construction illégale pour permettre aux préfets d'interrompre les travaux. Cette procédure prévoit qu'un constat de cette construction illégale en cours d'édification fait l'objet d'un procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire (OPJ). Ce dernier dispose d'un pouvoir général de constatation des infractions (articles 14 et 17 du code de procédure pénale).
Plusieurs catégories d'agents autres qu'un OPJ peuvent constater des infractions :
- les agents de police judiciaire (APJ) prévus à l'article 20 du code de procédure pénale (CPP) ;
- les agents de police judiciaire adjoints (APJA) prévus à l'article 21 du CPP ;
- les agents spécialement désignés des douanes, des finances ou de l'environnement (articles 28-1, 28-2, 28-3 du CPP), gardes particuliers (art. 29 du CPP), ;
- autres agents désignés par des lois spéciales (exemple droit de l'urbanisme, droit de l'environnement).
Seuls les OPJ, APJ et APJA disposent d'un pouvoir général pour constater toutes les infractions pénales. Les autres agents disposent d'un pouvoir d'attribution, limité à certaines infractions en lien avec leur champ d'expertise (par exemple, les agents mentionnés à l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme). Tous ces agents sont habilités et assermentés.
En matière délictuelle, ces constatations ont valeur de simples renseignements (article du 430 du CPP), sauf pouvoir de constatation donné par la loi à l'agent. Dans ce second cas, la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins (article 431 du CPP). Il en va de même en matière de contraventions (article 537 du CPP).
Postérieurement, l'article 15 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 « habitat dégradé » a modifié ce II en créant un délai dit de « flagrance » permettant la constatation par procès-verbal de la construction d'un local ou d'une installation « depuis moins de quatre-vingt-seize heures » et non plus de l'existence d'un local ou une installation « en cours d'édification » .
En dépit de modifications successives, par l'article 197 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique et par la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, cette procédure demeure difficile à mettre en oeuvre, notamment en raison de l'importance des moyens nécessaires à son application.
La lutte contre l'habitat informel est freinée par une méconnaissance du corpus législatif et réglementaire existants et par un déficit d'ingénierie et de moyens en particulier en ETP, tant au niveau des services déconcentrés de l'État et ARS97(*) qu'au niveau des collectivités dans les départements et régions d'Outre-mer et plus particulièrement à Mayotte.
En effet, une évaluation conduite par la direction générale des outre-mer (DGOM)98(*) en 2022 sur la mise en oeuvre de la loi Letchimy n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'Outre-mer a permis de pointer des difficultés d'application (méconnaissance des dispositions de la loi malgré les outils développés : formations, guides, rotation des équipes en place, difficulté de recrutement de profils compétents en matières d'ingénierie, ou dotés de compétences techniques et opérationnelles, faible application des pouvoirs par les élus en termes de police de l'urbanisme ou de mise en sécurité, moyens limités des ARS sur l'insalubrité), onze ans après le vote de la loi. Elle a également indiqué que le texte demeure pertinent et essentiel pour encadrer la lutte contre l'habitat indigne et informel dans les territoires.
A Mayotte, la mise en oeuvre limitée de la loi est à mettre au regard de l'ampleur du phénomène : les besoins sont massifs et le développement d'une connaissance de l'habitat indigne/informel, préalable à la planification d'opérations de lutte contre cette forme d'habitat, puis l'appropriation et la mobilisation des outils proposés par la loi Letchimy, s'inscrit sur un temps long bien que difficilement conciliable avec l'urgence climatique, sanitaire et sociale.
Le renforcement de l'efficacité de ces dispositions permettra de contrôler la reconstruction des « bangas » à la suite au passage du cyclone Chido et facilitera la maitrise foncière en vue, notamment, de la construction de nouveaux logements, décents et pérennes ainsi que d'infrastructures et d'équipements.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
L'article 34 de la Constitution fixe ce qui relève de la loi : en l'espèce, sont concernés « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques », « le régime de propriété, des droits réels ».
En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 73 de la Constitution : « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
En troisième lieu, le Conseil constitutionnel déduit de la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 le droit au respect de la vie privée et en particulier, de l'inviolabilité du domicile ( décision n° 2013-357 QPC, 29 novembre 2013, cons. 6 à 8).
En quatrième lieu, le Conseil constitutionnel a consacré un objectif de valeur constitutionnelle de droit au logement décent qui découle des alinéas 10 et 11 du Préambule de 1946 (décision n°94-359 DC du 19 janvier 1995 ; décision n°98-403DC du 29 juillet 1998 ; décision n°2009-578 DC du 18 mars 2009 ; décision n°2015-410 QPC du 29 mai 2015).
En cinquième lieu, il a par ailleurs jugé que la prévention d'atteintes au droit de propriété et à l'ordre public sont nécessaires à la sauvegarde de principes et de droits de valeur constitutionnelle ; qu'il appartient cependant au législateur, en prévoyant la répression de telles atteintes, d'assurer la conciliation entre ces exigences constitutionnelles et l'exercice des libertés individuelles constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile ( décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, cons. n° 70).
Les exigences d'ordre public, qui correspondent ici essentiellement à la garantie de la salubrité, de la sécurité et de la tranquillité publiques, doivent donc faire l'objet d'une conciliation suffisamment équilibrée avec le droit au respect de la vie privée des occupants des constructions vouées à l'évacuation et à la démolition ( décision n°2011-631 DC, 9 juin 2011, cons. 78, Journal officiel du 17 juin 2011, page 10306, texte n° 2, Rec. p. 252 ; décision n°2003-484 DC, 20 novembre 2003, cons. 37 et 38, Journal officiel du 27 novembre 2003, page 20154, Rec. p. 438).
Par une décision du 10 mars 2023 n°469663, le Conseil d'Etat a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 11-1 de la loi n° 2011-725 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. Le Conseil a estimé que le dispositif, au vu de l'ensemble des conditions et garanties prévues, parmi lesquelles l'obligation de proposer un relogement ou un hébergement d'urgence à chaque occupant, assurait une conciliation équilibrée entre la sauvegarde de l'ordre public et les atteintes à la vie privée et à la dignité humaine.
Toutefois, le Conseil constitutionnel n'a pas consacré de principe constitutionnel d'obligation de relogement ou d'hébergement d'occupants sans droit ni titre d'un bien immobilier. Il s'est limité à apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives relatives au droit de l'aménagement ou au droit des rapports locatifs et fixant une obligation de relogement qui ont été regardées comme mettant en oeuvre l'objectif de valeur constitutionnelle de droit au logement décent concilié avec d'autres exigences constitutionnelles (décision n°2016-581 QPC, 5 octobre 2016, paragr. 8 à 10, JORF n°0234 du 7 octobre 2016 texte n° 127 ; décision n° 2023-1050 QPC du 26 mai 2023).
Dans l'ordonnancement normatif, il existe plusieurs hypothèses d'expulsion d'occupants sans droit ni titre de biens immobiliers par ordonnance du juge des référés « mesures utiles ». Comme l'a souligné le rapporteur public Clément Malverti (conclusions sur la décision du Conseil d'Etat n° 490653 M. et Mme D. du 18 décembre 2024) : « Pour qu'une injonction d'évacuation puisse être prononcée par le juge du référé mesures utiles, encore faut-il néanmoins que la demande qui lui est présentée ne soit pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative (v. votre décision du 22 octobre 2010, P..., n° 335051, A). La condition est assurément satisfaite lorsque la demande vise à mettre fin à l'occupation d'une dépendance du domaine public (TC, 24 septembre 2024, Société B.E. Diffusion c/ RATP et société Promo Métro, n° 3221, A) ou, lorsqu'est en cause une dépendance du domaine privé, si l'expulsion constitue une mesure d'exécution d'une convention (CE, ass., 26 février 1965, Société du vélodrome du Parc des Princes, n° 65549, A ; TC, 17 oct. 1988, Ministre de l'économie et des finances c/ Mlle Jean, n° 2530, A). » En outre, le législateur a institué un référé mesures utiles spécial pour demander au juge d'ordonner l'évacuation d'un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile occupé sans titre par un les demandeurs d'asile ayant vu leur demande définitivement rejetée ou ceux qui ont un comportement violent ou commettent des manquements graves au règlement du lieu d'hébergement (article L. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Ces dispositions ne prévoient pas d'obligation d'hébergement ou de relogement des personnes concernées. Le Conseil constitutionnel n'a toutefois pas encore eu l'occasion de se prononcer sur leur constitutionnalité.
Dans ces conditions, compte tenu de l'absence d'obligation constitutionnelle de relogement, de la circonstance que les dispositions de l'article 10 qui renforcent des pouvoirs de police administrative spéciale de lutte contre l'expansion des « bidonvilles » à Mayotte constituent la mise en oeuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et non de celui du droit au logement décent et eu égard aux différentes garanties qui assortissent la mesure, au rang desquelles figure l'effet suspensif de l'exécution forcée de la mesure en cas requête en référé au III, les dispositions qui au I substituent une obligation systématique de proposition de relogement ou d'hébergement à une simple obligation de moyens continuent d'assurer une conciliation équilibrée entre la sauvegarde de l'ordre public et les atteintes à la vie privée et à la dignité humaine.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Aux terme de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Le renforcement et la simplification des pouvoirs de police administrative de lutte contre l'habitat informel à Mayotte sont justifiés par la sauvegarde de l'ordre public (faire cesser des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques) dans la situation particulière de Mayotte. La présente modification législative vient renforcer les pouvoirs de police spéciale de lutte contre l'habitat informel à Mayotte. Compte tenu des considérations d'ordre public particulièrement éminentes justifiant ces mesures, l'atteinte portée par la mesure au droit au respect de la vie privée et familiale des occupants d'habitat informel, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales, n'est pas disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle est conçue.
Par ailleurs, l'article 8 précité ne peut être interprété comme conférant un droit au logement (CEDH 18 janvier 2001 Chapman c. Royaume-Uni) ou comme consacrant un droit de vivre à un endroit en particulier (CEDH 6 novembre 2017 Garib c. Pays-Bas). De sorte que la simple obligation de moyens mise en place par le dispositif n'apparaît pas contraire au droit conventionnel.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La mesure vise à renforcer l'efficacité des mesures de police administrative spéciale de lutte contre l'habitat informel à Mayotte.
Au vu du rythme des constructions nouvelles informelles à Mayotte, il est nécessaire de doter les services, des collectivités et de l'Etat, de moyens pour lutter contre cette expansion de l'habitat informel et indigne. Cette faculté relève du domaine de la loi conformément à l'article 34 de la constitution.
En premier lieu, le constat de la flagrance prévu au II de l'article 11-1 susmentionné, ne peut être établi que par des officiers de polices judiciaires, dans les 96 heures suivant la construction du bâtiment litigieux. Ce délai suppose que les officiers soient fortement présents sur le terrain.
En pratique, ce nouveau délai n'a pas été utilisé compte tenu de son caractère insuffisant. L'augmentation du délai de flagrance permettrait de traiter les constructions "en dur" qui sont appelées à prendre une part croissante si l'accès aux matériaux pour les constructions précaires (type tôles) est restreint. Il permet également de traiter des constructions localisées dans des endroits naturels reculés (hauteurs/ravines) pour lesquels un délai est nécessaire avant d'identifier la construction masquée par la végétation ou le relief.
Par ailleurs, la mobilisation des seuls officiers de police judiciaire pour constater la présence de constructions édifiées depuis moins de 96 heures pose difficulté au regard du territoire à couvrir et de l'ampleur du phénomène.
En deuxième lieu, au deuxième alinéa du I. de l'article 11-1 est institué une obligation pour l'Etat d'annexer au rapport motivé établi par les services chargés de l'hygiène et de la sécurité une proposition de relogement ou d'hébergement d'urgence adaptée à chaque occupant. Cette obligation est dans les faits inapplicable à Mayotte compte tenu de l'extrême rareté de l'offre d'hébergement disponible. Etant une condition préalable à l'exécution d'office de l'obligation d'évacuation, cette condition constitue un frein à la lutte contre les « bangas » qui présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.
En troisième lieu, le délai maximum fixés aux occupants pour évacuer les lieux en application du I. est perçu comme trop long pour mener des actions efficaces.
En quatrième lieu, dans sa rédaction issue de la loi ELAN, l'article 11-1 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 distinguait deux régimes :
- les bangas insalubres ou dangereux, occupés par des habitants (I de l'article 11-1),
- les constructions en cours d'édification, par hypothèse inhabitées (II de l'article 11-1).
Lorsqu'une construction illicite et inachevée est constatée en zone d'habitat informel par un officier de police judiciaire, le préfet pouvait ordonner sa démolition à la charge du propriétaire sous 24 heures, et procéder à son exécution d'office en cas d'inaction.
L'absence d'occupants justifiait jusqu'alors que la démolition puisse être décidée immédiatement, sous le contrôle éventuel du juge administratif. Toutefois, depuis, la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 a modifié cet équilibre en remplaçant, au II de l'article 11-1, la notion de « local ou installation en cours d'édification » par celle de « local ou installation construit depuis moins de quatre-vingt-seize heures », sans prendre en compte la possibilité qu'un tel local, bien que récent, puisse être clos et couvert et se faisant occupé depuis peu de temps. Il y a donc une absence de traitement de la situation d'un local occupé et construit depuis moins de quatre-vingt-seize heures. Il s'agit de corriger cette absence de prise en compte d'une éventuelle occupation.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à :
- Modifier la temporalité de l'édification d'un local ou d'une installation sans droit ni titre, à 7 jours (168 heures) pour permettre aux agents en charge de la lutte contre l'habitat informel d'intervenir plus efficacement sur le fondement du II ;
- Augmenter le nombre des agents en capacité de dresser les procès-verbaux (PV ci-après) de constat d'édification sur le fondement du II en habilitant tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés ;
- Mettre fin à une obligation systématique de proposition d'hébergement en la remplaçant par une obligation de moyens ;
- Abaisser la durée maximale fixée aux occupants pour quitter les lieux en application du I., à quinze jours (au lieu d'un mois) ;
- Corriger l'absence de traitement d'une éventuelle occupation créée par la loi habitat dégradé en mentionnant désormais au II de l'article 11-1 que la présence d'occupants dans un banga construit depuis moins de 7 jours est prise en compte, leur garantissant un délai minimum de 15 jours pour évacuer les lieux, identique à celui applicable aux bangas construits depuis plus de 7 jours (délai de flagrance passant de 96h à 7 jours en application du présent article).
L'objectif poursuivi par l'article est de rendre plus clair, plus opérationnel et adapté à Mayotte les instruments juridiques de police administrative visant à lutter contre l'habitat informel.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le dispositif vise à renforcer l'efficacité des mesures de police par un allongement du délai de flagrance, un élargissement de la liste des agents habilités à constater l'édification d'habitats informels, à lever la condition de proposition systématique d'hébergement et à harmoniser le délai minimum des occupants pour quitter les lieux.
En premier lieu, s'agissant de la liste des agents habilités à constater la présence d'habitats informels construits depuis mois de 7 jours, il est apparu opportun de renvoyer aux personnes habilitées en matière d'infractions pénales au droit de l'urbanisme. Cette police spéciale poursuit au final le même objectif que la mesure du II de l'article 11-1 de la loi du 23 juin 2011. Ainsi, ces constats portent sur la réalité de la construction en cours de réalisation ou réalisée et peuvent avoir pour finalité d'interrompre les travaux99(*) voire leur démolition démolition100(*).
En application de l'article L.480-1 du code de l'urbanisme, les personnes habilitées sont :
- un officier de police judiciaire : pour rappel le maire et tous ses adjoints ont la qualité d'officier de police judiciaire en application de l'article 16 du code de procédure pénale ;
- un agent de la police nationale ou de la gendarmerie ayant la qualité d'agent de police judiciaire (article 20 et 21 du code de procédure pénale) ;
- les agents des collectivités publiques commissionnés et assermentés par les maires ;
- les agents de l'État commissionnés et assermentés par le ministre chargé de l'urbanisme.
Ainsi, les personnes qualifiées pour dresser ce type de procès-verbal le sont :
Ø soit de plein droit en raison de leur qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire : Ils disposent à cet effet de l'ensemble des prérogatives qui leurs sont dévolues dans le code de procédure pénale,
Ø soit en raison de leur commissionnement et assermentation :
o le commissionnement est la décision administrative individuelle de l'autorité hiérarchique habilitant l'agent à constater les infractions. Il permet à tout agent public de dresser un procès-verbal dans le domaine d'une police spéciale ;
o ces fonctionnaires commissionnés doivent ensuite être assermentés c'est-à-dire qu'ils doivent prêter serment devant le tribunal judiciaire.
Le commissionnement et l'assermentation sont des formalités substantielles. A défaut, le procès-verbal serait inopérant. Il y a lieu pour ces fonctionnaires et agents d'être constamment porteurs de leur commissionnement lorsqu'ils exercent ces pouvoirs.
La disposition proposée, en renvoyant au premier alinéa de l'article L.480-1 du code de l'urbanisme, a pour seul objet de désigner la qualité de ces personnes et les autorités pouvant procéder au commissionnement et de garantir le même niveau d'assermentation qu'en matière d'infractions pénales au droit de l'urbanisme.
Par ailleurs, tout comme pour d'autres domaines pour lesquels il existe une police spéciale101(*), les dispositions réglementaires viendront prévoir l'assermentation et le commissionnement de ces personnes aux fins du constat prévu au II de l'article 11-1 précité.
En second lieu, compte tenu des caractéristiques et contraintes particulières à Mayotte, l'institution d'une obligation systématique d'offre de relogement ou de logement aux personnes concernées par les mesures prévues au I réduit l'ampleur et l'efficacité des opérations de police administrative menées sur le fondement de ces dispositions compte tenu de la rareté de l'offre disponible sur place. Dans la mesure ou aucune disposition constitutionnelle ou conventionnelle ne prévoit un droit à l'hébergement ou au relogement des occupants de biens immobiliers construits sans droit ni titre et délogés dans le cadre d'opérations de police administrative, il est apparu préférable de substituer à l'obligation systématique une obligation de moyens obligeant l'autorité administrative à formuler une proposition « le cas échéant » permettant ainsi d'assurer une conciliation entre d'éminents motifs de sauvegarde de l'ordre public à Mayotte et le droit au respect de la vie privée et familiale des occupants. Cette substitution a été préférée à une suppression pure et simple pour assurer une conciliation plus équilibrée entre les différentes exigences constitutionnelles et droits conventionnels en cause. En outre, le délai maximum fixé aux occupants pour évacuer les lieux en application du I. est abaissé à quinze jours.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article réécrit, uniquement pour son application à Mayotte, l'article 11-1 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. Cette récriture qui se trouvera dans le présent projet de loi primera à Mayotte sur celle de la loi de 2011 précitée.
Cette modification législative vient renforcer les pouvoirs de police spéciale de lutte contre l'habitat informel à Mayotte. Ces mesures d'adaptation du cadre juridique aux spécificités de la situation exceptionnelle à Mayotte, eu égard à l'ensemble des conditions et garanties qui entourent leur mise en oeuvre, subordonnée à l'existence de risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques assurent une conciliation équilibrée entre la nécessité de sauvegarder l'ordre public et les atteintes à la vie privée et à la dignité humaine.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Ainsi qu'il est démontré au 1.3, la disposition est compatible avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Les pouvoirs de police administrative de lutte contre l'habitat informel n'entrent pas dans le champ du droit de l'Union européenne.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La présente disposition entrainera la mobilisation d'entreprises du BTP, déménageurs, entreprises de stockage via la commande publique.
4.2.3. Impacts budgétaires
Les III de l'article 11-1 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer précise que les frais liés à l'exécution d'office des mesures prescrites (démolition des constructions en cours d'édification) sont supportés par l'Etat :
- Le programme 123 action 1 : au titre de la résorption de l'habitat insalubre et informel : mobilisation de la LBU déléguée à la DEALM démolition des constructions. En 2024, 3,8 millions d'euros ont été engagés pour des opérations de démolition de l'habitat informel.
- Le programme P177 pour l'hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables : mobilisation par la DIHAL via la DEETS. Le coût théorique : 37 euros par jour et par personne pour l'hébergement.
Si les procès-verbaux se multiplient et sont suivies de prescriptions de démolition, on peut s'attendre à une augmentation des moyens financiers de l'Etat déployés pour les exécutions d'office. L'estimation de ces besoins n'est à ce jour pas quantifiée.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les maires sollicitent la préfecture pour la mise en place d'une procédure article 197 Loi Elan. Le choix du site est réalisé en fonction des priorités d'actions du préfet ou de la collectivité-mairie demandeuse et répond aux conditions de prévention de risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.
L'article étend la liste des personnes habilitées à dresser un procès-verbal d'une construction sans droit ni titre en cours d'édification. Cette extension aura un impact sur les collectivités territoriales visées au premier alinéa du L. 480-1 du code de l'urbanisme qui pourront dorénavant constater cette infraction et la transmettre dans les plus brefs délais au représentant de l'Etat dans le département.
Dresser des procès-verbaux en application de l'article 11-1 à la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer peut nécessiter une courte formation si de nouveaux agents se font assermenter et commissionner à cet effet. En revanche, les agents d'ores et déjà assermentés et commissionnés devraient être en mesure d'appliquer cette disposition.
Les polices municipales de Mayotte sont financées et formées par la direction de l'aménagement, du logement et la mer de Mayotte (DEALM) concernant le volet urbanisme, ce qui participe à leurs capacités d'action dans le domaine du logement et de la résorption de l'habitat insalubre (RHI).
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'extension de la liste des personnes habilitées à dresser un procès-verbal aura un impact sur les agents de l'Etat visés au premier alinéa du L. 480-1 du code de l'urbanisme qui pourront dorénavant constater cette infraction et la transmettre dans les plus brefs délais au représentant de l'Etat dans le département.
A contrario, en étendant la liste des personnes habilités à constater, les officiers de police judiciaire, précédemment seuls compétents dans cette situation, devraient être moins mobilisés pour dresser les procès-verbaux.
En outre, en l'absence d'obligation systématique de relogement des occupants - l'autorité administrative n'étant tenue que de proposer un relogement ou un hébergement d'urgence qu'au regard des capacités disponibles - l'insuffisance des capacités d'hébergement disponible ne constituera plus un frein à la mise en oeuvre des pouvoirs de police, ce qui engendre un gain d'efficacité pour les services déconcentrés compte tenu de cette simplification administrative de la procédure de destruction.
Enfin, si la mesure est neutre pour les services chargés de l'hygiène et de la sécurité, de nouvelles missions de constatations par PV vont être exercées par des fonctionnaires et agents de l'Etat.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mise en oeuvre des mesures coercitives participera à prévenir les constructions informelles. Par ailleurs, la lutte contre l'expansion des bidonvilles aura un impact sanitaire sur les populations. D'après l'Insee (2019), 29% de la population à Mayotte est privé d'accès à l'eau courante. L'absence d'infrastructures d'assainissement, due principalement à la constitution de quartiers d'habitat informel a des conséquences sanitaires alarmantes pour la population avec des épidémies redoutées ou avérées tels que le choléra, la typhoïde, l'hépatite A et poliomyélite.
En augmentant les moyens de lutte contre les constructions informelles, l'Etat entend également lutter contre l'insalubrité.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Comme mentionné au 4.5.1 « impact sur la société », de nombreuses populations sont exposées à des risques sérieux pour la santé et la sécurité en raison des conditions de vie dans les bidonvilles. La topographie de l'île accentue le risque d'événements géologiques dévastateurs, menaçant directement l'intégrité des constructions informelles. Par ailleurs, l'ARS indique que 90 % de l'habitat à Mayotte se situe en zone à risque, dont la moitié en secteur d'aléa fort. Or, les constructions précaires, souvent érigées sans fondation, dans des zones à forte déclivité, après un terrassement sommaire et avec des matériaux légers, sont particulièrement vulnérables aux risques naturels : mouvements de terrain, sismicité, submersion, inondations, recul du trait de côte, etc.
Les mesures portées par le présent article visent ainsi à renforcer l'efficacité de la lutte contre l'habitat informel à Mayotte pour garantir la salubrité et la sécurité publique et améliorer les conditions de vie des habitants en réduisant leur exposition aux risques.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
La lutte contre l'extension de l'habitat informel est capitale pour préserver l'environnement.
L'habitat informel s'accompagne dans la majorité des cas d'un déficit en assainissement. A Mayotte, cela participe de la dégradation environnementale des écosystèmes fluviaux et du lagon, par l'arrivée d'eau polluée via les phénomènes de ruissellement, déversement ou percolation qui altère la qualité de l'eau et exacerbe la vulnérabilité de l'île aux pathologies hydriques et aux pollutions diffuses, en particulier des zones naturelles sensibles telles que les mangroves ou le récif corallien.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
Dans le cadre de la réponse législative et réglementaire à la crise de Mayotte liée au passage du cyclone Chido, les dispositifs dérogatoires d'urgence et non pérennes ont été inscrits dans la loi n°2025-176 du 24 février 2025 d'urgence.
L'objet du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte est d'apporter une réponse plus pérenne à la crise mais, au-delà, à la situation de Mayotte antérieure au cyclone. La multiplication du nombre de « bangas » à Mayotte est ancienne et d'une telle ampleur que le choix a été fait de rendre pérenne le perfectionnement des dispositions de police administrative spéciale de lutte contre l'habitat informel qui sont déjà pérennes. Les modifications proposées sont apparues nécessaires pour répondre durablement à un besoin d'amélioration des outils existants dans leur ensemble et non pour répondre seulement à un besoin conjoncturel.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'appliquera uniquement à Mayotte. L'option d'étendre les dispositions en Guyane a été écartée dans la mesure où la situation particulièrement aggravée à Mayotte justifie un renforcement des pouvoirs de police à Mayotte seulement.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
TITRE III - PROTÉGER LES MAHORAIS
CHAPITRE I - RENFORCER LE CONTRÔLE DES ARMES
Article 11 - Visites domiciliaires aux fins de recherches d'armes
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Marqueurs évidents d'une situation sécuritaire très dégradée, la circulation d'armes dont le port est prohibé (notamment d'armes blanches) et le recours à des armes par destination d'une part, et leur usage dans des contextes d'émeutes urbaines, d'autre part, constituent un des principaux enjeux de la préservation de la sécurité et de l'ordre publics à Mayotte.
Ainsi, le nombre de victimes de vols avec arme est en très forte augmentation (+ 203 % entre 2016 et 2024, soit une augmentation de 140 à 430 victimes) dans une proportion plus élevée qu'à l'échelle nationale (toutes zones de compétence confondues) sur la même période (+ 78 %, correspondant à une augmentation de 350 à 620 victimes).
Cette forte hausse des atteintes à la personne est directement liée à la circulation importante des armes sur le territoire de Mayotte. En effet, le nombre de délits pour port et détention d'armes prohibés a connu une hausse de 75% depuis 2015, atteignant plus de 317 faits constatés en 2024 (contre 80 en 2016).
Rapportés au nombre d'habitants, ces indicateurs traduisent une plus forte concentration du phénomène à Mayotte. Ainsi, en 2024, le département enregistre un taux de vols avec armes pour 1 000 habitants bien supérieur à la moyenne nationale (2,4 % contre 0,1 %).
Le département est également confronté au phénomène de bandes sévissant dans les quartiers informels dont les membres commettent des violences aggravées, des vols ou extorsions sous la menace d'armes blanches ou d'armes par destination. Ces bandes sont constituées par quartiers et composés de mineurs ou de jeunes majeurs qui vivent dans des bidonvilles (appelés « bangas » à Mayotte) ou dans des squats. En 2024, 1 769 faits de coups et blessures ont été enregistrés. Le taux est de 71,2 pour 10 000 habitants alors que sur le territoire métropolitain le taux est de 48,4 pour 10 000 habitants.
En 2024, l'intensité des événements de violences urbaines s'est accrue sur l'île en particulier en fin d'année, du fait des circonstances liées au cyclone Chido : usages réguliers de cocktails molotov, attroupements armés et organisation de guet-apens. Les policiers mahorais doivent quotidiennement faire face à des barrages enflammés sur la chaussée, des caillassages massifs des véhicules de police, des bus de transports scolaires ou des voitures des particuliers. 389 faits de jets de projectiles ou substances incendiaires ont été recensés en 2023 - dernière donnée disponible - (+73,85% par rapport à 2022) et 1253 faits de destructions et dégradations de biens publics et privés recensés en 2024102(*).
Ø L'utilité de la perquisition administrative et des visites domiciliaires
Des dispositifs spécifiques au cadre juridique de l'état d'urgence ou à la lutte contre le terrorisme ont été inscrits dans le code de la sécurité intérieure dans le but de prévenir les menaces pour l'ordre et la sécurité publics. Ainsi, lorsqu'il existe une menace pour la sécurité et l'ordre public en période d'état d'urgence, les forces de sécurité intérieure peuvent réaliser des perquisitions administratives. Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (L. 229-1 et suivants du code de la sécurité intérieure), les forces de sécurité intérieure peuvent réaliser des visites domiciliaires.
Ces dispositifs juridiques spécifiques constituent des mesures utiles permettant de confirmer ou de lever un doute sur une menace. Ils constituent en outre des mesures efficaces que les services de renseignement utilisent pour prévenir les menaces pour la sécurité et l'ordre public.
Elles permettent en outre la levée d'un doute sur une menace sans passer par une judiciarisation de la situation signalée ou d'étayer efficacement, par la collecte d'indices, une ouverture d'enquête sous une qualification terroriste par le parquet de Paris. La perquisition ou la visite domiciliaire permettent ainsi de conforter, dans certaines hypothèses, le renseignement initial et d'asseoir l'existence d'une possible infraction pénale.
- Dans le cadre de l'état d'urgence, des perquisitions administratives sont possibles lorsqu'il existe une menace pour la sécurité et l'ordre public :
L'article 11 de la loi 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence prévoit qu'une perquisition administrative peut être ordonnée, de jour comme de nuit, par le préfet de département, « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ».
Ces perquisitions administratives poursuivent une finalité exclusivement préventive. Ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, elles « ne peuvent avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions ». À la différence des perquisitions judiciaires, leur mise en oeuvre n'est donc pas conditionnée par la suspicion d'infractions pénales. En revanche, la caractérisation d'une menace pour l'ordre et la sécurité publics est nécessaire et la mesure de perquisition doit être proportionnée pour tenir compte dans son déroulement du respect des droits des personnes concernées.
Bien qu'elles soient effectuées en présence d'un officier de police judiciaire et donnent lieu à l'information du parquet, ces mesures de perquisition administrative, sous l'empire de l'état d'urgence, n'ont pas à être autorisées par un juge judiciaire ainsi que l'a expressément rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 précitée.
L'arrêté préfectoral ordonnant une perquisition administrative doit en toute hypothèse préciser le lieu et le moment de la perquisition ainsi autorisée. Il n'est toutefois pas possible de procéder à des perquisitions administratives dans certains lieux. C'est le cas de ceux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes munis d'une carte de presse. Cette exemption ne concerne toutefois pas leur domicile.
Diverses garanties, expressément prévues par l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 précitée, encadrent le déroulement des mesures de perquisition administrative : le procureur de la République est ainsi informé sans délai de la décision de l'autorité administrative ; la perquisition est conduite en présence d'un officier de police judiciaire ; elle ne peut, par ailleurs, se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins. Elle doit enfin donner lieu à l'établissement d'un compte-rendu communiqué sans délai au procureur de la République.
En outre, afin d'éviter la déperdition d'éléments de preuve, lorsque des éléments recueillis lors de la perquisition administrative initiale laissent raisonnablement supposer qu'un second lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics, les forces de l'ordre doivent pouvoir s'y transporter, « sans désemparer », en vue d'y poursuivre les opérations de perquisition. L'officier de police judiciaire chargé de la perquisition est ainsi habilité à prolonger une perquisition administrative dans un lieu autre que celui pour lequel la mesure a été autorisée initialement, par un ordre complémentaire de l'autorité administrative donné par tout moyen et régularisé en la forme dans les meilleurs délais.
- En dehors de l'état d'urgence, des mesures similaires sont prévues pour prévenir une menace terroriste :
La pratique de l'état d'urgence a démontré l'intérêt des perquisitions administratives pour prévenir les risques de troubles graves à l'ordre public. Elle a conduit, dans le cadre de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, à créer un régime de visite et de saisie domiciliaire, hors du cadre juridique de l'état d'urgence. Le code de la sécurité intérieure encadre ainsi les visites domiciliaires et saisies aux articles L. 229-1 à L. 229-6 en les limitant à des fins de prévention d'actes de terrorisme.
Ce régime de visite et de saisie domiciliaire est entouré de garanties. Sur le fond, le dispositif doit répondre à trois conditions. En premier lieu, il doit être mené aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme. En deuxième lieu, une visite domiciliaire ne peut être organisée que lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics. En troisième lieu, la personne concernée par la visite domiciliaire doit soit entrer en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutenir, diffuser, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhérer à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
Par ailleurs, des garanties procédurales sont prévues pour encadrer le dispositif. Le préfet territorialement compétent doit d'abord informer le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, en leur transmettant tous les éléments utiles ; il doit ensuite adresser une saisine motivée au juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire de Paris ; le procureur de la République de Paris adresse son avis au JLD et le JLD statue par une ordonnance écrite et motivée. Il existe plusieurs autres cadres juridiques qui confient à une autorité administrative, souvent sur autorisation d'un juge judiciaire, un pouvoir de visite domiciliaire et de saisie.
Sont notamment autorisées à réaliser des visites et saisies dans le cadre des missions qui leur sont confiées par la loi plusieurs autorités administratives indépendantes telles que l'Autorité de la concurrence, l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité de contrôle prudentiel, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), ainsi que certaines administrations et services d'inspection : inspection du travail, Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), administrations fiscale et douanière.
A titre d'exemple, l'administration fiscale dispose, en cas de suspicion d'agissements frauduleux, un droit de visite en tous lieux, même privés, ainsi que d'un droit de saisie, qui s'apparente à une perquisition ; la visite est autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention. Il en est de même pour les agents de l'administration de la concurrence et des fraudes, agissant à la demande de l'Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne, ou encore pour les enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers.
Bien qu'opérées par des agents de différentes administrations, ces visites visent à rechercher les infractions à la réglementation dont la répression relève en partie de ces administrations.
Ø La saisie des armes pour prévenir des troubles à l'ordre public n'est aujourd'hui possible que dans le cadre des dispositions existantes du code de la sécurité intérieure relatives à la remise des armes et au dessaisissement des armes
En l'état actuel du droit, la visite d'un domicile et la saisie des armes qui y sont trouvées n'est en conséquence pas possible, en dehors d'une perquisition judiciaire ou en dehors de la finalité de la prévention du terrorisme.
Le cadre juridique existant de saisie des armes est celui prévu par les articles L. 312-7 et suivants du code de la sécurité intérieure. La remise des armes peut ainsi être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département « si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes, de munitions et de leurs éléments présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui ». Par ailleurs, le représentant de l'Etat dans le département peut ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie le dessaisissement pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, en application des articles L. 312 11 et suivants du même code. Or, ces dispositifs supposent de savoir qu'un individu est détenteur d'une arme.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement et conventionnellement garantis, au nombre desquels figurent le respect de la vie privée et familiale et l'inviolabilité du domicile.
Ø Sur la conciliation entre l'inviolabilité du domicile, le respect de la vie privée et les exigences en matière de sécurité et d'ordre publics
La question de la nécessité d'une autorisation préalable par un juge judiciaire ne résulte pas expressément des exigences constitutionnelles ou conventionnelles.
Juridiquement, seuls deux motifs impliquent qu'une mesure coercitive soit décidée par un juge judiciaire :
- sa finalité répressive (recherche et poursuite des auteurs d'infractions) ;
- ou l'atteinte portée à la liberté individuelle, en application de l'article 66 de la Constitution, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel (« Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi »).
Les décisions du Conseil constitutionnel sur l'inviolabilité du domicile reposent, pour celles antérieures à 1999, sur un fondement constitutionnel qui n'est plus celui retenu aujourd'hui : l'article 66 de la Constitution. L'intervention de l'autorité judiciaire était alors une garantie essentielle de la protection de l'inviolabilité tant du domicile que du véhicule (décisions n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 et n° 90-281 DC du 27 décembre 1990.
À compter de 1999, cette jurisprudence a évolué, ne rattachant plus la protection du domicile à la liberté individuelle et à l'article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a ainsi admis une dérogation au principe de l'intervention préalable de l'autorité judiciaire à propos des visites de véhicules circulant ou arrêtés sur la voie publique lorsqu'il existe à l'égard du conducteur une ou plusieurs raisons de soupçonner qu'il a commis un crime ou délit flagrant en tant qu'auteur ou complice (n° 2003-467 DC du 13 mars 2003). Surtout, pour des finalités de police administrative, il a alors jugé que :
« 15. Considérant que l'article 13 de la loi déférée insère dans le code de procédure pénale un article 78-2-4 ainsi rédigé : " Pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis, 1° ter de l'article 21 peuvent procéder non seulement aux contrôles d'identité prévus au septième alinéa de l'article 78-2 mais aussi, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République communiquées par tous moyens, à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. - Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder trente minutes. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 78-2-2 sont applicables aux dispositions du présent article " ;
16. Considérant, s'agissant des visites de véhicules réalisées dans le cadre de la police administrative, que ces dispositions satisfont aux exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus en raison de la condition à laquelle elles subordonnent ces visites ; qu'elles ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution ; qu'elles sont formulées en termes assez clairs et précis pour respecter la mission confiée au législateur par l'article 34 de celle-ci »
Il résulte de l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel amorcée en 1999 que, hors du cadre des actes de police judiciaire (voir n° 2004-494 DC du 4 mars 2004 ou 2011-625 QPC du 10 mars 2011), l'intervention de l'autorité judiciaire pour autoriser la pénétration dans un domicile n'est plus une exigence constitutionnelle.
Toutefois, des garanties légales assurant le respect des exigences constitutionnelles découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789 doivent encadrer la pénétration dans un domicile. Une autorisation d'un juge du siège (en l'espèce le juge des libertés et de la détention près le TJ de Mayotte), option retenue par la disposition proposée, constitue une telle garantie.
Même si leurs modes de contrôle, leurs références et leurs rédactions diffèrent, les jurisprudences du Conseil constitutionnel, de la CEDH et de la CJUE convergent pour l'essentiel sur les principes applicables en matière de perquisitions ou de visites domiciliaires susceptibles de mettre en cause l'inviolabilité du domicile, qui peuvent être résumés de la manière suivante :
- si, lorsque le contrôle d'un juge est prévu, il constitue une garantie forte, son caractère préalable n'est pas requis ;
- d'autres garanties procédurales peuvent permettre de contrebalancer l'absence d'un contrôle préalable ;
- le contrôle du caractère suffisant de ces garanties est toutefois renforcé en l'absence d'un contrôle préalable ;
- cette appréciation s'opère au regard des pouvoirs dont dispose l'autorité qui procède aux perquisitions et du but poursuivi ;
- en toute hypothèse, les personnes visées doivent bénéficier de voies de recours appropriées, permettant un contrôle effectif, indépendamment de celui exercé sur les décisions subséquentes à ces mesures de perquisitions ou visites (Voir par exemple CEDH, 15 octobre 2013, Gutsanovi c. Bulgarie, n° 34529/10 §§ 220 et 222 ; Décision n° 2011-150 QPC du 13 juillet 2011, SAS Vestel et autre, à propos des perquisitions douanières).
Dans son avis n° 393348 du 15 juin 2017 portant sur le projet de loi devenu la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme en dehors de l'état d'urgence, le Conseil d'Etat a estimé que les dispositions créant les visites et saisies domiciliaires opéraient une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre les exigences de l'article 2 de la DDHC de 1789 et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et se trouvaient justifiées par la finalité poursuivie.
Il a également considéré que ces dispositions présentaient des garanties significativement plus importantes que celles de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 :
- « en retenant des conditions de mise en oeuvre de ces visites, qui sont les mêmes que celles exigées pour les mesures individuelles de surveillance et de contrôle administratif, nettement plus exigeantes pour l'autorité administrative que celles des perquisitions de l'état d'urgence ;
- en apportant une garantie suffisante, sous la forme choisie du juge de la liberté et de la détention près le tribunal judiciaire de Paris, qui autorise la visite, contrôle son déroulement et autorise l'exploitation des données informatiques saisies, ses décisions pouvant faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel ;
- en subordonnant la retenue sur place de la personne à l'égard de laquelle a été autorisée la visite à l'information préalable du même juge qui peut y mettre fin à tout moment, cette retenue ne pouvant excéder 4 heures ;
- en limitant les saisies à la finalité de la visite, qui consiste exclusivement à prévenir les actes de terrorisme. »
Par ailleurs, dans sa décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, le juge constitutionnel a considéré que les visites domiciliaires prévues aux articles L. 229-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, dont s'inspire la mesure proposée pour Mayotte, sont conformes à la Constitution au regard des garanties posées par le législateur : « le législateur, qui a à la fois strictement borné le champ d'application de la mesure qu'il a instaurée et apporté les garanties nécessaires, a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et la liberté d'aller et de venir ».
Au vu de ces décisions et avis, l'intervention d'une autorité judiciaire apparaît a minima requise pour apporter une garantie suffisante au caractère constitutionnel d'une visite domiciliaire.
Ø Sur l'adaptation de lois et règlements particuliers à un territoire ultra marin dans une matière liée à l'ordre public
A la différence des dispositions précitées prévues aux articles L. 229-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, le projet de loi instaure la possibilité de prévoir, dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, un droit de passage à travers des locaux non concernés par la visite domiciliaire mais situés sur son trajet, lorsque cette visite vise un lieu enclavé ou difficilement accessible du fait de la présence de locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituant un habitat informel, aux seules fins de rejoindre le lieu visé par la réquisition, y compris lorsqu'il s'agit de lieux affectés à un usage d'habitation.
L'article 73 de la Constitution indique que « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »
Le statut particulier d'un département et d'une région d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution offre ainsi un fondement constitutionnel au législateur pour adapter, dans ces territoires et en fonction de leurs caractéristiques et contraintes particulières, les lois dans toutes les matières qui demeurent de sa compétence. Le législateur national et l'autorité détentrice du pouvoir réglementaire peuvent être à l'origine de l'adaptation en prévoyant des aménagements particuliers à la législation ou à la réglementation de droit commun dans un ou plusieurs territoires ultra marins.
Une différence de traitement, alors que des personnes sont placées dans une situation identique, peut donc être admise. Toutefois, cette adaptation doit répondre à des limites. Elle ne doit pas déroger, par sa nature ou son ampleur, de façon trop importante aux dispositions de droit commun applicables sur le reste du territoire de la République. A cet égard, le Conseil constitutionnel tient notamment compte du fait que l'adaptation est suffisamment circonscrite et proportionnée (décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018) et présente des garanties dans sa mise en oeuvre (décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018).
Il a ainsi été conduit à plusieurs reprises à admettre, compte tenu des spécificités de la collectivité d'outre-mer concernée, la conformité à la Constitution de règles dérogatoires au droit commun, notamment en matière de législation sur les étrangers.
S'agissant de Mayotte, il a, par exemple, validé la constitutionnalité des dispositions de l'article 2493 du code civil qui instaurent une condition supplémentaire pour l'acquisition de la nationalité par un enfant né de parents étrangers à raison de sa naissance et de sa résidence en France, tenant au caractère régulier et ininterrompu du séjour de l'un des parents au moment de sa naissance (décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018).
Les contraintes particulières d'ordre public auxquelles Mayotte est confrontée en raison de flux migratoires exceptionnellement importants, ont déjà été prises en compte par le Conseil constitutionnel pour accepter un régime uniquement applicable dans ce département concernant le contrôle de l'identité de toute personne sur l'ensemble du territoire en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi (décision n° 2022-1025 QPC du 25 novembre 2022), sous réserve que ce contrôle soit fondé sur des critères excluant toute discrimination.
Ces risques ont également été pris en considération par le Conseil d'Etat lorsqu'il a refusé de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel par laquelle le requérant soutenait que les dispositions de l'article L. 111-3 du CESEDA portaient atteinte au principe d'égalité devant la loi, en ce qu'elles créent une différence de traitement injustifiée entre les étrangers ayant séjourné à Mayotte et ceux ayant séjourné sur d'autres parties du territoire (décision du 10 février 2023, n° 468884 QPC). A cette occasion, il a jugé que « le régime de l'entrée et du séjour des étrangers défini par les dispositions contestées tend à prendre en compte une situation particulière tenant à l'éloignement et à l'insularité de la collectivité de Mayotte, ainsi qu'à l'importance des flux migratoires dont elle est spécifiquement l'objet et aux contraintes d'ordre public qui en découlent. Si, ainsi que le relève le requérant, Mayotte relève, depuis le 31 mars 2011, en application de l'article L.O. 3511-1 du code général des collectivités territoriales, du régime de l'identité législative prévu à l'article 73 de la Constitution, l'instauration d'un tel régime ne fait pas obstacle à ce que soient maintenues en vigueur sur ce territoire des dispositions législatives particulières qui y étaient antérieurement applicables. Il suit de là que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ne présente pas un caractère sérieux. »
En matière d'adaptation à un autre territoire ultra marin mettant en jeu ordre public et liberté individuelle à propos d'un lieu privé, le Conseil constitutionnel a par ailleurs jugé que « le législateur a pu, pour prendre en compte la situation particulière du département de la Guyane en matière de circulation internationale des personnes, rendre applicable une procédure de visite sommaire de certains véhicules en vue de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France à ce département, dans une zone comprise entre les frontières terrestres et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà, sans rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle ; qu'il n'a pas non plus, compte tenu de cette situation en relation directe avec l'objectif qu'il s'est fixé de renforcer la lutte contre l'immigration clandestine, porté atteinte au principe constitutionnel d'égalité. » (décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme indique que toute personne a droit à un procès équitable et en précise les garanties.
Afin de respecter cet article, l'acte de notification de l'ordonnance autorisant les visites domiciliaires et saisies des articles L. 229-1 et suivants du code la sécurité intérieure et le procès-verbal dressé lors de ces visites font mention des voies et délais de recours.
L'article 8 de cette même Convention prévoit également que : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui ».
Ce principe a été précisé par la Cour européenne des droits de l'Homme, notamment dans ses arrêts Gillow c. Royaume-Uni du 24 novembre 1986 et Chappell c. Royaume-Uni du 30 mars 1989. La cour adopte également une définition large de la notion de domicile en admettant l'inviolabilité de certains locaux ou activités professionnels ou commerciaux, comme un cabinet d'avocats (Affaire Niemietz c. Allemagne du 16 déc. 1992).
La mesure, en prévoyant que les lieux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes et les domiciles des personnes concernées ne peut faire l'objet de visites domiciliaires et saisies aux fins de recherche d'armes, permet de garantir le respect de l'article 8.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Dans un contexte de sécurité particulièrement difficile sur le territoire de Mayotte, des mesures adaptées et spécifiques se révèlent nécessaires.
La situation géographique de Mayotte l'expose à un contexte migratoire particulier et à des risques accrus en matière d'ordre public.
L'année 2023 a été marquée par une augmentation du nombre et de l'intensité des épisodes de violences urbaines. Pour l'année 2023, 6 209 faits d'atteintes aux biens (+ 18,1 % par rapport à 2022) et 5551 en 2024 ont été enregistrées. En 2023, 5 196 faits d'atteintes volontaires à l'intégrité physique (+ 6,8% par rapport à 2022) et 4817 en 2024 ont été enregistrés. 618 personnes ont été victimes de vols avec armes à Mayotte en 2024 (+9,8 % depuis 2016). En outre, les faits de port et de détention d'armes prohibées sont en hausse de 9% entre 2022 et 2023.
Le niveau de violence visant les forces de l'ordre est également en hausse constante. Les violences à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique sont ainsi passées de 433 à 626 faits entre 2022 et 2023, soit une progression de + 44,6%. Le nombre de caillassages, de véhicules dégradés et de policiers blessés ne cesse de progresser.
Par ailleurs, les spécificités de son habitat, constitué en partie d'habitations précaires et imbriquées et au développement anarchique, appelées « bangas », entretiennent une confusion importante entre lieu privé à usage d'habitation, lieu privé à usage professionnel et lieux publics. La situation est d'autant plus complexe que l'agencement et l'affectation des espaces occupés sans droit ni titre sont régulièrement modifiés. Au 1er janvier 2024, les services de la préfecture dénombraient environ 25 000 « bangas » sur l'île, représentant environ 35% de l'habitat total, dans lesquels vivent environ 100 000 personnes sur une population globale estimée par l'Insee à 321 000 personnes.
Or, la jurisprudence européenne et nationale confère aux « bangas » une protection assimilable à celle d'un domicile à partir du moment où ils sont à usage d'habitation.
Dès lors, il paraît incontournable, pour ne pas priver la mesure de son opérationnalité et de son efficacité, d'autoriser les agents chargés des opérations de visite à traverser les habitats intermédiaires affectés à un usage d'habitation quand il n'existe aucun autre passage pour atteindre le lieu visé par une visite domiciliaire.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La visite domiciliaire à des fins de recherche d'armes a pour objectif de prévenir la commission d'actes susceptibles de provoquer des troubles à l'ordre public pouvant dégénérer en affrontements armés à Mayotte et de saisir les armes.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une option envisagée a été de prévoir que la visite à des fins de recherche d'armes et leur saisie éventuelle soient ordonnées par le préfet, après information du procureur de la République territorialement compétent, sur le modèle des perquisitions administratives prévues par la loi 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. L'autorisation du juge des libertés et des détentions, dans cette option, n'était pas prévue.
Cette option, qui ne présentait pas toutes les garanties de constitutionnalité et de conventionalité, a été écartée.
En dehors de l'état d'urgence, les régimes de visites domiciliaires destinées à constater des manquements administratifs prévoient tous l'intervention du juge des libertés et de la détention. C'est notamment le cas, lorsque des agents dotés de pouvoirs de police spéciale mettent en oeuvre des visites de locaux en matière de produits dangereux pour la santé publique (article L. 1421-2-1 du code de la santé publique qui concerne les pouvoirs d'inspection de l'IGAS et d'autres services sanitaires), en matière de police des mines (article L. 175-9 du code minier), en matière de contrôle de l'ARCEP (article L. 5-9-1 du code des postes), en matière de police administrative des étrangers concernant la visite du domicile d'un étranger assigné à résidence, et dont le comportement fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement, afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou le placer en rétention administrative (article L. 733-7 du CESEDA), et en matière de contrôle douanier hors flagrant délit (articles 60 à 60-10 et 64 du code des douanes modifiés par la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 suite à la décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022).
Dans son avis n° 393348 du 15 juin 2017 précité sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme, le Conseil d'Etat a considéré que la substitution par le Gouvernement de l'intervention initialement prévue du procureur de la République par celle du juge des libertés et de la détention pour autoriser et contrôler la visite « était de nature à lever les doutes sérieux sur la constitutionnalité et la conventionalité du projet [...] ».
Dans sa décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 précitée, le juge constitutionnel a considéré que les visites domiciliaires prévues aux articles L. 229-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, dont s'inspirent la mesure proposée pour Mayotte, sont conformes à la constitution au regard des garanties posées par le législateur parmi lesquelles figurent l'autorisation par le juge judiciaire.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Il a été décidé de diviser en deux sections le chapitre II du titre IV du livre III du code de la sécurité intérieure, une relative aux dispositions générales et une relative aux visites et saisies dans laquelle les nouvelles dispositions visant à renforcer le contrôle des armes sont insérées.
Le dispositif envisagé reprend le régime juridique relatif d'une part, aux visites et saisies prévues aux articles L. 229-1 et suivants du code de la sécurité intérieure et, d'autre part, aux opérations de remise d'armes à l'autorité administrative prévues à l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure. Il prévoit les mêmes garanties de fond et de procédure ainsi que les mêmes voies et délais de recours.
Ø Un champ d'application encadré
La visite domiciliaire doit réunir deux conditions cumulatives. D'une part, elle doit avoir pour finalité la saisie d'armes, de munitions et de leurs éléments relevant des catégories A à D ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique, aux seules fins de prévenir la commission d'actes susceptibles de provoquer des troubles graves à l'ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d'une arme, d'autre part, il doit exister des raisons sérieuses de penser que le lieu est fréquenté par une personne susceptible de participer à ces troubles.
Ø Une subsidiarité par rapport aux perquisitions judiciaires
La visite domiciliaire est demandée par le représentant de l'Etat dans le département au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mamoudzou aux fins de l'autoriser, par ordonnance, après avis du procureur de la République. Les locaux parlementaires ou d'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes et les domiciles des personnes concernées sont exclus.
Afin de garantir cette subsidiarité, le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Mayotte est systématiquement saisi pour avis d'un projet de visite et de saisie, et ce, avant que l'autorisation en soit demandée au juge des libertés et de la détention. Cette saisine vise à ne pas interférer avec d'éventuelles procédures judiciaires en cours ou à permettre à l'autorité judiciaire d'ordonner elle-même une perquisition judiciaire au vu des éléments qui lui ont été transmis.
La saisine préalable du procureur de la République permet à ce dernier d'apprécier si les éléments au soutien de la requête aux fins de visite et de saisie doivent plutôt conduire à une perquisition judiciaire. À cet égard, il reçoit tous éléments relatifs à ces opérations, lui permettant une appréciation fine du projet de l'autorité administrative.
L'information par l'officier de police judiciaire du procureur territorialement compétent, de la découverte d'une infraction lors du déroulement de la visite et de la saisie, le met en capacité de traiter les suites pénales de cette mesure administrative.
Ø Une mesure adaptée à la spécificité du territoire mahorais
Une servitude est instituée pour tenir compte de la spécificité de l'urbanisme à Mayotte et garantir l'effectivité de la mesure de visite y compris au sein des habitats informels fortement enclavés et imbriqués. Ainsi, lorsque la visite domiciliaire vise un lieu enclavé ou difficilement accessible du fait de la présence de locaux ou installations édifiés sans droit ni titre à usage professionnel ou constituant un habitat informel, l'ordonnance peut autoriser les agents chargés des opérations à traverser ces installations aux seules fins de rejoindre le lieu visé par la réquisition, y compris lorsque les lieux traversés sont affectés à un usage d'habitation.
Ø Le juge des libertés et de la détention autorise l'ensemble des opérations de visite et de saisies
L'ensemble des opérations de visite et de saisie sont placées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'autorise dans son principe, ainsi que la saisie des armes ou des objets habituellement utilisés comme telle, des munitions et éléments.
Le juge des libertés et de la détention détient non seulement un rôle d'autorisation mais également de contrôle du déroulement des opérations, celui-ci pouvant se transporter sur place pour en contrôler la régularité, mais aussi en décider la suspension ou l'arrêt.
La forme de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention prévoit l'adresse ou l'identification par tous moyens du ou des lieux dont la visite et la saisie est autorisée, les noms et qualités des agents autorisés à y procéder et l'identité de l'officier de police judiciaire présent. Elle indique également la possibilité pour les personnes concernées d'être assistées du conseil de leur choix ainsi que les voies de recours contre cette décision, ce qui est conforme aux exigences de l'article 6 de la CEDH.
La visite est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d'un conseil de son choix et elle ne peut avoir lieu qu'entre 6 heures et 21 heures, horaires correspondant au droit commun des visites domiciliaires administratives ou des perquisitions judiciaires sur l'ensemble du territoire national.
Ø Un contrôle effectif
Par analogie avec les autres dispositifs existants, l'autorisation consentie par le juge des libertés et de la détention est susceptible de recours auprès du président de la chambre d'appel de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion à Mamoudzou, puis d'un pourvoi en cassation.
De même, le déroulement des opérations est également soumis au contrôle du président de la chambre d'appel de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion à Mamoudzou, puis d'un pourvoi en cassation.
Comme pour tous les régimes de visites ordonnées en dehors d'une procédure judiciaire, la personne concernée peut donc contester à la fois l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la visite et la régularité de son déroulement.
Une retenue administrative sur place est prévue lorsque la personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics, est susceptible de fournir des renseignements sur les armes recherchées ou découvertes sur le lieu de la visite ayant un lien avec la prévention des troubles graves à l'ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d'une arme et ayant justifié la visite. Cette retenue est limitée à quatre heures à compter du début de la visite, elle est réalisée après information du juge des libertés et de la détention qui peut y mettre fin à tout moment.
Lorsqu'une infraction est constatée, l'officier de police judiciaire en dresse procès-verbal, procède à toute saisie utile et en informe sans délai le procureur de la République. Ce régime est différent de celui des perquisitions fondées sur l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence qui ne prévoit pas d'autorisation du juge et où l'ensemble des personnes présentes sur le lieu de visite et de saisie peuvent être retenues lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
Ainsi conçu, le dispositif est conforme à la jurisprudence constitutionnelle et conventionnelle (cf CEDH, 21 février 2008, Ravon , req. n° 18497/03 ou CC n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014 et 2014-390 QPC du 11 avril 2014), qui impose, pour que des autorisations de visite et de saisie dans un domicile soient conformes aux exigences des principes de droit de la défense et de droit au recours effectif, que, non seulement l'autorisation soit délivrée préalablement par un juge, mais encore que soit ouvert un recours effectif contre cette autorisation, avec un examen au fond par l'instance de recours, et qu'un contrôle indépendant soit également prévu sur le déroulement de la visite.
Enfin, les armes, les munitions et leurs éléments saisis sont conservés pendant un an maximum par les services de police ou de gendarmerie territorialement compétents. Les personnes dont l'arme, les munitions et leurs éléments ont été saisis n'ont ensuite pas le droit d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments sauf si le représentant de l'Etat décide de la restitution de ces derniers.
A l'issue de ce délai maximal d'un an, et après avoir mis l'intéressé visé par la visite du lieu qu'il fréquente de présenter ses observations ainsi que l'individu tiers, propriétaire d'une arme de catégories A à C le cas échéant saisie lors de la visite, la saisie devient définitive. Les armes, munitions et leurs éléments sont alors détruits. L'interdiction d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments mentionnée ci-dessus peut être levée par le représentant de l'Etat dans le département en considération du comportement du demandeur depuis la saisie.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Les présentes dispositions créent une « Section 1 : Dispositions générales » au sein du chapitre II du titre IV du livre III du code de la sécurité intérieure et comprenant l'article L. 342-1.
Il est également ajouté une « Section 2 : Visites et saisies » comprenant les nouveaux articles L. 342-2, L. 342-3, L. 342-4, L. 342-5, Art. L. 342-6, L. 342-7 et L. 342-8 visant à renforcer le contrôle des armes.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Au regard de la forte circulation des armes à Mayotte et principalement des objets utilisés comme armes par destination (machettes, etc), le nombre de visites domiciliaires aux fins de recherches d'armes sera amené à être conséquent lors de l'entrée en vigueur de cette mesure.
Actuellement le tribunal judiciaire de Mayotte compte deux juges des libertés et de la détention ainsi que cinq juges susceptibles d'exercer ces fonctions, notamment dans le cadre des permanences.
L'ajout à la compétence des juges des libertés et de la détention à Mayotte des visites domiciliaires et des saisies d'armes qui seront réalisées dans ce nouveau cadre juridique constituera une charge supplémentaire pour les services judiciaires locaux.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La présente disposition permettra de faire baisser les faits de délinquance avec arme grâce aux saisies et destructions qui seront opérées.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert aucune mesure d'application.
Article 12 - Remise des armes
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Deux dispositions législatives existantes permettent à l'autorité administrative de retirer une arme à son détenteur : la procédure de remise et la procédure de dessaisissement.
D'une part, l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure autorise le représentant de l'Etat dans le département à ordonner la remise immédiate d'armes de toutes catégories lorsque le comportement ou l'état de santé d'un détenteur présente un danger grave pour lui-même ou pour autrui. Cette mesure d'urgence est prise sans formalité préalable ni procédure contradictoire. Elle s'accompagne ensuite d'une phase contradictoire pour déterminer s'il convient de saisir définitivement les armes ou de les restituer au détenteur. La remise des armes entraîne l'inscription du détenteur au Fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA), inscription qui peut être levée si les armes sont restituées.
D'autre part, l'article L. 312-11 du même code permet au représentant de l'Etat dans le département, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, d'ordonner à tout détenteur d'armes, de munitions et de leurs éléments, de s'en dessaisir dans un délai, en principe, de trois mois. Cette mesure emporte aussi l'inscription du détenteur au FINIADA, inscription qui est levée lorsque l'autorité constate que l'acquisition et la détention des armes par la personne concernée ne présente plus de danger pour l'ordre public ou la sécurité des personnes.
Ces deux procédures, motivées par l'urgence d'un danger immédiat ou un risque pour l'ordre public publique ou la sécurité des personnes, visent à déposséder définitivement un détenteur de ses armes et à l'empêcher de faire l'acquisition de nouvelles armes.
La nouvelle mesure se distingue par son approche générale et impersonnelle. Elle autorise ainsi, pour une durée limitée dans le temps, le représentant de l'Etat dans le département à ordonner la remise temporaire de l'ensemble des armes, munitions et leurs éléments, sans que cette remise soit assortie d'une interdiction d'acquisition et de détention d'armes pour les personnes concernées. À l'issue de l'ordre de remise, les armes seront restituées à leurs détenteurs.
L'Application de gestion du répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d'armes (AGRIPPA) recense, pour le département de Mayotte, un total de 339 armes de catégorie B et 700 armes de catégorie C, enregistrées pour 862 détenteurs actifs. Les armes de catégorie D, libres d'acquisition et de détention, ne sont pas soumises à déclaration. Par conséquent, le nombre exact de ces armes et de leurs détenteurs dans le département reste inconnu, car elles ne font l'objet d'aucun enregistrement auprès des autorités compétentes.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le présent article du projet de loi a pour principal objet d'imposer la remise temporaire des armes régulièrement détenues par des particuliers afin d'en prévenir un usage malveillant dans un contexte de violences exacerbées. Cette mesure s'inscrit dans la nécessité de préserver l'ordre et la sécurité publics.
Cette mesure qui restreint le droit de propriété garantit par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en privant un détenteur de la liberté de jouir de ses armes relève du domaine de la loi conformément à l'article 34 de la Constitution qui donne compétence au législateur pour déterminer le régime général de la propriété.
Dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises qu « 'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice de ces libertés constitutionnellement garanties et d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et notamment des atteintes à la sécurité des personnes et des biens qui répond à des objectifs de valeur constitutionnelle " (décision 89-261 DC 28 juillet 1989, décision 94-352 DC, 18 janvier 1995).
Ce principe sous-tend la nécessité de protéger l'ordre public et la sécurité collective en régulant la détention d'arme telles que l'illustrent déjà les mesures d'injonctions préfectorales prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-11 du code de la sécurité intérieure qui permettent au représentant de l'Etat dans le département d'ordonner à un individu de se déposséder de ses armes.
La procédure de remise prévue au présent article du projet de loi répond à des finalités similaires dans un contexte particulier.
Cette remise imposée pour des raisons de sécurité apparaît conforme aux principes constitutionnels de légalité, de nécessité, et de proportionnalité.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Il n'existe aucune disposition permettant au représentant de l'Etat à Mayotte d'ordonner à l'ensemble des détenteurs réguliers la remise de leurs armes, munitions et éléments.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi par cette disposition est de prévenir les troubles à la sécurité et à l'ordre publics en supprimant pendant une période limitée dans le temps la possibilité d'utiliser des armes régulièrement détenues dans le département de Mayotte, dans un contexte de violences et de tensions susceptibles de se transformer en affrontements armés.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La prise d'une telle mesure par arrêté du représentant de l'Etat au titre de son pouvoir de police administrative générale sur le fondement du 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales semble fragile juridiquement, en ce qu'elle constitue une interdiction générale et absolue de détention d'armes régulièrement détenues, sans risque de danger pour la sécurité publique personnellement imputable à chaque détenteur. Une telle mesure relève du niveau législatif et ne peut être envisagée que pour une durée déterminée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le dispositif retenu autorise le représentant de l'Etat dans le département à ordonner pour une durée déterminée la remise par leurs détenteurs de l'ensemble des armes et munitions légalement détenues ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique, dans un contexte de troubles graves à l'ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d'une arme. Les armes remises sont conservées pour trois mois au plus. Cette durée est renouvelable si les conditions restent réunies.
L'arrêté du représentant de l'Etat dans le département précise les motifs de la mesure, le territoire ainsi que les armes et objets concernés par l'obligation, les conditions de la remise, le délai au terme duquel le détenteur doit avoir procédé à celle-ci, la durée de conservation des armes et objets remis, les cas dans lesquels il peut y être dérogé pour motif légitime, les peines encourues en cas de méconnaissance des prescriptions ainsi que les voies et délais de recours.
Lorsque les conditions prévues, pour ordonner la remise des armes et munitions légalement détenues ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique, ne sont plus remplies et, au plus tard, à l'échéance du délai de conservation prévu par l'arrêté préfectoral, les armes et objets remis sont rendus à leur propriétaire. Les détenteurs et objets remis conformément à l'arrêté préfectoral précité peuvent toutefois décider de remettre volontairement leurs armes aux fins de destruction. Par ailleurs, les armes détenues irrégulièrement sont détruites. Le non-respect des mesures ordonnées par l'arrêté du représentant de l'Etat est puni de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende. Cette peine est assortie d'une peine complémentaire de confiscation qui peut être prononcée et qui permet de mettre en oeuvre, en flagrance, la mesure de saisie immédiate des armes et munitions légalement détenues ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique, dans un cadre judiciaire.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Cette mesure vient compléter le dispositif législatif existant, qui permet déjà d'ordonner la remise d'armes, munitions et leurs éléments à titre individuel (article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure), d'une mesure de remise générale pour une durée déterminée qui ne peut excéder six mois.
Le chapitre II du titre IV du livre III du code de la sécurité intérieure est complété par une « Section 3 : Injonctions préfectorales ». Cette section comporte un nouvel article L. 342-9 visant à faciliter la remise d'armes.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure implique la remise par les forces de sécurité intérieure d'un récépissé aux détenteurs ayant remis leurs armes ainsi que la conservation de celles-ci, à l'instar du dispositif prévu à l'article L. 312-8 du code de la sécurité intérieure pour la remise d'armes, munitions et leurs éléments à l'autorité administrative.
Elle implique également le suivi par les services préfectoraux de la remise des armes par les détenteurs connus de l'administration (enregistrées dans la base AGRIPPA des possesseurs d'armes à feu) ainsi que le signalement à l'autorité judiciaire de ceux qui n'auraient pas remis leurs armes à l'Etat.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure vise à prévenir les troubles graves à l'ordre et à la sécurité publics dans le département de Mayotte, qui connait des tensions particulières au regard du contexte économique et social du territoire.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Cette mesure concerne l'ensemble des détenteurs particuliers d'armes, éléments d'armes et munitions dans le département de Mayotte. Le seul impact sera l'immobilisation des armes remises pendant la durée d'application de la mesure. Les armes seront restituées à l'issue à leur propriétaire.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
La mise en oeuvre de la mesure nécessite la prise d'un arrêté préfectoral.
CHAPITRE II - RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE L'EMPLOI D'ÉTRANGERS SANS TITRE
Article 13 - Permettre aux officiers et agents de police judiciaire, sur réquisition du procureur de la République, de traverser un local tiers - y compris un domicile - pour pénétrer dans les lieux à usage professionnel
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La lutte contre le travail illégal représente un enjeu crucial pour la France, tant du point de vue des droits des travailleurs que de la santé économique et sociale du pays. En effet le travail illégal est souvent associé à des conditions de travail précaires, des salaires inférieurs au minimum légal et des pratiques abusives qui exploitent les travailleurs les plus vulnérables, notamment ceux en situation irrégulière. Il prive également l'État d'une partie des recettes fiscales et cotisations sociales qui sont essentielles au financement des services publics et de la sécurité sociale.
C'est la raison pour laquelle la France met en oeuvre une politique globale de lutte contre toutes les formes de travail illégal et de fraude sociale. Au-delà des actions de prévention et de coopération mises en oeuvre, à l'instar du plan national de lutte contre le travail illégal (2023- 2027)103(*) ou encore le plan de lutte contre la fraude sociale initié le 30 mai 2023, les forces de sécurité intérieure et les services administratifs disposent de prérogatives propres permettant le contrôle des activités professionnelles et, le cas échéant, la sanction des manquements constatés. C'est par exemple l'objectif poursuivi par le Comité Opérationnel Départemental Anti-Fraude (CODAF) de Mayotte composé de plusieurs services et directions de l'État oeuvrant dans ce domaine.
C'est dans ce contexte que l'article 19 de la loi n°97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration a été voté par les parlementaires et a inséré l' article 78-2-1 au sein du Code de procédure pénale. Ce dernier autorise les officiers de police judiciaire et sur l'ordre ou la responsabilité de ceux-ci les agents de police judiciaire, ainsi que les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) de ce code, sur réquisitions du procureur de la République, à visiter des lieux à usage professionnel, ainsi que leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile. Cette entrée est permise en vue de s'assurer que les activités professionnelles sont réalisées dans le respect des articles L. 5221-8, L. 8221-1, L. 8221-2 et L. 8251-1 du Code du travail.
Si les dispositions de cet article tendent à s'appliquer sans difficulté sur le territoire métropolitain et en Outre-mer de manière générale, la situation d'urbanisation singulière que connaît Mayotte, se traduisant par le développement des « bangas », rend nécessaire l'adaptation des dispositions de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale quant au périmètre des lieux pouvant être concernés par une telle réquisition.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La protection du domicile relève de l'article 2 de la DDHC de 1789 « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ».
La visite domiciliaire porte donc nécessairement une atteinte au droit au respect de la vie privée et suppose l'existence des garanties légales fortes pour encadrer la possibilité de pénétrer dans un domicile sans l'assentiment des occupants des lieux.
C'est donc logiquement que les dispositions de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale, introduite par la loi n°97-396 du 24 avril 1997 ont fait l'objet d'un examen du Conseil constitutionnel, qui les a déclarées conformes à la Constitution, dans sa décision n°97-389 DC, en ce qu'elles assurent une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et la liberté d'aller et de venir.
Dans sa décision, notamment aux considérants 73 à 76, le Conseil a admis, que « eu égard à la nécessité de lutter contre le travail illégal, le législateur a pu prévoir la possibilité d'opérer des visites dans des lieux privés à usage professionnel, dès lors que le déroulement des mesures autorisées est assorti de garanties procédurales appropriées ; qu'en l'espèce le législateur a fait du procureur de la République, magistrat de l'ordre judiciaire, l'autorité compétente pour autoriser l'entrée dans des lieux professionnels en exigeant que ses réquisitions précisent les infractions, parmi celles visées aux articles L. 324-9 et L. 341-6104(*) du code du travail, pouvant être recherchées ainsi que les lieux dans lesquels l'opération de contrôle se déroulera ; qu'il a exigé que les réquisitions soient prises pour une durée maximum d'un mois et soient présentées à la personne disposant des lieux ou à celle qui la représente, les mesures prises en application de l'article en cause faisant par ailleurs l'objet d'un procès-verbal remis à l'intéressé ; qu'en outre s'agissant d'opérations de police judiciaire, leur déroulement se trouve placé sous la direction et le contrôle du procureur de la République auquel il revient d'en suivre effectivement le cours et le cas échéant d'y mettre fin à tout moment ; qu'en raison des garanties procédurales ainsi instituées, les dispositions de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale doivent être déclarées conformes à la Constitution ; ».
Sur la conciliation entre l'inviolabilité du domicile, le respect de la vie privée et les exigences en matière de sécurité et d'ordre publics
La question de la nécessité d'une autorisation préalable par un juge judiciaire ne résulte pas expressément des exigences constitutionnelles ou conventionnelles.
Juridiquement, seuls deux motifs impliquent qu'une mesure coercitive soit décidée par un juge judiciaire :
- sa finalité répressive (recherche et poursuite des auteurs d'infractions) ;
- ou l'atteinte portée à la liberté individuelle, en application de l'article 66 de la Constitution, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel (« Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi »).
Les décisions du Conseil constitutionnel sur l'inviolabilité du domicile reposent, pour celles antérieures à 1999, sur un fondement constitutionnel qui n'est plus celui retenu aujourd'hui : l'article 66 de la Constitution. L'intervention de l'autorité judiciaire était alors une garantie essentielle de la protection de l'inviolabilité tant du domicile que du véhicule (décisions n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 et n° 90-281 DC du 27 décembre 1990.
À compter de 1999, cette jurisprudence a évolué, ne rattachant plus la protection du domicile à la liberté individuelle et à l'article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a ainsi admis une dérogation au principe de l'intervention préalable de l'autorité judiciaire à propos des visites de véhicules circulant ou arrêtés sur la voie publique lorsqu'il existe à l'égard du conducteur une ou plusieurs raisons de soupçonner qu'il a commis un crime ou délit flagrant en tant qu'auteur ou complice (n° 2003-467 DC du 13 mars 2003). Surtout, pour des finalités de police administrative, il a alors jugé que :
« 15. Considérant que l'article 13 de la loi déférée insère dans le code de procédure pénale un article 78-2-4 ainsi rédigé : " Pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis, 1° ter de l'article 21 peuvent procéder non seulement aux contrôles d'identité prévus au septième alinéa de l'article 78-2 mais aussi, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République communiquées par tous moyens, à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. - Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder trente minutes. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 78-2-2 sont applicables aux dispositions du présent article " ;
16. Considérant, s'agissant des visites de véhicules réalisées dans le cadre de la police administrative, que ces dispositions satisfont aux exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus en raison de la condition à laquelle elles subordonnent ces visites ; qu'elles ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution ; qu'elles sont formulées en termes assez clairs et précis pour respecter la mission confiée au législateur par l'article 34 de celle-ci »
Il résulte de l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel amorcée en 1999 que, hors du cadre des actes de police judiciaire (voir n° 2004-494 DC du 4 mars 2004 ou 2011-625 QPC du 10 mars 2011), l'intervention de l'autorité judiciaire pour autoriser la pénétration dans un domicile n'est plus une exigence constitutionnelle.
Toutefois, des garanties légales assurant le respect des exigences constitutionnelles découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789 doivent encadrer la pénétration dans un domicile. Une autorisation d'un juge du siège (en l'espèce le juge des libertés et de la détention près le TJ de Mayotte), option retenue par la disposition proposée, permet d'assurer une telle garantie.
Même si leurs modes de contrôle, leurs références et leurs rédactions diffèrent, les jurisprudences du Conseil constitutionnel, de la CEDH et de la CJUE convergent pour l'essentiel sur les principes applicables en matière de perquisitions ou de visites domiciliaires susceptibles de mettre en cause l'inviolabilité du domicile, qui peuvent être résumés de la manière suivante :
- si, lorsque le contrôle d'un juge est prévu, il constitue une garantie forte, son caractère préalable n'est pas requis ;
- d'autres garanties procédurales peuvent permettre de contrebalancer l'absence d'un contrôle préalable ;
- le contrôle du caractère suffisant de ces garanties est toutefois renforcé en l'absence d'un contrôle préalable ;
- cette appréciation s'opère au regard des pouvoirs dont dispose l'autorité qui procède aux perquisitions et du but poursuivi ;
- en toute hypothèse, les personnes visées doivent bénéficier de voies de recours appropriées, permettant un contrôle effectif, indépendamment de celui exercé sur les décisions subséquentes à ces mesures de perquisitions ou visites (Voir par exemple CEDH, 15 octobre 2013, Gutsanovi c. Bulgarie, n° 34529/10 §§ 220 et 222 ; Décision n° 2011-150 QPC du 13 juillet 2011, SAS Vestel et autre, à propos des perquisitions douanières).
Au vu de ces jurisprudences, l'intervention d'une autorité judiciaire apparaît a minima requise pour apporter une garantie suffisante au caractère constitutionnel d'une traversée et d'une entrée dans un local susceptible de constituer un domicile.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Au niveau européen, le droit au respect de sa vie privée et familiale fait également l'objet d'une protection particulière dont vont découler les prescriptions liées au domicile et au locaux professionnels.
Ainsi l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles précise que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile [...]. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ». Ce principe a été précisé par la Cour européenne des droits de l'Homme, notamment dans ces arrêts Gillow c. Royaume-Uni du 24 novembre 1986 et Chappell c. Royaume-Uni du 30 mars 1989. Elle adopte également une définition large de la notion de domicile en admettant l'inviolabilité à certains locaux ou activités professionnels ou commerciaux, comme un cabinet d'avocats ( Affaire Niemietz c. Allemagne du 16 déc. 1992).
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
À Mayotte, cette lutte contre le travail illégal représente encore plus qu'ailleurs un défi majeur en raison de la situation géographique de l'archipel, qui l'expose à des flux migratoires importants, une économie informelle dynamique et le développement de l'habitat informel.
La notion d'habitat informel est définie juridiquement à l'alinéa 2 de l'article 1-1 de la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, comme il suit : « les locaux ou les installations à usage d'habitation édifiés majoritairement sans droit ni titre sur le terrain d'assiette, dénués d'alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales, ou de voiries ou d'équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité et la sécurité dans des conditions satisfaisantes ».
A Mayotte ce type de construction est très répandu et conduit à la création de zones d'habitations anarchiques, appelées « Bangas » dans lesquelles il y a une confusion importante entre lieu privé à usage d'habitation, lieu privé à usage professionnel et lieux publics. La situation est d'autant plus complexe que l'agencement et l'affectation des espaces sont régulièrement modifiés sans droit ni titre. Au 1er janvier 2024, les services de la préfecture dénombrent environ 25 000 bangas sur l'archipel, représentant environ 35% de l'habitat total, dans lesquels vivent peu ou prou 100 000 personnes sur une population estimée par l'Insee à 321 000 personnes.
Ces lieux, au-delà de simples lieux d'habitation, sont propices aux développements d'activités économiques frauduleuses au mépris de toute règle d'hygiène et de sécurité. Cette forte imbrication, conduit au développement d'ateliers clandestins totalement enclavés ou très difficile d'accès depuis la voie publique ce qui rend impossible leur contrôle sans devoir traverser des lieux privés tiers, parfois destinés à l'usage d'habitation.
Or la rédaction actuelle de l'article 78-2-1 du Code pénal, qui exclue expressément de son champ d'application les domiciles, n'est plus compatible avec la situation du département de Mayotte. La jurisprudence européenne et nationale confère au banga une protection assimilable à celle d'un domicile à partir du moment où il est à usage d'habitation. Dès lors, dans la mesure où la zone d'activité visée par la réquisition du procureur de la République comporte régulièrement de manière fortuite, des espaces dédiés à l'habitation, l'action des forces de l'ordre et des agents assermentés est empêchée.
Cet obstacle insurmontable, à la fois matériel et juridique, prive largement de sa substance la portée de l'article 78-2-1, dans la mesure où les personnels requis s'exposent à une mise en cause pénale pour des faits de violation de domicile par une personne publique au sens de l' article 432-8 du code de procédure pénale « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans le domicile d'autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. ». Cet article prévoit que des exceptions légales sont possibles (perquisition, assistance à huissier, etc ...), raison pour laquelle il est proposé de faire évoluer la loi en ce sens pour prendre en compte la situation très particulière du département de Mayotte.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Deux objectifs complémentaires sont poursuivis. D'une part assurer l'accès effectif, depuis la voie publique, aux locaux professionnels qui sont enclavés ou difficilement d'accessible du fait de la construction d'habitats informels. D'autre part tenir compte de la forte imbrication entre les lieux à usage d'habitation sans droit ni titre et ceux à usage professionnel inhérente aux constructions de type « bangas ».
La rédaction proposée encadre strictement cette possibilité et apporte des garanties de nature à assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et la liberté d'aller et de venir.
Premièrement, cette disposition n'est applicable que pour le seul département de Mayotte, tenant compte de la situation singulière d'urbanisation.
Deuxièmement, elle est encadrée par les principes de proportionnalité et de subsidiarité. En effet, cette possibilité n'est permise que lorsque les lieux à usage professionnel sont situés dans un périmètre comportant des locaux et installations édifiés sans droit ni titre constituant un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l'article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 et formant un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d'assiette. Elle est limitée à la seule recherche des infractions visées par l'article 78-2-1 du code de procédure pénale.
Troisièmement, ce contrôle ne peut être opéré que par une liste limitée d'agents publics disposant déjà, de par la loi, de pouvoirs de police judiciaire en matière de lutte contre le travail illégal. Il s'agit dans le détail des officiers de police judiciaire et, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoint ainsi que les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire en matière de lutte contre le travail illégal.
Quatrièmement, cette opération de contrôle fait l'objet d'une autorisation en amont du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mamoudzou sur réquisition du Procureur de la République. Cette autorisation permettra d'une part, la visite des lieux y compris lorsqu'ils qu'ils constituent un habitat informel, d'autre part, la traversée, dans un périmètre qu'elle définit, des locaux qui l'enclavent, qu'il s'agisse ou non de domiciles, et, afin d'en faciliter l'exécution opérationnelle et l'efficacité, pour une période de temps limitée à quinze jours durant laquelle elle pourra donner lieu à une ou plusieurs visites.
L'information par l'officier de police judiciaire du procureur territorialement compétent, de la découverte d'une infraction lors du déroulement de la visite et de la saisie, met en capacité le Procureur de traiter les suites pénales de cette mesure administrative.
De plus, sans préjudice de l'application des articles 53 à 56 du code de procédure pénale, aucune action de contrainte ou de perquisitions ne peuvent être effectuée sur les personnes et les biens présents dans le lieu traversé pour exécuter la réquisition du procureur de la République.
Enfin, les occupants des lieux traversés ou visités disposent d'un droit de recours contre le déroulement des opérations de visite devant le président de la cour d'appel du lieu du contrôle.
Cette évolution législative permettra d'exécuter effectivement les contrôles prévus par l'article 78-2-1 du Code de procédure pénale par les forces de sécurité intérieure et les agents assermentés, tout en garantissant une atteinte proportionnée au respect de la vie privée.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une modification directe de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale a été envisagée, afin de permettre au Procureur de la République de continuer à viser un seul et unique article. Aussi, cela permet de simplifier la rédaction des réquisitions en continuant de ne viser qu'un unique article du code de procédure pénale. Cette option n'a cependant pas été retenue car il s'agit d'un régime dérogatoire uniquement justifié par la situation particulière du département de Mayotte qui ne nous semble pas devoir être inséré dans les dispositions générales relatives aux réquisitions.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Il a été décidé de créer un nouvel article 900-2 au sein du code de procédure pénale. Cet article viendra compléter le chapitre VIII du titre II du Livre VI relatif aux dispositions applicables aux quelques procédures particulières dans le seul département de Mayotte.
Cette évolution législative permettra de renforcer la possibilité d'exécuter concrètement les contrôles prévus par l'article 78-2-1 du Code de procédure pénale par les forces de sécurité intérieure et les agents assermentés, notamment dans le cadre du CODAF de Mayotte.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article insère un article 900-2 au sein du Code de procédure pénale.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Les contrôles des locaux professionnels réalisés dans le cadre des articles 78-2-1 et 880-1 du Code de procédure pénale concernent en premier lieu les entreprises et les activités professionnelles. Un renforcement de la capacité de contrôle est de nature à restaurer l'équilibre entre les entreprises respectueusement des règles et celle qui ne le sont pas en réduisant les pratiques déloyales et en assurant une hausse des recettes fiscales pour l'État et le département. Cela aura également un effet préventif en encourageant les entreprises fraudeuses ou dans l'illégalité à cesser leur activité ou à respecter les règles.
4.2.3. Impacts budgétaires
La lutte contre le travail illégal s'inscrit dans les objectifs de lutte contre la fraude aux cotisations. Cette mesure visant à permettre l'exécution effective de certaines réquisitions du procureur de la République permettra donc de générer des recettes complémentaires à l'Etat, aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET JUDICIAIRES
La disposition projetée est de nature à permettre aux agents assermentés de la Direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DEETS) de Mayotte, de Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), ou des douanes, concourant aux contrôles des locaux professionnels de mieux réaliser leurs missions et de s'adapter aux contraintes opérationnels rencontrées dans le département de Mayotte.
Par ailleurs, actuellement le tribunal judiciaire de Mayotte compte deux juges des libertés et de la détention ainsi que cinq juges susceptibles d'autoriser les contrôles sur réquisition du procureur dans les locaux susceptibles de constituer un domicile, notamment dans le cadre des permanences.
L'ajout à la compétence des juges des libertés et de la détention à Mayotte de l'autorisation de pénétrer et traverser les locaux constituera une charge supplémentaire pour les services judiciaires locaux.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La majorité de la société Mahoraise et les élus locaux souhaitent un renforcement des procédures permettant de mieux lutter contre le travail illégal. Une telle mesure est de nature à répondre aux préoccupations de la population concernant les difficultés économiques de l'archipel.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Les contrôles des locaux professionnels réalisés dans le cadre des articles 78-2-1 et 880-1 du Code de procédure pénale peuvent conduire à découvrir des situations de travail de personne mineure, au mépris des règles du Code du travail ou de l'article L.421-35 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Cette évolution législative, visant à renforcer la mise en oeuvre concrète de ces contrôles, permettra de mieux protéger et prendre en charge, le cas échéant, les mineurs victimes de ces infractions.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les habitants des « bangas » à Mayotte pourront voir les installations dans lesquelles ils se trouvent, sans droit ni titre, être traversées par les forces de l'ordre et les agents assermentés bénéficiant d'une autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mamoudzou saisi sur réquisition du procureur de la République lorsque ces constructions enclavent ou rendent difficile l'accès ou sont commun avec les locaux à usage professionnel visés.
Comme indiqué précédemment, or les cas applicables au régime de la flagrance, cette « traversée » ne pourra pas amener d'action de contrainte à l'encontre des personnes et des biens présents dans ces lieux privés. Elle s'inscrit nécessairement dans un temps court, car l'objectif est d'accéder aux locaux professionnels visés par l'autorisation du juge des libertés et de la détention saisi sur réquisition du procureur de la République. Aussi les enquêteurs n'ont aucune raison de se maintenir dans ses locaux tiers qui ne présentent pas d'intérêt dans le cadre de la mission pour laquelle ils sont requis.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Les contrôles réalisés dans le cadre des articles 78-2-1 et 880-1 du Code de procédure pénale peuvent conduire à constater de manière incidente, en flagrance, des infractions relatives au Code de l'environnement. Cette évolution législative, visant à renforcement la mise en oeuvre concrète de ces contrôles permettra donc, dans une certaine mesure, de mieux lutter contre les atteintes à l'environnement occasionnées à l'occasion de ces activités professionnelles.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La présente disposition entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le dispositif s'applique exclusivement à Mayotte. Ne sont donc pas concernées la France métropolitaine et les autres collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion).
5.2.3. Textes d'application
Les présentes dispositions ne requièrent aucune mesure d'application.
TITRE IV - FACONNER L'AVENIR DE MAYOTTE
CHAPITRE IER - GARANTIR AUX MAHORAIS L'ACCÈS AUX BIENS ET AUX RESSOURCES ESSENTIELS
Article 14 - Organiser un recensement exhaustif de la population pour toutes les communes de Mayotte
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
1.1.1. Situation de fait
Le cyclone Chido n'a pas permis la réalisation de l'enquête annuelle de recensement à Mayotte qui aurait dû avoir lieu en février 2025. Les conséquences du cyclone Chido sur les flux de population et l'évolution de l'emplacement des logements (en particulier les bangas) ne permettent pas de poursuivre le cycle quinquennal en cours sur le recensement. En effet, il n'est pas possible d'agréger (comme cela est fait sur le reste du territoire français) les résultats des quatre enquêtes annuelles de recensement ayant eu lieu avant le cyclone et d'une cinquième enquête à venir portant sur le cinquième du territoire restant à recenser, dans la mesure où les mouvements de population intervenus au sein de l'île et entre Mayotte et d'autres territoires consécutivement au cyclone rendent cette agrégation non pertinente. Il convient donc d'adapter la méthode de recensement à Mayotte pour tenir compte de ces circonstances exceptionnelles.
1.1.2. Textes applicables
Les opérations de recensement sur le territoire national sont encadrées par les dispositions de l'article 156 de la loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Ces dispositions sont applicables dans l'hexagone, les départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Sans objet.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
?Le recensement de la population à Mayotte est conforme au règlement (UE) n° 1260/2013 relatif aux statistiques démographiques européennes. En effet, des dispositions législatives françaises, notamment l'article 252 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, mentionnent que les estimations de population réalisées par l'Insee pour Mayotte sont effectuées en application de ce règlement européen.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Afin de modifier le calendrier des opérations de recensement à Mayotte, il est nécessaire de déroger aux dispositions de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. En effet, ces dispositions prévoient notamment un recensement exhaustif tous les cinq ans pour les communes de moins de 10 000 habitants et un recensement par sondage chaque année pour les communes de plus de 10 000 habitants. Elles déterminent également le calendrier de publication des populations de référence.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi est de disposer, dans les meilleurs délais, de données actualisées sur la population de Mayotte, par la réalisation d'une opération exceptionnelle de recensement exhaustif. Cette actualisation est indispensable, les dernières données de population utilisées à des fins législatives et réglementaires datant de 2017, alors même que le territoire connaît une forte croissance démographique. Le recensement permettra ainsi d'ajuster plus fidèlement les politiques publiques, les dotations budgétaires et les dispositifs sociaux aux besoins réels de la population mahoraise.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Deux options ont été envisagées afin d'être en capacité de publier de nouvelles populations de référence pour Mayotte : réaliser une cinquième enquête de recensement portant sur le cinquième du territoire restant pour compléter les enquêtes 2021 à 2024 ou réaliser un recensement exhaustif de la population dans les meilleurs délais.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La solution d'un recensement exhaustif à Mayotte a été retenue étant donné l'impact probable du cyclone Chido sur la localisation des logements et des habitants.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Les dispositions retenues prévoient un dispositif juridique provisoire dérogatoire au droit commun pour permettre de réaliser exceptionnellement en une année une enquête exhaustive de population à Mayotte, avec un démarrage avant la fin de l'année 2025.
Ces dispositions prévoient par ailleurs d'annuler l'enquête annuelle de recensement au titre de 2026 qui, étant habituellement réalisée en février, aurait été concomitante de l'enquête exhaustive envisagée.
Elles prévoient enfin de reporter la publication des populations de référence en 2026. En effet, le cycle quinquennal 2021-2025 n'ayant pas pu être complété, l'établissement des populations de référence ne pourra être réalisé qu'à l'issue du recensement exhaustif exceptionnel prévu pour démarrer avant la fin de l'année 2025. En conséquence, les mesures transitoires prévues par la loi de finances pour 2021 pour l'attribution des dotations financières aux collectivités de Mayotte sont prolongées d'un an.
La disposition législative proposée prévoit en conséquence de déroger provisoirement aux dispositions de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et de prolonger une mesure temporaire (article 252) de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Cette disposition législative est autonome et temporaire.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La présente disposition est conforme au règlement (UE) n° 1260/2013 relatif aux statistiques démographiques européennes.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les communes de Mayotte, conformément au III de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prépareront et réaliseront les enquêtes de recensement 2025 dont l'organisation et le contrôle seront assurés par l'Insee. Ces enquêtes seront exceptionnellement réalisées par les communes de l'ensemble du territoire mahorais, alors qu'elles auraient dû concerner seulement un cinquième du territoire en 2025. Pour accompagner les communes dans la réalisation de cette opération exceptionnelle, une dotation forfaitaire de recensement leur sera attribuée par l'État dans des conditions définies par décret en conseil d'État.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Le recensement de la population à Mayotte constitue un levier essentiel pour garantir l'équité dans l'accès aux droits et aux services publics. En fournissant une photographie fidèle et actualisée des réalités démographiques, il permet une meilleure répartition des ressources et un ciblage plus précis des politiques publiques. Ce recensement est donc un préalable indispensable à une action publique plus juste, plus efficace et plus légitime.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les habitants de Mayotte seront sollicités pour répondre à l'enquête de recensement qui sera lancée en 2025, étant précisé que la participation aux enquêtes de recensement est obligatoire (l'obligation de réponse reposant principalement sur l'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques).
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Les maires de Mayotte ont été concertés de manière informelle par une mission de l'inspection générale de l'Insee afin de déterminer conjointement avec eux, le calendrier le plus approprié à cette opération exceptionnelle de recensement exhaustif de la population.
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
La commission nationale d'évaluation du recensement de la population a également été consultée le 18 mars 2025.
Aucune autre consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article est applicable uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Un décret simple permettra de fixer les dates précises des différentes opérations liées au recensement de la population.
Article 15 - Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour déterminer les modalités de convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte avec la législation applicable dans l'hexagone ou dans les DROM
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
À Mayotte, le mouvement de rapprochement de la protection sociale de la population vers celle qui s'applique en France hexagonale et dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) est un processus continu depuis 1996.
Avant 1987, il n'existait pas de système d'assurances sociales hormis un régime de retraite pour le personnel de droit public. Entre 1996 et 2006, différentes ordonnances105(*) ont progressivement étendu la protection sociale des Mahorais, dans le cadre d'un régime local de sécurité sociale distinct du système applicable dans l'hexagone et dans les quatre départements d'outre-mer « historiques ».
En 2008, le Gouvernement a proposé aux Mahorais un processus de départementalisation progressif. Le pacte de départementalisation a pris acte de la « demande d'égalité sociale » à terme des Mahorais mais a affirmé la nécessité d'une convergence progressive pour ne pas déstabiliser l'économie. Ce pacte a ainsi annoncé une « augmentation de ces assurances sociales au rythme d'alignement des cotisations sur le régime de droit commun applicable en métropole et dans les DOM et au rythme du développement économique de Mayotte » sur une période de 20 à 25 ans à partir de 2012.
L'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte a étendu l'allocation aux adultes handicapés pour les seules personnes justifiant d'un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %. L' ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l'évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation a défini une trajectoire de convergence des taux des cotisations sociales d'ici 2036 et a étendu par ailleurs diverses prestations familiales. Le revenu de solidarité active a été mis en place à compter de 2012 par l' ordonnance n °2011-1641 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active au département de Mayotte. De 25% du montant en vigueur dans l'hexagone, son montant a été relevé en 2014 à 50%. L' ordonnance n° 2016-160 du 18 février 2016 portant adaptation de la prime d'activité au Département de Mayotte a adapté le dispositif de la prime d'activité au département de Mayotte. Les dispositions du code de l'action sociale et des familles (CASF) ont également été rendues applicables sous réserve d'adaptations, induisant en particulier l'extension de l'allocation personnalisé d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Au cours des dernières années, la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique et le plan pour l'avenir de Mayotte d'avril 2018 ont accéléré la convergence sur certains pans de la protection sociale.
De 2019 à 2024, les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) ont permis l'extension à Mayotte de nouvelles prestations et l'amélioration de prestations existantes. Parmi celles-ci, on peut citer notamment l'allocation aux adultes handicapés pour les personnes ayant un taux d'incapacité permanente entre 50% et 79%, le complément de libre choix du mode de garde, la validation rétroactive de trimestres pour améliorer le régime des futurs retraités, l'extension du congé paternité et d'accueil de l'enfant et du congé d'adoption, la complémentaire santé solidaire et la revalorisation exceptionnelle des pensions de retraite et de l'ASPA en septembre 2023. L'aide financière pour l'insertion sociale et professionnelle et l'aide d'urgence pour les victimes de violences conjugales, instituées respectivement par les lois du 13 avril 2016 et du 28 février 2023, ont été étendues dès leur création à Mayotte, avec des adaptations de leurs montants cohérentes avec le barème du RSA à Mayotte.
Toutefois, à onze ans de l'échéance initiale de 2036, la sécurité sociale ainsi que les prestations de solidarité présentent encore des écarts importants avec les règles en vigueur dans les autres territoires, soit moins favorables, soit plus favorables.
La population mahoraise fait face à des enjeux majeurs de développement et de lutte contre la pauvreté, puisque le Département est notamment :
- le plus jeune de France (plus de la moitié de la population a moins de 18 ans) ;
- le plus pauvre de France avec un seuil de pauvreté à 77% de la population contre 14% dans l'hexagone ;
- celui où le produit intérieur brut par habitant est le plus faible de France (1/4 du PIB national) ;
- celui où le taux de chômage est le plus élevé de France (37 % de la population active est au chômage et 29% des 15-64 ans ont un emploi en 2023).
Il convient d'examiner la possibilité d'accélérer cette convergence sociale pour répondre plus rapidement aux aspirations des assurés et allocataires mahorais et accompagner le développement économique du territoire et sa refondation après les dommages causés par le cyclone Chido.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
S'agissant d'une collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution, Mayotte est régie par le principe de l'identité législative (ou principe d'assimilation législative) depuis le 31 mars 2011 dans les matières qui n'étaient pas déjà régies par ce principe, telle que la protection sociale (article L.O. 6113-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi organique du 21 février 2007 et article. L.O. 3511-1 du même code).
Pour autant, ces lois et règlements peuvent faire l'objet, comme le précise l'article 73 de la Constitution, « d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités », à l'initiative de l'Etat dans les matières, telles que la sécurité sociale, qui relèvent de sa compétence.
En outre, l'application du principe d'identité législative n'a pas pour effet de supprimer le droit en vigueur à Mayotte en matière de sécurité sociale au moment de l'application de ce principe à la collectivité. Les textes spécifiques à cette collectivité en matière de sécurité sociale, continuent donc à s'y appliquer tant qu'ils n'ont pas été expressément abrogés et jusqu'à ce que le code de la sécurité sociale soit rendu directement applicable106(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Il est nécessaire de légiférer pour modifier les textes législatifs relatifs à la sécurité sociale et aux prestations de solidarité propres à Mayotte sous réserve des adaptations nécessaires compte-tenu des spécificités sociales, économiques et démographiques de l'archipel.
L'étendue des dispositifs concernés et la complexité des règles, nécessite une mesure d'habilitation à prendre des ordonnances dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation du présent projet de loi. Ce délai est un délai minimum incompressible pour élaborer les projets de textes nécessaires.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif de la mesure est de fournir un cadre juridique qui permettra d'étendre à Mayotte la législation en vigueur en France hexagonale et, en pratique, dans les autres DROM en matière de prestations sociales, de prélèvements sociaux ainsi que dans d'autres domaines, sous réserve des adaptations nécessaires, dans le cadre d'une trajectoire de convergence sociale accélérée mais soutenable pour les entreprises et selon des modalités qui seront définies par voie d'ordonnance. Cette accélération de la convergence contribuera au développement social et économique de Mayotte et à la lutte contre la pauvreté.
Compte-tenu des spécificités de la législation sociale applicable dans les DROM par rapport à l'hexagone, tant en matière de cotisations (régimes d'exonérations spécifiques pour les employeurs et les travailleurs indépendants) qu'en matière de prestations sociales (ex : allocations familiales à partir du 1er enfant, dispositif de complément familial très différent par rapport au droit commun, prestation à la restauration scolaire, revenu de solidarité outre-mer règles de récupération de l'ASPA sur succession,...), la convergence visée en pratique est celle vers la législation en vigueur dans les autres DROM.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option qu'une disposition d'habilitation n'apparaît possible pour harmoniser les règles en vigueur à Mayotte avec celles en vigueur dans l'hexagone ou les autres DROM, compte-tenu de l'ampleur des domaines concernés et des travaux préalables nécessaires.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le rythme et les conditions de l'extension à Mayotte des règles sociales applicables aux DROM doivent être au service de la refondation du territoire et accompagner prioritairement son développement économique, porteur d'emplois et de perspectives pour la jeunesse mahoraise, tout en luttant contre la pauvreté par l'alignement des prestations sociales. Le calendrier progressif doit tenir compte des effets de ces mesures notamment sur le tissu économique, le marché de l'emploi et l'inflation.
Pour ce faire, il est proposé de mener une concertation avec les parties concernées en faisant reposer la convergence sociale sur les principes suivants :
- La convergence portera sur l'alignement des règles en vigueur à Mayotte sur la législation des autres DROM, qu'il s'agisse du SMIC, de prestations sociales et de prélèvements sociaux, sous réserve d'éventuelles adaptations justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières du territoire conformément à l'article 73 de la Constitution ;
- L'alignement des prestations sociales interviendra en principe d'ici 2031, sous réserve des adaptations nécessaires et de quelques exceptions ;
- L'objectif prioritaire est de favoriser l'activité, à travers le maintien d'une échéance d'alignement des cotisations et contributions en 2036, le maintien temporaire du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le relèvement progressif du SMIC brut par voie réglementaire à compter de 2026 en vue d'un alignement du SMIC net en 2031 ;
o S'agissant des cotisations, Mayotte dispose de cotisations patronales et salariales spécifiques. Le dispositif d'exonérations de charges patronales qui y est adossé est identique, dans son principe, à celui de la réduction générale dégressive de droit commun. Il a été adapté dans ses paramètres (taux d'exonération maximal et point de sortie) au faible niveau actuel des cotisations sociales patronales à Mayotte et monte progressivement en charge, au fur et à mesure de l'augmentation des taux des cotisations sociales, avec un point d'aboutissement actuel à 2036. Par ailleurs, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en faveur des entreprises exploitées à Mayotte (CICE Mayotte) s'applique toujours dans ce territoire, avec un taux de 9% applicable aux rémunérations inférieures à 2,5 SMIC. L'augmentation des cotisations sociales liée à la convergence sociale, même si celle-ci ne connaissait pas d'accélération, ainsi que les perspectives d'augmentation du SMIC rendront nécessaire un accompagnement des entreprises par un allégement du coût du travail qui pourrait notamment passer par l'introduction du dispositif d'exonération « LODEOM », applicable dans les DROM, à Mayotte, ainsi que par une extension plus rapide que la trajectoire actuellement prévue de la réduction générale des cotisations patronales dans ses modalités applicables dans ces mêmes DROM.
o La trajectoire du SMIC applicable à Mayotte connaît un décrochage progressif par rapport au SMIC de droit commun (le SMIC brut représente 75% de la valeur nationale et 87% du SMIC net national) qui s'explique par l'effet conjugué de deux facteurs : d'une part, la hausse progressive des cotisations salariales et d'autre part, le passage aux 35 heures hebdomadaires qui s'est traduit par une baisse du salaire net mensuel. Sans évolution du SMIC, cette baisse tendancielle pourrait s'accroître au cours de prochaines années (+ 7 points d'écart supplémentaires d'ici 2036).
- Pour les prestations maladie, il est proposé, pour favoriser l'accès aux soins des assurés sociaux, d'étendre la protection universelle maladie (PUMa) à Mayotte à compter du 1er juillet 2026, et, d'autre part, d'aligner les prestations d'invalidité à horizon 2030 ; l'éventuelle extension de l'aide médicale d'Etat pour les non assurés sociaux doit faire l'objet d'études approfondies ;
- Concernant les prestations familiales, leur extension ou leur rapprochement du droit commun débuterait dès 2026 par le complément familial différentiel, et a vocation à s'opérer progressivement et quasiment chaque année de manière cohérente entre types de prestations ;
- Les prestations vieillesse, de nature contributive, font actuellement l'objet d'une trajectoire d'évolution des paramètres de calcul de la retraite plus favorable qu'en droit commun, pour tenir compte notamment de la jeunesse du régime, ainsi que de dispositifs dérogatoires permettant d'atténuer la brièveté des durées d'assurance (9 ans en moyenne) et il serait inopportun de revenir sur ces modalités. Une nouvelle évolution du montant de l'ASPA (actuellement à 66% du montant de droit commun mais assorti de règles dérogatoires) ne pourra s'opérer avant que les pensions de retraite n'aient évolué mécaniquement. L'extension des régimes de retraite complémentaire nécessitera un effort contributif des employeurs, travailleurs indépendants et salariés ou agents et les droits seront proportionnels à celui-ci. Il nécessitera une concertation entre partenaires sociaux.
- Les prestations de solidarité convergeraient vers le droit commun selon des modalités et un calendrier spécifiques à chacune : d'abord la prime d'activité, puis l'allocation aux adultes handicapés, enfin, à terme, le RSA.
Le présent article prévoit ainsi une mesure habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires permettant de poursuivre et d'achever le rapprochement de la législation sociale vers le droit applicable dans les DROM sous réserve des adaptations nécessaires compte tenu des spécificités sociales, économiques et démographiques du territoire.
Cette habilitation est prévue pour les domaines suivants :
- les prestations de sécurité sociale et d'aide sociale, termes qui recouvrent l'ensemble des prestations financées par la sécurité sociale ainsi que les prestations de solidarité notamment mentionnées au 1.1. ;
- les modalités de prise en charge des frais de santé ;
- les cotisations, réductions et exonérations de cotisations, prélèvements sociaux et fiscaux affectés à la sécurité sociale ainsi que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ;
- l'organisation, le fonctionnement et la gestion des régimes de sécurité sociale, afin de pouvoir modifier les règles d'affiliation des assurés et de gestion de la caisse de sécurité sociale de Mayotte;
- les dispositifs de contrôle et de lutte contre la fraude applicables aux organismes de sécurité sociale, pour toutes les prestations dont ils assurent la gestion, ainsi que les dispositifs d'échanges d'informations sur lesquels repose l'application de la législation de sécurité sociale et de l'aide sociale, et les règles relatives au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dans un souci d'harmonisation de la situation de la caisse de sécurité sociale de Mayotte avec le droit commun et de facilitation du versement des prestations,
- les règles applicables à l'offre de soins, notamment dans l'objectif pour pouvoir aligner sur le droit commun, le cas échéant, les règles applicables aux professionnels de santé ou aux établissements de santé.
Les ordonnances prévues permettront aussi bien de modifier les textes spécifiques à Mayotte - lorsque cela est nécessaire - que de rendre directement applicables à Mayotte, sous réserve le cas échéant d'adaptations, des dispositions du code de la sécurité sociale ou des textes non codifiés applicables en France hexagonale et dans les DROM.
Depuis la départementalisation de Mayotte, le recours aux ordonnances est habituel pour rapprocher ou aligner la législation applicable à Mayotte de celle applicable dans l'hexagone et dans les autres collectivités de l'article 73 de la Constitution, notamment en raison de l'important travail que cet exercice suppose et de sa complexité (ex : article 108 de la loi n°2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021).
Il est indispensable compte-tenu de l'ampleur inédite des travaux nécessaires pour achever la convergence à Mayotte, qui touche toutes les branches de la sécurité sociale et nécessite de modifier les textes régissant la sécurité sociale à Mayotte ainsi que les prestations de solidarité, le cas échéant en prenant des mesures d'adaptation.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure ne sera effectuée que lors de la présentation de ou des ordonnances prise(s) sur le fondement de l'habilitation prévue par le présent article.
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Sans objet.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Le relèvement du SMIC brut aura pour incidence une augmentation du coût du travail, qui a été évaluée à 11,2% minimum par la DARES dans le cas d'un scénario de convergence des cotisations en 2036. Cette estimation moyenne de l'augmentation du superbrut est fortement différenciée en fonction du niveau de rémunérations et ne prend pas en compte l'éventuelle extension de l'exonération LODEOM à Mayotte.
De même, la hausse des cotisations salariales et patronales ainsi que l'extension de certaines contributions sociales applicables aujourd'hui dans les DROM accentuera ce phénomène. C'est notamment le cas :
- De la hausse de certaines cotisations patronales et salariales (cotisations maladie, famille et vieillesse de base), déjà prévue, dont les effets pourraient être accentués par la hausse du SMIC ;
- De la hausse éventuelle des cotisations patronales également applicables à Mayotte sans qu'une convergence ne soit actuellement prévue (cotisations AT-MP, contributions chômage et AGS, contribution au dialogue social, taxe d'apprentissage) ;
- Ainsi que de l'extension à Mayotte de nouvelles cotisations et contributions actuellement applicables en France hexagonale et dans les DROM (cotisation de solidarité autonomie, cotisations de vieillesse complémentaire en matière de cotisations patronales, remplacement de la contribution maladie par la CSG et la CRDS en matière de contributions salariales).
Aussi, entre 2025 et 2036, date actuellement programmée de la fin de la convergence en matière de cotisations, les taux de cotisations salariales augmenteraient d'un peu plus de 10 points (de 10% à 20,77% pour une rémunération sous plafond de la sécurité sociale) et d'un peu plus de 15 points en matière de cotisations patronales (de 24,8% à 39,95% au niveau du SMIC107(*)), à taux de cotisations en France hexagonale et DROM inchangés.
Cette hausse des taux de cotisations patronales pourra être compensée par l'application à Mayotte de mesures de réductions et d'exonérations applicables dans les DROM, éventuellement adaptées aux spécificités du territoire. Cette convergence implique une adaptation de la réduction générale dégressive (RGD) mahoraise pour tenir compte de l'augmentation des cotisations patronales applicables à Mayotte et de la réforme de la RGD de droit commun votée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Elle suppose également d'appliquer d'autres dispositifs d'exonération spécifiques de cotisations patronales ciblés sur certains secteurs applicables dans les DROM (barèmes LODEOM d'ici 2036).
4.2.3. Impacts budgétaires
L'impact budgétaire de l'achèvement de la convergence pour la sécurité sociale et pour l'Etat sera très dépendant du périmètre retenu, des conditions prévues pour chacun des dispositifs et des éventuels accompagnements prévus au profit des entreprises.
S'agissant des prélèvements sociaux, l'analyse de l'impact budgétaire de la convergence sociale repose sur des sous-jacents tels que l'évolution future de l'économie mahoraise. En premier lieu, celle-ci est fortement dépendante de la reprise de l'activité après le passage du cyclone Chido en décembre 2024, de la dynamique de la masse salariale dans l'île et de la chronique de l'augmentation du SMIC mahorais retenue en application de ce projet de loi.
En outre, la mise en oeuvre de dispositifs d'exonération comme la RGD dans ses paramètres applicables dans les DROM ou spécifiques comme l'exonération LODEOM représenterait un coût pour les finances publiques, dont l'évaluation dépend tant de données macro-économiques que des choix portant sur le périmètre de ces dispositifs.
L'estimation du coût de l'alignement des prestations dépend elle aussi de nombreux paramètres. Elle n'a pour l'instant été réalisée que pour l'extension de la protection universelle maladie et certaines prestations familiales.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
La mesure de convergence du RSA n'aura qu'un impact limité sur les collectivités, l'attribution et le financement du RSA relevant depuis sa recentralisation de l'Etat. La collectivité départementale pourra toutefois être impactée par une éventuelle augmentation du nombre de foyers bénéficiaires résultant d'une majoration du montant de l'allocation et donc de sa condition de ressources, au titre de sa compétence d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RSA. Une accélération de la trajectoire de convergence des cotisations sociales aurait des impacts budgétaires sur les collectivités en tant qu'employeur.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure en elle-même nécessitera d'associer aux réflexions la Caisse de sécurité sociale de Mayotte et les caisses nationales. Les mesures à prendre par habilitation auront nécessairement des conséquences sur celles-ci.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
L'accélération de la convergence des droits sociaux contribuera à l'amélioration du développement économique et social de la population de Mayotte et de la mobilité entre l'hexagone, les autres DROM et Mayotte, à l'amélioration de la protection sociale et à la diminution de la pauvreté.
L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact de chacune des ordonnances prises sur le fondement de la présente habilitation.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Des ajustements sur les paramètres de certaines prestations sociales comme l'allocation aux adultes handicapés contribuerait à lutter contre la pauvreté des personnes en situation de handicap à Mayotte.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
L'extension à Mayotte de certaines dispositions devrait conduire à apporter un supplément de revenu pour les personnes qui élèvent seules leurs enfants, et permettrait de viser donc prioritairement les femmes.
À Mayotte, un tiers des familles sont des familles monoparentales, dans lesquelles les mères seules avec enfants sont chefs de famille108(*). Plus de 15 000 familles avec enfants mineurs sont concernées. En 2017, 38 000 enfants mineurs vivent dans une famille monoparentale (soit 28 % des enfants de moins de 3 ans contre 12 % dans l'hexagone).
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Le rapprochement de certaines prestations sociales du droit commun serait susceptible de mieux soutenir les familles ayant des mineurs à charge. Il permettrait de contribuer à la réduction de la pauvreté qui affecte les enfants et d'améliorer leur état de santé.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Le Gouvernement est habilité à prendre des ordonnances. D'autres textes réglementaires seront également nécessaires.
6. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION
Un délai d'habilitation de 12 mois à compter de la promulgation de la loi est nécessaire compte-tenu de l'étendue des domaines concernés, de la complexité de la matière pour rapprocher les règles législatives applicables à Mayotte en matière de sécurité sociale des dispositions législatives du code de la sécurité sociale ainsi que celles applicables à Mayotte aux minima sociaux de celles en vigueur en France hexagonale et dans les autres collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution.
Chacune des ordonnances nécessitera un travail d'expertise, d'évaluation des impacts, de proposition de scénarios, de vérification des aspects opérationnels auprès des opérateurs, le cas échéant de concertation avec les acteurs locaux, d'arbitrages, de rédaction et de présentation du texte en Conseil d'Etat. Le délai de 12 mois est un délai minimum pour accomplir ce processus.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de la publication de chaque ordonnance.
Article 16 - Extension de l'IRCANTEC à Mayotte
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Aujourd'hui et à l'instar des salariés de droit privé de Mayotte, les agents contractuels de droit public à Mayotte109(*) sont affiliés au régime de retraite de base local, créé en 1987, géré par la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM),et dont les paramètres convergent progressivement vers ceux applicables au régime général en vigueur en France hexagonale et dans les collectivités d'outre-mer mentionnées à l'article L. 111-2 du code de la sécurité sociale (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin).
Ces deux catégories d'actifs, les salariés de droit privé et les agents contractuels de droit public, ne sont pas affiliées à un régime de retraite complémentaire obligatoire, bien que le cadre juridique ait été posé par les articles 23-7 et 23-8 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, issus respectivement de l'article 22 de l'ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 et de l'article 27 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017.
En effet, l'article 23-8 de l'ordonnance du 27 mars 2002 conditionne l'entrée en vigueur de l'affiliation à l'IRCANTEC des agents contractuels de droit public mahorais à celle du régime de retraite complémentaire obligatoire des salariés de droit privé (AGIRC-ARRCO) à Mayotte.
Or la mise en place du régime de retraite AGIRC-ARRCO pour les salariés de droit privé de Mayotte n'a pu intervenir à ce jour, faute d'accord entre les partenaires sociaux nationaux.
Dans l'hexagone, où les régimes complémentaires sont pleinement mis en place, ces derniers représentent de l'ordre de 35 à 40 % de la pension totale des retraités. Aujourd'hui, la retraite moyenne servie par le régime de base mahorais par mois en 2019 (moyenne calculée sur tous les salariés qu'ils soient agents contractuels de droit public ou de droit privé, qu'il s'agisse de droits propres ou dérivés) s'élève à 280 euros110(*). La mise en place de l'IRCANTEC, sans attendre celle de l'AGIRC-ARRCO, semble donc nécessaire pour contribuer à la convergence socio-économique de Mayotte avec le reste du territoire national.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
S'agissant d'une collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution, Mayotte est régie par le principe d'identité législative (ou principe d'assimilation législative) depuis le 31 mars 2011 dans les matières qui n'étaient pas déjà régies par ce principe, telle que la protection sociale.
Pour autant, ces lois et règlements peuvent faire l'objet « d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités »111(*), à l'initiative de l'Etat dans les matières, telles que la sécurité sociale, qui relèvent de sa compétence.
En outre, l'application du principe d'identité législative n'a pas pour effet de supprimer le droit en vigueur à Mayotte en matière de sécurité sociale au moment de l'application de ce principe à la collectivité. Les textes spécifiques à cette collectivité en matière de sécurité sociale, notamment l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, contenant les dispositions relatives à la retraite, continuent donc à s'y appliquer tant qu'ils n'ont pas été expressément abrogés et jusqu'à ce que le code de la sécurité sociale soit rendu directement applicable.
Conformément à l'article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale, l'IRCANTEC est applicable en France hexagonale et dans les collectivités mentionnées à l'article L. 111-2 du même code. En revanche, à Mayotte, la retraite complémentaire IRCANTEC n'y est pas encore appliquée, sa mise en place étant, conformément aux dispositions de l'ordonnance modifiée n° 2002-411 du 27 mars 2002, conditionnée à celle du régime de retraite complémentaire des salariés de droit privé.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ELÉMENT DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Créé par l'ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l'évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation, l'article 23-7 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 modifiée relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, rend applicable à Mayotte le régime AGIRC-ARRCO défini à l'article L. 921-4 du code de la sécurité sociale dans des conditions fixées par un accord entre les partenaires sociaux locaux et nationaux.
Par ailleurs, l'article 27 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique modifie l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 et y insère un article 23-8 qui prévoit que : « Le régime complémentaire défini à l'article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale est rendu applicable à Mayotte, dans des conditions définies par décret, à la date d'entrée en vigueur de l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 23-7 de la présente ordonnance ». Ainsi, le régime IRCANTEC n'est applicable à Mayotte qu'à condition que le régime AGIRC-ARRCO y soit également mis en place.
Or la mise en place du régime AGIRC-ARRCO n'a pu intervenir depuis plusieurs années. En effet, la mise en place pour les salariés de droit privé mahorais de ce régime nécessite la signature d'un accord collectif entre les partenaires sociaux locaux et nationaux conformément à l'article L. 921-4 précité du code de la sécurité sociale et à l'accord national interprofessionnel (ANI) du 17 novembre 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO.
Un accord local a bien été signé par les partenaires sociaux locaux en 2017. Toutefois, les partenaires sociaux nationaux ne se sont pas prononcés favorablement et cette situation n'a pas évolué depuis lors.
Pour pouvoir mettre en place l'IRCANTEC, il est nécessaire de recourir à la loi pour décorréler sa mise en place de celle de l'AGIRC-ARRCO.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à poursuivre la convergence du droit local vers le droit commun, à améliorer les droits à retraite des agents contractuels du secteur public et par voie de conséquence à améliorer l'attractivité du territoire pour les contractuels de droit public.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'est possible pour rendre applicable à Mayotte le régime complémentaire défini à l'article L. 921-2 du code de la sécurité sociale.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Il est proposé de mettre en place l'IRCANTEC pour les agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques à Mayotte. Pour ce faire, il est nécessaire de décorréler sa mise en place de celle de l'AGIRC-ARRCO. Ainsi, le régime complémentaire défini à l'article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale est rendu applicable à Mayotte, dans les mêmes conditions que dans l'hexagone et les autres DROM au terme d'une convergence dont la cible est en principe 2036.
Un décret précisera la date d'entrée en vigueur du dispositif et les modalités d'application de cette mesure, notamment en prévoyant des dérogations à titre transitoire, telles que la convergence progressive des taux de cotisations afin de lisser le coût pour les employeurs publics et les agents, et la détermination de tranches de rémunération associées à ces taux de cotisations, par référence au plafond annuel de la sécurité sociale applicable à Mayotte.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La mesure procède à la modification de l'article 23-8 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 modifiée relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. 4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
La mise en place de l'IRCANTEC améliorera progressivement les droits à retraite des agents contractuels de droit public mahorais et à terme les montants de leurs pensions de retraite. Pour rappel, dans l'hexagone où les régimes complémentaires sont pleinement mis en place, ces derniers représentent de l'ordre de 35 à 40 % de la pension totale des retraités.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'impact financier de l'extension du régime complémentaire IRCANTEC à Mayotte repose sur l'hypothèse d'une convergence progressive des cotisations afin de lisser le coût pour les employeurs publics et leur permettre d'absorber celui-ci de manière graduelle. Cette montée en charge aura également pour contrepartie une montée en charge progressive de l'acquisition des droits à retraite.
L'impact pour les finances publiques de l'extension du régime complémentaire IRCANTEC à Mayotte est en cible de 36 M€ sur la base de 15 000 agents environ (13 M€ pour la fonction publique d'État, 5 M€ pour la fonction publique hospitalière et 18 M€ pour la fonction publique territoriale).
Cette extension de l'IRCANTEC sera financée par les cotisations des employeurs publics et des agents contractuels et l'acquisition de droits interviendra uniquement à compter de l'entrée en vigueur de cette disposition.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les contractuels des collectivités territoriales de Mayotte cotiseront à l'IRCANTEC et acquerront des droits. Les cotisations employeurs seront à la charge des collectivités : à terme, sur 36 M€ de cotisations employeurs (borne basse), au vu de la proportion d'agents contractuels exerçant au sein de la fonction publique territoriale (FPT) dans le nombre total de contractuels, l'impact budgétaire pour les collectivités pourrait s'élever à environ à 18 M€ (cf. supra).
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les agents des services des ressources humaines devront être formés à accompagner les agents optant pour ce dispositif.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mise en place de l'IRCANTEC contribuera à la convergence socio-économique de Mayotte avec la France hexagonale et les DROM.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les assurés sociaux employés sous contrat de droit public dans l'une des trois fonctions publiques bénéficieront d'une meilleure couverture en matière de droits à retraite.
A terme, dès lors que la convergence progressive des cotisations aura abouti, le barème de cotisations applicable à Mayotte sera aligné sur celui applicable dans le droit commun dans l'hexagone. Il se compose d'une tranche A, qui correspond à la fraction inférieure ou égale au plafond de la sécurité sociale et d'une tranche B qui correspond à la fraction d'assiette supérieure à ce plafond dans la limite de huit plafonds.
Chacune de ces tranches est composée d'une part salariale et d'une part employeur. La part salariale représente 40 % de la tranche A et près de 36 % de la tranche B (voir tableau ci-dessous). Pour calculer le montant de cotisations à verser, il faut appliquer aux taux théoriques, c'est-à-dire ceux servant à déterminer le nombre de points de retraite, un taux d'appel qui est égal à 125 % en 2025. Les taux théoriques sont aujourd'hui de 5,60 % pour la tranche A et de 15,60 % pour la tranche B, correspondant donc à des taux de cotisations appelés respectifs de 7,00 % et 19,50 %.
Taux de cotisations du régime complémentaire IRCANTEC (2025)
Taux appelé |
|
Tranche A |
7,00% |
Part agent |
2,80% |
Part employeur |
4,20% |
Tranche B |
19,50% |
Part agent |
6,95% |
Part employeur |
12,55% |
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. 5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉ D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Il est prévu une entrée en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la promulgation de la loi. Ce délai est indispensable pour mener la nécessaire concertation avec les représentants des trois fonctions publiques, notamment l'éducation nationale et les collectivités territoriales, qui supporteront le coût budgétaire d'une extension de l'affiliation et assurer la mise en oeuvre opérationnelle de cette réforme, par le service gestionnaire de l'IRCANTEC (la Caisse des dépôts et consignations).
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Les dispositions réglementaires de l'IRCANTEC devront être modifiées afin de permettre l'application de ce régime à Mayotte
La date d'entrée en vigueur des dispositions et les modalités d'application de cet article seront fixées par décret, notamment les modalités de convergence des taux de cotisation.
Article 17 - Augmenter le nombre de pharmacies d'officine
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les règles de transfert, de regroupement et de création d'une officine sont fixées par la loi aux articles L. 5125-3 et suivants du code de la santé publique pour répondre aux exigences de proximité et de service optimal rendu à la population résidente. L'article L. 5125-4 fixe les quotas de population à 2 500 habitants pour la première licence dans la commune et à 4 500 habitants pour les tranches supplémentaires suivantes.
Des dérogations à ces quotas sont prévues pour Mayotte à l'article L. 5511-3. Depuis la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, en particulier son article 123, une autorisation d'officine peut être octroyée par tranche de 7 000 habitants dans une commune (ou, lorsque la population de la commune est inférieur à 15 000 habitants, par tranche de 7000 habitants dans le territoire de santé auquel appartient la commune).
Malgré ces dérogations, le développement du réseau officinal à Mayotte demeure compliqué. Mayotte ne comptait que 24 officines de pharmacies sur son territoire, en 2021, soit une densité moyenne d'une officine pour 10 688 habitants. En comparaison, le département hexagonal avec la densité d'officines la plus faible d'alors, l'Eure, comptait une officine pour 4 196 habitants pour une moyenne nationale d'une officine pour 4 240 habitants112(*).
Les dispositions de l' article 147 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ont conduit à un changement des modalités de recensement de la population à Mayotte et reportent la prochaine publication de la nouvelle population légale au 1er janvier 2026. Par conséquent, le nombre d'habitants actuellement utilisé pour l'application des dérogations mentionnées ci-dessus est celui fixé par le décret n° 2017-1688 du 14 décembre 2017 authentifiant les résultats du recensement de la population 2017 de Mayotte. Ce dernier ne tient pas compte de la forte évolution démographique de Mayotte, sachant en outre que :
- L'offre de soins se développe sur l'île (en complémentarité avec une offre de soins privée lucrative et un secteur associatif dynamique) ;
- de nouvelles missions ont été confiées aux pharmacies en matière d'éducation à la santé, de prévention, de dépistage et de vaccination (entretiens pharmaceutiques, bilans de médication, vaccination en officine, tests antigéniques, délivrance d'antibiotiques pour les angines et les cystites, téléconsultation, éducation thérapeutique et renouvellement de prescriptions de patients chroniques stables;
- l'étendue des communes, la topographie de l'île et son réseau de transports en commun peu développé privent des communes d'un service pharmaceutique essentiel et contraint une grande partie de la population à parcourir de longs trajets pour s'approvisionner en médicaments.
La mesure proposée prévoit la prise en compte de l'intercommunalité comme référence pour le calcul du seuil nécessaire à l'autorisation d'ouverture d'une officine. Cette mesure permettra d'augmenter le nombre d'officines de pharmacie à Mayotte et d'assurer une meilleure couverture territoriale des besoins, et ainsi de corriger les inégalités d'accès aux médicaments. Le directeur général de l'agence régionale de santé pourra déterminer la commune dans laquelle l'officine sera située après consultation pour avis des représentants locaux désignés par chaque syndicat représentatif de la profession au sens de l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale et du conseil central de la section E de l'Ordre national des pharmaciens.
Il convient de souligner que cette faculté lui est déjà attribuée en vertu des articles L. 5511-3 et L. 5511-2-1.
Enfin, la référence au territoire de santé dans le corps de l'article L. 5511-3 est supprimée par souci de simplification de la mesure et par parallélisme avec l'article L. 5125-4 applicable en France hexagonale.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Les départements et régions d'outre-mer sont régis par l' article 73 de la Constitution. Les lois et règlements s'y appliquent de plein droit mais des adaptions territoriales peuvent être décidées par ces collectivités territoriales dans leur domaine de compétences et si elles y ont été habilitées selon le cas, par la loi ou par le règlement.
Mayotte est devenu un département d'outre-mer en 2011. La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a permis aux collectivités d'outre-mer d'évoluer vers un statut départemental après consultation des électeurs concernés. A Mayotte, c'est le référendum du 29 mars 2009 qui l'a permis. Cette évolution a été consacrée par la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte.
L'article 73 alinéa 7 de la Constitution prévoit que les départements et régions d'outre-mer peuvent évoluer vers le statut de collectivité unique, destiné à se substituer au département et à la région. Ainsi, depuis 2011, le département de Mayotte est une collectivité unique qui exerce les compétences des départements et régions d'outre-mer.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le développement de l'offre de soins à Mayotte constitue l'une des priorités de l'ARS, qui se traduit à la fois par le renforcement de l'offre hospitalière et par le développement de l'offre de soins de ville. L'augmentation du nombre d'officines de pharmacie répond à cette stratégie de consolidation de l'offre de soins de ville.
L'augmentation du nombre d'officines se révèle d'autant plus nécessaire que la densité officinale est faible et que l'évolution démographique est dynamique. Pour ce faire, il est proposé de tenir compte du bassin de population au niveau de l'intercommunalité, dès lors que la population communale n'atteint pas le seuil des 7 000 habitants. Cette proposition permettra de faciliter l'ouverture d'une officine de pharmacie dans une commune de moins de 7 000 habitants, si elle appartient à une intercommunalité qui dépasse ce seuil.
Cela implique donc une modification de l'article L. 5511-3 du code de la santé publique qui prévoit déjà, pour ce territoire, les dérogations aux quotas de population fixés pour la première licence dans la commune et pour les suivantes.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le dispositif retenu doit permettre d'assurer une meilleure couverture territoriale des besoins en santé de la population mahoraise et de corriger les inégalités d'accès à l'offre de pharmacie en augmentant le nombre d'officines sur le territoire via la prise en compte de la population de l'intercommunalité pour autoriser l'ouverture d'une officine.
Cette mesure, qui s'inscrit dans la stratégie de renforcement de l'accès aux soins, est très attendue par l'ARS, par les représentants des professionnels et par les habitants.
Elle constitue l'une des étapes de la stratégie d'accès aux soins déployée sur le territoire, qui repose sur des mesures d'attractivité et d'assouplissement des conditions d'exercice des professionnels de santé en ville.
Il convient tout d'abord de souligner que l'intégralité du territoire de Mayotte est classée en zone très sous dotée, du fait des difficultés spécifiques rencontrées en matière d'offre de soins. Ce zonage permet aux professionnels souhaitant s'installer de bénéficier des aides conventionnelles. S'agissant des médecins, en plus des dispositifs de droit commun, une aide financière individuelle à l'installation peut être proposée par l'ARS de Mayotte, en complément des aides nationales. Cette aide doit permettre au professionnel de santé de développer, ajuster ou compléter son installation par l'acquisition de moyens techniques. Une aide à l'acquisition, la construction, et l'aménagement de locaux professionnels peut également être proposée par l'ARS, pour accompagner financièrement l'assistance au projet, en complémentarité avec d'autres fonds. Des aides financières à l'installation sont également versées par l'ARS de Mayotte en sus des aides nationales à d'autres professions : sage-femmes, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes.
Les initiatives visant à développer l'offre libérale se concrétisent par un assouplissement des démarches liées à la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (possibilité de créer une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) avec un seul médecin depuis la loi « Valletoux » de 2023). Le développement de la téléconsultation, dont le taux de recours reste marginal113(*), est également encouragé. En outre, des dispositifs de type « aller vers » se développent, à l'image de l'inauguration en août 2024 d'un médicobus labellisé, qui propose aux patients un service de téléconsultation encadré.
L'ouverture de nouvelles pharmacies contribuera à renforcer le maillage officinal, et par conséquent, à développer les actions de prévention menées auprès de la population. Le pharmacien constitue un acteur de premier recours pour la population et joue un rôle actif dans les actions de prévention envisagées par l'ARS Mayotte dans son PRS 2023-2028 : campagne de dépistage HTA/diabète, campagne de rattrapage vaccinal etc. Son rôle pivot est particulièrement visible lors de crises, comme en témoigne sa mobilisation lors de la campagne de vaccination contre le choléra en 2024.
L'augmentation du nombre d'officines peut aussi permettre de renforcer le fonctionnement de la permanence pharmaceutique sur le territoire mahorais, avec un nombre de professionnels concernés et une couverture du territoire accrus.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Afin d'augmenter le nombre d'officines de pharmacie à Mayotte, seule la mesure législative retenue permet d'atteindre l'objectif.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'option retenue est la possibilité de prendre en compte l'intercommunalité comme référence pour le calcul du seuil nécessaire à l'autorisation d'ouverture d'une officine. Cela permettra d'augmenter le nombre d'officines de pharmacie à Mayotte et d'assurer une meilleure couverture territoriale des besoins, et ainsi de corriger ces inégalités d'accès. Afin d'aider à sa mise en oeuvre, le directeur général de l'agence régionale de santé pourra déterminer la commune dans laquelle l'officine sera située après consultation pour avis des représentants locaux désignés par chaque syndicat représentatif de la profession au sens de l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale et du conseil central de la section E de l'Ordre national des pharmaciens.
Le seuil de 7 000 habitants pour Mayotte s'explique par les spécificités économiques et démographiques de l'île avec la nécessité de trouver un équilibre entre couverture officinale et viabilité économique. Une partie de la population mahoraise, éloignée des soins, s'approvisionne majoritairement auprès des structures publiques, ce qui réduit la demande dans les pharmacies privées. Comme le souligne le rapport du Sénat114(*), « en dehors des situations d'urgence, les personnes consultant au centre hospitalier de Mayotte peuvent se voir demander une participation forfaitaire de 10 euros ou 25 euros selon les cas, qui inclut les actes médicaux et la délivrance des médicaments prescrits ». Pour ces raisons, il a été préféré de modifier la base de calcul du seuil (commune / intercommunalité) que le seuil en lui-même. Si cette mesure permet effectivement l'accroissement du nombre de pharmacies, elle ne garantit pas leur viabilité économique. Néanmoins, aucune alerte particulière n'a été remontée concernant les officines en exercice sur le territoire mahorais. Si ces dernières devaient rencontrer des difficultés économiques, le dispositif « territoires fragiles » apparaîtrait comme une réponse adaptée. En effet, une aide financière de la Cnam allant jusqu'à 20 000 euros par an par pharmacie peut être octroyée dans ce cadre, ainsi qu'une aide de l'ARS via le FIR ou bien encore un assouplissement des règles de transfert ou de regroupement.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La mesure procède à la modification de l'article L. 5511-3 du code de la santé publique.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Cette mesure permettra d'augmenter le nombre d'officines de pharmacie à Mayotte et par conséquent la création de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois. A court terme, la mesure devrait permettre l'installation d'une dizaine de nouvelles officines.
Un écart peut exister du fait du décompte de la population de Mayotte (INSEE 2017 ou estimation INSEE 1er janvier 2024), qui devrait être à mise à jour par le recensement de 2026.
Comme mentionné précédemment, la création d'officines de pharmacie s'inscrit parmi les mesures ambitieuses visant à renforcer l'offre de soins en ville et à encourager les professionnels libéraux à s'installer sur le territoire.
Si la viabilité économique des pharmacies ne peut être garantie à Mayotte comme sur l'ensemble du territoire français, les pharmacies s'inscrivent toutefois dans un écosystème - à date - favorable sur l'île. Le développement des capacités de prescription en ville - de par la création de MSP et l'installation de professionnels libéraux, contribuera ainsi à l'activité des officines. En outre, le pharmacien d'officine dispose de leviers à activer en matière de rémunération, notamment sur le volet campagne de prévention. Enfin, le dispositif « territoires fragiles » déployé par l'ARS de Mayotte pourra s'avérer très utile si des officines rencontrent des difficultés économiques qui venaient à faire craindre des fermetures (aide financière de la Cnam, aide FIR, facilitation des regroupements/transferts).
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Cette mesure impacte le périmètre d'attribution du directeur général de l'agence régionale de santé de Mayotte puisqu'il pourra déterminer la commune dans laquelle l'officine sera située après consultation pour avis des représentants locaux désignés par chaque syndicat représentatif de la profession au sens de l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale et du conseil central de la section E de l'Ordre national des pharmaciens.
Il convient de souligner que cette faculté lui est déjà attribuée en vertu des articles L. 5511-3 et L. 5511-2-1.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La présente mesure permettra d'assurer une meilleure couverture territoriale des besoins en santé de la population mahoraise et de corriger les inégalités d'accès à l'offre de pharmacie.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
La mesure, par la création de nouvelles officines de pharmacie, vise à assurer une meilleure couverture territoriale des besoins de santé de la population mahoraise, dont les personnes en situation de handicap, et de corriger des inégalités d'accès aux soins. Elle permettra de réduire les trajets qu'une grande partie de la population est contrainte de parcourir pour s'approvisionner en médicaments et pour bénéficier des actions d'éducation, de prévention et de dépistage réalisées par les officines de pharmacie. Elle contribuera par conséquent à améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap à Mayotte.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure permettra d'assurer une meilleure couverture territoriale des besoins en pharmacie pour la population et ainsi de corriger les inégalités d'accès rencontrées sur le territoire.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mesure entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
La présente disposition ne requiert pas de textes d'application.
Article 18 - Favoriser la représentation des professionnels exerçant à Mayotte au sein de l'union régionale des professionnels de santé océan indien
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les Unions Régionales de Professionnels de Santé (URPS) ont été créées par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires - dite loi « HPST ». Les modalités de fonctionnement de ces URPS ont été fixées par le décret n°2010-585 du 2 juin 2010.
Il s'agit d'associations représentant115(*) les praticiens libéraux de chacune des dix professions de santé ayant conventionné avec l'Assurance maladie : médecins, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, biologistes, orthoptistes, pédicures-podologues et orthophonistes. Les URPS ont pour objectif de doter les professionnels de santé libéraux d'une structure de représentation régionale leur permettant de dialoguer avec les agences régionales de santé (ARS), créées au même moment, et de participer à l'organisation des soins sur leur territoire. Elles contribuent ainsi à l'organisation et à l'évolution de l'offre de santé, et peuvent conclure des contrats avec les ARS. Leurs membres, professionnels de santé libéraux en exercice, sont élus ou désignés pour une période de cinq ans.
L'article L. 4031-1 du code de la santé publique dispose que : « Dans chaque région et dans les collectivités territoriales de Corse, de Guyane et de Martinique, une union régionale de professionnels de santé rassemble, pour chaque profession, les représentants des professionnels de santé exerçant à titre libéral. Une union régionale des professionnels de santé de l'océan Indien exerce pour chaque profession, à la Réunion et à Mayotte, les compétences dévolues aux unions régionales des professionnels de santé. ».
L'article L. 4031-7 précise que : « un représentant des professionnels exerçant à Mayotte siège dans chaque union régionale de professionnels de santé de l'océan Indien, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat. Pour chaque union dont les membres sont élus, le collège des électeurs à l'union régionale des professionnels de santé de l'océan Indien est constitué des professionnels concernés exerçant à titre libéral à La Réunion et à Mayotte. »
Le directeur général de l'ARS de Mayotte, conformément à l'article R. 4031-53 du même code, « désigne pour chaque union, le représentant des professionnels exerçant à Mayotte en tenant compte des effectifs des organisations syndicales présentes sur le territoire. Un suppléant est désigné dans les mêmes conditions. »
Les URPS-océan Indien sont implantées à La Réunion et sont de fait, sauf exception rare, exclusivement constituées de professionnels de santé de La Réunion. Les professionnels de santé de Mayotte n'ont par conséquent pas de représentant de leur département. Dans ces conditions, il est difficile pour l'ARS de Mayotte de travailler en partenariat avec ces unions, notamment sur l'analyse des besoins de santé et de l'offre de soins, l'organisation de l'exercice professionnel, de la permanence et de la continuité des soins ainsi que les nouveaux modes d'exercices sur son territoire.
La modification de l'article L. 4031-7 vise à favoriser la représentation des professionnels de santé exerçant à Mayotte au sein des l'URPS océan Indien et ainsi à faciliter le travail de l'ARS mentionné ci-dessus. A cet effet, elle assouplit les modalités de représentation prévues pour ces professionnels de santé.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Les départements et régions d'outre-mer sont régis par l'article 73 de la constitution. Les lois et règlements s'y appliquent de plein droit mais des adaptions territoriales peuvent être décidées par ces collectivités territoriales dans leur domaine de compétences.
Mayotte est devenu un département d'outre-mer en 2011. La révision de la Constitution du 28 mars 2003 a permis aux collectivités d'outre-mer d'évoluer vers un statut départemental après consultation des électeurs concernés. A Mayotte, c'est le referendum du 29 mars 2009 qui l'a permis. Cette évolution a été consacrée par la loi organique du 3 aout 2009 relative à la départementalisation de Mayotte.
L'article 73 alinéa 7 prévoit que les départements et régions d'outre-mer peuvent évoluer vers le statut de collectivité unique, destiné à se substituer au département et à la région. Ainsi, le département de Mayotte est une collectivité unique qui exerce les compétences des départements et régions d'outre-mer.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Il est nécessaire de favoriser la représentation des professionnels de santé exerçant à Mayotte au sein des URPS océan Indien en permettant la présence de plus d'un représentant exerçant à Mayotte au sein de ces dernières. Cela nécessite de modifier l'article L. 4031-7 du code de la santé publique.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Les présentes dispositions visent à favoriser la représentation des professionnels de santé exerçant à Mayotte au sein des URPS océan Indien. Cela permettra de faciliter le travail de l'ARS de Mayotte en partenariat avec ces unions concernant notamment l'analyse des besoins de santé et de l'offre de soins, l'organisation de l'exercice professionnel, de la permanence et de la continuité des soins ainsi que les nouveaux modes d'exercices sur le territoire mahorais.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Afin de favoriser la représentation des professionnels de santé exerçant à Mayotte au sein de l'URPS océan Indien, seule la mesure législative retenue permet d'atteindre l'objectif.
La mesure permet en effet d'assouplir le cadre légal existant, en ouvrant la voie à la désignation potentielle de plusieurs représentants des professionnels de santé exerçant à Mayotte au sein d'une URPS, de représentants issus d'une profession différente de celle de l'URPS concernée ou encore d'un collège de représentants à même d'assurer une représentation tournante au sein des URPS. Ces modalités seront définies par décret en Conseil d'Etat, après concertation avec les représentants des professionnels de santé, des URPS et de l'agence régionale de santé de Mayotte.
Au lieu d'un seul représentant, plusieurs représentants des professionnels exerçant à Mayotte pourront désormais siéger dans les URPSOI selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La mesure procède à la modification de l'article L. 4031-7 du code de la santé publique.
Cette modification induira une modification de l'article R. 4031-53 du même code.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure facilitera le travail partenarial de l'ARS Mayotte avec les URPS océan Indien.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
La mesure permettra de renforcer la représentation des professionnels de santé mahorais au sein des URPS océan Indien.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure facilitera le travail partenarial de l'ARS Mayotte avec les URPS océan Indien sur l'analyse des besoins de santé et de l'offre de soins ainsi que sur l'organisation de l'exercice professionnel, de la permanence et de la continuité des soins ou des nouveaux modes d'exercice sur le territoire mahorais.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique au seul département de Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
La mesure nécessitera un décret en Conseil d'Etat pour modifier l'article R. 4031-53 du code de la santé publique et déterminer les modalités d'application de la présente disposition.
CHAPITRE II - FAVORISER L'AMÉNAGEMENT DURABLE DE MAYOTTE
Article 19 - Faciliter la prise de possession de terrains pour des opérations et infrastructures jugées essentielles
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Ø La procédure de prise de possession anticipée des biens expropriés, prévue par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
L'expropriation pour cause d'utilité publique est une procédure permettant à l'Etat, aux collectivités territoriales ou aux personnes publiques d'aliéner une propriété privée afin de réaliser un projet d'intérêt général. Cette procédure peut concerner tout ou partie d'un immeuble ainsi que certains droits réels immobiliers tels que l'usufruit, le droit d'usage et d'habitation.
L'article L. 1 de ce code pose le cadre dans lequel doit s'inscrire la procédure d'expropriation : « l'expropriation, en tout ou partie, d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête et qu'il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées. Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité ».
La procédure d'expropriation se poursuit selon deux phases distinctes : l'une administrative, l'autre judiciaire. Ces deux temps de la procédure ne se cumulent pas nécessairement, le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoyant en effet qu'ils puissent être conduits en parallèle.
Phase administrative : l'utilité publique, préalable nécessaire à la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation, est déclarée après enquête publique visant à évaluer l'utilité du projet. Une déclaration d'utilité publique (DUP) est ensuite prise soit par arrêté de l'autorité compétente de l'Etat (ministériel ou préfectoral) soit pas décret en Conseil d'Etat. A la suite d'une enquête parcellaire, la liste des propriétaires concernés est dressée et les parcelles sont déclarées cessibles par arrêté de l'autorité compétente de l'Etat.
Phase judiciaire : le code de l'expropriation précise ensuite que le transfert de propriété des immeubles ou des droits réels immobiliers faisant l'objet d'une procédure d'expropriation se fait, à défaut de cession amiable, par voie d'ordonnance du juge de l'expropriation. L'article L. 222-1 du code de l'expropriation prévoit en outre que « l'ordonnance envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il ait procédé au paiement de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement ou de refus de le recevoir, à la consignation de l'indemnité ou qu'il ait obtenu l'acceptation ou la validation de l'offre d'un local de remplacement ». En 2024, la durée moyenne d'une procédure visant à obtenir une ordonnance d'expropriation était de 3,6 mois, et la durée moyenne d'une procédure visant à obtenir la fixation de l'indemnité d'occupation de 9,8 mois.
Néanmoins, les articles L. 522-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (CECUP) prévoient la possibilité de recourir à une procédure de prise de possession d'extrême urgence en matière de travaux intéressant la défense nationale et de travaux de voirie ou d'équipement d'envergure nationale risquant des retards liés à la prise de possession des biens par l'entité expropriante.
Cette procédure d'extrême urgence déroge à la procédure d'expropriation de droit commun sur un point fondamental : l'envoi de l'expropriant en possession du bien exproprié.
Dans le cadre de la procédure normale, l'envoi en possession, c'est-à-dire l'entrée en jouissance du bien par l'expropriant, n'intervient que si le transfert de propriété a été ordonné par le juge de l'expropriation et n'a lieu que sous réserve que l'expropriant procède au versement des indemnités d'expropriation ou, dans certains cas, à leur consignation.
En revanche, dans le cadre de la procédure d'extrême urgence, l'envoi en possession est prononcé par décret rendu sur avis conforme du Conseil d'Etat et n'est subordonné qu'au paiement d'une indemnité provisionnelle.
L' article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit ainsi que : « Lorsque l'exécution des travaux de construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemins de fer, de voies de tramways ou de transport en commun en site propre et d'oléoducs régulièrement déclarés d'utilité publique risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d'un ou de plusieurs terrains non bâtis, situés dans les emprises de l'ouvrage, un décret pris sur l'avis conforme du Conseil d'Etat peut, à titre exceptionnel, en autoriser la prise de possession. »
L'administration doit soumettre au Conseil d'Etat un projet motivé accompagné d'un plan parcellaire indiquant les communes où sont situés les terrains qu'elle se propose d'exproprier et la description générale des ouvrages projetés. Dans les vingt-quatre heures de la réception du décret autorisant la prise de possession, le préfet prend les arrêtés permettant une occupation temporaire, sur le fondement et dans les limites fixées par les articles 1er, 4, 5 et 7 de la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics.
Dans les dix jours suivant l'affichage de l'arrêté, un état des lieux est dressé en présence du maire. À défaut d'accord amiable concernant l'état des lieux, le tribunal administratif peut être saisi pour désignation d'un expert.
La prise de possession donne lieu au versement ou à la consignation d'indemnités provisionnelles, d'un montant égal à l'évaluation de la direction de l'immobilier de l'Etat () ou à l'offre de l'expropriant si elle est plus élevée, en application de l' article L. 522-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
L'administration doit poursuivre la procédure d'expropriation dans le mois qui suit la prise possession.
L'exproprié peut également solliciter du juge de l'expropriation une indemnité spéciale pour compenser le préjudice causé par la rapidité de la procédure.
En vue de permettre la prise de possession des biens tout en assurant le respect des droits des occupants, le législateur a prévu que l'administration a la charge d'assurer le relogement des locataires et occupants d'immeubles bâtis expropriés.
Le droit au relogement en cas d'expropriation est institué par l' article L. 423-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Son régime se combine aux dispositions du code de l'urbanisme en matière de relogement prévues aux articles L. 314-1 et suivants du code de l'urbanisme.
La notion d'occupant est définie de manière très large, puisque sont concernées toutes les personnes pouvant faire valoir un titre ou un droit d'occupation sur le local dont elles sont évincées, ainsi que l'occupant de bonne foi.
L'obligation de relogement définitif est strictement encadrée et définie à l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme qui prévoit qu'il doit être fait à chaque occupant au moins deux propositions de relogement.
En matière d'expropriation, l' article L. 423-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que « s'il est tenu à une obligation de relogement, l'expropriant en est valablement libéré par l'offre aux intéressés d'un local correspondant à leurs besoins et n'excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré. Lorsque l'expropriation a porté sur une maison individuelle, le relogement est, si cela est possible, offert dans un local de type analogue, n'excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré et situé dans la même commune ou dans une commune limitrophe ». Le contentieux du relogement en expropriation relève d'une procédure dérogatoire devant la juridiction de l'expropriation, et non devant le juge civil de droit commun, comme le prévoit l'article L423-3 du même code. La loi accorde donc des facilités dérogatoires, en matière de relogement des expropriés et occupants d'immeubles expropriés.
Dans tous les cas, le local proposé doit satisfaire aux besoins personnels et familiaux de l'occupant. Ces besoins sont appréciés principalement en fonction de la composition de la famille de l'occupant et, le cas échéant, de ses besoins professionnels. La proposition de relogement doit également correspondre à ses possibilités financières et porter sur des locaux satisfaisant :
- aux normes d'habitabilité (définies par le code de la construction et de l'habitation) ;
- aux conditions prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, c'est-à-dire que le logement doit remplir les conditions normales d'hygiène et de sécurité.
Enfin, la situation géographique du local proposé doit être examinée car celui-ci doit se situer à proximité du local dont l'occupant est évincé en vertu de l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948.
Les dispositions de l'article L. 314-7 du code de l'urbanisme, auxquelles le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne déroge pas, prévoient que toute offre de relogement doit être notifiée à la personne concernée au moins six mois à l'avance. L'occupant dispose alors d'un délai de deux mois pour faire connaître son acceptation ou son refus. En cas de silence, il est considéré avoir accepté l'offre de relogement.
S'agissant de la possibilité pour l'opérateur de pénétrer dans les lieux suite à la prise de possession anticipée, l'article L. 521-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique impose de se conformer aux exigences des articles 1er, 4, 5 et 7 de la loi du 29 décembre 1892.
Ø Les extensions ponctuelles du recours à la prise de possession anticipée des biens expropriés, par des textes divers non codifiés
A l'origine, le droit de recourir à la procédure d'extrême urgence n'était possible que pour les travaux intéressant la défense nationale, sur des terrains non bâtis.
La question du relogement des occupants ne se posait donc pas, en l'absence de constructions habitables sur les terrains concernés.
Il a été étendu, à titre temporaire, sur des terrains bâtis et non bâtis, à certaines opérations spécifiques d'intérêt national, telles que :
- la réalisation des aménagements nécessaires à la tenue des jeux olympiques de Grenoble (loi n° 65-496 du 29 juin 1965) ;
- la construction de la première ligne expérimentale d'aérotrain (loi n° 66-1065 du 31 décembre 1966) ;
- l'organisation des jeux olympiques d'hiver à Albertville ( loi n° 87-1132 du 31 décembre 1987) ;
- la réalisation du stade de France à Saint-Denis ( loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993) ;
- la réalisation d'un itinéraire à grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse pour l'acheminement des pièces du fuselage de l'airbus A 380 ( loi n° 2001-454 du 29 mai 2001) ;
- des opérations de construction ou d'extension d'établissements pénitentiaires (loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) ;
- l'itinéraire routier destiné à desservir le projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITEC (loi n° 2006-450 du 18 avril 2006) ;
- le projet de réseau de transport routier du Grand Paris et, concomitamment, le projet de débranchement du tramway Aulnay-Bondy vers Clichy-Montfermeil (lois n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris et n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement dit « Grenelle II ») ;
- la réalisation d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle (ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016) ;
- la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle des médias et des ouvrages nécessaires aux compétitions des jeux Olympiques et paralympiques de 2024 ( loi n° 2018-202 du 26 mars 2018) ;
- des opérations de construction ou d'extension d'établissements pénitentiaires (loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice) ;
- des opérations de réalisation d'un réacteur électronucléaire (article15 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires).
Dans le cadre d'un régime propre à l'expropriation des immeubles insalubre ou dangereux, les articles L. 511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique confèrent également à l'entité expropriante le droit de prendre possession des lieux au regard de l'urgence à intervenir sur des bâtiments dégradés à titre irrémédiable.
C'est également le cas dans le cadre de la procédure de carence figurant aux articles L. 615-7 et L. 615-7 du code de la construction et de l'habitation, « lorsque, dans un immeuble collectif à usage principal d'habitation, le propriétaire, la société civile immobilière, le syndicat des copropriétaires, la société d'attribution ou la société coopérative de construction est, en raison de graves difficultés financières ou de gestion et de l'importance des travaux à mettre en oeuvre, dans l'incapacité d'assurer la conservation de l'immeuble ou la sécurité et la santé des occupants ».
En outre, la faculté de prise de possession anticipée a été ouverte à titre permanent par la loi dite ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 s'agissant d'immeubles dégradés situés dans le périmètre d'une opération de requalification des copropriétés dégradées, par décret en Conseil d'Etat, lorsqu'il existe des risques sérieux pour la sécurité des occupants et qu'un projet de relogement a été établi. Ces dispositions pérennes ont été codifiées au second alinéa de l'article L. 522-1 nouveau du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Enfin, la loi n°2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé, a prévu à l'article 44, une nouvelle hypothèse de prise de possession anticipée de tout ou partie d'un ou de plusieurs immeubles dégradés ou dangereux dont l'acquisition est prévue pour la réalisation d'une opération d'aménagement déclarée d'utilité publique, lorsque des risques sérieux pour la sécurité des personnes rendent nécessaire ladite prise de possession et qu'un plan de relogement des occupants a été établi.
Ø Contexte opérationnel nécessitant le recours à la prise de possession anticipée
Les dispositions visent à permettre une prise de possession anticipée des terrains nécessaires au projet d'utilité publique, avant la fixation des indemnités d'expropriation par le juge, afin d'éviter tout retard lié à la durée de la procédure judiciaire.
Compte tenu du développement potentiellement très rapide d'habitats informels sur Mayotte, cette disposition permettra au maître d'ouvrage de gérer plus rapidement l'occupation de ces terrains à acquérir, dans un contexte où la production des infrastructures et des ouvrages essentiels à la reconstruction et au développement de ce territoire est urgente.
Cette facilitation procédurale pour l'opérateur parait particulièrement justifiée pour les projets visés par la mesure à savoir :
Les projets de la reconstruction du territoire, conduits par l'établissement public créé en vertu de l'article 1er de la loi n°2025-176 d'urgence pour Mayotte du 24 février 2025 ;
Cet établissement sera en effet chargé de la conception, la réalisation de certains aménagements ou travaux de reconstruction de l'habitat, des équipements et des infrastructures publiques et privés sur l'Ile de Mayotte et la coordination de ces travaux, dont la réalisation est urgente et prioritaire suite au passage du cyclone Chido, dont les dégâts nécessitent des investissements majeurs.
Les constructions, infrastructures et installations essentielles pour Mayotte, compte tenu des retards observés sur le territoire en matière d'équipement ;
Au-delà des projets structurants pilotés par l'Etablissement public de Mayotte, les équipements essentiels produits par d'autres acteurs, pour la reconstruction ou pour le développement du territoire, méritent également de bénéficier d'un statut procédural équivalent.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
En droit français, la propriété est protégée par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. L'article 17 énonce que nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.
Cependant, les articles L. 522-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (CECUP) prévoient la possibilité de recourir à une procédure de prise de possession d'extrême urgence en matière de travaux intéressant la défense nationale et de travaux de voirie ou d'équipement d'envergure nationale risquant des retards liés à la prise de possession des biens par l'entité expropriante.
Cette procédure d'extrême urgence déroge à la procédure d'expropriation de droit commun sur un point fondamental : l'envoi de l'expropriant en possession du bien exproprié.
Dans le cadre de la procédure normale, et conformément aux exigences constitutionnelles, l'envoi en possession n'intervient que si le transfert de propriété a été ordonné par le juge de l'expropriation et n'a lieu que sous réserve que l'expropriant procède au versement des indemnités d'expropriation ou, dans certains cas, à leur consignation.
En revanche, dans le cadre de la procédure d'extrême urgence, l'envoi en possession est prononcé par décret rendu sur avis conforme du Conseil d'Etat et n'est subordonné qu'au paiement d'une indemnité provisionnelle.
L'extension progressive du recours à la prise de possession anticipée a été accompagnée et encadrée par le Conseil constitutionnel. Il a précisé que la prise de possession sous seule condition d'octroi d'une provision représentative de l'indemnité due n'est pas incompatible avec le respect du droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et que les trois grandes conditions de constitutionnalité sont les suivantes :
1. Un tel mécanisme doit répondre à des motifs impérieux d'intérêt général et garantir les droits des propriétaires intéressés116(*).
Ont notamment été considérés comme des motifs impérieux d'intérêt général, susceptibles de motiver une dérogation au principe d'indemnisation préalable de l'exproprié :
o la nécessité de prendre possession d'immeubles ayant fait l'objet d'une déclaration d'insalubrité à titre irrémédiable ou d'un arrêté de péril assorti d'une ordonnance de démolition ou d'une interdiction définitive d'habiter, en application des dispositions de la loi « Vivien » du 10 juillet 1970117(*),
o de façon plus large, la prise de possession immédiate pour la réalisation de grands ouvrages publics d'intérêt national selon la procédure déterminée aux articles L. 522-1 et L. 522-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique118(*).
2. Le Conseil constitutionnel est attentif à ce que le champ d'application du dispositif soit « étroitement circonscrit ».
Au titre de la délimitation du champ d'application de la mesure, le Conseil constitutionnel souligne notamment que « le texte de l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut être invoqué que lorsqu'apparaissent des difficultés bien localisées susceptibles de retarder l'exécution des travaux et que la procédure normale est déjà largement avancée ».
3. Enfin, des garanties effectives au profit du propriétaire concerné doivent être assurées.
Il appartient au seul juge de l'expropriation de fixer le montant de l'indemnité définitive et ce en réparation de l'intégralité du préjudice subi, particulièrement celui résultant le cas échéant de la rapidité de la procédure119(*). Cette compétence découle des principes posés par l'article 34 de la Constitution, qui réserve au législateur la détermination des règles relatives aux « droits civiques et aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques », ainsi qu'au « régime de propriété, des droits réels ». L'indemnisation de l'exproprié, qui touche directement au droit de propriété et à ses garanties fondamentales, relève donc d'un cadre légal strictement défini.
Par ailleurs, dans le contexte spécifique de Mayotte, l'application du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans un cadre dérogatoire s'inscrit dans le champ de l'article 73 de la Constitution, qui permet une adaptation des normes législatives aux particularités des collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative, justifiant ainsi certaines spécificités procédurales en matière d'expropriation sur ce territoire.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
En vertu de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (CESDH), « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
En application de cette disposition, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) juge qu'il incombe aux autorités nationales de déterminer ce qui est « d'utilité publique » et de se prononcer sur l'existence d'un problème d'intérêt général justifiant des privations de propriété. Elle estime que les Etats jouissent ici d'une large marge d'appréciation 120(*).
L'atteinte au droit de propriété doit, pour être compatible avec l'article 1er du Protocole n°1, se conformer au principe de légalité et poursuivre un but légitime par des moyens présentant un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but visé121(*).
Elle considère également que l'obligation d'indemniser les personnes expropriées découle implicitement de ces dispositions7. En revanche, le paiement préalable de l'indemnité d'expropriation ne parait pas être une condition conventionnellement protégée selon l'état de la jurisprudence de la CEDH à ce jour.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La procédure prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique permet une prise de possession accélérée des terrains pour des travaux de construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemins de fer, de voies de tramways ou de transport en commun en site propre, d'oléoducs et d'ouvrages des réseaux publics d'électricité régulièrement déclarés d'utilité publique qui risquent d'être retardés par des difficultés tenant à la prise de possession.
Le champ d'application de ces articles ne couvrant pas le cas des infrastructures autres que routières, pourtant essentielles à Mayotte, ni ceux des projets nécessaires à l'urgente reconstruction de ce territoire après le passage du cyclone Chido, qui sera conduite sous l'égide du nouvel établissement public chargé de l'aménagement de Mayotte, il est apparu nécessaire de prévoir une extension du régime de prise de possession anticipée mobilisable lorsque ces projets risquent d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d'un ou de plusieurs terrains bâtis ou non bâtis.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi est de permettre une prise anticipée des terrains nécessaires au projet d'utilité publique, avant la fixation des indemnités d'expropriation par le juge, afin d'éviter tout retard lié à la durée de la procédure judiciaire.
Le périmètre de la mesure permet de limiter le recours à cette procédure à des projets répondant à un impérieux motif d'intérêt général, à Mayotte :
- Les projets de la reconstruction du territoire, conduits et coordonnés par l'établissement public créé en vertu de l'article 1er de la loi n°2025-176 d'urgence pour Mayotte du 24 février 2025 ;
- La réalisation des infrastructures portuaires et aéroportuaires, des ouvrages et installations des réseaux publics d'eau et d'assainissement, des constructions, ouvrages et installations à l'usage des forces de sécurité intérieure, des ouvrages et installations de production et de distribution d'électricité, des établissements pénitentiaires ainsi que des établissements de santé et médico-sociaux, compte tenu des retards observés sur le territoire en matière d'équipements.
Compte tenu du développement potentiellement très rapide d'habitats informels sur Mayotte, cette disposition permettra dans tous ces cas au maître d'ouvrage de gérer plus rapidement l'occupation de ces terrains à acquérir.
Le dispositif est limité à une durée de dix ans à compter de l'entrée en vigueur des présentes dispositions.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Deux options ont été envisagées :
- Une mesure pérenne calquée sur celle de l'article L. 522-1 précité ;
- Une mesure prévoyant l'application, à titre temporaire, des dispositions des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique jusqu'en 2035.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'option d'une mesure pérenne a été d'abord envisagée au regard de la nécessité de garantir la stabilité du cadre normatif applicable. Les besoins spécifiques pour Mayotte ne sont pas ponctuels mais appelés à s'inscrire dans le temps. Une mesure temporaire aurait nécessité des renouvellements successifs ou une réévaluation régulière, source d'incertitude juridique et administrative.
L'absence de codification de la mesure s'explique par la volonté de préserver une certaine souplesse normative, notamment en évitant d'inscrire définitivement dans le code une disposition dont la portée pourrait évoluer.
Toutefois, le Conseil d'Etat, dans son avis rendu s'agissant des présentes dispositions a proposé, dans le souci de garantir les droits des propriétaires intéressés, le Conseil d'Etat a suggéré de limiter l'effet de ces dispositions à dix ans après l'entrée en vigueur de la loi.
Son maintien hors du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique s'explique également par le fait que son champ d'application demeure circonscrit. Son intégration dans un corpus général pourrait complexifier l'architecture normative existante.
Cela évite, enfin, d'ouvrir un précédent risqué dans le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Les dispositions des articles L. 552-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sont étendues. La présente disposition n'est pas codifiée.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La présente disposition est compatible avec le cadre conventionnel présenté supra (1.3.).
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Cette mesure participera à la facilitation de la réalisation d'équipements, d'ouvrages et d'opérations indispensables au développement économique de Mayotte. La réalisation de ces infrastructures permettra également de développer l'activité économique locale et la création de nouveaux emplois.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Cette mesure sera de nature à favoriser l'essor de projets, la réalisation de travaux et le développement de services sur le territoire de Mayotte.
4.2.3. Impacts budgétaires
La mesure proposée n'est pas accompagnée d'un renforcement des dispositifs d'aide existants, et évite des dépenses supplémentaires pour le budget de l'Etat et de ses opérateurs, ainsi qu'aux collectivités territoriales, en leur évitant les dépenses liées aux mesures conservatoires.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Cette mesure ne nécessite pas l'intervention des collectivités.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les impacts de cette mesure concerneront au premier chef les services assurant la maîtrise d'ouvrage des opérations visées, en leur permettant d'éviter des retards dans le déroulement de l'opération ainsi que de gérer plus rapidement l'occupation des terrains à acquérir et de limiter les risques d'occupations illégales. Sur ce dernier point, la mesure permettra de limiter les interventions des services déconcentrés de l'Etat (préfectures, forces de sécurité intérieure, directions de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, direction générale des territoires et de la mer, agence régionale de santé), en limitant les risques d'installation de bidonvilles. Cet impact sera le même s'agissant des autres infrastructures essentielles.
Cette mesure ne nécessitera pas de recrutements supplémentaires.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Cette procédure est l'un des instruments au service du développement du département de Mayotte et de sa convergence avec l'Hexagone.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure est de nature à causer un préjudice particulier aux propriétaires et occupants des terrains expropriés selon cette procédure, laquelle déroge à un critère essentiel de constitutionnalité de l'expropriation à savoir le paiement préalable de l'indemnité due (article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen).
La conformité de cette dérogation est conditionnée à :
1/ la poursuite de motifs impérieux d'intérêt général ; au cas présent, le développement d'infrastructures et installations essentielles et des projets de la reconstruction du territoire, sans attendre la fixation définitive des indemnités lorsqu'elles font l'objet de contestations judiciaires ponctuelles qui menacent la bonne exécution des travaux envisagés et la poursuite de l'opération dans son ensemble, fonde cette condition ;
2/ un champ d'application « étroitement circonscrit » ; au cas présent, les opérations sont limitées et participent d'objectifs spécifiques et essentiels au regard des montants engagés par la puissance publique sur le territoire ;
3/ des garanties effectives au profit du propriétaire concerné doivent être assurées ; cet aspect de la législation en vigueur, dont la constitutionnalité a déjà été confirmée, reste intact, la mesure prévoyant pour les immeubles bâtis à usage d'habitation, l'établissement d'un projet de plan de relogement des occupants.
L'impact sur les particuliers semble donc justifié, circonscrit et assorti de garanties suffisantes.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis défavorable le 10 avril 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française. Il est limité à une durée de dix ans.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique spécifiquement et uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
L'application de la mesure est subordonnée à la prise de décrets sur l'avis conforme du Conseil d'Etat spécifiant les terrains bâtis ou non bâtis dont la prise de possession immédiate est nécessaire pour éviter un retard préjudiciable de l'opération. Ces décrets ne pourront être pris qu'après identification des terrains concernés et vérification que l'opération est bien éligible à la procédure en cause.
Article 20 - Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La résorption du désordre foncier dans les collectivités d'outre-mer, au premier rang desquelles Mayotte, constitue une préoccupation constante du Parlement et du Gouvernement depuis plusieurs années, ainsi que le démontrent les mesures énumérées ci-dessous :
Ø La réitération par acte authentique notarié de l'acte sous seing privé, aux fins d'inscription au livre foncier (2° de l'article 24 du décret n° 2008-1086 du 23 octobre 2008 relatif à l'immatriculation et à l'inscription des droits en matière immobilière à Mayotte).
Une solution ouverte aux titulaires d'un titre sous seing privé, développée par la pratique, est la réitération de l'acte sous seing privé devant notaire en la forme authentique, aux fins d'inscription du second acte au livre foncier. Cependant, la réticence ou le décès, survenu entre-temps, de l'une des parties, rendent très souvent cette réitération impossible. Cette pratique ne résout pas non plus la situation des possesseurs dépourvus d'acte les titrant sur le bien.
Ø L'action en reconnaissance du droit de propriété introduite devant le juge judiciaire.
La volonté de faire reconnaître son droit de propriété par une décision judiciaire peut constituer l'intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile, qui rend recevable l'action en justice. La décision obtenue permet au demandeur de prouver son droit et de le rendre opposable aux tiers, car elle est susceptible d'inscription au livre foncier de Mayotte, en application des dispositions des articles 710-1 (en sa version actuelle) et 2524 du code civil.
En raison de ces effets, l'obtention d'une décision de justice constitue une solution particulièrement intéressante lorsque le droit de propriété est fondé :
- Sur la prescription acquisitive, qui découle de la loi (articles 2258 à 2277 du code civil) et n'est pas fondée sur un acte matérialisé par écrit ;
- Sur un acte sous seing privé conclu avant le 1er janvier 2008 mais privé d'accès au livre foncier depuis cette date. (Cette possibilité n'apparaît en revanche pas ouverte aux actes conclus sous seing privé après 2008 et non réitérés par acte authentique dans un délai de six mois, car l'article 2524 du code civil les sanctionne désormais par la caducité.)
La procédure écrite ordinaire et la représentation obligatoire par avocat sont applicables aux actions en reconnaissance du droit de propriété immobilière, en vertu des règles de droit commun applicables à de telles actions.
Pour encourager la saisine du juge judiciaire aux fins d'obtention d'un titre admis à la publicité foncière, le pouvoir réglementaire a pris le décret n° 2023-94 du 14 février 2023 relatif à la procédure applicable à certaines actions relatives au droit de propriété immobilière à Mayotte.
En vigueur depuis le 1er mai 2023, ce décret est applicable aux actions tendant à la reconnaissance d'un droit de propriété immobilière, lorsque le droit repose sur :
- un contrat formé par acte sous seing privé ou par acte cadial et non inscrit au livre foncier avant le 1er janvier 2008, c'est-à-dire lorsque la forme authentique n'était pas encore exigée ;
- la prescription acquisitive.
Il étend à ces actions la procédure accélérée au fond, et les dispense de ministère d'avocat, afin de faciliter l'accès au juge et de diminuer le coût du procès.
Ø La procédure de titrement
L'article 35 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (dite loi « LODEOM ») a créé une procédure dite de titrement des biens immobiliers. Son objet est ainsi défini :
1° Collecter et analyser tous les éléments propres à inventorier les biens fonciers et immobiliers dépourvus de titres de propriété ainsi que les occupants ne disposant pas de titre de propriété ;
2° Etablir le lien entre un bien et une personne, afin de constituer ou de reconstituer ces titres de propriété.
A Mayotte, la procédure de titrement devait être conduite par un opérateur public foncier ou par un groupement d'intérêt public (GIP) comprenant l'Etat, le département, des associations d'élus locaux, des géomètres-experts et des notaires.
Presque huit ans plus tard, l'article 116 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité outre-mer (dite loi « EROM ») a créé une commission d'urgence foncière (CUF), prévue à l'article 35-1 de la LODEOM et chargée de préfigurer le GIP mentionné à l'article 35 de la loi du 27 mai 2009.
Celui-ci est en activité depuis le 1er juillet 2023.
Ø L'acte de notoriété dit « renforcé » en outre-mer
L'acte de notoriété constatant les conditions de la prescription acquisitive (souvent appelé « acte de notoriété acquisitive ») est issu de la pratique notariale. Il a pour objet de faciliter la preuve du droit acquis par usucapion, qui découle de la loi et n'est matérialisé par aucun acte écrit. L'acte de notoriété n'a pas d'autre valeur probatoire que celle des éléments (témoignages, attestations, etc.) qu'il relate.
Dans sa version issue de la loi EROM de 2017, l'article 35-2 de la loi LODEOM du 27 mai 2009 a créé dans certaines collectivités ultramarines, dont Mayotte, un acte de notoriété dit « renforcé », auquel une force probatoire particulière est attachée.
L'article 35-2 dispose ainsi que jusqu'au 31 décembre 2027, lorsqu'un acte de notoriété constate une possession répondant aux conditions de la prescription acquisitive, il fait foi de la possession, sauf preuve contraire. Il ne peut être contesté que dans un délai de cinq ans à compter de la dernière des publications de cet acte par voie d'affichage, sur un site internet et, dans le cas de Mayotte, au livre foncier.
En conséquence, si l'acte de notoriété est contesté après l'écoulement du délai de cinq ans, l'acte de notoriété « renforcé » constituera alors une présomption irréfragable de propriété, et la contestation du tiers revendiquant un droit de propriété sera vouée à l'échec. L'acte de notoriété ne prouve donc de manière certaine le droit de propriété de celui qui s'en prévaut qu'une fois le délai de cinq ans écoulé.
Mayotte étant mal dotée en offices notariaux (aucun office de notaire installé à Mayotte et seulement trois bureaux annexes d'offices de la Réunion), l'article 35-2 a autorisé le GIP et donc, dans l'attente de sa constitution, la CUF, à établir de tels actes et à en assurer la publicité.
Une fois la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS », adoptée, prenant rétroactivement en compte les durées de possession antérieures à 2008, la CUF a délivré ses premiers actes de notoriété « renforcée » en mars 2022. Cette activité relève désormais des missions du GIP « pérenne » de titrement.
Ø L'adaptation du régime de la prescription acquisitive en outre-mer
Un comité interministériel des outre-mer (CIOM) s'est tenu le 18 juillet 2023, placé sous l'ambition de « lever les freins à l'efficacité des politiques publiques outre-mer ».
L'une des mesures décidées dans ce cadre correspondait à la réduction temporaire du délai d'usucapion de trente à dix ans (mesure n° 61), afin d'accélérer et de faciliter l'acquisition de droits de propriété immobilière sur ce fondement. Ces droits pourront notamment faire l'objet de décisions judiciaires ou d'actes de notoriété, qui seront admis à la publicité foncière.
En conséquence, l'article 51 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement a réduit, dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le délai d'usucapion de dix ans, jusqu'au 31 décembre 2038.
Le même article a par ailleurs aménagé les conditions de la possession requise pour prescrire la propriété immobilière, pour que l'existence d'une indivision (cas majoritaire dans les collectivités affectées par le désordre foncier) ne fasse pas obstacle au jeu de la prescription acquisitive.
De jurisprudence constante, la Cour de cassation déduisait de l'article 2261 que le possesseur indivisaire était présumé exercer sa possession à titre de propriétaire indivis, et non à titre de propriétaire du bien dans son ensemble, ce qui rendait sa possession équivoque et ne lui permettait pas de se prévaloir de la prescription acquisitive.
Cette jurisprudence bien assise constituait notamment un frein à l'établissement d'actes de notoriété acquisitive par les notaires ultramarins en présence d'une indivision successorale.
L'article 51 dispose donc que, par dérogation à l'article 2261 du code civil, la possession par un indivisaire d'un immeuble dépendant d'une succession ouverte et non partagée avant l'entrée en vigueur de la loi du 9 avril 2024 est réputée non équivoque à l'égard de ses co-indivisaires, y compris durant la période de possession antérieure à l'entrée en vigueur de la mesure.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La propriété figure au nombre des droits de l'Homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. En l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.122(*)
Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions et que l'atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général. En outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle. Enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie.123(*)
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
En vertu de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (CESDH) : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
En application de cette disposition, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) juge qu'il incombe aux autorités nationales de déterminer ce qui est « d'utilité publique » et de se prononcer sur l'existence d'un problème d'intérêt général justifiant des privations de propriété. Elle estime que les Etats jouissent ici d'une large marge d'appréciation124(*).
L'atteinte au droit de propriété doit, pour être compatible avec l'article 1er du Protocole n°1, se conformer au principe de légalité et poursuivre un but légitime par des moyens présentant un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but visé125(*).
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Remédier au désordre foncier constitue une étape indispensable à l'aménagement de ces territoires et à leur développement économique. En outre, cette situation aboutit à une négation du droit de propriété. La lutte contre le désordre foncier pour restaurer le droit de propriété présente la nature d'impérieux motif d'intérêt général de nature à justifier une application partiellement rétroactive du délai réduit de prescription acquisitive.
Obtenir un titre propre à prouver son droit de propriété permet aux personnes concernées de sécuriser l'occupation de leur parcelle, ainsi que les constructions et investissements auxquels elles sont procédées. Ce titre permet en outre de valoriser économiquement leur patrimoine, ou d'être indemnisé par l'autorité publique en cas d'expropriation pour la réalisation d'un projet d'utilité publique.
D'une part, l'article 51 de la loi du 9 avril 2024 de lutte contre l'habitat dégradé a déjà temporairement réduit le délai de prescription acquisitive de trente à dix ans dans les départements et régions d'outre-mer, ainsi qu'à Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Ce délai abrégé à dix ans doit permettre de solliciter plus vite un acte de notoriété constatant la réunion des conditions de la prescription acquisitive. Cependant, en l'état, il n'a pas d'effet rétroactif, la loi du 9 avril 2024 n'ayant prévu aucune disposition transitoire en ce sens.
D'autre part, l'article 35-2 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (« LODEOM »), qui institue l'acte de notoriété acquisitive dit « renforcé » en outre-mer. Cet article permet aux notaires en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte, ainsi qu'au groupement d'intérêt public chargé du titrement à Mayotte, de délivrer des actes de notoriété constatant une possession répondant aux conditions de la prescription acquisitive du code civil qui font foi sauf preuve contraire et ne peuvent être contestés que dans un délai de cinq ans. Ces dispositions expirent le 31 décembre 2027. Dès lors que le terme des différents outils juridiques de lutte contre le désordre foncier outre-mer (loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer dite « loi Letchimy » et loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement) a été fixé ont au 31 décembre 2038, il est nécessaire d'aligner le terme des dispositions de la loi LODEOM relatives aux actes de notoriété renforcés dès lors que ces outils complémentaires ne peuvent sérieusement contribuer à la résolution du désordre foncier que s'ils sont utilisés simultanément.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
En premier lieu, pour accélérer la résorption du désordre foncier à Mayotte, il est nécessaire de prévoir, pour l'application du délai réduit de prescription acquisitive, la prise en compte de la possession concernant la période antérieure au 11 avril 2024 (date d'entrée en vigueur de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement). Pour que cette nouvelle dérogation porte concrètement ses fruits, il est prévu de conditionner ce délai abrégé au fait de faire inscrire au livre foncier de Mayotte un acte constatant la possession. En effet, à Mayotte, le désordre foncier résulte non seulement de l'incertitude sur la personne du propriétaire, mais aussi et surtout de l'absence de mention des droits immobiliers au livre foncier. Cette situation tient notamment aux régimes juridiques dérogatoires et complexes qui se sont succédés à Mayotte. Or en l'absence de titre ayant fait l'objet d'une mesure de publicité foncière, on ne peut pas faire connaître son droit de propriété et l'opposer efficacement aux tiers.
En second lieu, l'objectif est d'aligner le terme de l'ensemble des outils législatifs pour la résorption du désordre foncier en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Il s'agit de permettre, à Mayotte, une application rétroactive de la réduction du délai de prescription acquisitive à 10 ans mais en conditionnant le bénéficie de celle-ci à l'accomplissement par le bénéficiaire de démarches de régularisation (constat de la possession par un acte de notoriété ou une décision de justice) et une inscription au livre foncier de Mayotte avant le 31 décembre 2038. Ces dispositions entrent en vigueur un an après la publication du décret déterminant les modalités d'information des personnes susceptibles d'être concernées par ces dispositions, et au plus tard le 31 décembre 2027.
Il s'agit en outre de permettre l'application de l'article 35-2 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer aux actes de notoriété dressés et publiés avant le 31 décembre 2038 (au lieu de 2027).
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La mesure prévue au I répond à un impérieux motif d'intérêt général qui est de résoudre rapidement le désordre foncier pour restaurer le droit de propriété et permettre le développement économique de Mayotte. Cette mesure est circonscrite territorialement en raison de l'exceptionnalité de la situation de Mayotte, limitée dans le temps, conditionnée à des mesures de publicité locales renforcées déterminées par décret et fait l'objet d'une entrée en vigueur différée. Dans ces conditions, elle respecte le cadre juridique constitutionnel.
Par ailleurs, le II modifie le troisième alinéa de l'article 35-2 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est modifié.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La présente disposition est compatible avec le cadre conventionnel présenté supra (1.3.). En effet, la mesure prévue au I répond à un impérieux motif d'intérêt général qui est la résorption du désordre foncier à Mayotte compte tenu du caractère très exceptionnel de la situation dans ce département. L'atteinte au droit de propriété poursuit ainsi un but légitime. Dès lors que la mesure est circonscrite territorialement, limitée dans le temps, conditionnée à des mesures de publicité locales renforcées et fait l'objet d'une entrée en vigueur différée, l'atteinte au droit de propriété garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales est proportionnée au but visé.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Ces dispositions, en raison de leur effet incitatif, devraient entrainer un accroissement des demandes auprès de la Commission d'urgence foncière de Mayotte (CUF) et une hausse des inscriptions au livre foncier.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La présente mesure permettra d'accélérer la résorption du désordre foncier en Outre-mer, en particulier à Mayotte où la réduction du délai de prescription acquisitive de 30 à 10 ans est rendue rétroactive.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La présente mesure permettra notamment de faciliter la reconnaissance du droit acquis sur une propriété par usucapion à Mayotte.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Le Conseil régional et le Conseil départemental de Guadeloupe ont été saisis à titre obligatoire en application des articles L. 3444-1 et L. 4433-3-1 du code général des collectivités territoriales le 28 mars 2025.
L'assemblée de Martinique a été saisie à titre obligatoire en application de l'article L. 7252-2 du code général des collectivités territoriales le 28 mars 2025.
Le Conseil régional et le Conseil départemental de La Réunion ont été saisis à titre obligatoire en application des articles L. 3444-1 et L. 4433-3-1 du code général des collectivités territoriales le 27 mars 2025.
L'Assemblée de Guyane a été saisie à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 7152-2 du code général des collectivités territoriales le 28 mars 2025.
Le Conseil territorial de Saint-Barthélemy a été saisi à titre obligatoire en application de l'article L.O.6213-3 du code général des collectivités territoriales le 28 mars 2025.
Le Conseil territorial de Saint-Martin a été saisi à titre obligatoire en application de l'article L.O.6313-3 du code général des collectivités territoriales le 28 mars 2025.
Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 3 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Ce dispositif est à la fois temporaire, puisqu'il ne vaut que jusqu'au 31 décembre 2038, et d'application différée puisque son entrée en vigueur est conditionnée à l'adoption d'un décret au plus tard le 31 décembre 2027, un an après la publication de la loi. Cette limitation dans le temps et ce différé d'entrée en vigueur contribuent à la constitutionnalité et à la compatibilité avec le droit européen du dispositif.
5.2.2. Application dans l'espace
Le I ne s'appliquera qu'à Mayotte. Le II a le même champ territorial que l'article 35-2 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer LODEOM et s'appliquent à la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Un décret déterminera les conditions dans lesquelles les dispositions du I font l'objet de mesures destinées à l'information renforcée des personnes susceptibles d'être concernées. Ces dispositions permettent de justifier de la proportionnalité de l'atteinte au droit de propriété dans le respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles.
Article 21 - Assouplir les procédures en matière de construction d'ERP, notamment des collèges et lycées : proroger la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 autorisant la passation des marchés globaux de type conception-réalisation pour les écoles du 1er degré, et l'étendre aux constructions du 2nd degré, aux constructions affectés à l'enseignement supérieur public et aux résidences universitaires au sens de l'article L. 631-12 du code de la construction
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Un marché public est un contrat conclu entre une administration publique et une entreprise privée. L'administration achète des biens, des services ou fait réaliser des travaux en échange d'un paiement.
Un marché de conception-réalisation est une catégorie de marché public global où une seule entreprise est chargée à la fois de concevoir et de réaliser un ouvrage. Ce qui permet une meilleure coordination entre la conception et la construction.
Un marché global de performance combine la réalisation d'un projet avec son exploitation ou sa maintenance, en fixant des objectifs de performance à atteindre.
Le code de la commande publique (CCP) pose comme principe, à l'article L. 2431-1 que « la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux ». Ce principe connaît toutefois plusieurs exceptions, que l'on retrouve au chapitre Ier du titre VII du livre Ier du même code.
Ainsi, par exemple, le dernier alinéa de l'article L. 2171-2 du CCP dispose que les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux peuvent librement recourir à des marchés de conception-réalisation pour la réalisation de logements locatifs aidés par l'Etat financés avec le concours d'aides publiques.
De même, l'Etat peut confier à un opérateur unique un marché global, portant notamment sur la conception et la construction de l'ouvrage, pour réaliser des immeubles affectés aux forces de sécurité intérieure, aux armées ou aux services du ministère de la défense, des établissements pénitentiaires ou, encore, des centres de rétention administrative126(*).
Les établissements publics de santé peuvent, aussi, librement recourir à des marchés globaux127(*).
Constatant l'existence d'importantes difficultés128(*) dans la construction des écoles en Guyane et à Mayotte, compte tenu notamment de la dynamique démographique de ces territoires, le législateur a souhaité expérimenter la possibilité de recourir librement dans ces départements aux marchés publics de conception-réalisation pour la réalisation d'écoles élémentaires et maternelles d'enseignement public, dans le but d'accélérer le processus de passation des marchés, la réalisation des travaux et ainsi permettre la scolarisation de nombreux enfants.
Cette expérimentation figure à l'article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, dont le premier alinéa dispose : « En Guyane et à Mayotte, à titre expérimental et pour une durée de sept ans à compter de la promulgation de la présente loi, les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 2171-2 du code de la commande publique ne sont pas applicables aux marchés publics de conception-réalisation relatifs à la réalisation d'écoles élémentaires et maternelles d'enseignement public. »
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Conseil constitutionnel considère « qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics », mais qu'en la matière, les dérogations au droit commun de la commande publique doivent être motivées par des motifs d'intérêt général et rester limitées afin de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles telles que l'égal accès à la commande publique, la protection des propriétés publiques et le bon usage des deniers publics129(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le dispositif vise à prolonger une dérogation à des dispositions qui, avant d'être codifiées dans le code de la commande publique, avaient été introduites par la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée dite « loi MOP ». Ces dispositions, qui relèvent du pur droit interne, ne soulèvent pas de difficulté en termes de respect des normes conventionnelles, notamment au regard de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics aujourd'hui transposée et codifiée au sein du code de la commande publique.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
L'ouverture des marchés de conception-réalisation présente de nombreux avantages en termes d'efficacité, de qualité et d'innovation, tout en garantissant un accès renforcé des PME locales à la commande publique. Confier la conception et la réalisation à une entité unique assure une continuité entre les phases du projet, limitant ainsi les ruptures et optimisant la gestion des interfaces. L'association précoce des concepteurs et des constructeurs permet d'optimiser les choix techniques et d'intégrer des innovations issues des industriels, favorisant des solutions performantes et compétitives. Ce mode de passation supprime une phase de consultation intermédiaire et réduit les itérations en conception, générant un gain de 6 à 12 mois sur les délais. La fixation contractuelle d'une date de livraison unique simplifie également la gestion des plannings. La connaissance rapide du coût global (honoraires et travaux) favorise une meilleure prévisibilité budgétaire, tandis que la responsabilité unique du titulaire garantit une gestion optimisée des risques et une obligation de performance.
À Mayotte, les besoins en infrastructures scolaires, d'enseignement supérieur et de résidences universitaires sont particulièrement urgents. Au cours des quinze dernières années, les effectifs scolaires ont plus que doublé, entraînant une saturation progressive des établissements existants et un fonctionnement désormais en surcapacité. Selon les projections de l'INSEE, les effectifs du second degré devraient encore croître de plus de 8 700 élèves d'ici à 2030. Du côté de l'enseignement supérieur, Mayotte compte en effet actuellement 3 000 étudiants dont plus de 2 200 à l'Université de Mayotte, avec une projection de forte croissance. En se basant sur l'objectif historique de taux de couverture par l'offre de logement social étudiant de 7% de la population visée, il serait adapté de construire à court terme et a minima une résidence d'au moins 200 places. Au regard de la démographie et de l'importante proportion de boursiers à Mayotte, le besoin réel est plus élevé.
Dans ce contexte, les moyens mobilisés ainsi que le renforcement des équipes dédiées à l'immobilier scolaire ont permis des avancées notables. Durant la période couverte par le Contrat de Convergence et de Transformation 2019-2022, la capacité d'accueil a été étendue pour accueillir 2 648 collégiens et 3 307 lycéens supplémentaires. Pour autant, ces efforts demeurent insuffisants au regard des besoins grandissants générés par une pression démographique soutenue.
Afin de mieux répondre aux enjeux de construction et de rénovation des bâtiments scolaires et universitaires, il est proposé d'étendre la faculté de recourir librement aux marchés publics de conception-réalisation, ouverte par la loi du 26 juillet 2019 « pour une école de la confiance », à l'ensemble des établissements d'enseignement : écoles maternelles et élémentaires publiques, établissements du second degré, ainsi qu'aux constructions destinées à l'enseignement supérieur et aux résidences universitaires. Il s'agit également de prolonger l'expérimentation engagée pour le premier degré.
Cet assouplissement permet d'accélérer les projets en répondant aux difficultés structurelles du territoire. Le manque d'ingénierie publique locale et les ressources limitées en maîtrise d'ouvrage rendent ce type de contrat d'autant plus pertinent en facilitant la gestion des opérations et en confiant l'ensemble du projet à un seul titulaire. Par ailleurs, l'intégration dès la conception des contraintes spécifiques du territoire - approvisionnement en matériaux, accès aux entreprises qualifiées, complexité foncière - garantit une meilleure anticipation des risques et des ajustements nécessaires. En responsabilisant un groupement unique composé d'architectes et d'entreprises, la continuité entre conception et exécution est renforcée, limitant ainsi les risques de retard et de surcoût.
Enfin, depuis décembre 2024, les marchés de conception-réalisation imposent qu'au moins 20 % du montant prévisionnel soit confié à des PME ou artisans, renforçant ainsi leur participation et leur développement. En combinant flexibilité, sécurité contractuelle et optimisation des ressources, ce dispositif constitue un outil adapté aux projets nécessitant une forte synergie entre conception et exécution, tout en répondant aux exigences d'efficacité et de performance du secteur public.
La prorogation de la dérogation et son extension aux constructions scolaires du second degré, aux constructions affectées à l'enseignement supérieur public et aux résidences universitaires nécessitent une modification législative pour être mises en oeuvre, puisqu'il s'agit de déroger à l'article L. 2431-1 du code de la commande publique.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Aujourd'hui, le faible nombre d'entreprises, le manque de compétences administratives et la capacité d'action limitée de la plupart des acteurs locaux freinent le bon déroulement des achats à Mayotte.
Cette problématique est particulièrement marquée s'agissant de la construction des établissements scolaires. Il existe en effet un besoin très important en la matière, compte tenu du contexte démographique local et, à Mayotte, des besoins de reconstruction, à la suite notamment du cyclone Chido.
Cette situation concerne également l'enseignement supérieur, porteur de forts besoins et enjeux dans ce département, le plus jeune de France, avec le double enjeu de la croissance projetée de la population étudiante et les souhaits de l'ensemble des parties prenantes de permettre à une plus grande partie de la jeunesse mahoraise de rester sur le territoire pour y poursuivre des études supérieures. S'agissant spécifiquement du besoin en logements universitaires à caractère social, il faut souligner que Mayotte est la seule académie à ne compter actuellement aucune résidence du Crous.
En permettant aux maîtres d'ouvrage d'adapter les procédures aux enjeux des projets, qui, s'agissant de la réalisation d'établissements scolaires, ne posent la plupart du temps pas de difficulté de conception particulière, l'offre des entreprises attributaires pourrait s'accroître.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance autorise, dans le cadre d'une expérimentation, la passation de marchés de conception-réalisation pour les écoles du premier degré.
Il convient de proroger cette dérogation au-delà de sa date de fin prévue le 26 juillet 2026, la faible durée initiale de l'expérimentation étant insuffisante pour en apprécier les effets. L'année 2030 marque l'achèvement du calendrier de reconstruction des établissements scolaires du second degré. Dans la même logique, il serait pertinent de ne pas limiter sa portée aux constructions scolaires du premier degré, en l'étendant au second degré, aux constructions affectés à l'enseignement supérieur public et aux résidences universitaires.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie l'article 59 de la loi n°2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La présente disposition est compatible avec le cadre conventionnel présenté supra (1.3.).
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Les marchés de conception-réalisation imposent qu'au moins 20 % du montant prévisionnel soit confié à des PME ou artisans, renforçant ainsi leur participation et leur développement.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Par dérogation au régime de droit commun, l'Etat conserve l'exercice des compétences en matière d'investissement pour les constructions scolaires du second degré (article D. 2144-12 du code de l'éducation).
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Il s'agit d'une simplification de l'action administrative, en confiant un seul marché au même opérateur.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Les mesures envisagées visent à améliorer significativement les conditions d'accueil et d'apprentissage des élèves en facilitant la construction et la rénovation d'établissements scolaires et d'établissement de l'enseignement supérieur. En permettant une mise en oeuvre plus rapide et mieux adaptée des projets d'infrastructure, ces dispositions contribuent à garantir un environnement d'étude de qualité, propice au bien-être et à la réussite des étudiants et des élèves, dès le premier degré.
La dérogation permettrait la reconstruction rapide de l'amphithéâtre de l'université de Mayotte ainsi que la construction par le Crous d'une résidence étudiante de 200 places pour laquelle un terrain est d'ores-et-déjà identifié.
Plus généralement, la construction accélérée de locaux pour l'enseignement supérieur public et de résidences universitaires permettra d'offrir aux étudiants mahorais et guyanais de meilleures conditions d'accès à l'enseignement supérieur et donc de plus grandes chances de réussite.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 3 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française, et ce, jusqu'au 31 décembre 2030.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article sera circonscrit au seul territoire de Mayotte en raison des besoins spécifiques de reconstruction de celui-ci suite au passage de Chido. L'expérimentation continue en Guyane dans le cadre originel l'article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance (soit jusqu'en 2026 : à l'issue de ce délai, il sera apprécié si une prolongation est nécessaire).
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application. Toutefois, six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation. Les modalités d'évaluation de l'expérimentation seront fixées par décret.
CHAPITRE III - CRÉER LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT DE MAYOTTE
Article 22 - Création d'une zone franche globale par adaptation du régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (ZFANG) existant
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le dispositif des zones franches d'activité (ZFA) dans les collectivités d'outre-mer a été instauré en 2009 par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). Il s'agissait de compenser aux entreprises les surcoûts résultant, d'une part, de l'étroitesse des marchés ultramarins et, d'autre part, de l'éloignement des territoires de l'Hexagone et de leur insularité, en abaissant leurs charges d'exploitation.
Conformément aux conclusions du Livre bleu des outre-mer, l'article 19 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a rénové les dispositifs fiscaux applicables dans les collectivités d'outre-mer en établissant un dispositif unique : les zones franches d'activité nouvelle génération (ZFANG). Ce dispositif s'appuie sur le régime de faveur des ZFA en vigueur jusqu'en 2018 dans les territoires ultramarins, en créant un régime pérenne, simplifié et renforcé sur certains territoires et pour certaines activités. L'un des objectifs poursuivis par cette rénovation a été d'accroître l'efficacité de ces mesures fiscales en les recentrant sur les secteurs particulièrement exposés à la concurrence.
Ainsi, les entreprises établies en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion, employant moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 M€, dont l'activité principale relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l' article 199 undecies B du code général des impôts (CGI) et qui sont soumises à un régime réel d'imposition ou à un régime micro, peuvent bénéficier :
- d'un abattement sur les bénéfices imposables à l'impôt sur le revenu (IR) ou à l'impôt sur les sociétés (IS) à hauteur de 50 %, porté à 80 % pour les exploitations pouvant bénéficier du taux majoré tel que celles situées à Mayotte ( article 44 quaterdecies du CGI) ;
- sauf délibération contraire, d'un abattement de cotisation foncière des entreprises (CFE) à hauteur de 80 %, porté à 100 % pour le taux majoré applicable à Mayotte ( article 1466 F du CGI) ;
- sauf délibération contraire, d'un abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) à hauteur de 50 %, porté à 80 % pour le taux majoré applicable à Mayotte ( article 1388 quinquies du CGI).
Le bénéfice des abattements majorés est octroyé en raison de la localisation des activités dans certains territoires ultramarins qui connaissent un retard économique plus accentué ou de la nature de l'activité qui y est exploitée. Ainsi, le taux d'abattement est majoré pour toutes les entreprises exerçant une activité éligible établies en Guyane ou à Mayotte. En revanche, pour les exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, le taux majoré ne s'applique qu'aux entreprises exerçant dans un secteur prioritaire mentionné au 3° du III de l'article 44 quaterdecies du CGI.
Le dispositif ZFANG est codifié dans le code général des impôts aux articles :
- article 44 quaterdecies du CGI : abattement sur l'assiette de l'impôt sur les bénéfices des entreprises (IR ou IS) ;
- article 1388 quinquies du CGI : sauf délibération contraire des communes des départements d'outre-mer, abattement sur la base d'imposition à la TFPB des immeubles ou parties d'immeuble ;
- article 1466 F du CGI : sauf délibération contraire des communes des départements d'outre-mer, abattement sur l'assiette de la CFE.
Le 14 décembre 2024, Mayotte a été frappée par le cyclone Chido, un des plus puissants jamais enregistrés. Les dégâts sont estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros. L'ensemble de l'économie locale a été touchée. Les entreprises mahoraises se caractérisent par des activités majoritairement réalisées dans les secteurs du commerce et de la santé et une taille des entreprises modeste. Ainsi, le commerce, le transport et l'hébergement restauration sont les secteurs où on dénombre le plus d'entreprises en 2019, soit une part de 63 %. Ces exploitations sont de petites tailles : 73 % comptent moins de 10 salariés, en 2021. Les ZFANG vise expressément ces entreprises et certains de ces secteurs comme le transport ou la construction. L'extension de ce dispositif permettrait à l'ensemble des TPE-PME, coeur de l'économie mahoraise, de bénéficier d'un appui fiscal certain.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
L'article 34 de la Constitution dispose que l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures sont du domaine de la loi. Par conséquent, toute mesure visant à étendre temporairement un dispositif fiscal en faveur de Mayotte relève de la loi.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Comme c'est le cas actuellement pour les ZFANG en application du IX de l'article 44 quaterdecies du CGI, l'extension du dispositif d'exonération à tous les secteurs d'activité à Mayotte sera conditionnée au respect de l'article 15 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission européenne (RGEC).
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Une extension temporaire du taux majoré de la ZFANG en faveur de Mayotte et son application à tous les secteurs d'activité est nécessaire afin de favoriser la reconstruction du tissu économique mahorais. Une telle modification d'un dispositif fiscal, par ailleurs prévu dans la partie législative du code général des impôts, relève de la loi en application de l'article 34 de la Constitution.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure proposée a pour objectif de relancer l'activité économique via, d'une part, une ouverture du dispositif d'abattement sur les bénéfices et d'abattement sur les impôts locaux à tous les secteurs d'activité mahorais ainsi que, d'autre part, un relèvement à 100% du taux majoré d'abattement fiscal applicable à Mayotte.
Cette baisse conséquente de la fiscalité des entreprises permettra de favoriser le redressement économique de l'île, d'accompagner la création d'emplois et d'inciter à l'implantation de nouvelles entreprises sur le sol mahorais, fortement impacté par les dégâts causés par le passage du cyclone Chido.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Trois options ont été envisagées :
- Option n° 1 : créer un nouveau dispositif fiscal ex nihilo dédié à Mayotte.
- Option n° 2 : renforcer le dispositif ZFANG existant de manière temporaire en augmentant ses paramètres quantitatifs, à périmètre d'application inchangé (taux d'abattement, plafonnement des abattements, condition de chiffre d'affaires) ;
- Option n° 3 : renforcer le dispositif ZFANG existant de manière temporaire à tous les secteurs d'activités (sous réserve des secteurs exclus par le Règlement général d'exemption par catégorie130(*), RGEC) et relever le taux de l'avantage fiscal à 100 %.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'option n° 3 a été retenue.
L'option n° 1 ne présente pas d'avantage par rapport aux autres options dès lors qu'elle alourdit et complexifie pour les contribuables les avantages applicables à Mayotte dans le cadre de la zone franche déjà en vigueur.
L'option n° 2 ne permet pas de remplir totalement l'objectif de relance économique de la mesure, en ce que le seul relèvement des paramètres quantitatifs n'aurait qu'un effet limité sur le tissu économique mahorais. Celui-ci serait par ailleurs circonscrit uniquement aux secteurs compris actuellement dans le dispositif, et la mesure ne permettrait donc pas de favoriser une relance de l'activité pour les autres secteurs qui ont pourtant été, eux aussi, durement affectés par le cyclone Chido.
A l'inverse, l'option n° 3 permet, en premier lieu, d'étendre le champ d'application du régime ZFANG à des secteurs d'activité actuellement exclus :
- les activités libérales et plus généralement toutes les activités qui relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux, telles que les activités de conseil ou d'expertise ;
- le secteur du commerce, notamment le secteur de l'hôtellerie, de la restauration, cafés, débits de tabac ;
- le secteur de l'éducation, de la santé, de l'action sociale.
Les activités hors du champ d'application des aides à finalité régionale resteraient exclues (banque et assurance, activités des sièges sociaux).
Cette option permet, en second lieu, d'encourager l'activité déjà présente et l'implantation d'activités nouvelles en portant temporairement les abattements pour les impositions sur les bénéfices et sur le foncier à 100 %.
Cette dernière option présente ainsi l'avantage de se fonder sur un dispositif existant et validé par le droit national et européen, qui est par ailleurs ciblé, bien connu et accueilli favorablement par les acteurs locaux. Elle permet de conserver une distinction entre les différentes catégories de tailles d'entreprises afin de viser les plus en difficultés et les plus présentes sur l'île, les PME étant le coeur de l'économie mahoraise.
L'option retenue présente un coût annuel total estimé à 18 millions d'euros (cf. détail dans la partie « impacts économiques »).
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Conformément à l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi, la mesure qui s'applique pendant 5 ans modifie directement le CGI. Sont ainsi modifiés les articles 44 quaterdecies et 1388 quinquies du CGI.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Comme c'est le cas actuellement pour les ZFANG en application du IX de l'article 44 quaterdecies du CGI, l'extension du dispositif d'exonération à tous les secteurs d'activité à Mayotte sera conditionnée au respect de l'article 15 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission européenne (RGEC).
Ce dispositif ne s'appliquera pas aux secteurs exclus du RGEC mentionnés notamment à l'article 13 du règlement. Selon cette disposition, les aides au fonctionnement à finalité régionale sont exclues pour les secteurs de l'acier, du lignite et du charbon. De même, les aides sont également exclues pour les entreprises dont les activités principales sont des « activités financières et d'assurance » ou pour les entreprises qui exercent des activités intragroupes et dont les activités principales sont des « activités des sièges sociaux » ou de « conseils pour les affaires et autres conseils de gestion ».
Les autorités françaises ont informé la Commission européenne de la mise en oeuvre du régime cadre exempté de notification relatif aux zones franches d'activité nouvelle génération, tiré des possibilités offertes par le RGEC. Ce régime d'aide a été enregistré par la Commission européenne sous la référence SA.41042. En dernier lieu, il a fait l'objet d'une information de la Commission européenne en date du 30 novembre 2023 (sous la référence SA. 110455) pour la période allant jusqu'au 31 décembre 2026 (soit jusqu'à la date d'expiration du RGEC).
Conformément aux dispositions de l'article 11 du RGEC, la présente modification du régime de ZFANG fera l'objet d'une nouvelle information de la Commission européenne dans les vingt jours qui suivent l'entrée en vigueur du dispositif.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La mesure proposée favorise les TPE-PME, les entreprises les plus touchées et les plus nombreuses à Mayotte. Elle vise non seulement à maintenir le tissu économique de l'île et l'emploi mais aussi à leur permettre de se développer et à attirer de nouvelles entreprises de taille équivalente. S'ajoute également l'objectif de soutenir l'économie régulière face à la concurrence du secteur informel.
Les entreprises mahoraises se caractérisent par des activités précises et une taille modeste. En dehors du domaine public, le commerce, le transport et l'hébergement-restauration représentaient 63 % des entreprises de l'île en 2019. Ces exploitations sont de petite taille : 73 % comptaient moins de 10 salariés en 2021. Les ZFANG visent expressément ces entreprises et certains de ces secteurs comme le transport ou la construction. L'extension de ce dispositif permettrait à l'ensemble des TPE-PME, coeur de l'économie mahoraise, de bénéficier d'un appui fiscal certain.
Par ailleurs, l'avantage fiscal renforce des entreprises améliorera leur compétitivité et permettra de favoriser la création d'emplois.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'option retenue présente un coût annuel pour l'Etat estimé à 18 M€. Cela correspond à un coût de 15,5 M€ pour l'extension à tous les secteurs d'activités, 1 M€ pour l'augmentation de l'abattement au profit des entreprises déjà éligibles, et 1,5 M€ pour l'augmentation de l'abattement au profit des entreprises éligibles au titre des nouvelles activités incluses au dispositif.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
La mesure n'aura aucun impact sur les ressources des collectivités locales puisque le dispositif d'abattement de CFE et de TFPB prévu respectivement aux articles 1466 F du CGI et à l'article 1388 quinquies du CGI est compensé par l'Etat aux collectivités.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
En opérant une baisse de la fiscalité pesant sur les entreprises, tant par une extension des avantages fiscaux existant à l'ensemble des secteurs d'activité qu'en augmentant les taux d'abattement, la mesure proposée vise à maintenir et créer des emplois à Mayotte.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
La mesure envisagée s'appliquera aux activité libérales. Seront donc concernées par l'abattement l'ensemble des professions réglementées, notamment médicales et paramédicales.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mesure envisagée s'appliquera pour cinq ans. Ainsi :
- Pour l'impôt sur le revenu, l'élargissement des secteurs d'activité et l'augmentation de l'abattement sont applicables aux impositions dues au titre des années 2025 à 2029 ;
- Pour l'impôt sur les sociétés, l'élargissement des secteurs d'activité et l'augmentation de l'abattement sont applicables aux impositions dues au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2025, étant noté qu'ils cessent de s'appliquer aux exercices ouverts à compter du 31décembre 2029 et que pour les exercices clos entre l'entrée en vigueur de la loi et le 30 décembre 2025, la condition du secteur d'activité doit être analysée au regard des secteurs d'activité de droit commun ;
- Pour la taxe foncière sur les propriétés bâties, l'élargissement des secteurs d'activité et l'augmentation de l'abattement sont applicables aux impositions dues au titre des années 2026 à 2030 ;
- Pour la cotisation foncière des entreprises, l'élargissement des secteurs d'activité est applicable aux impositions dues au titre des années 2026 à 2030.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article est applicable uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
Article 23 - Prévoir le zonage de tout le territoire en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à Mayotte
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La politique de la ville est une « politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers les quartiers et leurs habitants » qui intervient de manière territorialisée dans les quartiers urbains défavorisés, appelés « quartiers prioritaires de la politique de la ville » (QPV), tant en France hexagonale qu'en outre-mer. Sa mise en oeuvre est prévue par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
La géographie prioritaire de la politique de la ville est définie à l'article 5 de la loi précitée. Celui-ci prévoit que « les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont situés en territoire urbain et sont caractérisés par :
1° Un nombre minimal d'habitants ;
2° Un écart de développement économique et social apprécié par un critère de revenu des habitants. Cet écart est défini par rapport, d'une part, au territoire national et, d'autre part, à l'unité urbaine dans laquelle se situe chacun de ces quartiers, selon des modalités qui peuvent varier en fonction de la taille de cette unité urbaine.
Dans les départements et collectivités d'outre-mer, ces quartiers peuvent être caractérisés par des critères sociaux, démographiques, économiques ou relatifs à l'habitat, tenant compte des spécificités de chacun de ces territoires. »
En application de cet article, le décret en Conseil d'Etat n° 2024-1211 du 27 décembre 2024 a actualisé les modalités de détermination des quartiers prioritaires de la politique de la ville particulières à la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, à la Réunion, à Mayotte, à Saint-Martin et à la Polynésie française.
La méthode retenue a permis de construire un indicateur synthétique et de hiérarchiser l'ensemble des quartiers prioritaires à l'échelle de la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion. Elle a été ajustée pour Saint-Martin, Mayotte et la Polynésie française, tout en maintenant les mêmes principes fondamentaux.
Ainsi, plus spécifiquement pour Mayotte :
- Un quartier prioritaire est un espace urbain continu, situé en territoire urbain. Le territoire urbain dans lequel il est situé est une commune de Mayotte ;
- L'indicateur synthétique est déterminé sur la base d'un socle de cinq variables (critères), apprécié à la maille du village :
a) La proportion de personnes sans emploi dans la population des 15-64 ans ;
b) La proportion des non-diplômés dans la population des 15 ans et plus ;
c) La proportion des logements à l'intérieur desquels il n'y a pas d'accès à l'eau courante ;
d) La proportion des logements non équipés en électricité ;
e) La proportion des logements classés dans la catégorie des habitations de fortune.
Parallèlement, en application du II de l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 précitée et sur la base de la méthodologie retenue, la liste des quartiers prioritaires dans les territoires d'outre-mer a été actualisée au 1er janvier 2025 par le décret n° 2024-1212 du 27 décembre 2024 modifiant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et en Polynésie française.
Elle est le fruit d'une large concertation locale, menée par les représentants de l'Etat et ayant mobilisé l'ensemble des collectivités territoriales de ces territoires au cours du second semestre 2024.
Comme le présentent le tableau et la carte reportés ci-dessous, à Mayotte, au 1er janvier 2025, 42 quartiers, situés dans 15 communes, sont classés en QPV. Environ 190 000 habitants (d'après le recensement de population 2017) résident dans ces territoires, soit près de 75% de la population de l'archipel.
Département le plus pauvre, le plus densément peuplé et le plus jeune de France, Mayotte est le territoire ultra-marin le plus concerné par la politique de la ville, tant du point de vue de la population concernée que de l'étendue territoriale zonées. Le territoire doit faire face à de nombreux défis, tant social, économique qu'environnemental que l'évènement exceptionnel vécu par le territoire le 14 décembre 2024 a renforcé.
Territoire |
Nombre QP actuels |
Population actuelle en QP 2015 |
Nombre QP 2025 proposés* |
Population estimée QP 2025 |
Evolution population QP 2025 / QP 2015 |
Guadeloupe |
16 |
53 546 |
19 |
58 937 |
+10,1% |
Martinique |
7 |
24 301 |
9 |
53 891 |
+121,8% |
Guyane |
32 |
123 543 |
29 |
137 078 |
+ 11,0% |
La Réunion |
49 |
159 312 |
57 |
181 768 |
+ 14,1% |
Saint Martin |
2 |
9 571 |
3 |
10 847 |
+ 13,3 % |
Mayotte |
36 |
170 815 |
42 |
193 499 |
+ 13,3 % |
Polynésie |
76 |
70 678 |
88 |
73 043 |
+ 3,3 % |
Ensemble des territoires |
218 |
611 766 |
247 |
709 063 |
+15,9% |
La géographie prioritaire de Mayotte a été définie sur la base de critères tenant compte notamment des caractéristiques de l'habitat dans l'archipel. Or, l'habitat, de même que les installations d'eaux (eau potable et assainissement) et les réseaux d'énergie, ont été particulièrement endommagés par le passage du cyclone « Chido » et de la tempête « Dikeledi ». La moitié des dégâts (47 %, soit 1,6 Md€) porte sur l'habitat individuel et collectif privé, ce qui inclut également le logement social. L'ampleur des dégâts sur l'habitat individuel s'explique par deux facteurs : d'une part le nombre de logements supérieur à celui des autres bâtiments et, d'autre part, au caractère fragile et regroupé de l'habitat, compte tenu du caractère montagneux de l'archipel : deux tiers des surfaces de Grande Terre ont une pente supérieure à 15%. Le cyclone Chido a sévèrement touché les habitations (autour de 70 000), notamment les habitats précaires (32% des habitations), et les tôles et toitures des habitats en dur. Des destructions complètes ont été observées. Des bidonvilles ont été dévastés. D'après le rapport de la mission inter-inspections d'évaluation des dégâts, seuls 16% des logements n'ont pas été endommagés, contre 50% d'endommagés et 33% de détruits.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Département de Mayotte est régi par l'article 73 de la Constitution qui dispose notamment que : « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »
Le Conseil Constitutionnel reconnaît de façon constante que le principe d'égalité (DDHC, art.6) ne s'oppose pas à ce que le législateur « règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général ». Il a ainsi indiqué que « le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement et à l'aménagement de certaines parties du territoire national dans un but d'intérêt général ; que de telles mesures ne constituent pas en elles-mêmes une atteinte à la libre administration des collectivités locales131(*)». Le Conseil constitutionnel a assorti toutefois cette faculté d'une réserve : la différence de traitement qui en résulte doit être « en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit132(*) ». Au regard de cette jurisprudence, il incombe tant au pouvoir législatif qu'au pouvoir règlementaire d'édicter, le cas échéant, des règles qui tiennent compte des différences objectives de situation dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales de la même catégorie, sous réserve des conditions posées par la jurisprudence et par la loi.
A ce titre, le législateur a pu d'une part, prévoir des dispositions orientant la mise en oeuvre des politiques publiques à destination des territoires urbains défavorisés en raison des différences objectives de situation qu'ils rencontrent (politique de la ville). Il a pu d'autre part, permettre au pouvoir réglementaire de définir des modalités spécifiques de détermination des territoires urbains défavorisés de Mayotte.
Ainsi, cette mesure qui propose dans le cadre du projet de loi programme pour Mayotte, de prendre en compte dans les modalités de détermination de la géographie prioritaire de la politique de la ville de ce territoire, l'évènement exceptionnel qu'il a vécu et de proposer à ce titre son zonage intégral pendant le temps nécessaire à sa reconstruction, ne contredit ni le principe d'égalité, ni celui de libre administration des collectivités territoriales (Constitution, art.72), ni l'article 73 de la Constitution.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La géographie prioritaire de la politique de la ville est définie à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine qui prévoit que « Dans les départements et collectivités d'outre-mer, ces quartiers peuvent être caractérisés par des critères sociaux, démographiques, économiques ou relatifs à l'habitat, tenant compte des spécificités de chacun de ces territoires./ Un décret en Conseil d'Etat [en] détermine les modalités d'application. »
En conséquence, le pouvoir règlementaire a actualisé le 1er janvier 2025, les modalités de détermination de la géographie prioritaire de la politique de la ville de Mayotte, sur la base d'indicateurs rappelés supra, tenant compte notamment des caractéristiques de l'habitat dans l'archipel.
L'évènement exceptionnel survenu 14 décembre 2024 et la situation d'urgence à laquelle doit désormais faire face l'entièreté du territoire mahorais obligent à reconsidérer ces critères. Cet exercice n'est toutefois pas envisageable à ce stade de la reconstruction de l'archipel.
En effet, les trois quarts de l'habitat de l'île était insalubre avant le passage du cyclone. Les habitats précaires ont été sévèrement touchés, de même que ceux en tôles et les toitures en dur, avec des destructions complètes. On estime ainsi que seuls 16% des logements n'ont pas été endommagés, contre 50% d'endommagés et 33% de détruits. Selon la même mission inter-inspections d'évaluation des dégâts, les installations d'eaux (eau potable et assainissement) et les réseaux d'énergie sont également particulièrement touchés, avec des dégâts estimés respectivement à 42M€ et 75M€.
Il est ainsi proposé de prendre une mesure dérogatoire à l'article 5 précité permettant de ne pas tenir compte de critères pour déterminer sa géographie prioritaire de la politique de la ville et zoner l'entièreté du territoire pendant le temps nécessaire à sa reconstruction.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Il s'agit d'adapter la mise en oeuvre de la politique de la ville sur ce territoire à la situation d'urgence à laquelle il doit faire face suite au passage du cyclone « Chido » et à la tempête « Dikeledi ». L'archipel ayant été touché dans son entièreté par cette catastrophe, il est proposé de zoner l'ensemble du territoire en politique de la ville pendant le temps nécessaire à sa reconstruction.
Cette mesure facilitera le rétablissement et l'amélioration des conditions de vie de ses habitants en permettant à tout le territoire de pouvoir bénéficier des outils de la politique de la ville, en plus des politiques de droit commun menées.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il aurait pu être proposé de modifier l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine afin de prévoir le zonage en politique de la ville de l'entièreté du territoire mahorais. Cette disposition étant temporaire, cette option n'a pas été retenue.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Il est proposé de prendre une mesure dérogatoire à l'article 5 précité permettant de ne pas tenir compte de critères pour déterminer sa géographie prioritaire de la politique de la ville et zoner l'entièreté du territoire pendant le temps nécessaire à sa reconstruction.
Cette mesure dérogatoire et transitoire prendra fin à la prochaine actualisation de la liste des quartiers prioritaires prévue le 1er janvier 2030.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Cette disposition est une mesure transitoire. Aussi, il est proposé de ne pas intégrer cette disposition à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et de prévoir une disposition autonome qui permet d'y déroger.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Selon la mission inter-inspections d'évaluation des dégâts, le passage du cyclone « Chido » et de la tempête « Dikeledi » ont provoqué des dégâts importants sur les infrastructures, les biens et les milieux naturels de l'archipel, estimés à plus de 3 Mrds€, entrainant une perte d'activités économiques, aujourd'hui difficile à chiffrer mais que l'on peut estimer à près de 500 M€.
Or, cette mesure permettra à tout le territoire de pouvoir bénéficier des mesures et outils de la politique de la ville qui peuvent avoir des impacts macroéconomiques.
La politique de la ville facilite, en premier lieu, la mobilisation renforcée et territorialisée de l'ensemble des politiques publiques dites « de droit commun », qu'elles relèvent de l'Etat ou des collectivités territoriales, pour répondre aux enjeux spécifiques identifiés à l'échelle de chaque quartier.
L'ambition « Quartiers 2030 » qui décline la stratégie de l'Etat à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville, prévoit ainsi des engagements forts en matière de développement local, d'éducation, de cadre de vie, d'habitat, d'emploi, de mobilité, de santé, de transition écologique, etc.
Ainsi, par exemple, le « Fonds vert » s'est vu affecter une cible de 15% d'emploi en QPV.
En second lieu, pour développer l'économie du territoire, plusieurs exonérations fiscales sont adossées au zonage des quartiers prioritaires de la politique de la ville, en faveur des entreprises : exonérations de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les commerçants situés en QPV.
Le zonage intégral de Mayotte en QPV permettra à tout le territoire de pouvoir bénéficier des mesures et outils de la politique de la ville. Certains sont à destination des entreprises créées sur le territoire.
Enfin, en dernier lieu, des crédits dédiés issus du programme 147 seront délégués au préfet de département, qui décidera de leur emploi en faveur de la politique de la ville, en lien avec les élus locaux et les acteurs du territoire.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Cette mesure aura un impact budgétaire pour l'Etat puisqu'elle donnera notamment la possibilité de mobiliser les moyens de la politique de la ville portés par le programme budgétaire 147 « Politique de la ville » sur l'ensemble du territoire de Mayotte. 1 million d'euros est prévu pour 2025.
Des dispositifs fiscaux sont également adossés au zonage des quartiers prioritaires de la politique de la ville qui s'appliquent à Mayotte.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Cette mesure permettra à tout le territoire de pouvoir bénéficier de la politique de la ville.
La politique de la ville facilite, en premier lieu, la mobilisation renforcée et territorialisée de l'ensemble des politiques publiques dites « de droit commun », qu'elles relèvent de l'Etat ou des collectivités territoriales, pour répondre aux enjeux spécifiques identifiés à l'échelle de chaque quartier.
En second lieu, plusieurs dispositifs sont adossés au zonage des quartiers prioritaires de la politique de la ville dont certains peuvent être mobilisés par les collectivités territoriales (exonération d'impôts locaux, crédits du programme 147 délégués localement et dédiés aux actions de politique de la ville ...).
Enfin, au-delà des outils évoqués, la politique de la ville repose, par l'intermédiaire notamment des instances de pilotage des contrats de ville, sur la coordination des acteurs du territoire : L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les organismes de protection sociale, les acteurs du logement, les acteurs économiques et la société civile, en particulier les associations et les habitants.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La politique de la ville repose, par l'intermédiaire notamment des instances de pilotage des contrats de ville, sur la coordination des acteurs du territoire, dont l'Etat, représenté par les services préfectoraux. Le zonage de l'entièreté de l'archipel en politique de la ville pourra ainsi conduire l'Etat à intervenir au titre de la politique de la ville sur l'ensemble du territoire.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Cette mesure permettra à tout le territoire de pouvoir bénéficier des mesures et outils de la politique de la ville. Elle a notamment pour objectif d'améliorer les conditions de vie des habitants des territoires concernés.
La politique de la ville facilite, en premier lieu, la mobilisation renforcée et territorialisée de l'ensemble des politiques publiques dites « de droit commun », qu'elles relèvent de l'Etat ou des collectivités territoriales, pour répondre aux enjeux spécifiques identifiés à l'échelle de chaque quartier.
L'ambition « Quartiers 2030 » qui décline la stratégie de l'Etat à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville, prévoit ainsi des engagements forts en matière notamment d'accompagnement vers le plein emploi, d'éducation, d'accès aux services publics, de cadre de vie, etc.
En second lieu, plusieurs dispositifs sont adossés au zonage des quartiers prioritaires de la politique de la ville dont la mobilisation peut avoir un impact direct sur la société (les crédits d'intervention spécifiques de la politique de la ville (P147).
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
L'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas directement concernée par cette mesure. Il convient toutefois de rappeler que l'article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine impose que les contrats de ville « définissent obligatoirement des actions stratégiques dans le domaine de l'égalité entre les femmes et les hommes. »
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
La jeunesse n'est pas directement concernée par cette mesure. Il convient toutefois de rappeler que l'article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine impose que les contrats de ville « définissent obligatoirement des actions stratégiques dans le domaine de la jeunesse. »
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les particuliers ne sont pas directement concernés par cette mesure, sous réserve des justifications apportées au 4.5.1.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Cette mesure n'a pas directement d'impacts environnementaux même si les considérations environnementales sont prises en compte dans la mise en oeuvre de la politique de la ville.
Ainsi, l'ambition « Quartiers 2030 » qui décline la stratégie de l'Etat à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville, prévoit des engagements forts notamment en matière d'accompagnement à la transition écologique dans les quartiers, à travers notamment la mobilisation du Fond Vert et son fléchage à hauteur de 15% sur les QPV.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Le Conseil national des villes a été consulté à titre obligatoire en application de l'article 1 du décret n°2015-77 du 27 janvier 2015 relatif aux instances en charge de la politique de la ville et a rendu un avis le 14 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française et jusqu'au 31 décembre 2029.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Le décret n° 2024-1212 du 27 décembre 2024 modifiant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et en Polynésie française pourra être modifié afin de rappeler le zonage intégral de Mayotte en politique de la ville jusqu'au 31 décembre 2029.
Article 24 -Extension des compétences de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Aux termes de l'article L. 571-5 du code rural et de la pêche maritime, une chambre de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte (CAPAM) constitue, auprès de l'Etat ainsi que des collectivités territoriales et des établissements publics qui leur sont rattachés, l'organe consultatif, représentatif et professionnel des intérêts de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture à Mayotte. La CAPAM est un établissement public placé sous la tutelle de l'Etat et administré par des élus représentants les activités et les groupements professionnels agricoles, de la pêche et de l'aquaculture (article L. 571-6).
Le cadre d'actions actuel de la CAPAM est issu de dispositions du CRPM, à l'instar des autres établissements du réseau des chambres d'agriculture.
Pour mémoire, l'ordonnance du 20 avril 2022133(*) a eu pour effet de rétablir un régime juridique particulier pour cet établissement consulaire, en lui réattribuant une compétence dans les domaines de la pêche et de l'aquaculture (compétence dont elle pouvait se prévaloir jusqu'au 31 décembre 2018 et l'abrogation du régime spécifique qui lui était applicable) et, par conséquent, de sécuriser juridiquement son action dès lors qu'elle dispose d'élus représentant ces secteurs d'activité. Le champ d'action et les missions exercées par la chambre sont alignés avec ceux d'une chambre départementale d'agriculture de droit commun, moyennant des adaptations de son périmètre d'intervention, plus restreint pour la CAPAM s'agissant de l'agriculture, afin de tenir compte de ses capacités d'action, humaines et financières. Ses actions sont notamment recentrées sur des missions de représentation, de consultation et d'appui.
Pour que la CAPAM soit en mesure de se séparer des missions relatives à la pêche et à l'aquaculture, le périmètre des missions délégables par la chambre prévue à l'article L.951-11 du CRPM doit être étendu. Cette modification permet la délégation de ces missions vers la structure préfiguratrice du CRPMEM dans des conditions prévues par décret.
Plus précisément, cette modification permet d'étendre le périmètre des missions délégables à l'ensemble des compétences prévues aux articles L. 912-3 en matière de pêche maritime et L. 912-7 en matière de conchyliculture. Les renvois figurant à l'article L. 951-11 dans sa version actuelle apparaissent trop ciblés. Il convient de laisser au pouvoir réglementaire la possibilité d'organiser, de façon échelonnée en tant que de besoin, cette délégation des compétences vers la structure préfiguratrice dans un premier temps, puis vers le CRPMEM dans un second.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
L'article 34 de la Constitution de 1958 prévoit que « la loi fixe les règles concernant (...) la création de catégories d'établissements publics (...) ». Ainsi, les missions des chambres d'agriculture, qui sont des établissements publics administratifs sont décrites dans la partie législative du CRPM et précisées dans sa partie réglementaire.
La tutelle locale de la CAPAM est exercée par le Préfet, à l'instar des autres chambres d'agriculture.
Le Département de Mayotte est une collectivité d'outre-mer qui relève de l'article 73 de la Constitution et exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer depuis le 31 mars 2011, date d'entrée en vigueur de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte134(*). Les principes constitutionnels de la décentralisation sont pleinement applicables à Mayotte, et en particulier, la libre administration des collectivités par des conseils élus, la libre gestion de leurs ressources, l'absence de tutelle d'une collectivité à une autre et la fixation par la loi des principes fondamentaux de la libre administration, de leurs compétences et de leurs ressources (article 34 de la Constitution).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Il convient également d'élargir le périmètre de compétences en matière de pêche et de conchyliculture que la chambre d'agriculture de Mayotte pourra déléguer à une structure préfiguratrice d'un futur comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM). Ces compétences seront transférées de la CAPAM vers la structure préfiguratrice dans les conditions fixées par décret, conformément à l'article L.951-11 du CRPM. Ensuite, la chambre de Mayotte pourra devenir une chambre de droit commun recentrée sur sa mission relative au monde agricole.
A ce jour, les pêcheurs sont très minoritaires au sein de la CAPAM, ce qui ne leur permet pas d'échanger sur les projets à venir notamment en faveur de la structuration de la filière. La création d'un CRPMEM est sollicitée depuis plusieurs années sur le territoire. Cette structure pourrait accompagner le développement de la filière et coordonner les acteurs du secteur. Les besoins d'accompagnement sont significatifs. En matière de formation par exemple, le premier niveau d'exigence est que les équipages des entreprises de pêche déclarées acquièrent des brevets matelot et de commandement de pêche.
À Mayotte, toute la filière est à professionnaliser, tant en matière d'hygiène et de sécurité des moyens humains qu'en matière de sécurisation et traçabilité des infrastructures. Les pêcheurs travaillent dans des conditions difficiles en mer comme à terre, les navires sont obsolètes, l'avitaillement est souvent défaillant sur le littoral (carburant-glace). Cette professionnalisation sera d'autant plus efficace si une structure de coordination de la filière est mise en place pour représenter et accompagner les pêcheurs et leur permettre de porter des actions collectives.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le présent article a pour objectif de permettre à la CAPAM de déléguer certaines de ses compétences en matière de pêche et de conchyliculture à une autre structure, afin de préfigurer la création d'un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM).
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'article autorise la CAPAM à déléguer toutes ses compétences en matière de pêche et de conchyliculture à la structure préfiguratrice du CRPMEM, auquel ces compétences seront confiées à terme.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La présente disposition modifie l'article L. 951-11 du CRPM.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
A terme, le CRPMEM sera l'interlocuteur des professionnels de la pêche maritime et de la conchyliculture dans des conditions définies par décret et selon des modalités qui devront être concertées avec les parties prenantes.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Ces dispositions s'appliqueront uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Conformément au deuxième alinéa de l'article L. 951-11 du CRPM, un décret simple définira les conditions et le champ des compétences transférées à la structure préfiguratrice du CRPMEM, puis à ce dernier.
Article 25 - Modifier le code du sport afin de permettre à Mayotte d'exercer les mêmes compétences que l'ensemble des départements en faveur du développement des sports de nature
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La loi n°83-663 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, a transféré aux départements la compétence en matière d'itinéraires de promenade et de randonnée. Les départements, qui développaient depuis longtemps des politiques de randonnée sont en charge depuis dix ans d'une compétence plus large de développement maîtrisé des sports de nature. L'article L. 311-3 du code du sport donne ainsi compétence au département pour favoriser le développement maîtrisé des sports de nature. A cette fin, il prévoit l'élaboration d'un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (PDESI) incluant le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée prévu à l'article L. 361-1 du code de l'environnement. Aux termes des articles R. 311-1 et suivants du même code, une commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (CDESI), placée auprès du président du conseil départemental, concourt à l'élaboration du plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature et propose des conventions pour sa mise en oeuvre. Elle est consultée sur tout projet d'aménagement ou toute mesure de protection des espaces naturels susceptible d'avoir une incidence sur l'exercice des sports de nature dans les espaces, sites et itinéraires inscrits à ce plan.
La CDESI permet au conseil départemental d'impliquer les acteurs des sphères sportive, environnementale ou encore institutionnelle pour concourir notamment à l'élaboration du PDESI.
Le PDESI doit garantir l'accessibilité aux lieux, supports des pratiques sportives de nature, sans pour autant compromettre les objectifs de préservation environnementale, l'exercice des autres usages (autres sports, chasse, pêche...) ou le droit de propriété. Dans de nombreux cas, le rôle de la CDESI ne se limite pas à l'élaboration et à la mise en oeuvre du PDESI.
Les conseils départementaux s'appuient sur cette instance pour définir ou orienter une politique de développement des sports de nature plus globale (aménagement, promotion, tourisme, évènements, financements...).
Or, actuellement, Mayotte n'est pas en mesure de développer la pratique des sports de nature en s'appuyant sur ces outils. Il résulte en effet des dispositions des articles L. 421-1 et R. 421-1 du code du sport que les articles L. 311-1 et les articles R. 311-1 du code du sport ne sont pas applicables à Mayotte. En effet, ce sujet n'avait pas été soulevé au moment de la départementalisation de Mayotte : c'est depuis 2013 que le conseil départemental l'a soulevé.
Alors même que Mayotte offre de multiples opportunités au regard de son patrimoine naturel et environnemental et que les conseillers en animation sportive notamment de la délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (DRAJES) de Mayotte ont engagé une politique volontariste de développement des sports de nature avec les différents acteurs des collectivités (accompagnement éducatif des collégiens, formation des éducateurs sportifs, création d'un réseau de référents sports de nature, développement de la pratique du trail, etc.), les résultats sur le terrain restent encore trop faibles pour deux raisons principales : d'une part, la pratique sportive prédominante est le football, qui ne peut pas être assimilé à un sport de nature et, d'autre part, les sports de nature pâtissent d'un manque d'infrastructures et de compétences d'encadrement.
Le Conseil départemental a saisi le ministère des outre-mer en février 2019 pour demander l'application de la législation à Mayotte et pour informer de son projet de lancer la création de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires (CDESI) ainsi que la rédaction du Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Département de Mayotte est une collectivité d'outre-mer qui relève de l'article 73 de la Constitution et exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer depuis le 31 mars 2011, date d'entrée en vigueur de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte135(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le développement des sports de nature pourra être rattaché aux dispositifs existants de soutien au plan européen, des programmes étant développés à cet effet dans le cadre de l'union européenne, dans un objectif de développement durable et de consolidation de la prise en compte du patrimoine naturel. Le pôle ressources des sports de nature hébergé au Centre de Ressources d'Expertise et de Performance Sportive de Rhône-Alpes à Vallon Pont d'Arc travaille depuis 15 ans à la mobilisation des crédits FEDER notamment et Erasmus + sport pour la valorisation des sports de nature, l'aménagement d'itinéraires, l'intégration de ces sports dans des enjeux de développement durable.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le présent article offre l'opportunité de mettre à jour le code du sport pour permettre au Département-Région de Mayotte d'exercer les mêmes compétences que l'ensemble des départements en faveur du développement des sports de nature.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'élaboration d'un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (PDESI) et la création de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (CDESI) doivent permettre une mobilisation spécifique en faveur de leur essor comme vecteur de croissance économique, de développement du tourisme et d'insertion notamment de la jeunesse mahoraise dans le marché de l'emploi.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Seule la suppression des dispositions du code du sport permettra d'atteindre l'objectif.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le présent article prévoit de supprimer les articles L. 311-3 et L. 311-6 du code du sport de la liste des dispositions du même code qui ne sont pas applicables à Mayotte, afin de permettre au Département-Région d'élaborer un PDESI puis, après modification des dispositions réglementaires du code, de constituer une CDESI.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie le code du sport pour permettre au Département-Région de Mayotte d'exercer les compétences des départements en ce qui concerne le développement des sports de nature, prévues à l'article L. 311-3 de ce code.
Ainsi, l'article L. 311-3 du code du sport est supprimé de la liste des dispositions de ce code qui ne sont pas applicables à Mayotte, prévue à l'article L. 421-1 du code du sport. Il en est de même pour l'article L. 311-6, qui renvoie à l'article L. 311-3.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
L'élaboration d'un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (PDESI), puis, après modification des dispositions réglementaires du code, la création de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (CDESI) doivent permettre une mobilisation spécifique en faveur de leur essor comme vecteur de croissance économique, de développement du tourisme et d'insertion notamment de la jeunesse mahoraise dans le marché de l'emploi.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le présent article permet au Département-Région de Mayotte d'exercer la compétence départementale en matière de développement des sports de nature.
Par ailleurs, la création de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires (CDESI), qui comprend notamment des représentant des élus locaux, permettra de faire participer les représentants des autres collectivités au développement des sports de nature.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services administratifs du Département-Région seront chargés de rédiger le Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) puis de le mettre en oeuvre.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
L'élaboration d'un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (PDESI) et la création de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (CDESI) doit avoir un impact favorable sur la croissance économique, le développement du tourisme et l'insertion de la jeunesse mahoraise dans le marché de l'emploi.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Le développement des sports de nature et le tourisme qui en découlera, permettra l'accroissement des offres d'activités sportives proposées aux mahorais, en tant qu'animateurs ou participants.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Le développement des sports de nature à Mayotte s'inscrira dans un objectif de développement durable et de consolidation de la prise en compte du patrimoine naturel.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Ces dispositions s'appliqueront uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert aucun texte d'application.
CHAPITRE IV - ACCOMPAGNER LA JEUNESSE DE MAYOTTE
Article 26 - Prise en charge par l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) des lycéens de Mayotte dès lors que la filière qu'ils ont choisie est indisponible dans leur territoire
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La mesure proposée relève de la politique nationale de continuité territoriale définie à l'article L. 1803-1 modifié du code des transports qui dispose que « dans les conditions déterminées par les lois et règlements, les pouvoirs publics mettent en oeuvre, au profit des personnes physiques régulièrement établies en France et des personnes morales de droit privé domiciliées outre-mer, une politique nationale de continuité territoriale au départ ou à destination de l'outre-mer. Cette politique repose sur les principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République. Elle tend à atténuer les contraintes de l'insularité et de l'éloignement, notamment en matière d'installation professionnelle, et à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de l'Hexagone, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».
En application de cette politique, l'article L. 1803-5 du code des transports définit le passeport pour la mobilité des études comme étant « l'aide destinée aux étudiants de l'enseignement supérieur et aux élèves du second cycle de l'enseignement secondaire qui a pour objet le financement d'une partie des titres de transport. Cette aide est attribuée aux étudiants inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur lorsque l'inscription dans cet établissement est justifiée par l'impossibilité de suivre un cursus scolaire ou universitaire, pour la filière d'étude choisie, dans la collectivité de résidence mentionnée à l'article L. 1803-2. Cette situation est certifiée dans des conditions fixées par voie réglementaire. Elle peut par ailleurs être attribuée aux élèves de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy relevant du second cycle de l'enseignement secondaire lorsque la filière qu'ils ont choisie est inexistante dans leur collectivité de résidence habituelle et que la discontinuité territoriale ou l'éloignement constitue un handicap significatif à la scolarisation ».
Selon cet article, les lycéens de deux collectivités, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, ont la possibilité de recourir au passeport pour la mobilité des études pour la prise en charge d'une partie du coût de leur titre de transport aller et retour vers le lieu de leur enseignement.
Le passeport pour la mobilité des études est une aide créée par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique de l'outre-mer, qui reprend un plus ancien « passeport mobilité études ». L'éligibilité des lycéens de Mayotte à cette aide n'a pas été écrite dans la loi dès 2009 car Mayotte est assez bien équipée en filières du second degré. C'est à partir de 2021 qu'a surgi une demande d'aide à la mobilité pour des lycéens désireux de s'inscrire dans certaines filières. L'évolution démographique de cette collectivité fait apparaître un besoin en nombre de places dans les établissements scolaires qui s'accentue à la suite du passage du cyclone CHIDO et que l'accroissement des capacités d'accueil ne parvient pas à combler au même rythme.
Le passeport pour la mobilité des études, lorsqu'il est pris par un lycéen, comporte les conditions suivantes (application des dispositions des articles L. 1803-1, L. 1803-5, D. 1803-1, D. 1803-4, D. 1803-5, D. 1803-12 du code des transports) :
Ø Le bénéficiaire est régulièrement établi en France et sa collectivité de résidence habituelle est située dans une collectivité éligible d'outre-mer ;
Ø La filière d'enseignement choisie est inexistante dans la collectivité de résidence habituelle ;
Ø La discontinuité territoriale ou l'éloignement constitue un handicap significatif à la scolarisation ;
Ø Le lieu de formation est situé sur le territoire français ou, dans le cadre d'un programme européen, dans un Etat membre de l'Union européenne ou un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;
Ø Le lycéen qui, au moment de son départ pour son cursus scolaire dans une des destinations éligibles au passeport pour la mobilité des études, était résident habituel d'une collectivité ultramarine peut, tout au long de son cursus, bénéficier du passeport pour la mobilité des études, sous réserve de satisfaire aux autres conditions d'éligibilité - cette précision intéresse les personnes majeures ou devenues majeures, qui deviennent résidentes de la collectivité du lieu de formation ;
Ø Le lycéen ne doit pas avoir subi deux échecs successifs aux examens et concours de fin d'année scolaire ou universitaire ; cette condition n'est pas exigée dans le cas du voyage initial et de la première année d'étude ;
Ø Aucune prise en charge ne peut être admise plus de six mois après la date du voyage ;
Ø Le foyer fiscal du lycéen doit présenter un quotient familial (revenu annuel rapporté au nombre de parts) ne dépassant pas 26 631 € ;
Ø L'intensité de l'aide financière est de 100 % du coût du titre de transport aérien ;
Ø Le transport est effectué par mode aérien dans la classe tarifaire la plus économique sur le vol emprunté ;
Ø Au cours d'une année civile, il ne peut être accordé qu'une aide au titre du fonds de continuité territoriale, toutes aides confondues.
Selon la modification projetée, la situation du résident habituel de Mayotte demandant l'aide aux lycéens aurait les caractéristiques particulières suivantes :
Ø La filière d'enseignement choisie peut être existante dans la collectivité de résidence habituelle mais, pour tenir compte de l'effet de saturation de certaines filières de formation, l'impossibilité de suivre la formation à Mayotte doit être reconnue. L'impossibilité couvre le cas de l'inexistence de la filière mais aussi le cas de la saturation des filières existantes ;
Ø La condition ayant trait à la discontinuité territoriale, à l'éloignement et au handicap significatif à la scolarisation n'est pas repris ;
Selon les données de l'académie de Mayotte, 952 élèves de foyers mahorais étaient inscrits en 2020 dans des lycées de La Réunion ou de l'Hexagone, essentiellement dans les académies de Rennes, Nantes et Toulouse. Les données disponibles ne distinguent pas la part de ces élèves qui suit un enseignement technologique ou professionnel. Il est difficile de savoir comment ils se répartissent entre les filières générales, technologiques et professionnelles. On peut cependant noter qu'environ un tiers des lycéens de Mayotte sont scolarisés dans l'enseignement professionnel. Cette part rapportée au nombre de lycéens « expatriés », on pourrait estimer que le nombre maximum d'élèves concernés par le passeport pour la mobilité des études serait au maximum d'environ 320.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La mesure s'applique aux résidents du Département de Mayotte, relevant de l'article 73 de la Constitution.
Le principe dit de « continuité territoriale » n'a valeur constitutionnelle ni en lui-même ni comme corollaire du principe d'indivisibilité de la République (2003-474 DC, 17 juillet 2003, cons. 12 et 13).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le territoire de Mayotte dispose d'une offre complète pour les filières de l'enseignement général et technologique à l'exception de la filière sciences et technique du théâtre, de la musique et de la danse (S2TMD).
S'agissant de la filière professionnelle, Mayotte offre déjà un large panel de spécialités de baccalauréat professionnel : 31 sur les 94 disponibles sur l'ensemble du territoire national. Par ailleurs, l'offre mahoraise répond aux besoins des filières les plus porteuses en termes d'emploi local : soins/services à la personne, accueil, systèmes informatiques, métiers du commerce et de la vente, bâtiment, maintenance automobile, etc. A contrario, certaines spécialités de la filière professionnelle ne sont pas disponibles à Mayotte car elles correspondent à des secteurs économiques moins porteurs en termes d'emploi local : il s'agit par exemple des métiers du cuir, de la fonderie, de la forêt, de l'optique-lunetterie, de la prothèse dentaire, etc. A la rentrée scolaire 2023, il existe à Mayotte 51 filières de formation conduisant au baccalauréat professionnel, 23 au BTS, 35 au CAP. S'y ajoutent 5 mentions complémentaires.
Le passeport pour la mobilité des études constitue une aide du dispositif de continuité territoriale et est défini à l'article L. 1803-5 du code des transports. Le deuxième alinéa s'applique aux étudiants de l'enseignement supérieur, le troisième alinéa s'applique aux élèves relevant du second cycle de l'enseignement secondaire de Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy lorsque la filière qu'ils ont choisie est inexistante dans leur collectivité de résidence habituelle et que la discontinuité territoriale ou l'éloignement constitue un handicap significatif à la scolarisation.
La situation de Mayotte est différente de celle de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il y a certes un nombre satisfaisant de filières proposées. On y dénombre à ce jour un nombre de diplômes proposées dans la fourchette basse (25%) de celles existantes dans les autres collectivités d'Outre-mer (comprises entre 29 et 49% du nombre total de diplômes existant en France hexagonale). Mayotte fait face essentiellement à un phénomène de saturation rapide des filières existantes et de la difficulté pour le tissu économique local d'accueillir en stage professionnel l'ensemble des lycéens engagés dans une formation, une difficulté de prise en charge par les entreprises qui s'est accentuée après le passage du cyclone CHIDO. L'académie connaît une croissance démographique importante qui pose un enjeu en matière de construction scolaire et accentue la tension sur l'offre de formation : l'âge moyen de la population est de 23 ans, et le département a enregistré une croissance de 22 % du nombre d'inscrits à l'école entre 2019 et 2024.
Les capacités d'accueil en voie professionnelle sont insuffisantes au regard de la demande : pas plus d'un tiers des élèves de classe de troisième peut être accueilli en voie professionnelle. L'offre de formation est insuffisante au regard des demandes des élèves, des familles et des décisions d'orientation prises par les conseils de classe. Par exemple, en juin 2024, alors que 45 % des décisions d'orientation étaient dirigées vers la voie professionnelle, les élèves sont orientés en voie générale par défaut de capacités d'accueil.
Pour permettre aux élèves de l'enseignement secondaire ne pouvant s'inscrire à Mayotte du fait de l'inexistence ou de la saturation de la filière choisie de bénéficier du passeport pour la mobilité des études, une disposition répondant spécialement aux besoins de Mayotte doit être prise.
L'ensemble de ces éléments mettent en exergue "les caractéristiques et contraintes particulières" qui s'appliquent à Mayotte justifiant une prise en compte spécifique sans contrevenir au principe d'égalité devant la loi (CC, décision N° 2004-503).
Il n'existe pas d'autre dispositif de l'Etat permettant à ce public de bénéficier d'une contribution au financement des titres de transport aérien vers une autre collectivité. Il est donc apparu plus aisé du point de vue juridique et organisationnel d'étendre une aide existante que de créer une mesure spéciale pour les Mahorais.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif de cette mesure est de permettre à certains élèves du second cycle de l'enseignement secondaire de Mayotte, dans les spécialités technologiques et professionnelles notamment, de choisir une filière d'enseignement non disponible à Mayotte, sans être retenus par le coût du déplacement.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La réponse la plus adaptée à la demande de formation professionnelle des jeunes Mahorais consiste bien entendu dans le développement de l'offre locale de formation. C'est une priorité pour l'Etat, pour cette raison, mais également pour répondre aux besoins des filières économiques de ce territoire. Cependant, la création d'une filière doit répondre à une demande suffisante. Les filières du second degré manquantes à Mayotte sont celles pour lesquelles le nombre de demandes et la disponibilité d'enseignants voire d'installations pédagogiques (laboratoires...) ne sont pas suffisants.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La solution à la difficulté rencontrée par les lycéens de Mayotte ne trouvant pas sur leur territoire la filière d'enseignement technologique ou professionnel choisie est d'aménager le passeport pour la mobilité des études de sorte que les jeunes résidant à Mayotte puissent facilement envisager une mobilité des études. L'extension de l'aide aux lycéens de Mayotte s'adresse à l'ensemble des filières. Toutefois, dans les faits, les filières manquantes étant restreintes aux formations technologiques et professionnelles, il est supposé que ce n'est que dans ces secteurs de formation qu'il y aura des demandes. Aussi, la rédaction du projet de texte ne mentionne pas cette précision qui découle du fait que l'offre de formation pour l'enseignement général est assuré à Mayotte.
Cette possibilité sera encadrée, comme pour les étudiants, par la présentation à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) d'une attestation d'inexistence ou de saturation de la formation, remise par le rectorat.
Les conditions d'application de l'aide sont fixées par voie réglementaire, comme le prévoit l'article L. 1803-8 du code des transports : « Les conditions d'application des articles L. 1803-2 à L. 1803-7-1, les critères d'éligibilité aux aides prévues à ces mêmes articles et les limites apportées au cumul des aides au cours d'une même année sont fixés par voie réglementaire ».
Il est rappelé qu'on entend par « mahorais » au sens de la continuité territoriale tout résident habituel de Mayotte régulièrement établi en France (articles L. 1803-1 à L. 1803-3 du code des transports).
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie l'article L. 1803-5 du code des transports par l'ajout d'un quatrième alinéa.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure n'est contraire à aucun texte international mentionné supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Ø Sur les entreprises de transport aérien :
L'essentiel des lycéens intéressés par une mobilité s'inscrira dans les lycées de La Réunion et de France métropolitaine. Le transport aérien d'une part entre Mayotte et La Réunion, d'autre part entre Mayotte et la France métropolitaine essentiellement via Saint-Denis-de-La Réunion, est assuré par les compagnies Air Austral, French Bee, Air France et Corsair. Le nombre de passagers enregistrés à l'aéroport de Mayotte en 2023 était proche de 450 000. Les trois cents vingt lycéens représentent donc une part non significative (1,4 %o) du trafic de passagers et de l'économie de ces entreprises.
La mesure n'aura pas d'effet sensible sur l'activité des entreprises pourvoyant aux fournitures des lycées de Mayotte.
4.2.3. Impacts budgétaires
Selon les données de l'académie de Mayotte, 952 élèves de foyers mahorais étaient inscrits en 2020 dans des lycées de La Réunion ou de l'Hexagone, essentiellement dans les académies de Rennes, Nantes et Toulouse. Les données disponibles ne distinguent pas la part de ces élèves qui suit un enseignement technologique ou professionnel. On peut cependant noter qu'environ un tiers des lycéens de Mayotte sont scolarisés dans l'enseignement professionnel. Cette part rapportée au nombre de lycéens « expatriés », on pourrait estimer que le nombre maximum d'élèves concernés par le passeport pour la mobilité des études serait au maximum d'environ 320.
Sous réserve de la qualité de ces données renseignées, le prix d'achat moyen du billet d'avion aller et retour utilisé par les bénéficiaires du passeport pour la mobilité des études issus de Mayotte et se rendant en France hexagonale est de 2 348 € en 2022 et de 2 354 € en 2023 si le prix du billet d'avion moyen utilisé par les étudiants vers La Réunion est de 745 €.
Ainsi, l'estimation du coût de la mesure calculée sur un total de 320 lycéens dont 17 % se rendent à La Réunion est d'environ (54 lycéens x 745 € + 266 lycéens x 2 354 €) 660 000 euros, donc sans effet macroéconomique.
Le coût pour l'Etat de la mesure serait de six cent soixante mille euros. Cette dépense représente une augmentation de 7,4 % du coût du passeport pour la mobilité des études de Mayotte de l'année 2023, qui était de 8,9 M€.
Les crédits du fonds de continuité territoriale destinés au financement des déplacements étant fongibles entre les aides et les destinations, on peut effectuer la comparaison avec l'ensemble de la dépense de ce fonds orientée vers le financement des déplacements : le coût de la mesure représente une augmentation de 1,4 % de la dépense globale enregistrée en 2023. Cette augmentation est contenue dans la variabilité annuelle de la dépense.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
L'impact sur les collectivités territoriales suit les proportions indiquées au point 4.2 sur l'impact économique : il n'atteint pas un niveau significatif.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services administratifs des lycées ne subiront pas d'impact significatif.
Ø Lycées locaux :
Les lycées de Mayotte accueillaient en 2020 18 764 élèves, nombre en augmentation d'un peu plus de mille par an. Le nombre de trois cents vingt élèves représente 1,5 % des lycéens de Mayotte. La plupart de ces lycéens sont déjà en mobilité soit à La Réunion, soit en France hexagonale puisqu'on en dénombre 952 inscrits en 2020 hors de Mayotte. Aussi, la mesure envisagée n'aura pas d'incidence sur l'organisation et la gestion des établissements scolaires de Mayotte.
Ø Lycées de La Réunion :
Les 48 lycées de La Réunion accueillaient 41 622 élèves en 2019, nombre en stabilité. Les lycées réunionnais devraient enregistrer quelques dizaines d'inscriptions de lycéens mahorais en plus qu'actuellement. Sachant que les lycées réunionnais ont perdu 300 lycéens par an entre 2017 et 2019, l'apport de quelques dizaines de lycéens mahorais ne devrait pas peser sur leur gestion.
Ø Lycées de l'Hexagone:
Sur les lycées de l'Hexagone, le nombre de lycéens mahorais supplémentaires serait entre deux et trois cents. Toutefois, le nombre de lycéens en cause n'est pas significatif pour la gestion de ces établissements.
Ø Services de LADOM
Le service chargé de la gestion de l'aide est l'unité territoriale (UT) de LADOM à Mayotte. On compte 7 216 mesures exécutées par le service en 2023 envers les 4 324 étudiants et le traitement de 11 574 mesures de déplacements en continuité territoriale au total. L'apport de trois cent vingt lycéens, induisant environ six cents mesures, pourrait conduire à une augmentation de l'activité de LADOM Mayotte de 5 % par rapport à la programmation.
Ø Services du rectorat de Mayotte
Pour le traitement administratif de la demande, il convient de justifier de l'inexistence ou de la saturation de la filière localement. Cela nécessite une information constamment mise à jour par le rectorat.
Pour le traitement de la demande de titre de transport sur le trajet de retour en fin d'année scolaire, s'agissant de lycéens et non pas d'étudiants, il n'y aura pas de nouvelle phase d'instruction du dossier à la charge de l'UT en dehors de la réservation et de la délivrance du titre de transport. Cette phase n'engendrera donc pas un accroissement significatif des actes de gestion administrative de l'unité territoriale.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Les lycéens mahorais voient leur choix de filières d'enseignement élargi sans avoir, dans l'état actuel de l'intensité de l'aide, à supporter le coût du transport aller et retour. En revanche, l'éloignement du foyer s'accompagne de coûts à supporter par le foyer, en particulier pour l'hébergement du lycéen.
La mobilité du lycéen comporte le risque de difficultés pédagogiques dues au manque d'encadrement et au changement d'environnement culturel. Pour le lycéen qui surmonte cette difficulté, la mobilité représente a contrario une bonne préparation aux conditions de vie estudiantine.
Cette mesure permettra, en complément des autres actions soutenues par l'État et le Conseil départemental de Mayotte, de favoriser l'insertion professionnelle de la jeunesse mahoraise. S'agissant des taux de chômage provisoires du 3ème trimestre 2024, la moyenne outre-mer (DROM hors Mayotte) s'élève à 16,1 %, soit une baisse de 0,1 point sur le trimestre. S'agissant de Mayotte, les données trimestrielles ne sont pas disponibles à ce jour. La moyenne s'élevait à 37% en 2023 en augmentation de 5.7% par rapport à 2022. Le passage du cyclone CHIDO qui a détruit tout ou partie de moyens de production des entreprises mahoraises laissent présager une accentuation du taux de chômage, en particulier des jeunes.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
L'impact environnemental de cette mesure se situe dans le déplacement aller et retour du lycéen entre le foyer et le lycée, une fois par an pendant la durée du cursus, et plus fréquemment si le foyer finance d'autres déplacements. Le poids environnemental du transport des lycéens ne dépasse pas, comme vu au point 4.2 à propos de l'impact sur les entreprises, 0,14 % du poids environnemental de l'activité de transport aérien à partir de Mayotte.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
L'agence de l'outre-mer pour la mobilité a été consultée à titre facultatif et a rendu son avis le 16 mai 2024. Le ministère de l'éducation nationale a été concerté à titre facultatif et a rendu son avis le 15 mai 2024.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Les présentes dispositions seront applicables uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article nécessite de modifier l'article D. 1803-5 du code des transports en vue d'indiquer le mode d'attestation de l'inexistence ou de la saturation de la filière et des conditions d'accueil du lycéen.
Article 27 - Créer un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le système éducatif de Mayotte est confronté à un double défi : d'une part, la forte progression des effectifs scolaires, tant dans le premier que le second degré conjugué au manque d'infrastructures qui en découle et d'autre part, les faibles résultats scolaires, en raison de l'environnement socioculturel spécifique.
La population y est plus jeune qu'ailleurs en France (âge moyen : 23 ans) avec une augmentation annuelle de 3,8%. Le niveau de vie médian des habitants de Mayotte est sept fois plus faible qu'au niveau national. Le taux de pauvreté s'élève à 77%. Le taux de chômage s'y élève à 37% (7,2% au national).
Le territoire, qui connaît une forte croissance démographique, fait face depuis de nombreuses années à une demande bien plus importante que l'offre scolaire existante et est confronté à un manque d'établissements, de salles de classe et d'enseignants qualifiés. 115 066 jeunes sont scolarisés à Mayotte à la rentrée scolaire 2024 dont 63 766 dans le premier degré, 50 077 dans le second degré et 1 223 dans les classes post-bac. Il existe 201 écoles, 34 collèges (dont 1 privé sous contrat), 12 lycées (dont 1 lycée professionnel).
Mayotte est le seul territoire, de l'Hexagone et d'outre-mer, qui enregistrera une croissance continue de ses effectifs d'élèves scolarisés dans l'enseignement public du premier degré jusqu'en 2027, alors qu'il est attendu au niveau national une baisse de plus de 77.000 élèves à la rentrée 2025 et plus de 100.000 à la rentrée 2026. Le territoire le plus proche en matière de démographie scolaire, c'est-à-dire la Guyane, connaît d'ores et déjà un rythme de progression plus faible et les prévisions pluriannuelles tablent sur un arrêt de la croissance démographique du premier degré en Guyane en 2027, alors que la progression est appelée à se poursuivre à Mayotte.
Corollaire de cette situation, le déploiement du périscolaire et de l'extrascolaire est largement en-dessous des besoins. Les structures qui accompagnent les enfants se trouvent démunies et font face à un manque de lieux d'encadrement et d'activités pour ces derniers.
Or, il est indispensable que le territoire puisse être en capacité d'offrir un minimum d'activités aux enfants hors temps scolaire. Ce besoin est d'autant plus fort que, face à la croissance démographique, des solutions spécifiques à Mayotte ont été mises en place. Les rotations (des enfants vont à l'école le matin, d'autres l'après-midi) en sont un exemple. A ce jour, le rectorat indique que plus de la moitié des écoles fonctionnent en rotation, situation sans aucun équivalent au niveau national et qui soulève des enjeux majeurs en matière d'accueil de ces élèves en dehors des heures de cours.
Pour information, sur l'année scolaire 2023-2024, ce sont plus de 50 200 élèves du premier degré qui ont bénéficié d'activités périscolaires mises en oeuvre dans le cadre du FSDAP.
Les activités périscolaires prolongent le service public de l'éducation et visent à favoriser l'égal accès de tous les enfants aux pratiques culturelles, artistiques, sportives et aux loisirs éducatifs. Elles se déroulent pendant le temps constitué des heures qui précèdent et suivent la classe et durant lesquelles un encadrement peut être proposé aux enfants.
Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) a été institué par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
- L' article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ;
La vocation de ce fonds est de contribuer au développement d'une offre d'activités périscolaires au bénéfice des élèves pour lesquels sont organisées des activités périscolaires, dans le cadre d'un projet éducatif territorial, et qui sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires publiques et privées dont les enseignements sont répartis sur neuf demi-journées par semaine ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées.
Les aides apportées par l'Etat, dans le cadre de ce fonds, sont définies sur la base des élèves scolarisés dans les écoles des communes éligibles et comportent un montant forfaitaire par élève et, le cas échéant, une majoration forfaitaire par élève.
Concernant l'année scolaire en cours, les aides sont calculées sur la base des taux établis par l'arrêté du 4 décembre 2024, soit 50 € pour le taux du montant forfaitaire et 40 € pour le taux de la majoration forfaitaire.
Ces taux sont inchangés au regard de ceux en vigueur au titre des années scolaires précédentes. A titre d'information, les aides versées, à travers ce fonds de soutien, ont représenté, au titre de l'année scolaire 2023-2024, un montant de 36,6 millions d'euros (M€) versés à plus de 1 200 collectivités.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Les départements et régions d'outre-mer sont régis par l'article 73 de la constitution. Les lois et règlements s'y appliquent de plein droit mais des adaptions territoriales tenant aux caractéristiques et aux contraintes particulières de ces collectivités peuvent être décidées par celles-ci dans leur domaine de compétences et si elles y ont été habilitées selon le cas, par la loi ou par le règlement.
Mayotte est devenu un département d'outre-mer en 2011. La constitution révisée en 2003 a permis aux collectivités d'outre-mer d'évoluer vers un statut départemental après consultation des électeurs concernés. A Mayotte, c'est le referendum du 29 mars 2009 qui l'a permis. Cette évolution a été consacrée par la loi organique n°2009-969 du 3 aout 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte.
L'article 73 alinéa 7 prévoit que les départements et régions d'outre-mer peuvent évoluer vers le statut de collectivité unique, destiné à se substituer au département et à la région. Ainsi, le département de Mayotte est une collectivité unique qui exerce les compétences des départements et régions d'outre-mer.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le présent article s'inscrit pleinement dans le cadre de la convention internationale des droits des enfants136(*). Son article 31 dispose d'une part que « les Etats parties reconnaissent à l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique » et d'autre part, que « les Etats parties respectent et favorisent le droit de l'enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique et encouragent l'organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d'activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d'égalité ».
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le fonds de soutien aux activités périscolaires (FDSAP) doit s'éteindre à la rentrée 2025 en application de l'article 234 de la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
La mesure proposée vise à permettre la création d'un régime d'aide aux communes de Mayotte pour soutenir l'organisation d'activités périscolaires et de pallier à la suppression du FDSAP sur ce territoire. Elle nécessite par conséquent de légiférer.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mise en place de cette mesure a pour objet de contribuer au développement d'une offre d'activités périscolaires dans le cadre du projet éducatif territorial prévu à l'article L.551-1 du code de l'éducation. La mise en place de ce fonds vise également à permettre la poursuite du financement de ces activités à Mayotte afin de pallier la suppression du FDSAP.
Ce fonds doit contribuer à l'enrichissement culturel, au bien-être et au développement des enfants ainsi qu'à la réduction des inégalités sociales car ces activités bénéficient en premier lieu aux enfants les plus défavorisés. Le fonds permettra de donner une nouvelle ampleur à la politique éducative locale et à l'attractivité des communes.
L'un des enjeux majeurs en matière de socialisation des élèves, « d'exposition » à la langue française et d'accompagnement de leurs parcours scolaire est de pouvoir également les prendre en charge sur le temps périscolaire dès leur plus jeune âge.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Il est institué un fonds de soutien en faveur des communes de Mayotte et, lorsque les dépenses relatives à l'organisation des activités périscolaires des écoles leur ont été transférées, des établissements publics de coopération intercommunale, afin de contribuer au développement d'une offre d'activités périscolaires au bénéfice des élèves des écoles publiques ou privées sous contrat du premier degré pour lesquels sont organisées des activités périscolaires dans le cadre d'un projet éducatif territorial prévu à l'article L. 551-1 du code de l'éducation.
Les aides apportées par le fonds de soutien sont calculées en fonction du nombre d'élèves éligibles scolarisés dans la commune et comportent :
1° Un montant forfaitaire par élève scolarisé dans une école remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ;
2° Une majoration forfaitaire par élève, lorsque les élèves sont scolarisés dans des écoles maternelles et élémentaires publiques dont les enseignements sont répartis sur neuf demi-journées par semaine ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées ou dans les écoles privées sous contrat, lorsque les enseignements dispensés sont répartis sur neuf demi-journées par semaine ou sur huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées à condition, dans ce dernier cas, que l'organisation de la semaine scolaire dans ces écoles soit identique à celle des écoles publiques situées sur le territoire de la même commune.
La mise en place de ce fonds de soutien répond par ailleurs à un souci de stabilité et de simplicité. En effet, l'instauration de ce fonds de soutien, aux contours proches de l'ancien FSDAP, est de nature à assurer une continuité dans la mise en oeuvre et le financement des activités périscolaires des communes mahoraises tant au niveau du montant à verser par élève qu'au niveau des règles et modalités d'instruction.
Un décret fixera les modalités précises d'application de la présente disposition et de mise en oeuvre du fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La mesure nécessitera la rédaction d'un décret relatif à la définition des modalités d'organisation de la mesure ainsi que d'un arrêté portant sur son évaluation. La mesure n'est pas codifiée.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure n'est contraire à aucun texte international mentionné supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
La création d'un fonds spécifique du montant équivalent au FSDAP, uniquement concernant Mayotte, permet le maintien voire la création d'emplois d'intervenants dans le champ périscolaire, et donc du développement économique du territoire.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'impact budgétaire est évalué sur la base :
- D'un montant forfaitaire de 50 € par élève scolarisé dans une école remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ;
- D'une majoration forfaitaire de 40 € par élève, lorsque les élèves sont scolarisés dans des écoles maternelles et élémentaires publiques dont les enseignements sont répartis sur neuf demi-journées par semaine ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées
La ventilation de la dépense repose sur le postulat que le modèle de versement des aides de ce fonds sera identique à celui en vigueur pour le FSDAP à savoir un versement, pour chaque année scolaire, d'un acompte (correspondant au tiers de la subvention totale) avant le 31 décembre de chaque année civile et d'un solde avant le 30 juin de l'exercice suivant.
Une hypothèse basse et une hypothèse haute peuvent être définies. Toutes les prévisions tiennent compte des évolutions démographiques attendues dans l'enseignement public du premier degré à Mayotte137(*).
La première hypothèse est celle du maintien du périmètre de communes éligibles constaté lors de la campagne de l'année scolaire 2023-2024, soit 13 communes et 50 284 élèves, pour un montant total de 4,5 M€ et de l'intégration dans le dispositif des quatre communes, non bénéficiaires du FSDAP au titre de l'année scolaire 2023-2024 car n'ayant pas adopté une organisation du temps scolaire sur 9 demi-journées. Pour ces quatre communes, le taux par élève retenu est de 50 €.
· Au titre de l'année scolaire 2025-2026 : le coût de ce fonds est estimé à 5,3 M€ dont 1,8 M€ sur l'exercice 2025 et 3,5 M€ sur l'exercice 2026 (prévision de 52 042 élèves à un forfait de 90 € et 12 829 à un forfait de 50 €.) ;
· Au titre de l'année scolaire 2026-2027 : le coût de ce fonds est estimé à 5,4 M€ dont 1,8 M€ sur l'exercice 2026 et 3,6 M€ sur l'exercice 2027 (prévision de 52 817 élèves à un forfait de 90 € et 13 020 à un forfait de 50 €) ;
· Au titre de l'année scolaire 2027-2028 : le coût de ce fonds est estimé à 5,5 M€ dont 1,8 M€ sur l'exercice 2027 et 3,7 M€ sur l'exercice 2028 (prévision de 53 529 élèves à un forfait de 90 € et 13 196 à un forfait de 50 €).
Le tableau ci-dessous résume cette hypothèse :
La seconde hypothèse suppose que l'ensemble des communes de Mayotte disposerait d'un projet éducatif territorial et d'une organisation du temps scolaire ouvrant droit au versement de la majoration forfaitaire.
- Au titre de l'année scolaire 2025-2026 : le coût de ce fonds est estimé à 5,8 M€ dont 1,9 M€ sur l'exercice 2025 et 3,9 M€ sur l'exercice 2026 (prévision de 64 871 élèves scolarisés dans l'enseignement public du premier degré à la rentrée scolaire 2025) ;
- Au titre de l'année scolaire 2026-2027 : le coût de ce fonds est estimé à 5,9 M€ dont 1,9 M€ sur l'exercice 2026 et 3,9 M€ sur l'exercice 2027 (prévision de 65 837 élèves scolarisés dans l'enseignement public du premier degré à la rentrée scolaire 2026) ;
- Au titre de l'année scolaire 2027-2028 : le coût de ce fonds est estimé à 6 M€ dont 2 M€ sur l'exercice 2027 et 4 M€ sur l'exercice 2028 (prévision de 66 725 élèves scolarisés dans l'enseignement public du premier degré à la rentrée scolaire 2027).
Le tableau ci-dessous résume cette hypothèse :
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
L'impact sur les collectivités territoriales n'atteindra pas un niveau significatif si ce n'est l'attente d'une implication plus forte des communes via leur projet éducatif territorial (PEDT), la mise en place d'une offre diversifiée et de qualité ainsi que la création d'un parcours de carrière valorisant pour les animateurs. Pour les communes qui ne sont pas engagées à ce jour dans le FSDAP, cela nécessitera de conclure une convention associant à minima le Préfet et le directeur académique des services de l'éducation nationale. Les communes devront notamment, dans ce contexte, garantir la qualité éducative des activités périscolaires proposées, leur cohérence avec le projet d'école et les objectifs poursuivis par le service public de l'éducation.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'impact est lié à l'examen des projets par les communes.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Le FSDAP permet aux collectivités de Mayotte de développer une offre d'activités périscolaires (artistiques, sportives, culturelles et citoyennes) pour l'ensemble des élèves dans une logique inclusive.
Dans le cadre du PEDT, le choix des activités, qui relève de la collectivité avec l'appui de ses partenaires, vise à favoriser l'égal accès de tous les enfants, y compris les enfants en situation de handicap, à des activités qui contribuent à leur développement personnel, au développement de leur sensibilité et de leurs aptitudes intellectuelles et physiques, à leur épanouissement et à leur implication dans la vie en collectivité.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Le FSDAP permet aux collectivités de Mayotte de développer une offre d'activités périscolaires (artistiques, sportives, culturelles et citoyennes) pour l'ensemble des élèves dans une logique inclusive.
Il s'inscrit dans un cadre institutionnel et légal (Code de l'éducation, article L. 121-1 ; Convention interministérielle 2013-2018 pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif). L'accueil périscolaire dès le plus jeune âge contribue dans cette optique à la sociabilisation des enfants et à l'ouverture à l'autre.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Ce dispositif s'inscrit notamment dans une démarche de lutte contre les inégalités entre les territoires. Il permet en effet aux élèves de bénéficier d'activités sportives, culturelles, artistiques qui développeront leur curiosité intellectuelle, leur permettront de se découvrir des compétences et des centres d'intérêt nouveaux et renforceront le plaisir d'apprendre et d'être à l'école.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur à la rentrée scolaire 2025.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article est applicable uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Un décret fixe les modalités d'application du présent article.
CHAPITRE V - FAVORISER L'ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE
Article 28 - Création d'une nouvelle priorité légale de mutation du fonctionnaire de l'Etat affecté à Mayotte justifiant d'une durée de services accomplis de trois ans dans un emploi pour accroître l'attractivité de ce territoire et renforcer l'action de l'Etat sur ce territoire
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La mutation consiste en une mobilité du fonctionnaire titulaire, en position d'activité, qui change d'emploi sans changer de corps ou de cadre d'emplois, de grade, et au sein de la même fonction publique. Pour les fonctionnaires de l'Etat, le principe est que la mutation est réalisée en tenant compte des besoins du service138(*).
Les règles applicables en matière de mutation varient en fonction du versant de la fonction publique dont relève le fonctionnaire, et selon des règles de priorités limitativement énumérées par le code général de la fonction publique139(*) (CGFP).
Par ailleurs, dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et sous réserve des priorités en cas de réorganisation d'un service de l'Etat ou de l'un de ses établissements visés aux articles L. 442-5 et L. 442-6 du CGFP, les affectations prononcées tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille140(*).
Les demandes de mutation sont examinées en donnant priorité aux fonctionnaires de l'Etat relevant de l'une des situations prévues à l'article L. 512-19 du CGFP :
- Être séparé de son conjoint pour des raisons professionnelles ou séparé pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité s'il produit la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts ;
- Être en situation de handicap relevant de l'une des catégories mentionnées à l'article L. 131-8 du CGFP ;
- Exercer ses fonctions dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ;
- Justifier du centre de ses intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie ;
- Être affecté sur un emploi qui est supprimé, y compris si cet emploi relève d'une autre administration, sans pouvoir être réaffecté sur un emploi correspondant à son grade dans son service.
L'article
L.
512-20 du CGFP précise en outre que les statuts particuliers de
certains corps relevant du ministère de l'éducation nationale
peuvent prévoir des priorités
supplémentaires qui s'ajoutent aux priorités mentionnées
à l'article L. 512-19 du CGFP. Ces priorités
supplémentaires applicables à certains corps relevant de
l'éducation nationale sont fixées dans les statuts particuliers.
Il s'agit par exemple de la situation de l'agent qui sollicite un rapprochement
avec le détenteur de l'autorité parentale conjointe dans
l'intérêt de l'enfant, la situation de l'agent affecté dans
un territoire ou une zone rencontrant des difficultés
particulières de recrutement en ce qui concerne les chargés
d'enseignement de l'éducation physique et sportive et les instituteurs
(art. 10-1 du
décret
n°60-403 du 22 avril 1960 relatif aux dispositions statutaires applicables
aux chargés d'enseignement de l'éducation physique et
sportive et
art. 4-1 du
décret
n°72-589 du 4 juillet 1972 relatif à certaines dispositions
statutaires concernant les instituteurs).
Les décisions de mutation des fonctionnaires de l'Etat doivent être prises dans le respect des lignes directrices de gestion en matière de mobilité prévues à l'article L. 413-2 du CGFP.
En effet, depuis 2016 (Loi no 2016-483 du 20 avril 2016, art. 32), des lignes directrices existaient en matière de mutation dans la fonction publique d'État pour permettre aux administrations d'ajouter des critères de classement des demandes de mutation aux priorités fixées par la loi. En matière de mobilité, le législateur a prévu l'édiction de lignes directrices de gestion par les administrations sur cet aspect important pour la gestion des personnels de l'État. Depuis cette loi, des lignes directrices de gestion (LDG) ministérielles fixent pour la fonction publique de l'État les orientations générales de chaque employeur en matière de mobilité. Elles clarifient et rendent plus lisibles pour les agents les critères d'examen des demandes de mobilité, en introduisant notamment de nouveaux critères d'examen des candidatures (par ex. la situation de proche aidant). Elles mettent également en place des dispositifs spécifiques d'accompagnement des projets de mobilité et peuvent prévoir des durées minimales ou maximales d'occupation des postes, notamment dans les territoires connaissant un manque d'attractivité ou un faible taux de mobilité avec des durées moyennes d'occupation des postes importantes.
Le décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion est venu apporter des précisions sur ces critères supplémentaires permettant de départager des demandes de mobilité141(*).
À Mayotte, la fonction publique emploie 21 000 agents142(*) au deuxième trimestre 2022, dont 12 200 travaillent dans la fonction publique de l'Etat (FPE) et 8 700 exercent dans la fonction publique territoriale (FPT) ou la fonction publique hospitalière (FPH). Le taux d'administration est inférieur au taux moyen des autres régions françaises : 70 emplois publics pour 1 000 habitants, contre 74 en moyenne dans le reste de la France. Il est d'autant inférieur que, contrairement aux taux calculés pour les autres régions et la France hors Mayotte, il n'est pas corrigé de la quotité de travail et est donc potentiellement surévalué. Entre 2009 et 2022, les créations d'emploi ont été particulièrement importantes dans la FPE, et plus précisément dans l'enseignement et l'administration, en lien avec la jeunesse de la population et la départementalisation du territoire. Ainsi, sur les 8 100 emplois publics créés à Mayotte sur la période, 7 500 le sont dans la FPE.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires a été reconnu par le juge constitutionnel comme un principe à valeur constitutionnel143(*) et comme un principe général du droit144(*) par le juge administratif.
Le Conseil d'Etat, à l'occasion d'une QPC a ainsi pu considérer que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un ou l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit145(*) ».
Si elle est susceptible de créer une différence de traitement entre agents publics, la disposition envisagée, qui est en rapport direct avec l'objet de la loi, répond à un objectif d'intérêt général d'attractivité de ce territoire ultra-marin, par rapport à d'autres territoires.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Mayotte est marqué par un déficit d'attractivité des postes offerts tenant à des causes variées (situation sécuritaire et économique difficile, conditions de vie complexes, difficulté d'accès au logement, éloignement et isolement, scolarisation des enfants notamment à partir du secondaire en raison du manque d'offre d'enseignement suffisante et adaptée, coût de la vie, difficulté d'emploi du conjoint, etc.). Cette situation critique s'est accentuée avec le passage du cyclone « Chido » en décembre 2024.
Ce manque d'attractivité de Mayotte peut être constaté à partir de l'évolution du nombre d'offres d'emplois permanents non pourvues pour la fonction publique d'Etat sur la plateforme « Choisir le Service Public » (CSP), qui est l'espace numérique commun aux employeurs publics ( article L. 311-2 du CGFP). Ainsi, en 2023, le site « Choisir le Service Public » recensait près de 532 offres d'emplois permanent non pourvus pour Mayotte pour les trois versants, alors que ce chiffre était de 472 en 2022, ce qui marque une augmentation significative des offres non pourvues de près de 13%.
Par ailleurs, si de nombreux dispositifs incitatifs existent (ex : majoration de 40% des rémunérations indiciaires pour les fonctionnaires de la fonction publique de l'Etat ou hospitalière à Mayotte146(*)), ils sont souvent de nature financière et paraissent aujourd'hui insuffisants pour inverser la tendance.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Face à ce constat et afin d'accroitre l'attractivité des emplois publics de l'Etat dans ce territoire et ainsi de renforcer l'action de l'Etat sur ce territoire, le Gouvernement propose de faire bénéficier le fonctionnaire de l'Etat - affecté à Mayotte dans un emploi d'une administration de l'Etat ou d'un établissement mentionné à l'article L. 3 et qui justifie d'une durée de services accomplis de trois ans dans son emploi - une priorité de mutation dans tout emploi vacant correspondant à son grade au sein du département ministériel ou vers tout établissement public147(*) sous tutelle.
Il s'agit donc d'une priorité légale nouvelle et spécifique aux fonctionnaires de l'Etat affectés dans une administration ou un établissement public de l'Etat sur le territoire de Mayotte.
En outre, le classement provisoire de l'intégralité du territoire de Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville, au sens de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, auquel procède l'article 23 du projet de loi, a mécaniquement pour effet d'étendre, au moins temporairement, le bénéfice de la priorité légale de mutation prévue au 3° de l'article L. 512-19 du CGFP, à l'ensemble des agents de la fonction publique d'Etat entrant dans le champ d'application de cet article. Coexisteront ainsi de façon pérenne deux types de dispositions octroyant une priorité de mutation à raison de l'affectation à Mayotte, l'une, pour tous les fonctionnaires de l'Etat, après une durée d'affectation de trois ans à compter de la promulgation de la loi (L. 561-2 nouveau du CGFP), les autres, pour certains fonctionnaires de l'Etat, après une durée d'affectation de cinq ou de sept ans à compter de cette même date ou, pour les agents déjà affectés à Mayotte à cette date, d'une date antérieure (L. 512-19 du CGFP et décret n°95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles).
Toutefois, la priorité de mutation au titre de l'article L. 561-2 nouveau du CGFP ne prévaut pas sur celles fixées aux articles L. 442-5, L. 442-6 (priorités légales en cas de réorganisation de service), L. 512-19 (priorités légales liées à des situations subies cf. point 1) et L. 512-20 du CGFP. La priorité de mutation au titre de l'article L. 561-2 nouveau du CGFP ne se cumule pas avec celle résultant de l'application des dispositions du 3° de l'article L. 512-19 du CGFP.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Économie générale du dispositif
Un nouvel article L. 561-2 est créé dans le CGFP au sein du chapitre Ier relatif aux dispositions particulières applicables aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon du titre VI du livre V du CGFP. La disposition proposée s'insère donc dans le chapitre concernant les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, dont Mayotte.
Ce nouveau dispositif permet au fonctionnaire de l'Etat affecté à Mayotte et justifiant d'une durée de trois ans de services accomplis dans son emploi de bénéficier d'une priorité de mutation dans tout emploi vacant correspondant à son grade au sein du département ministériel ou vers tout établissement public sous tutelle.
Cette nouvelle priorité de mutation ne prévaut pas sur les autres priorités légales existantes fixées aux articles L. 442-5 et L. 442-6 du CGFP, L. 512-19 et L. 512- 20 du CGFP. Elle ne se cumule pas avec celle résultant de l'application des dispositions du 3° de l'article L. 512-19.
Explication des choix opérés
Le Gouvernement souhaite faire bénéficier le fonctionnaire de l'Etat affecté à Mayotte dans un emploi d'une administration de l'Etat ou d'un établissement mentionné à l'article L. 3 qui justifie d'une durée de trois ans de services accomplis dans son emploi au sein d'une administration de l'Etat ou d'un établissement mentionné à l'article L. 3 de bénéficier d'une priorité de mutation dans tout emploi vacant correspondant à son grade au sein du département ministériel ou vers tout établissement public sous tutelle.
Le choix du Gouvernement traduit une volonté de maintenir un équilibre avec les priorités légales de mutation ou de détachement des fonctionnaires déjà existantes, notamment en cas de suppression d'emploi liée à une réorganisation d'un service de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics (articles L. 442-5 et L. 442-6 du CGFP) ainsi que celles énumérées à l'article L. 512-19 et L. 512-20 du CGFP. Cette nouvelle priorité de mutation ne se cumule pas avec celle résultant de l'application des dispositions du 3° de l'article L. 512-19.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article crée, au sein du chapitre 1er du titre VI du livre V du CGFP, un nouvel article L. 561-2.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'impact attendu est celui d'un renforcement de l'attractivité des emplois des services administratifs de l'Etat, et par conséquent une hausse du nombre de fonctionnaires présents sur le territoire.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
La priorité donnée aux agents en situation de handicap est une priorité légale (art. L. 512-19 CGFP) qui demeure supérieure à cette nouvelle priorité. Cette articulation vise à faire une distinction entre les situations « subies » et les situations « choisies ».
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure envisagée permet d'améliorer la qualité du service public rendu aux usagers et citoyens de Mayotte en permettant d'avoir davantage de fonctionnaires de l'Etat en poste sur l'île et de renforcer l'action de l'Etat sur place.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) a été consulté sur ce dispositif le 8 avril 2025, conformément à l' article L. 242-1 du code général de la fonction publique. Le CCFP a émis un avis favorable.
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. Sont seuls pris en compte au titre de la durée de services mentionnée au premier alinéa de l'article L. 561-2 du code général de la fonction publique les services accomplis à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article sera applicable uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Le 3° de l'article 8 du décret n°2019-1265 du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion devra être modifié afin de prendre en compte cette nouvelle priorité légale de mutation permettant d'examiner et de départager les demandes individuelles de mobilité.
Par suite, les départements ministériels devront actualiser, le cas échéant, leurs lignes directrices de gestion relatives à la mobilité par arrêté ministériel.
Article 29 - Attirer des talents dans la fonction publique : prévoir une bonification d'ancienneté pour l'avancement d'échelon des fonctionnaires de l'Etat et des fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte à l'instar de ce qui est prévu pour ceux affectés dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Il subsiste des difficultés structurelles à pourvoir les postes dans la fonction publique à Mayotte. Or, cette situation a encore été aggravée par le cyclone Chido, qui a causé de lourds dégâts matériels et humains au mois de décembre 2024. Certes plusieurs dispositifs existent pour compenser le coût de la vie, rétribuer les sujétions spécifiques et renforcer l'attractivité des emplois en outre-mer mais ces dispositifs, bien qu'ayant un impact significatif sur la rémunération, ne s'avèrent pas suffisants pour rendre les mobilités à Mayotte attractives et répondre aux besoins du territoire en matière de ressources humaines.
Plus précisément, et avant l'aggravation de la situation des postes non-pourvus par le cyclone Chido, en décembre 2021, 120 postes de catégorie A ou A+ étaient à pourvoir dans la fonction publique de l'État à Mayotte (hors enseignants). À la même date, il y en avait 76 en Guyane, 43 en Martinique, 33 dans le Cher et 28 dans l'Orne - ces deux derniers départements ayant des populations comparables à celle de Mayotte. Sur le volet fonction publique hospitalière, le centre hospitalier de Mayotte ne compte que 120 médecins, alors que 250 postes y sont ouverts148(*).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
S'agissant d'une collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution, Mayotte est régie par le principe d'identité législative (ou principe d'assimilation législative) depuis la départementalisation du 31 mars 2011 dans les matières qui n'étaient pas déjà régies par ce principe.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La création d'un avantage spécifique d'ancienneté au profit des fonctionnaires relève du domaine législatif. Ainsi l' article L. 522-9 du code général de la fonction publique (CGFP) prévoit un avantage spécifique d'ancienneté pour les agents de la fonction publique d'Etat, ciblé sur des quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à améliorer l'attractivité du territoire pour les fonctionnaires de l'Etat et hospitaliers, dans un contexte de reconstruction de l'archipel à la suite du cyclone Chido.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La loi est nécessaire pour rendre l'avantage spécifique d'ancienneté applicable aux fonctionnaires de l'Etat et hospitaliers affectés à Mayotte.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Il est proposé de mettre en place un avantage spécifique d'ancienneté pour les fonctionnaires de l'Etat et hospitaliers affectés pendant une durée déterminée à Mayotte.
Le bénéfice de ce dispositif n'est pas exclusif de celui prévu à l'article L. 522-9 du code général de la fonction publique pour les fonctionnaires qui en bénéficient, les fonctionnaires de l'Etat pourront bénéficier d'un cumul partiel des deux dispositifs.
Les modalités d'octroi de ce nouvel avantage spécifique d'ancienneté et de cumul avec le dispositif de l'article L. 522-9 du CGFP seront définies par décret en Conseil d'Etat
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Un nouvel article L. 561-3 est créé dans le CGFP au sein du chapitre Ier relatif aux dispositions particulières applicables aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon du titre VI du livre V du CGFP. La disposition proposée s'insère dans le chapitre concernant les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, dont Mayotte.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Les impacts sur le budget de l'Etat et sur l'ONDAM n'ont pu être quantifiés.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Il n'y a pas d'impact identifié sur les collectivités territoriales, s'agissant d'une mesure applicable uniquement sur les deux versants de la fonction publique d'Etat (FPE) et de la fonction publique hospitalière (FPH).
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'impact attendu est celui d'un renforcement de l'attractivité des emplois des services administratifs de l'Etat, et par conséquent une hausse du nombre de fonctionnaires présents sur le territoire.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
S'agissant d'une disposition applicable à deux versants de la fonction publique, la fonction publique de l'Etat et la fonction publique hospitalière, le Conseil commun de la fonction publique a été consulté, au titre de l'article L. 242-1 du CGFP, et a rendu un avis favorable le 8 avril 2025.
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'applique au seul département de Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Les modalités d'application de cet article seront fixées par décret en Conseil d'Etat, en application de l'article L. 9 du CGFP.
TITRE V - MODERNISER LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA COLLECTIVITÉ
CHAPITRE IER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Article 30 - Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
1.1.1. Le processus de départementalisation de Mayotte
Ø De 1946 au référendum de 2000
Devenu un Territoire d'Outre-Mer en 1946, l'archipel des Comores a connu dès la fin des années 1950 un double débat, d'une part, sur l'indépendance et, d'autre part, sur la volonté des habitants de Mayotte de rester français. Le choix de rester français et d'accéder au statut de département d'outre-mer a toujours représenté pour la population mahoraise la garantie d'une stabilité institutionnelle, l'assurance de pouvoir vivre dans un Etat de droit et l'aspiration au progrès économique et social.
Lors du référendum sur l'autodétermination des Comores organisé en décembre 1974, Mayotte a ainsi manifesté sa volonté de rester rattachée à la République française à une majorité de 63,8 % des suffrages exprimés. C'est la raison pour laquelle la loi n° 75-1337 du 31 décembre 1975 relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores a prévu que la population mahoraise serait appelée à se prononcer sur le point de savoir si elle souhaitait que Mayotte demeure au sein de la République française ou devienne partie au nouvel Etat comorien. A l'issue de ce second référendum organisé le 8 février 1976, 99,4 % des votants se sont prononcés en faveur du maintien de Mayotte dans la République française.
Le Parlement a pris acte de ce résultat en adoptant la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte qui disposait, dans son article premier, que "Mayotte [...] constitue une collectivité territoriale de la République française". La loi du 24 décembre 1976 a créé une collectivité au statut provisoire sui generis, fondé sur l'article 72 de la Constitution. Il ne s'agissait ni d'un département d'outre-mer, ni d'un territoire d'outre-mer, tout en empruntant des éléments aux deux régimes. L'amorce d'un rapprochement institutionnel avec le droit commun était pourtant engagée pour la première fois.
Mayotte empruntait alors sa structure institutionnelle aux départements d'outre-mer dans la mesure où l'archipel était divisé en 19 cantons et 17 communes et disposait d'un conseil général élu au suffrage universel direct pour six ans, le mandat de conseiller général de Mayotte étant assimilé à celui de conseiller général de département. Toutefois, les lois de décentralisation149(*) n'y ayant pas été rendues applicables, c'est l'organisation administrative des départements et des communes de l'Hexagone antérieure à la loi du 2 mars 1982 qui s'appliquait à Mayotte, le préfet exerçant, outre sa fonction de représentant de l'Etat, celle d'exécutif du conseil général de la collectivité territoriale. La collectivité territoriale demeurait en outre régie par le régime de spécialité législative propre aux territoires d'outre-mer : les lois n'étaient applicables à Mayotte que sur mention expresse du législateur.
Une étape supplémentaire dans le processus de départementalisation a été franchie le 2 juillet 2000 lorsque la population de Mayotte a été consultée sur l'avenir institutionnel du territoire. 72,94 % des votants se sont prononcés en faveur de l'Accord sur l'avenir de Mayotte qui avait été signé le 27 janvier 2000 par l'Etat, le président du conseil général et les principaux partis politiques de Mayotte. Sur le plan institutionnel, cet accord prévoyait l'instauration, à l'issue de la promulgation d'une nouvelle loi, d'un futur statut de « collectivité départementale » de Mayotte, qui serait dotée d'une assemblée unique dénommée « conseil général », dont le nombre de membres élus serait déterminé en fonction de l'évolution démographique du territoire, et qui serait assistée d'un conseil économique et social et d'un conseil de la culture.
Ø La période 2001-2010 : de la collectivité départementale au Département
A la suite de cet accord, la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 a posé les futures étapes de l'évolution statutaire, que la réforme constitutionnelle de 2003 est venue conforter par le transfert de l'exécutif de la collectivité au président du conseil général en 2004 puis le passage à l'identité législative partielle.
La loi du 11 juillet 2001 a ainsi doté Mayotte du titre de "Collectivité départementale", annonçant que Mayotte avait bien vocation à terme à devenir un département d'outre-mer, tout en maintenant son statut de collectivité territoriale sui generis au sens de l'article 72 de la Constitution. Le contenu du texte démontrait par ailleurs clairement l'intention du législateur de préparer Mayotte à accéder au statut de département d'outre-mer en réalisant une décentralisation proche de celle existant en France hexagonale mais par étapes successives. Ainsi, le représentant de l'Etat a transféré l'exécutif de la collectivité départementale au président du conseil général élu à la suite du renouvellement de 2004, tout en conservant une tutelle a priori allégée jusqu'au renouvellement du conseil général en 2008. A compter de cette date, les actes de la collectivité acquéraient un caractère exécutoire dans les conditions de droit commun.
La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003
relative à l'organisation décentralisée de
la
République a établi une nouvelle classification juridique,
distinguant les collectivités régies par l'article 73 de la
Constitution, principalement soumises au régime du droit commun, sous
réserve de certaines adaptations, de celles régies par l'article
74 de la Constitution, qui prévoit un cadre juridique
général pour ces collectivités, tout en renvoyant à
une loi organique la détermination de leur statut. L'article 72-4 de la
Constitution établit une procédure spécifique pour
l'évolution statutaire de tout ou partie d'une collectivité
territoriale d'outre-mer soumise à l'un des régimes des articles
73 et 74 vers l'autre régime juridique. Cette dernière exige
l'intervention d'une loi organique ainsi que le recueil préalable du
consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie
de collectivité intéressée ait été
préalablement recueilli.
En décembre 2008, le Président de la République a présenté aux élus mahorais le « Pacte pour la départementalisation », exposant les grandes lignes de l'évolution institutionnelle ainsi que les conséquences pour les Mahorais d'un passage au statut de collectivité régie par l'article 73 de la Constitution. Ainsi informés sur les enjeux et les étapes de l'évolution institutionnelle envisagée, les électeurs mahorais ont été appelés à se prononcer, le 29 mars 2009, sur la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée « Département », régie par l'article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d'outre-mer ? ». 95,20 % des votants ont répondu favorablement
La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte a ainsi posé le principe de la création à Mayotte d'une collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution exerçant à la fois les compétences dévolues au département et à la région - sous réserves de certaines adaptations -, à compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante en 2011. Le fort attachement des Mahorais au concept départemental a cependant conduit à dénommer la nouvelle collectivité « Département ».
1.1.2. Le cadre actuel du département de Mayotte
Ø Le cadre juridique général
Le Département de Mayotte est une collectivité d'outre-mer régie par l'article 73 de la Constitution, qui, en application du dernier alinéa de cet article, exerce à la fois les compétences d'une région et d'un département, sous réserve de certaines adaptations. Les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité.
En application de la décision du Conseil européen du 11 juillet 2012 modifiant le statut à l'égard de l'Union européenne de Mayotte, cette collectivité a cessé d'être un pays et territoire d'outre-mer (PTOM) pour devenir une région ultrapériphérique (RUP) au sens de l'article 359 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Les lois organique n° 2010-1486 et ordinaire n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relatives au Département de Mayotte ont précisé les règles institutionnelles applicables à cette collectivité.
La détermination des règles applicables à cette collectivité territoriale relève de la loi ordinaire, à l'exception des conditions de mise en oeuvre des habilitations à adapter les lois et règlements ou à fixer elles-mêmes les lois et règlements, en application des deuxième et troisième alinéas de l'article 73 de la Constitution, qui sont fixées par une loi organique.
Le Département de Mayotte est principalement régi par les dispositions de droit commun de la troisième partie du code général des collectivités territoriales relatives à l'organisation du département, à l'administration et aux services départementaux, aux finances du département, ainsi qu'aux dispositions de droit commun relatives aux attributions de la région.
Les dispositions particulières relatives à cette collectivité sont quant à elles réparties principalement entre le titre IV du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales (départements d'outre-mer), le livre V de la troisième partie du même code (Département de Mayotte) et le titre III de la quatrième partie de ce code (régions d'outre-mer).
Cet éparpillement des dispositions dans le code traduit, d'une certaine façon, la persistance d'une hésitation entre le modèle départemental classique et celui de la collectivité unique vers lequel ont évolué la Guyane et la Martinique.
Ø Les institutions du Département de Mayotte
L'assemblée délibérante du Département de Mayotte est le conseil départemental de Mayotte, qui élit en son sein une commission permanente. Le président du conseil départemental est l'organe exécutif du Département de Mayotte. Il assure les prérogatives des présidents de conseil départemental. Il peut déléguer certaines de ses fonctions aux vice-présidents, qui, avec lui, constituent le bureau. Le fonctionnement de ces organes est identique à celui des organes d'un département.
Le conseil départemental est en outre assisté des deux organes consultatifs des régions d'outre-mer : le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) et le Conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement (CCEE).
Le CESEM conseille les pouvoirs publics dans l'ensemble des domaines économiques et sociaux. À la demande du président du conseil départemental, il peut émettre un avis sur toute action ou projet en matière économique ou sociale. Il est composé de 32 membres.
Le CCEE compte 22 membres. Il est chargé de conseiller le conseil départemental dans le cadre de l'élaboration de la politique culturelle, éducative et environnementale. Il est obligatoirement consulté lors de la préparation du plan de développement et d'équipement du Département de Mayotte et de l'élaboration du projet de budget du Département en ce qui concerne l'éducation, la culture, la protection des sites, de la faune, de la flore et le tourisme.
Ø Les compétences du Département de Mayotte
Le Département de Mayotte exerce les compétences dévolues à la fois aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer, à l'exception :
- de la construction et l'entretien des collèges et des lycées, ainsi que la gestion du personnel technique, ouvrier et de service correspondant (article L. 3511-4 du code général des collectivités territoriales) ; l'Etat est compétent du fait que les dispositions confiant cette compétence au département et à la région sont inapplicables à Mayotte (article L. 251-21 du code de l'éducation) ;
du développement, de l'entretien et de l'exploitation du réseau des routes nationales d'intérêt local puisque l'Etat n'a pas transféré les routes nationales à Mayotte (b du 4° de l'article L. 4437-3 du code général des collectivités territoriales) ;
- du financement, de l'instruction des demandes et de l'attribution du revenu de solidarité activité (RSA) article. L. 542-6 du code de l'action sociale et des familles (le RSA est attribué, pour le compte de l'Etat, par la caisse gestionnaire du régime des prestations familiales à Mayotte) ;
- de la gestion des fonds européens, l'autorité de gestion à Mayotte étant l'Etat, celui-ci ayant par ailleurs délégué la gestion à un GIP (« L'Europe à Mayotte ») dont la collectivité est membre.
Parmi ces compétences figurent celles relatives à la coopération régionale dévolues, d'une part, aux départements d'outre-mer par les articles L. 3441-2 à L. 3441-7 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, aux régions d'outre-mer par les articles L. 4433-4 à L. 4433-4-8 du code général des collectivités territoriales.
Ø Les finances du Département de Mayotte
Alors même qu'il exerce aussi bien les compétences de la région que celle du département, le Département de Mayotte est soumis en matière financière aux dispositions du code général des collectivités territoriales applicables aux départements (livre III de la 3ème partie du code général des collectivités territoriales, en application de l'article L.3511-2 du code général des collectivités territoriales).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Mayotte était, depuis la loi constitutionnelle
n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation
décentralisée de la République, une collectivité
régie par l'article 74 de la Constitution.
Elle est devenue,
après la consultation du 29 mars 2009, la loi organique n° 2009-969
du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de
la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de
Mayotte, et le renouvellement du conseil général le 31 mars 2011,
une collectivité unique relevant du dernier alinéa de l'article
73 de la Constitution et régie par le principe d'identité
législative.
En application du dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution, le Département de Mayotte est une collectivité qui s'est substituée au département et à la région d'outre-mer, et qui exerce en conséquence les compétences des deux niveaux de collectivités.
A l'instar de la Guyane et de la Martinique, l'organisation propre à cette collectivité a vocation à figurer dans la septième partie du code général des collectivités territoriales.
Le regroupement des dispositions propres à Mayotte au sein d'un livre de la septième partie du code général des collectivités territoriales et la réorganisation des dispositions de ce code seront opérés par une ordonnance sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, lequel dispose que le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le regroupement des dispositions relatives à Mayotte au sein d'un livre de la septième partie du code général des collectivités territoriales, permettant de faire apparaître clairement le statut de collectivité unique régie par le dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution aux côtés de la Guyane et de la Martinique, nécessite un vecteur législatif.
Cette réforme a été initiée, à l'origine, par les demandes exprimées par les élus locaux.
En effet, par deux délibérations des 30 mai et 28 juin 2017, le conseil départemental de Mayotte a demandé au Gouvernement d'acter l'évolution institutionnelle de Mayotte en collectivité territoriale unique régie par l'article 73 de la Constitution et de procéder à une refonte des textes en s'inspirant du schéma institutionnel de la Guyane et de la Martinique150(*).
En janvier 2019, le sénateur Thani Mohamed Soilihi a déposé au Sénat une proposition de loi organique et une proposition de loi qui prévoyaient d'ériger Mayotte en Département-Région afin d'affirmer les compétences régionales actuellement exercées par le conseil départemental. S'agissant de ses organes, le Département-Région s'administrerait par un conseil élu appelé « assemblée de Mayotte » qui élirait l'exécutif de la collectivité, à savoir le président de l'assemblée de Mayotte, et une commission permanente. Cette assemblée serait assistée d'un « conseil économique, social, environnemental de la culture et de l'éducation » unique.
Le présent projet d'article et l'ordonnance qui ne découlera seront l'occasion de répondre à ces demandes réitérées des élus locaux et parlementaires de mieux mettre en exergue la qualité de collectivité unique de Mayotte et l'exercice des compétences dévolues aux régions.
Plus précisément, cette réforme permettra de prendre en compte les demandes des élus locaux de réaffirmation des compétences de Mayotte en matière de coopération régionale, qui bien qu'étant déjà prévues aux articles L. 4433-4 à L. 4433-4-5-3 du code général des collectivités territoriales, pourront être clarifiées au sein de dispositions spécifiques à Mayotte. Cette réforme pourrait aussi permettre d'adapter le cadre budgétaire et comptable du Département-Région de Mayotte à ses enjeux budgétaires et financiers, en adoptant le même cadre budgétaire que celui de la Guyane et de la Martinique.
Enfin, le transfert dans la septième partie du code général des collectivités territoriales des dispositions particulières relatives au Département-Région de Mayotte implique de prévoir des dispositions de coordination rendues nécessaires dans les autres parties du code général des collectivités territoriales ainsi que dans les autres dispositions législatives.
En particulier, cette réforme nécessitera de prévoir dans l'ordonnance l'abrogation des dispositions spécifiques à cette collectivité figurant au livre VII de la première partie, au livre V de la troisième partie et au chapitre VII du titre III du livre IV de la quatrième partie.
Il conviendra également de supprimer Mayotte de certains articles qui étaient communs à plusieurs collectivités et qui sont remplacées par des articles spécifiques à Mayotte dans le nouveau livre III de la Septième partie (cas notamment des dispositions relatives à la coopération régionale).
Le changement de nom du Département-Région de Mayotte et de l'assemblée de Mayotte doit être pris en compte dans les dispositions du code général des collectivités territoriales qui citent cette collectivité ou cet organe.
L'étendue des dispositions concernées nécessite une mesure d'habilitation à prendre une ordonnance dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente loi. Ce délai est un délai minimum incompressible pour élaborer le projet de texte nécessaire.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Afin de répondre aux attentes exprimées notamment par les élus locaux, le présent projet de loi a pour objectifs de mieux mettre en valeur la qualité de collectivité unique de Mayotte, titulaire des compétences d'une région et d'un département, et de prévoir à cette fin une ordonnance qui permettra :
- De créer un conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte (CESECEM).
- De réaffirmer la compétence de Mayotte en matière de coopération régionale.
- D'adopter un référentiel budgétaire et comptable similaire à celui de la Guyane et de la Martinique.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La possibilité de prévoir dans le projet de loi lui-même les dispositions consistant à conforter le statut de collectivité unique de Mayotte en modifiant son nom en « Département-Région de Mayotte » et à réorganiser les dispositions du code général des collectivités territoriales qui lui sont applicables a été écartée.
En effet, l'ampleur, la technicité et la particularité de ces dispositions a conduit le Gouvernement à préférer leur réserver un texte dédié, qui sera pris sous la forme d'une ordonnance.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le projet d'article prévoit ainsi que le gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin, notamment, d'instituer le Département-Région de Mayotte, qui se substitue au Département de Mayotte, en tant que collectivité territoriale régie par l'article 73 de la Constitution et exerçant les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer, dans un nouveau livre III de la septième partie du code général des collectivités territoriales.
Le nouveau livre III de la septième partie du code général des collectivités territoriales, qui sera rédigé dans la future ordonnance, contiendra les titres suivants :
- Les dispositions générales applicables au Département-Région de Mayotte ;
- L'organisation du Département-Région de Mayotte, notamment les organes qui comprennent l'assemblée de Mayotte et son président, ainsi que le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation ;
- Les compétences de ces organes, ainsi que les attributions du Département-Région de Mayotte ;
- Les dispositions spécifiques aux services publics locaux ;
- Le régime applicable aux finances de la collectivité ;
- les dispositions relatives à la compensation des transferts de compétence.
D'ores et déjà, ce projet d'article permet de confirmer des points importants de la future ordonnance.
En effet, afin de mieux mettre en valeur la qualité de collectivité unique de Mayotte, titulaire des compétences d'une région et d'un département, le présent projet de loi modifie la dénomination de la collectivité.
On pourrait en première analyse, songer à retenir la dénomination de « collectivité territoriale de Mayotte », sur le modèle des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. Cette dénomination semble se heurter à de fortes réticences, en ce qu'elle était trop proche de celle de Mayotte avant la départementalisation.
Le présent projet de loi retient ainsi la dénomination de « Département-Région de Mayotte » qui, au regard de l'histoire de la collectivité, rend mieux compte de sa qualité de collectivité régie par l'article 73 de la Constitution et de sa proximité avec les départements et régions de droit commun.
Ce changement de nom s'accompagne du changement de dénomination de l'assemblée délibérante, qui, du fait de l'abandon du nom de « Département de Mayotte », ne peut conserver le nom de conseil départemental, et prend le nom d'assemblée de Mayotte, sur le modèle de celles de la Guyane et la Martinique.
Par ailleurs, comme cela a été déjà souligné, les dispositions particulières relatives au Département de Mayotte sont aujourd'hui éclatées principalement entre le titre IV du livre IV de la troisième partie (départements d'outre-mer), le livre V de la troisième partie (Département de Mayotte) et le titre III de la quatrième partie (régions d'outre-mer).
Afin de clarifier les dispositions applicables au Département-Région, en tant que collectivité unique, celles de ces dispositions qui sont particulières à Mayotte sont transférées dans la septième partie du code, dans un livre III intitulé « Département-Région de Mayotte », à la suite des livres relatifs à la collectivité territoriale de Guyane et à la collectivité territoriale de Martinique.
Dans le cadre de la future organisation du Département-Région de Mayotte, il est prévu de créer un conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte (CESECEM) par fusion du conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) et du conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement (CCEE). Cette création est prévue sur le modèle actuel des conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l'éducation (CESECE) de la Guyane et la Martinique, en tenant compte des modifications apportées par le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dans lequel la mise en place de sections au sein conseil est facultative et non plus imposée par décret (le CESECE étant alors libre de s'organiser comme il l'entend).
C'est la raison pour laquelle la création de cet organe est expressément citée dans l'article d'habilitation.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.
Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état des impacts suivants :
Sous réserve de la création du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte et de l'évolution des attributions du Département-Région de Mayotte en matière de coopération régionale, les modifications sont opérées à droit constant, sans modification des règles actuelles de fonctionnement et d'organisation de la collectivité, qui restent principalement celles d'un département classique, ni modification de ses compétences. Les dispositions envisagées permettent ainsi une meilleure coordination légistique.
Il est envisagé de créer, au sein de la septième partie du code général des collectivités territoriales, un livre III intitulé « Département-Région de Mayotte », qui comporte :
- un titre Ier « Dispositions générales »,
- un titre II « Organisation du Département-Région de Mayotte »,
- un titre III « Administration et services du Département-Région de Mayotte »,
- un titre IV intitulé « Services publics locaux »,
- un titre V intitulé « Finances de la collectivité »
- et un titre VI « Compensation des transferts de compétence ».
Au sein du chapitre unique du Titre Ier, le nouvel article L. 7311-1 précisera le nouveau nom du Département-Région de Mayotte. L'exercice des compétences départementales et régionales est également explicité en son sein.
Au sein du titre II seront insérées notamment les dispositions ayant trait à la nouvelle assemblée de Mayotte (article L. 7321-1), et celles relatives au conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte (articles L. 7321-3 à L. 7321-12), dont les compétences seront quant à elles précisées au chapitre III du titre III.
Les attributions du Département-Région de Mayotte en matière de coopération régionale seront précisées au chapitre IV du titre III.
Les dispositions financières seront précisées au titre V qui insère les articles L. 7350-1 à L. 7354-2 au sein du code général des collectivités territoriales. Ainsi les articles L. 7350-1 à L. 7350-3 seront insérés puis le chapitre Ier (Budgets et comptes, articles L. 7351-1 à L. 7351-14), le chapitre II (Dépenses, articles L. 7352-1 à L. 7352-2), le chapitre III (Ressources, articles L. 7353-1 à L. 7353-3) et le chapitre IV (L. 7354-1 à L. 7354-2).
Les titres Ier et IV du livre III de la troisième partie, relatifs aux budgets et comptes ainsi qu'à la comptabilité des départements seront, quant à eux, rendus inapplicables au Département-Région de Mayotte par le nouvel article L. 7311-3.
Le cadre budgétaire et comptable (référentiel M57) d'ores et déjà applicable à Mayotte est celui mis en oeuvre par les collectivités territoriales de Guyane et Martinique, collectivités territoriales uniques exerçant également des compétences départementales et régionales. Il emportera les conséquences suivantes.
- Concernant le vote du budget, le référentiel M57 reprendra les principes communs aux trois référentiels M14, M52 et M71. Le budget pourra toujours être voté soit par nature, soit par fonction. Le budget sera également voté par chapitre ou par article, avec ou sans article spécialisé. Ce référentiel M57 comprendra donc, outre son plan de comptes par nature, une nomenclature fonctionnelle pour un suivi des opérations selon leur finalité, ce qui permettra aux élus de traduire les orientations prioritaires de leur collectivité sur les plans budgétaire et comptable.
- Le référentiel M57 étendra à toutes les collectivités les règles budgétaires assouplies dont bénéficient déjà les régions, qui offrent une plus grande marge de manoeuvre aux gestionnaires. Ainsi :
o en matière de gestion pluriannuelle des crédits : définition des autorisations de programme et des autorisations d'engagement, adoption d'un règlement budgétaire et financier pour la durée du mandat, vote d'autorisations de programme et d'autorisations d'engagement lors de l'adoption du budget, présentation du bilan de la gestion pluriannuelle lors du vote du compte administratif ;
o en matière de fongibilité des crédits : faculté pour l'organe délibérant de déléguer à l'exécutif la possibilité de procéder à des mouvements de crédits de chapitre à chapitre (dans la limite de 7,5% des dépenses réelles de chacune des sections, et à l'exclusion des crédits relatifs aux dépenses de personnel) ;
o en matière de gestion des crédits pour dépenses imprévues : vote par l'organe délibérant d'autorisations de programme et d'autorisations d'engagement de dépenses imprévues dans la limite de 2% des dépenses réelles de chacune des sections.
Enfin, le changement de nom du Département-Région de Mayotte et de l'assemblée de Mayotte doit être pris en compte dans les dispositions du code général des collectivités territoriales, du code électoral, et les autres dispositions législatives. Il y sera procédé dans la future ordonnance s'agissant des dispositions du code général des collectivités territoriales, et à l'article 33 du présent projet de loi par le présent article du projet de loi ainsi que dans le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte s'agissant des autres dispositions.
5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION
Concernant l'habilitation donné au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures prévues au présent article, un délai d'habilitation de six mois est nécessaire. Ce délai permettra de consulter la collectivité puis de recueillir l'avis du Conseil d'Etat.
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
CHAPITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE ÉLECTORAL
Articles 31 et 33 - Révision du mode de scrutin
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Depuis la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte et la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte, le département de Mayotte est régi par les règles de droit commun relatives à l'élection des conseillers départementaux. Les conseillers départementaux sont élus au scrutin binominal majoritaire à deux tours (articles L. 191 et suivants et L. 451 du code électoral).
La loi organique n° 2013-402 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux a modifié la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte pour porter à 26 le nombre de conseillers départementaux.
Le décret n° 2014-157 du 13 février 2014, opérant un redécoupage électoral établi sur la base du recensement de 2012, porte délimitation des 13 cantons dans le département de Mayotte qui comprend donc 26 conseillers départementaux. Les treize cantons élisent chacun un binôme d'élus, composé d'un candidat et d'un remplaçant de chaque sexe. Les règles de financement électoral actuellement applicables à Mayotte sont alignées sur celles de droit commun, fixées au titre Ier du livre Ier du code électoral, sous réserve de deux dispositions particulières relatives à l'évolution des plafonds de dépenses électorales (art. L453 du code électoral) et de la possibilité de dépôt des comptes de campagne auprès du représentant de l'État au niveau local (art. L454 du code électoral). Les règles de plafonnement des dépenses électorales sont celles applicables à l'élection des conseillers départementaux, fixées à l'article L52-11 du code électoral.
L'assemblée est renouvelée, de manière intégrale, tous les six ans.
Les élections au conseil départemental de Mayotte ont eu lieu les 20 et 27 juin 2021. L'exécutif de la collectivité est actuellement formé par le président du Conseil départemental, M. Ben Issa Ousséni, assisté de vice-présidents.
Les prochaines élections sont prévues en mars 2028.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Département de Mayotte est une collectivité d'outre-mer qui relève de l'article 73 de la Constitution et exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer depuis le 31 mars 2011, date d'entrée en vigueur de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte151(*). Les principes constitutionnels de la décentralisation sont pleinement applicables à Mayotte, et en particulier, la libre administration des collectivités par des conseils élus, la libre gestion de leurs ressources, l'absence de tutelle d'une collectivité à une autre et la fixation par la loi des principes fondamentaux de la libre administration, de leurs compétences et de leurs ressources (article 34 de la Constitution).
Ainsi, aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe le régime électoral des assemblées locales. Dans sa décision n° 2013-668 DC du 16 mai 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de la loi organique du 17 mai 2013 précitée relatives au nombre de membres du conseil départemental de Mayotte n'avaient pas un caractère organique et les a déclassées (considérant. 30).
Enfin, il résulte des articles 1er, 24 et 72 de la Constitution que l'organe délibérant d'une collectivité territoriale doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions ou sections électorales respectant au mieux l'égalité devant le suffrage. S'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque circonscription ou section électorale ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée152(*).
Le mode de scrutin applicable à Mayotte peut, comme pour toute collectivité régie par l'article 73 de la Constitution, faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ce territoire. La jurisprudence du Conseil constitutionnel précise les bornes de ces adaptations. Ainsi, l'organe délibérant d'une collectivité territoriale doit être élu selon des bases essentiellement démographiques (voir par exemple la décision n° 87-227 DC du 7 juillet 1987, le Conseil constitutionnel), selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions ou sections électorales respectant au mieux l'égalité devant le suffrage, sans toutefois que la répartition des sièges soit nécessairement proportionnelle à la population de chaque circonscription ou section électorale ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne pouvant cependant intervenir que dans une mesure limitée. En outre, une répartition des sièges fondée sur un critère autre que démographique, tel que le nombre d'électeurs, devrait être regardée comme contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (voir par exemple les décisions n° 2011-634 DC du 21 juillet 2011, n° 2013-667 DC du 16 mai 2013 et n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015). Par ailleurs, de telles adaptations ne doivent pas prévoir un mode de scrutin si dérogatoire qu'il confère à l'assemblée délibérante « une nature différente » de celle des organes délibérants de droit commun153(*). S'agissant de la fixation des règles de scrutin, « s'il est loisible au législateur, lorsqu'il fixe des règles électorales, d'arrêter des modalités tendant à favoriser la constitution d'une majorité stable et cohérente, toute règle qui, au regard de cet objectif, affecterait l'égalité entre électeurs ou candidats dans une mesure disproportionnée méconnaîtrait le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions, lequel est un fondement de la démocratie »154(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'organisation d'élections libres, à intervalles raisonnables et au scrutin secret est garantie par l'article 25 du pacte international relatif aux droits civils et politique de 1966, qui prévoit que « tout citoyen a le droit et la possibilité [...] de voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression livre de la volonté des électeurs. »
Au plan européen, l'article 3 du Protocole n°1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que « les hautes parties contractantes s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »
Les modifications législatives envisagées respectent pleinement ces principes.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
En application de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant le régime électoral des assemblées locales.
Dans sa décision n° 2013-668 DC du 16 mai 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de la loi organique du 17 mai 2013 précitée relatives au nombre de membres du conseil départemental de Mayotte n'avaient pas un caractère organique et les a déclassées (considérant. 30).
Les dispositions relatives à la composition de l'assemblée de Mayotte, à la durée du mandat et au mode de scrutin relevant du niveau de la loi ordinaire, leur réforme nécessite de légiférer.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le Département de Mayotte exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer depuis le 31 mars 2011, date d'entrée en vigueur de la loi organique n°2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte155(*). Placés, au regard des compétences exercées, dans une situation comparable à la Guyane et la Martinique, les conseillers départementaux de Mayotte sont en revanche élus selon les modalités du scrutin départemental de droit commun.
Après l'adoption de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, faisant du département de Mayotte une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution, la pertinence du mode d'élection des conseillers départementaux a été soulevée par les élus mahorais. Ainsi, le conseil départemental de Mayotte a adopté à l'unanimité le 12 juin 2014 une motion demandant l'élection dès 2015 des conseillers départementaux au scrutin de liste à deux tours dans une circonscription unique et le passage à une assemblée départementale de 51 membres.
Par deux délibérations des 30 mai et 28 juin 2017, le conseil départemental de Mayotte a demandé au Gouvernement d'acter l'évolution institutionnelle de Mayotte en collectivité territoriale unique régie par l'article 73 de la Constitution et de procéder à une refonte des textes en s'inspirant du schéma institutionnel de la Guyane et de la Martinique. Le conseil départemental a alors demandé à nouveau l'augmentation du nombre de conseillers départementaux de 26 à 51 et la mise en place d'un scrutin de liste à deux tours.
Le présent article a pour objet de répondre à la volonté conjointe et réitérée des élus mahorais et d'aligner, en cohérence des compétences déjà exercées, le mode de scrutin applicable à l'assemblée de Mayotte sur celui des assemblées de Guyane et de Martinique, autres collectivités cumulant les compétences d'une région et d'un département.
Il modifie les effectifs du conseil départemental de Mayotte, renommé assemblée de Mayotte, en portant le nombre de conseillers de 26 à 52.
Ces conseillers seraient élus sur la base d'une circonscription électorale unique divisée en cinq sections, assurant une représentativité des 52 conseillers sur l'ensemble du territoire mahorais, et correspondant au périmètre des cinq établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) existants, par un scrutin proportionnel à la plus forte moyenne avec attribution d'une prime majoritaire de 25 % des sièges à la liste arrivée en tête, soit 13 sièges. Ce niveau de prime majoritaire doit permettre d'assurer une majorité stable au sein de la future assemblée de Mayotte, tout en assurant la représentativité des différents courant d'opinion et partis mahorais.
Outre qu'elle répond au souhait réitéré des élus mahorais et qu'elle permet un alignement du régime électoral mahorais sur celui des collectivités à compétences équivalentes, la réforme proposée poursuit également l'objectif de renforcer les capacités d'intervention des élus du département pour mettre en place les politiques publiques décentralisées. En effet, le rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA), de l'inspection générale des finances (IGF), de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) relatif à l'organisation des pouvoirs publics à Mayotte de mai 2019 soulignait le fort localisme des politiques publiques décentralisées à Mayotte, qui limitait la capacité de faire émerger des projets départementaux ou intercommunaux. L'élection à la maille de cinq sections correspondant aux actuels EPCI doit ainsi permettre une gestion efficace des politiques publiques décentralisées, davantage ancrée sur les bassins de vie que représentants les EPCI.
Enfin, la hausse du nombre d'élus au sein de l'assemblée de Mayotte doit permettre d'assurer une meilleure représentation des mahorais par rapport à leur nombre de représentants élus. En effet, en comparaison avec les autres collectivités ultramarines régies par l'article 73 de la Constitution, les mahorais sont presque deux fois moins représentés par les membres de l'assemblée cumulant la compétence de la région et du département. Avec 320 901 habitants en 2024, un conseiller départemental de Mayotte représente environ 12 342 habitants.
|
Mayotte (en vigueur) |
Guadeloupe (2 assemblées) |
Réunion (2 assemblées) |
Guyane |
Martinique |
Mayotte (proposé) |
Habitants156(*) |
320 901 |
383 569 |
881 348 |
288 382 |
361 019 |
320 901 |
Nombre de conseillers |
26 |
83 |
95 |
55 |
51 |
52 |
Ratio habitants / conseiller |
12 342 |
4 621 |
9 277 |
5 243 |
7 078 |
6 173 |
A titre de comparaison, la Guadeloupe et La Réunion possèdent deux assemblées, l'une départementale et l'autre régionale, soit au total 83 et 95 élus pour 383 569 et 881 348 habitants, soit des ratios respectifs d'un conseiller pour 4 621 habitants en Guadeloupe et d'un conseiller pour 9 277 habitants à La Réunion.
En devenant officiellement Département-Région, le département de Mayotte se verrait octroyer le statut d'une assemblée unique, sur le modèle de l'assemblée de Martinique et de l'assemblée de Guyane. L'assemblée de Martinique compte 51 membres pour 361 019 habitants, soit un ratio d'un conseiller pour 7 078 habitants. L'assemblée de Guyane compte, elle, 55 membres pour 288 382 habitants, soit un ratio d'un conseiller pour 5 243 habitants.
Aussi, ce projet de loi propose de doubler le nombre d'élus du département de Mayotte afin d'atteindre un nombre de 52 élus membres de l'assemblée unique de Mayotte afin d'obtenir un nombre d'élus aligné avec celui des autres assemblées uniques. Cela représenterait un conseiller de l'assemblée de Mayotte pour 6 173 habitants.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Plusieurs scénarios de réforme du scrutin pour l'élection du conseil départemental de Mayotte ont été envisagés.
Outre les délibérations de 2014 et de 2017 du conseil départemental de Mayotte évoquées supra, peuvent être mentionnées les deux propositions de loi déposées en 2016 et en 2019 par le sénateur de Mayotte, M. Thani Mohamed Soilihi.
En 2016, la proposition de loi déposée par le sénateur de Mayotte, M. Thani Mohamed Soilihi (proposition de loi n° 704 tendant à modifier le mode de scrutin du conseil général de Mayotte) a été adoptée par la commission des lois du Sénat et prévoyait la mise en place d'un scrutin de liste à deux tours dans une circonscription unique pour l'élection d'une assemblée de 39 membres, avec une prime majoritaire de 13 sièges (33 % de l'effectif du conseil départemental, permettant de pourvoir un siège de prime majoritaire par section) puis une répartition proportionnelle à la plus forte moyenne des sièges restants au sein de 13 sections entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sur l'ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans chaque section.
Après le rejet de cette proposition de loi en première lecture au Sénat, une seconde proposition de loi a été déposée le 21 janvier 2019 par le sénateur Thani Mohamed Soilihi (proposition de loi n° 258 relative au département-région de Mayotte). Elle prévoyait l'élection d'une assemblée de 51 membres selon un scrutin de de liste à deux tours au sein d'une circonscription unique avec une prime majoritaire à 25 % des sièges et l'instauration de 13 sections électorales.
Par ailleurs, en mai 2019, le rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA), de l'inspection générale des finances (IGF), de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) relatif à l'organisation des pouvoirs publics à Mayotte proposait l'élection de l'assemblée délibérante de Mayotte dans le cadre d'un scrutin de liste à deux tours, dans une circonscription unique, sans section.
Ainsi, plusieurs scénarios de réforme du mode de scrutin étaient envisageables :
- Le scrutin de liste proportionnel avec une prime majoritaire de 25 % pour l'élection de 51 conseillers :
o A l'échelle d'une circonscription unique sans sectionnement ;
o A l'échelle d'une circonscription unique au sein de laquelle les 5 EPCI de Mayotte forment 5 sections ;
o A l'échelle d'une circonscription unique au sein de laquelle les 13 anciens cantons forment 13 sections ;
- Le scrutin mixte alliant un scrutin binominal pour 26 conseillers répartis sur les 13 cantons ainsi qu'un scrutin de liste sur la circonscription unique de Mayotte, avec ou sans prime majoritaire de 25 %.
Ce dernier scénario ne connaissant pas de précédent en France pour l'élection d'une assemblée territoriale, il a été écarté devant les difficultés juridiques et organisationnelles qu'il représentait.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le dispositif retenu correspond au scrutin de liste proportionnel à la plus forte moyenne, avec attribution d'une prime majoritaire de 25 % à la liste arrivée en tête, sur la base d'une circonscription unique divisée en cinq sections correspondant au périmètre des EPCI actuels, comprenant chacun 2 à 5 communes, pour l'élection de 52 conseillers de l'assemblée de Mayotte.
Le nombre de sièges par section est réparti par arrêté du représentant de l'Etat pris le 15 janvier de l'année du renouvellement de l'assemblée en fonction du dernier chiffre authentifié de leur population et à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Les conseillers sont élus au scrutin de liste à deux tours, sans adjonction ni suppression de noms et de modification de l'ordre de présentation. Les listes sont composées par les 5 sections précitées. Chaque liste devrait être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe (par application de l'article L. 558-19 du code électoral, rendu applicable à Mayotte par application de l'article L. 558-1 A). Une prime majoritaire équivalent à 25 % de l'assemblée de Mayotte (représentant 13 sièges) est attribuée à la liste ayant obtenue une majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou à la liste ayant eu le plus de voix au second tour si aucune liste n'a obtenu la majorité précitée au premier. Le reste des sièges est réparti entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Le représentant de l'Etat dans le département doit arrêter la répartition des sièges attribués au titre de la prime majoritaire selon une représentation proportionnelle à la plus forte moyenne de la population recensée pour chaque section électorale en fonction du dernier chiffre authentifié de leur population.
L'article insère à cette fin un titre II bis, relatif à l'élection des conseillers à l'assemblée de Mayotte, au sein du livre VI bis du code électoral, qui régit actuellement les règles d'élection des conseillers aux assemblées de Guyane et de Martinique.
Les dispositions figurant au présent article,
fixant le nombre de conseillers à élire, les règles
relatives à la durée du mandat, la répartition des
communes en section et les modes de scrutin, reprennent les dispositions
prévues pour l'assemblée de Guyane aux articles L. 558-1 à
L. 558-4. Les membres de cette assemblée sont élus au
sein d'une circonscription électorale unique, divisée en 8
sections correspondant à des communes ou des groupes de communes.
Contrairement au scrutin de droit commun, ou au scrutin appliqué pour l'élection des membres de l'assemblée de Martinique, un nombre de sièges est fixé par section en Guyane par la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. Il ressort des travaux parlementaires relatifs que ces dispositions spécifiques avaient été retenues « compte tenu des grandes disparités démographiques et électorales entre territoires guyanais »157(*). Les sections retenues pour l'assemblée de Martinique recouvrant les circonscriptions législatives, elles ont quant à elles un poids démographique similaire justifiant de retenir le scrutin régional. Pour la Guyane, les dispositions adoptées en 2011 prévoient, à l'article L. 558-3, qu'une révision du nombre de sièges de chaque section est réalisée lorsque la population de la collectivité territoriale de Guyane dépasse les seuils fixés à l'article L. 558-2.
La loi n° 2020-1630 du 22 décembre 2020 relative à la répartition des sièges de conseiller à l'Assemblée de Guyane entre les sections électorales fut en conséquence adoptée une fois le premier seuil de 249 999 habitants franchi. Plutôt que de procéder à une révision du nombre de sièges à pourvoir par secteur fixé dans la loi, le législateur a alors prévu qu'un arrêté préfectoral arrête, au plus tard le 15 janvier de l'année du renouvellement de l'assemblée, la répartition des sièges octroyés au sein de chaque section, en fonction de leur population au 1er janvier. Il ressort des travaux parlementaires que cette modification poursuivait un double objectif : ne plus exiger une modification législative à chaque franchissement de seuil, « compte-tenu en particulier de la grande vitalité démographique de ce territoire » et permettre de réviser la répartition des sièges par section à chaque renouvellement de l'assemblée de Guyane, y compris lorsqu'aucun seuil global de population n'a été franchi, « pour assurer une meilleure représentation »158(*).
Les sections retenues pour le scrutin à Mayotte, recoupant les EPCI du département, présentent des disparités de population que le mode de scrutin appliqué à l'élection de l'assemblée de Guyane permet de prendre en compte. Les 5 EPCI de Mayotte présentent des écarts de population du simple au double avec pour les plus peuplés la communauté d'agglomération de Dembeni-Mamoudzou (87 285 habitants en 2017), la communauté d'agglomération du Grand-Nord de Mayotte (59 042 habitants en 2017), et la communauté de commune du Centre-Ouest (50 020 habitants en 2017) et pour les deux communautés de communes les moins peuplées 29 273 habitants à Petite-Terre et 30 898 habitants pour la communauté de commune du Sud (données démographiques de 2017). Le mode de scrutin guyanais permet d'éviter le poids prépondérant qu'auraient les EPCI les plus peuplés avec le mode de scrutin Martiniquais en matière de répartition des sièges. Par ailleurs, comme la Guyane, Mayotte se caractérise par une évolution démographique particulièrement dynamique, de l'ordre d'une hausse de 1 000 habitants par an en moyenne.
Aussi, ces spécificités propres au territoire mahorais, similaires à celles du territoire guyanais, justifient de retenir pour Mayotte le mode de scrutin et de répartition des sièges entre sections retenu pour l'assemblée de Guyane en 2011 puis en 2020.
Par ailleurs, le présent article créé un chapitre III au sein du titre II bis nouvellement créé, relatif aux règles de plafonnement des dépenses électorales. Il reprend, pour cela, les dispositions actuellement applicables à Mayotte et prévues à l'article L. 453 pour les élections législatives, municipales et départementales. L'article unique de ce chapitre prévoit que la référence à l'indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac, est remplacée par la référence à l'indice local des prix à la consommation des ménages, hors tabac, de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article conduira à adosser, au sein du code électoral, les dispositions relatives à l'élection des conseillers à l'assemblée de Mayotte à celles relatives à l'élection des conseillers aux assemblées de Guyane et de Martinique, en modifiant son livre VI bis et en y insérant un titre II bis « élection des conseillers à l'Assemblée de Mayotte ».
Au sein de ce titre II bis, trois chapitres déterminent la composition de l'assemblée de Mayotte et la durée des mandats, le mode de scrutin et les dispositions particulières relatives au plafonnement des dépenses électorales. En outre, l'article 32 du présent projet de loi prévoit les mesures de coordination nécessaires pour rendre applicables aux conseillers à l'assemblée de Mayotte les dispositions communes du livre VI bis, relatives aux conditions d'éligibilité et d'inéligibilité, d'incompatibilités et aux modalités de déclaration de candidature, de propagande, de financement électoral, d'opérations de vote, de remplacement des conseillers et de contentieux, et actuellement applicables aux conseillers de Guyane et de Martinique.
L'article 33 prévoit les dates d'entrée en vigueur des articles 31 et 32 de la présente loi.
Enfin, le présent article du présent projet de loi étend à Mayotte les dispositions de l'article L. 558-25 du code électoral relatives à la campagne audiovisuelle.
Pour le scrutin départemental actuellement en vigueur à Mayotte, l'article L. 462 du code électoral actuellement applicable prévoit une répartition par l'ARCOM d'une durée d'émission de trois heures à la télévision et de trois heures à la radio entre les partis et groupements politiques représentés au conseil départemental, de façon proportionnelle à la représentation constatée au vu de la déclaration individuelle de rattachement faite par chaque élu sortant. Chaque parti ou groupement dispose d'une durée minimale de cinq minutes à la télévision et de cinq minutes à la radio et d'une durée maximale de 30 minutes à la télévision et de 30 minutes à la radio. En application de l'article L. 558-25, étendu à l'assemblée de Mayotte, les antennes du service public de télévision et de radiodiffusion à Mayotte seront mises à disposition des listes enregistrées, pour une durée totale de trois heures à la télévision et de trois heures à la radio, réparties également entre les listes.
Enfin, le présent article modifie l'article L. 558-14 du code électoral en alignant les règles d'inéligibilité pour manquement aux règles de financement des campagnes électorales applicables aux élus de Guyane, de Mayotte et de Martinique sur celles de droit commun applicables sur le reste du territoire national.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
S'agissant des règles relatives à la propagande et au financement électoral, le projet de loi renvoie aux dispositions communes du titre Ier du livre Ier du code électoral, déjà applicables à l'élection des conseillers départementaux de Mayotte.
Les dispositions particulières prévues à l'article L. 453 du code électoral, relatives à l'évolution des plafonds de dépenses électorales suivant l'indice local des prix à la consommation des ménages hors tabac, sont reprises dans le nouvel article L. 558-9-5 du code électoral créé par le projet de loi.
En outre, comme le prévoient les modifications apportées par l'article 32, la réforme proposée conduira à l'alignement des règles de calcul des plafonds de dépenses électorales, définies à l'article L. 52-11 du code électoral, sur l'élection des conseillers régionaux, alors que le régime actuel est celui des plafonds pour l'élection des conseillers départementaux (établis au niveau des cantons).
Cette évolution permet d'aligner les plafonds au modèle retenu pour les élections en Guyane et en Martinique. Pour les élections départementales de 2021, neutralisation faite de la revalorisation de 20 % prévue par le 4° de l'article 6 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 lié au contexte sanitaire de l'épidémie de covid-19, sur l'ensemble des 13 cantons mahorais, le montant total des plafonds de dépenses électorales par binôme de candidats s'élevait à 205 693 € et le montant total des plafonds de remboursement par binôme de candidats à 97 711 €.
Avec l'alignement des règles de calcul sur l'élection des conseillers régionaux, à l'échelon de la circonscription mahoraise, le montant des plafonds de dépenses électorales par liste s'élèverait à 135 584 € et le montant du plafond de remboursement par liste à 64 403 €.
Ainsi, l'évolution du mode de scrutin pourrait avoir des impacts budgétaires difficiles à anticiper, qui tiennent à son effet incitatif ou désincitatif sur le nombre de candidatures. Les coûts liés à la propagande électorale pourraient augmenter si le nombre de candidatures à l'échelle de la circonscription mahoraise est, toutes choses égales par ailleurs, plus important que dans chacun des 13 cantons ; cette hypothèse conduirait à un renchérissement des coûts de la mise sous pli et de l'acheminement de la propagande électorale. Les niveaux de remboursement de la propagande électorale et des comptes de campagne pourraient également être affectés si le nombre de candidats remboursables à l'échelle de la circonscription mahoraise est, toutes choses égales par ailleurs, plus importante que dans chacun des 13 cantons.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Cet article propose de doubler le nombre d'élus du département de Mayotte afin d'atteindre un nombre de 52 élus membres de l'assemblée unique de Mayotte. Cela représenterait un conseiller de l'assemblée de Mayotte pour 6 173 habitants, afin d'obtenir un nombre d'élus par habitant aligné avec celui des autres assemblées uniques.
En outre, l'augmentation du nombre de conseillers au sein de l'assemblée permet de répondre à l'évolution démographique particulièrement dynamique du territoire mahorais, équivalent à une hausse de 1000 habitants par an en moyenne.
En cela, la réforme proposée permettra une meilleure représentation politique des Mahorais.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 3 avril 2025.
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les dispositions relatives au nouveau mode de scrutin entreront en vigueur à compter du dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance prévue à l'article 30 définissant le régime institutionnel de la nouvelle collectivité, et s'appliqueront à compter du prochain renouvellement général de l'assemblée de Mayotte, en même temps que le prochain renouvellement général des conseils départementaux.
5.2.2. Application dans l'espace
Ces dispositions seront applicables uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour préciser les dispositions de niveau réglementaire qui devront être prises.
Le représentant de l'Etat dans le département devra prendre au plus tard le 15 janvier de l'année du renouvellement de l'assemblée un arrêté fixant la répartition des sièges à pourvoir par section électorale en fonction du dernier chiffre de population authentifié avant l'élection et la répartition des sièges attribués au titre de la prime majoritaire.
Articles 32 et 33 - Prise en compte du changement de nom
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Depuis la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte et la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte, le département de Mayotte est régi par les règles de droit commun relatives à l'élection des conseillers départementaux. Les conseillers départementaux sont élus au scrutin binominal majoritaire à deux tours (articles L. 451 et L. 191 et suivants du code électoral).
La loi organique n° 2013-402 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux a modifié la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte pour porter à 26 le nombre de conseillers départementaux.
Le décret n° 2014-157 du 13 février 2014, opérant un redécoupage électoral établi sur la base du recensement de 2012, porte délimitation des 13 cantons dans le département de Mayotte qui comprend donc 26 conseillers départementaux. Les treize cantons élisent chacun un binôme d'élus, composé d'un candidat et d'un remplaçant de chaque sexe.
L'assemblée est renouvelée, de manière intégrale tous les six ans.
Les élections au conseil départemental de Mayotte ont eu lieu les 20 et 27 juin 2021. L'exécutif de la collectivité est actuellement formé par le président du Conseil départemental, M. Ben Issa Ousséni, assisté de vice-présidents.
Les prochaines élections sont prévues en mars 2028.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Département de Mayotte est une collectivité d'outre-mer qui relève de l'article 73 de la Constitution et exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer depuis le 31 mars 2011, date d'entrée en vigueur de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte159(*).
Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe le régime électoral des assemblées locales. Dans sa décision n° 2013-668 DC du 16 mai 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de la loi organique du 17 mai 2013 précitée relatives au nombre de membres du conseil départemental de Mayotte n'avaient pas un caractère organique et les a déclassées.
Enfin, il résulte des articles 1er, 24 et 72 de la Constitution que l'organe délibérant d'une collectivité territoriale doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions ou sections électorales respectant au mieux l'égalité devant le suffrage. S'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque circonscription ou section électorale ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée160(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le présent article tire les conséquences, dans les dispositions du code électoral, de la modification du nom du Département de Mayotte, qui devient le Département-Région de Mayotte, et du changement de dénomination du conseil départemental de Mayotte, qui devient l'assemblée de Mayotte. Il est également nécessaire d'abroger le chapitre III du titre Ier du livre VI, qui était relatif à l'élection des conseillers généraux de Mayotte.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Cet article a pour objet de prendre en compte le changement de nom du département de Mayotte, devenu le Département-Région de Mayotte, dans les dispositions du code électoral.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Les I, II et 2° et 6° du III du présent article tirent les conséquences, dans les dispositions du code électoral, de la modification du nom du Département de Mayotte, qui devient le Département-Région de Mayotte, et du changement de dénomination du conseil départemental de Mayotte, qui devient l'assemblée de Mayotte.
Le 3° du I reprend la possibilité pour les candidats à Mayotte de déposer leurs comptes de campagne auprès du représentant de l'Etat au niveau local, en adaptant la rédaction prévue au V de l'article L. 52-12.
Le 1° du III du présent article modifie l'intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre VI du même code.
Le 5° du III de cet article abroge le chapitre III du titre Ier du livre VI du même code, qui était relatif à l'élection des conseillers généraux de Mayotte.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Les articles L. 46-1, L. 52-11, L. 52-12 et L. 231 du livre Ier du code électoral sont modifiés.
Les articles L. 280, L. 281 et L. 282 du livre II du code électoral sont modifiés.
L'intitulé du chapitre Ier, les articles L. 451, L. 453 et L. 475 du titre Ier du livre VI du code électoral sont modifiés. L'article L. 454 et le chapitre III du titre Ier du livre VI du code électoral sont abrogés.
Il s'agit ainsi de dispositions de coordination légistique qui n'emportent aucune conséquence autres que les conséquences juridiques justifiant leur adoption.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable le 3 avril 2025.
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les dispositions des articles 31 et 32 de la présente loi entrent en vigueur à compter du projet de loi de ratification de l'ordonnance prévue à l'article 30 définissant le régime institutionnel de la nouvelle collectivité, et s'appliqueront à compter du prochain renouvellement général de l'assemblée de Mayotte, en même temps que le prochain renouvellement général des conseils départementaux.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article est applicable uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour préciser les dispositions de niveau réglementaire qui devront être prises. Il s'agira d'inclure des dispositions similaires aux articles R. 347 et R. 348 applicables à l'assemblée de Guyane, et R. 349 et R. 350 applicables à l'assemblée de Martinique, pour la nouvelle assemblée de Mayotte.
TITRE VI - DISPOSITIONS FINALES ET TRANSITOIRES
Article 34 - Mise en cohérence rédactionnelle
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
1.1.1. Le processus de départementalisation de Mayotte
Ø De 1946 au référendum de 2000
Devenu un Territoire d'Outre-Mer en 1946, l'archipel des Comores a connu dès la fin des années 1950 un double débat, d'une part, sur l'indépendance et, d'autre part, sur la volonté des habitants de Mayotte de rester français. Le choix de rester français et d'accéder au statut de département d'outre-mer a toujours représenté pour la population mahoraise la garantie d'une stabilité institutionnelle, l'assurance de pouvoir vivre dans un Etat de droit et l'aspiration au progrès économique et social.
Lors du référendum sur l'autodétermination des Comores organisé en décembre 1974, Mayotte a ainsi manifesté sa volonté de rester rattachée à la République française à une majorité de 63,8 % des suffrages exprimés. C'est la raison pour laquelle la loi n° 75-1337 du 31 décembre 1975 relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores a prévu que la population mahoraise serait appelée à se prononcer sur le point de savoir si elle souhaitait que Mayotte demeure au sein de la République française ou devienne partie au nouvel Etat comorien. A l'issue de ce second référendum organisé le 8 février 1976, 99,4 % des votants se sont prononcés en faveur du maintien de Mayotte dans la République française.
Le Parlement a pris acte de ce résultat en adoptant la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte qui disposait, dans son article premier, que "Mayotte [...] constitue une collectivité territoriale de la République française". La loi du 24 décembre 1976 a créé une collectivité au statut provisoire sui generis, fondée sur l'article 72 de la Constitution. Il ne s'agissait ni d'un département d'outre-mer, ni d'un territoire d'outre-mer, tout en empruntant des éléments aux deux régimes. L'amorce d'un rapprochement institutionnel avec le droit commun était pourtant engagée pour la première fois.
Mayotte empruntait alors sa structure institutionnelle aux départements d'outre-mer dans la mesure où l'archipel était divisé en 19 cantons et 17 communes et disposait d'un conseil général élu au suffrage universel direct pour six ans, le mandat de conseiller général de Mayotte étant assimilé à celui de conseiller général de département. Toutefois, les lois de décentralisation n'y ayant pas été rendues applicables, c'est l'organisation administrative des départements et des communes en France hexagonale antérieure à la loi du 2 mars 1982 qui s'appliquait à Mayotte, le préfet exerçant, outre sa fonction de représentant de l'Etat, celle d'exécutif du conseil général de la collectivité territoriale. La collectivité territoriale demeurait en outre régie par le régime de spécialité législative propre aux territoires d'outre-mer : les lois n'étaient applicables à Mayotte que sur mention expresse du législateur.
Une étape supplémentaire dans le processus de départementalisation a été franchie le 2 juillet 2000 lorsque la population de Mayotte a été consultée sur l'avenir institutionnel du territoire. 72,94 % des votants se sont prononcés en faveur de l'Accord sur l'avenir de Mayotte qui avait été signé le 27 janvier 2000 par l'Etat, le président du conseil général et les principaux partis politiques de Mayotte. Sur le plan institutionnel, cet accord prévoyait l'instauration, à l'issue de la promulgation d'une nouvelle loi, d'un futur statut de « collectivité départementale » de Mayotte, qui serait dotée d'une assemblée unique dénommée « conseil général », dont le nombre de membres élus serait déterminé en fonction de l'évolution démographique du territoire, et qui serait assistée d'un conseil économique et social et d'un conseil de la culture.
Ø La période 2001-2010 : de la collectivité départementale au Département
A la suite de cet accord, la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 a posé les futures étapes de l'évolution statutaire, que la réforme constitutionnelle de 2003 est venue conforter par le transfert de l'exécutif de la collectivité au président du conseil général en 2004 puis le passage à l'identité législative partielle.
La loi du 11 juillet 2001 a ainsi doté Mayotte du titre de "Collectivité départementale", annonçant que Mayotte avait bien vocation à terme à devenir un département d'outre-mer, tout en maintenant son statut de collectivité territoriale sui generis au sens de l'article 72 de la Constitution. Le contenu du texte démontrait par ailleurs clairement l'intention du législateur de préparer Mayotte à accéder au statut de département d'outre-mer en réalisant une décentralisation proche de celle existant en France hexagonale mais par étapes successives. Ainsi, le représentant de l'Etat a transféré l'exécutif de la collectivité départementale au président du conseil général élu à la suite du renouvellement de 2004, tout en conservant une tutelle a priori allégée jusqu'au renouvellement du conseil général en 2008. A compter de cette date, les actes de la collectivité acquéraient un caractère exécutoire dans les conditions de droit commun.
La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a établi une nouvelle classification juridique, distinguant les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, principalement soumises au régime du droit commun, sous réserve de certaines adaptations, de celles régies par l'article 74 de la Constitution, qui prévoit un cadre juridique général pour ces collectivités, tout en renvoyant à une loi organique la détermination de leur statut. L'article 72-4 de la Constitution établit une procédure spécifique pour l'évolution statutaire de tout ou partie d'une collectivité territoriale d'outre-mer soumise à l'un des régimes des articles 73 et 74 vers l'autre régime juridique. Cette dernière exige l'intervention d'une loi organique ainsi que le recueil préalable du consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli.
En décembre 2008, le Président de la République a présenté aux élus mahorais le « Pacte pour la départementalisation », exposant les grandes lignes de l'évolution institutionnelle ainsi que les conséquences pour les Mahorais d'un passage au statut de collectivité régie par l'article 73 de la Constitution. Ainsi informés sur les enjeux et les étapes de l'évolution institutionnelle envisagée, les électeurs mahorais ont été appelés à se prononcer, le 29 mars 2009, sur la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée « Département », régie par l'article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d'outre-mer ? ». 95,20 % des votants ont alors répondu favorablement
La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte a ainsi posé le principe de la création à Mayotte d'une collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution exerçant à la fois les compétences dévolues au département et à la région - sous réserves de certaines adaptations -, à compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante en 2011. Le fort attachement des Mahorais au concept départemental a cependant conduit à dénommer la nouvelle collectivité « Département ».
1.1.2. Le cadre actuel du département de Mayotte
Ø Le cadre juridique général
Le Département de Mayotte est une collectivité d'outre-mer régie par l'article 73 de la Constitution, qui, en application du dernier alinéa de cet article, exerce à la fois les compétences d'une région et d'un département, sous réserve de certaines adaptations. Les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité.
En application de la décision du Conseil européen du 11 juillet 2012 modifiant le statut à l'égard de l'Union européenne de Mayotte, cette collectivité a cessé d'être un pays et territoire d'outre-mer (PTOM) pour devenir une région ultrapériphérique (RUP) au sens de l'article 359 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Les lois organique n° 2010-1486 et ordinaire n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relatives au Département de Mayotte ont précisé les règles institutionnelles applicables à cette collectivité.
La détermination des règles applicables à cette collectivité territoriale relève de la loi ordinaire, à l'exception des conditions de mise en oeuvre des habilitations à adapter les lois et règlements ou à fixer elles-mêmes les lois et règlements, en application des deuxième et troisième alinéas de l'article 73 de la Constitution, qui sont fixées par une loi organique.
Le Département de Mayotte est principalement régi par les dispositions de droit commun de la troisième partie du code général des collectivités territoriales relatives à l'organisation du département, à l'administration et aux services départementaux, aux finances du département, ainsi qu'aux dispositions de droit commun relatives aux attributions de la région.
Les dispositions particulières relatives à cette collectivité sont quant à elles réparties principalement entre le titre IV du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales (départements d'outre-mer), le livre V de la troisième partie du même code (Département de Mayotte) et le titre III de la quatrième partie de ce code (régions d'outre-mer).
Cet éparpillement des dispositions dans le code traduit, d'une certaine façon, la persistance d'une hésitation entre le modèle départemental classique et celui de la collectivité unique vers lequel ont évolué la Guyane et la Martinique.
Ø Les institutions du Département de Mayotte
L'assemblée délibérante du Département de Mayotte est le conseil départemental de Mayotte, qui élit en son sein une commission permanente. Le président du conseil départemental est l'organe exécutif du Département de Mayotte. Il assure les prérogatives des présidents de conseil départemental. Il peut déléguer certaines de ses fonctions aux vice-présidents, qui, avec lui, constituent le bureau. Le fonctionnement de ces organes est identique à celui des organes d'un département.
Le conseil départemental est en outre assisté des deux organes consultatifs des régions d'outre-mer : le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) et le Conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement (CCEE).
Le CESEM conseille les pouvoirs publics dans l'ensemble des domaines économiques et sociaux. À la demande du président du conseil départemental, il peut émettre un avis sur toute action ou projet en matière économique ou sociale. Il est composé de 32 membres.
Le CCEE compte 22 membres. Il est chargé de conseiller le conseil départemental dans le cadre de l'élaboration de la politique culturelle, éducative et environnementale. Il est obligatoirement consulté lors de la préparation du plan de développement et d'équipement du Département de Mayotte et de l'élaboration du projet de budget du Département en ce qui concerne l'éducation, la culture, la protection des sites, de la faune, de la flore et le tourisme.
Ø Les compétences du Département de Mayotte
Le Département de Mayotte exerce les compétences dévolues à la fois aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer, à l'exception :
- de la construction et l'entretien des collèges et des lycées, ainsi que la gestion du personnel technique, ouvrier et de service correspondant (article L. 3511-4 du code général des collectivités territoriales) ; l'Etat est compétent du fait que les dispositions confiant cette compétence au département et à la région sont inapplicables à Mayotte (article L. 251-21 du code de l'éducation) ;
- du développement, de l'entretien et de l'exploitation du réseau des routes nationales d'intérêt local puisque l'Etat n'a pas transféré les routes nationales à Mayotte (b du 4° de l'article L. 4437-3 du code général des collectivités territoriales) ;
- du financement, de l'instruction des demandes et de l'attribution du revenu de solidarité activité (RSA) : article. L. 542-6 du code de l'action sociale et des familles (le RSA est attribué, pour le compte de l'Etat, par la caisse gestionnaire du régime des prestations familiales à Mayotte) ;
- de la gestion des fonds européens, l'autorité de gestion à Mayotte étant l'Etat, celui-ci ayant par ailleurs délégué la gestion à un GIP (« L'Europe à Mayotte ») dont la collectivité est membre.
Parmi ces compétences figurent celles relatives à la coopération régionale dévolues, d'une part, aux départements d'outre-mer par les articles L. 3441-2 à L. 3441-7 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, aux régions d'outre-mer par les articles L. 4433-4 à L. 4433-4-8 du code général des collectivités territoriales.
- Les finances du Département de Mayotte
Alors même qu'il exerce aussi bien les compétences de la région que celle du département, le Département de Mayotte est soumis en matière financière aux dispositions du code général des collectivités territoriales applicables aux départements (livre III de la 3ème partie du code général des collectivités territoriales, en application de l'article L. 3511-2 du code général des collectivités territoriales).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Mayotte était, depuis la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution. Elle est devenue, après la consultation du 29 mars 2009, la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, et le renouvellement du conseil général le 31 mars 2011, une collectivité unique relevant du dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution, exerçant les compétences d'un département et d'une région, et régie par le principe d'identité législative.
Par ailleurs, la loi doit tout d'abord être claire, accessible et intelligible. Le Conseil constitutionnel a consacré l'existence d'un « objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » qu'il fonde sur les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 (Cons. Const., n° 2005-514 DC, 28 avr. 2005). Le Conseil constitutionnel a également reconnu un « principe de clarté de la loi » qu'il a fait découler de l'article 34 de la Constitution (Cons. const., n° 2001-455 DC). En ce qu'elles permettent de respecter une cohérence du droit, les présentes dispositions transitoires remplissent cet objectif.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le présent article prévoit, notamment, le changement de dénomination du Département de Mayotte, qui devient le Département-Région de Mayotte, le changement de dénomination de son assemblée délibérante, qui devient l'assemblée de Mayotte ainsi que le déplacement des dispositions particulières à Mayotte figurant dans le code général des collectivités territoriales au sein de la septième partie de ce code. Aucune autre modification n'est apportée à la personne morale de droit public que constitue le Département de Mayotte, qui demeure.
Par ailleurs, le changement de nom du Département-Région de Mayotte et de l'Assemblée de Mayotte doit être pris en compte dans les dispositions des dispositions législatives qui citent cette collectivité ou cet organe.
Enfin, le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte prévoyant de transformer l'article L.O. 7311-7 du code général des collectivités territoriales en article L.O. 7411-7 du même code, il est nécessaire de modifier les références à cet article dans la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, et dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, par une disposition législative ordinaire. C'est pourquoi il y est procédé au III et au IV du présent article.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le présent article a pour objet de mettre en cohérence les dispositions du code général des collectivités territoriales, et de diverses lois ordinaires applicables à Mayotte, afin d'accompagner la modification des dispositions institutionnelles prévues par le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée dès lors qu'il s'agit de mettre en cohérence des dispositions ordinaires au regard de nouvelles dispositions organiques.
3.2. DISPOSITIF RETENU
D'autre part, les I, IV et V du présent article comportent des dispositions de coordination afin de tenir compte du changement de dénomination du Département de Mayotte et du changement de dénomination de son assemblée délibérante.
S'agissant des IV et V, le choix a été de procéder directement à ces changements dans les textes relatifs aux élections :
- loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen
- loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
Toutefois, s'agissant des autres textes, compte tenu de leur très grand nombre, il a été fait le choix de modifier globalement les références au Département de Mayotte, au conseil général ou au conseil départemental de Mayotte, aux conseillers généraux ou aux conseillers départementaux de Mayotte, au président du conseil général ou au président du conseil départemental de Mayotte.
Enfin, les II et III du présent article comportent des dispositions de coordination afin de tenir compte de la renumérotation des articles de l'actuel livre III de la septième partie, qui est opérée par le projet de loi organique, dans l'article 21 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale et à l'article 205 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui citent ces dispositions.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Les articles L. 131-2 et L. 212-9 du code des juridictions financières sont modifiés.
Au dernier alinéa du XIII de l'article 21 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, la référence à l'article L.O. 7311-7 du code général des collectivités territoriales est remplacée par la référence à l'article L.O. 7411-7 du même code.
Au premier alinéa du II de l'article 205 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la référence au livre III de la septième partie du code général des collectivités territoriales est remplacée par la référence au livre IV de la septième partie du code général des collectivités territoriales et au dernier alinéa du même II, la référence à l'article L.O. 7311-7 du code général des collectivités territoriales est remplacée par la référence à l'article L.O. 7411-7 du même code.
A l'article 6-3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, après les mots : « conseiller à l'assemblée de Martinique », sont insérés les mots : « conseiller à l'assemblée de Mayotte »
Enfin, le I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifié pour remplacer la référence au président du conseil exécutif de Martinique par le président de l'assemblée de Mayotte. En cohérence, les conseillers exécutifs de Martinique deviennent les conseillers à l'assemblée de Mayotte.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
La présente disposition ne concerne que la collectivité territoriale de Mayotte.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le présent article permettant une simple mise en cohérence légistique rendu nécessaire par les dispositions du projet de loi organique, elles n'ont pas, par elles-mêmes d'impact sur les services administratifs.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil départemental de Mayotte a été consulté à titre obligatoire, en procédure d'urgence, en application de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis réservé le 10 avril 2025.
Aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les dispositions du présent article entrent en vigueur à la date du dépôt du projet de loi ratifiant l'ordonnance prévue à l'article 30 et, au plus tard, le 1er janvier 2027.
Sous réserve de leur entrée en vigueur, les I, IV et V du présent article s'appliquent à compter du prochain renouvellement général des conseils départementaux suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.
5.2.2. Application dans l'espace
Ces dispositions seront applicables uniquement à Mayotte.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour préciser les dispositions de niveau réglementaire qui devront être prises.
* 1 CE, 5 juillet 2012, n° 358266.
* 2 Données provisoires, extraction de l'administration numérique de étrangers en France (ANEF) Analytics au 12/03/2025.
* 3 Extraction ANEF analytics au 12/03/2025
* 4 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration NOR : IOMV2236472L.
* 5 Cet ajustement concerne également le L. 423-8, soit l'article relatif à la vérification de la « double contribution ».
* 6 A minima un visa de court séjour.
* 7 Il faut néanmoins distinguer les conditions d'entrée sur le territoire national qui impliquent, en principe, un visa en application des dispositions de l'article L. 311-1 du CESEDA des conditions de délivrance d'un titre de séjour.
* 8 Voir infra.
* 9 Auxquels peuvent être ajoutés les visas « vacances-travail » (R. 431-16 4°) et les visas « missions de volontariat » (R. 431-16 5°), qui sont parfois intégrés dans la catégorie des VLS-T.
* 10 R. 431-16 3° du CESEDA
* 11 Décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 pris pour l'application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et portant diverses dispositions relatives à l'entrée, au séjour et au travail des étrangers en France.
* 12 Sauf pour les ressortissants algériens à qui il est délivré un visa de court séjour dans cette hypothèse.
* 13 CEDH, gr. ch., 14 sept. 2022, nos 24384/19 et 44234/20.
* 14 Du 1er janvier 2025 au 17 mars 2025.
* 15 Décision n° 93-321 DC du 20 juillet 1993.
* 16 Décisions n° 97-389 DC du 22 avril 1997.
* 17 Conseil constitutionnel, 13 août 1993, décision n° 93-325 DC.
* 18 Règlement (CE) n o 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas.
* 19 Directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.
* 20 Conv. de Schengen 19 juin 1990, art. 138.
* 21 Arrêté NOR : INTV1430080A du 4 février 2015 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire de Mayotte.
* 22 Hors communes de Bandraboua, Chiconi, Dembeni et Tsingoni pour lesquelles les données ne sont pas disponibles.
* 23 Cass. crim., 27 sept. 2023, n° 21-83676.
* 24 Partant de ces attendus de principe, elle a résumé cet arrêt de la manière suivante : « la reconnaissance mensongère de paternité n'est pas une infraction. Il arrive qu'un homme reconnaisse la paternité d'un enfant dont il sait ne pas être le père biologique. Cet acte ne constitue pas un faux au sens de la loi pénale. En effet, la validité de la reconnaissance n'est pas subordonnée à sa conformité à la réalité biologique de la filiation. L'éventuelle volonté de l'auteur de la déclaration de contourner les règles de l'adoption peut seulement caractériser une fraude, susceptible de sanction par le juge civil. ».
* 25 Voir supra.
* 26 CE, avis, 22 août 1996, n°359622.
* 27 CE, avis, 8 juin 2010, n° 334793.
* 28 A2 correspond à un niveau d'utilisateur élémentaire (niveau intermédiaire ou usuel).
* 29 B1 correspond à un niveau d'utilisateur indépendant (niveau seuil).
* 30 Article 8 CEDH : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ».
* 31 Circ. 22 juill. 2011, NOR : IOCK1110776C.
* 32 Ibid.
* 33 Ibid.
* 34 Ibid
* 35 Données ANEF Analytics du 13 mars 2025
* 36 Décision DC n° 97-389 du 22 avril 1997.
* 37 CE, avis, 22 août 1996, n°359622.
* 38 CE, avis, 8 juin 2010, n° 334793.
* 39 INSEE, L'essentiel sur... Mayotte, Chiffres clés, 2024.
* 40 INSEE, À Mayotte, près d'un habitant sur deux est de nationalité étrangère, INSEE Première, 2019.
* 41 Le caractère déclaratif de la reconnaissance ne permet en effet pas à un officier de l'état civil de refuser d'enregistrer une reconnaissance d'enfant, sauf si l'acte révèle par lui-même le caractère invraisemblable de la reconnaissance (par exemple, dans le cas d'une différence d'âge entre l'auteur de la reconnaissance et l'enfant inférieure à douze ans) ou en cas d'impossibilité juridique d'enregistrer cette reconnaissance (par exemple, en cas de situation d'inceste). L'officier de l'état civil ne peut donc, en principe, se faire juge de la sincérité d'une reconnaissance.
* 42 Conseil constitutionnel, décision n°2018-770 DC du 06 septembre 2018, paragraphe 43, JORF n°0209 du 11 septembre 2018, texte n° 2 : « la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants. Ces circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a ainsi entendu tenir compte de ce que l'immigration irrégulière à Mayotte pouvait être favorisée par la perspective d'obtention de la nationalité française par un enfant né en France et par les conséquences qui en découlent sur le droit au séjour de sa famille ».
* 43 Conseil d'Etat, Assemblée générale, 05 juin 2018, n°394925, considérant 11 : « même si la proposition de loi apporte une condition nouvelle à l'acquisition de la nationalité française par le droit du sol puisqu'elle tient à la situation de séjour des parents à la date de naissance de l'enfant concerné et non à la situation de l'enfant lui-même, cette condition porte sur l'un ou l'autre des parents et fixe un délai de résidence régulière assez bref. Par suite, le Conseil d'Etat estime que la proposition de loi peut être regardée comme n'apportant que des modifications aux conditions d'exercice du droit du sol et, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme ne remettant pas en cause les règles essentielles et anciennes en matière de nationalité, ce qui soulèverait des questions de constitutionnalité plus délicates ».
* 44 Conseil d'Etat, Assemblée générale, 15 février 2018, n°394206.
* 45 Etat des personnes : « ensemble des éléments qui concourent à identifier et à individualiser chaque personne dans la société (date et lieu de naissance, filiation, nom, domicile, situation matrimoniale, etc.) », Vocabulaire Juridique de Gérard Cornu, Quadrige / PUF 13ème édition.
* 46 Insee Analyses Mayotte N° 12 - Mars 2017
* 47 Insee Flash Mayotte n° 124 - Septembre 2021
* 48 Insee Flash Mayotte n°166 - Décembre 2023
* 49 V. la page 51 du rapport d'information sur la sécurité à Mayotte publié par la commission des lois du Sénat le 27 octobre 2021 et intitulé Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais.
* 50 Proposition n° 13 du rapport d'information sur la sécurité à Mayotte publié par la commission des lois du Sénat le 27 octobre 2021 et intitulé « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ».
* 51 Article 11 alinéa 5 du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 modifié relatif à l'état civil.
* 52 D'après l'ARS Mayotte, il existe cinq maternités à Mayotte : Mamoudzou, Dzaoudzi, Dzoumogné, Kahani et M'Ramadoudou.
* 53 Conseil constitutionnel, décision n°2018-770 DC du 06 septembre 2018, paragraphe 43, JORF n°0209 du 11 septembre 2018, texte n° 2 : « la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants. Ces circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a ainsi entendu tenir compte de ce que l'immigration irrégulière à Mayotte pouvait être favorisée par la perspective d'obtention de la nationalité française par un enfant né en France et par les conséquences qui en découlent sur le droit au séjour de sa famille ».
* 54 Conseil d'Etat, Assemblée générale, 05 juin 2018, n°394925, considérant 11 : « même si la proposition de loi apporte une condition nouvelle à l'acquisition de la nationalité française par le droit du sol puisqu'elle tient à la situation de séjour des parents à la date de naissance de l'enfant concerné et non à la situation de l'enfant lui-même, cette condition porte sur l'un ou l'autre des parents et fixe un délai de résidence régulière assez bref. Par suite, le Conseil d'Etat estime que la proposition de loi peut être regardée comme n'apportant que des modifications aux conditions d'exercice du droit du sol et, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme ne remettant pas en cause les règles essentielles et anciennes en matière de nationalité, ce qui soulèverait des questions de constitutionnalité plus délicates ».
* 55 Insee Analyses Mayotte n°26 - juillet 2020.
* 56 Insee Analyses Mayotte n°26 - juillet 2020.
* 57 Insee Analyses Mayotte N° 12 - Mars 2017.
* 58 Insee Flash Mayotte n° 124 - Septembre 2021.
* 59 Insee Flash Mayotte n°166 - Décembre 2023.
* 60 L'étude d'impact pour le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif indiquait que les préfectures avaient recensé 400 reconnaissances frauduleuses de paternité produites à l'appui d'une demande de titre de séjour pour l'année 2015 et 577 pour l'année 2016.
* 61 V. la page 51 du rapport d'information sur la sécurité à Mayotte publié par la commission des lois du Sénat le 27 octobre 2021 et intitulé Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais.
* 62 C. const., décision 13 août 1993, n° 93-325 DC
* 63 Source : Département des statistiques, des études et de la documentation (DSED) - Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF). Champ : Primo-délivrances des titres de séjour aux ressortissants des pays tiers (hors Britanniques) Année 2022 (2023 = plus de 80%)
* 64 Source : Logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative (LOGICRA)
* 65 Source : LOGICRA
* 66 Ce n'est toutefois pas le cas du Rwanda et du Burundi par exemple.
* 67 Etude du REM (réseau européen des migrations) de juin 2022 sur le thème « Incitations et motivations pour un départ volontaire »
* 68 Ce n'est toutefois pas le cas du Rwanda et du Burundi par exemple.
* 69 Source : données LOGICRA, application de gestion des centres de rétention
* 70 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-631 DC, 9 juin 2011.
* 71 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC, 21 mars 2019 (paragraphes 5 et 6).
* 72 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-770 DC, 6 septembre 2018.
* 73 Cf. notamment CEDH, A.B. c/ France, 12 juillet 2016, n° 11593/12, par lequel « la Cour juge que la présence en rétention d'un enfant accompagnant ses parents n'est conforme à l'article 5 § 1 f) qu'à la condition que les autorités internes établissent qu'elles ont recouru à cette mesure ultime seulement après avoir vérifié concrètement qu'aucune autre moins attentatoire à la liberté ne pouvait être mise en oeuvre. » (cons. 123) ; le droit français assure explicitement ces garanties aujourd'hui (articles L. 741-1 et L. 741-5 du CESEDA).
* 74 Décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 portant publication de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990.
* 75 CEDH, 19 janvier 2012, Popov c. France, considérant 92.
* 76 Il s'agit des directives suivantes : Directive 2003/109/CE (Résident de longue durée UE), directive 2003/86/CE (Regroupement familial), directive (UE) 2016/801 (Etudiant et chercheur), directive (UE) 2021/1883 (Emplois hautement qualifié CBE), directive (UE) 2024/1233(Dite permis unique), directive 2008/115/CE (Retour).
* 77 Sources Ministère de l'intérieur/DGEF/DSED
* 78 79 Sources Ministère de l'intérieur/DGEF/DSED
* 80 Une menace « grave » pour l'ordre public pour le retrait d'une carte de résident
* 81 Cour de cassation, assemblée plénière, 28 juin 2024, paragraphe 30.
* 82 Conseil Constitutionnel, décision n°2023-1045, QPC du 21 avril 2023.
* 83 lorsque l'étranger détient une CR
* 84 lorsque l'étranger détient une CR "permanent"
* 85 D'après la direction territoriale de la Police nationale de Mayotte.
* 86 D'après l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
* 87 Décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 (corporations d'Alsace-Moselle)
* 88 Décision n° 2014-692 DC du 27 mars 2014, Loi visant à reconquérir l'économie réelle.
* 89 Décision n° 2019-823 QPC, Association Union des industries de la protection des plantes.
* 90 Décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle.
* 91 Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024, Loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
* 92 Décision n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024, Proposition de loi visant à réformer l'accès aux prestations sociales des étrangers
* 93 Au sens de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier.
* 94 Au sens du I de l'article L. 314-1 du code monétaire et financier.
* 95 Source : Insee, décembre 2022.
* 96 Source : Répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS).
* 97 Comme en témoigne la mobilisation de la réserve sanitaire par l'arrêté du 17 février 2023 pour renforcer les capacités de rédaction des rapports d'insalubrité et des propositions d'arrêtés d'insalubrité par les services de l'Agence régionale de santé de Mayotte.
* 98 Evaluation réalisée par le cabinet Accenture sur financement de la DGOM, cette évaluation n'a pas été publiée mais reste disponible à la demande.
* 99 cf. notamment article L480-2 du code de l'urbanisme.
* 100 le constat, en dehors des poursuites pénales, peut conduire à la démolition d'office (cf. le IV de l'article L481-1 du code de l'urbanisme). Par ailleurs, il a été jugé qu'en application de l'article L.481 du code de l'urbanisme le Maire pouvait également mettre en demeure de détruire ( Conseil d'Etat, 22 décembre 2022, n°463331).
* 101 Exemples : en matière de police de l'urbanisme (articles R610-1 à R610-3 du code de l'urbanisme), en matière de police de l'environnement (article R172-1 et suivants du code de l'environnement).
* 102 Pour des faits de destructions et dégradations de biens publics et privés : 780 en 2020, 828 en 2021 (+6,15% par rapport à 2020), 1078 en 2022 (+ 30,19 % par rapport à 2021), 1276 en 2023 (+18,3% par rapport à 2022), 1253 en 2024.
* 103 La lutte contre l'habitat indigne fait l'objet dans le cadre de ce plan de mesures spécifiques
* 104 Articles modifiés par l'Ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) - désormais « articles L. 5221-8, L. 5221-11, L. 8221-1, L. 8221-2 et L. 8251-1 du code du travail »
* 105 Ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte, Ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte, Ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, Ordonnance n° 2006-1588 du 13 décembre 2006 relative au régime de prévention, de réparation et de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles à Mayotte
* 106 Avis du Conseil d'Etat n°383.887 du 20 mai 2010.
* 107 Pour une entreprise de moins de 11 salariés, hors AT-MP, versement mobilité et contributions supplémentaires à l'apprentissage.
* 108 Données de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte, 2020
* 109.Selon la caisse de sécurité sociale de Mayotte, 13 106 agents contractuels de droit public ont cotisé auprès du régime de retraite de base local en 2023.
* 110 La faiblesse du montant moyen de pension servie par le régime local en 2019 est à nuancer car ce montant est calculé en tenant compte des actifs qui restent temporairement à Mayotte et poursuivent leur carrière dans d'autres territoires en se constituant des droits auprès d'autres régimes (régime général essentiellement). Par ailleurs, des mesures mises en oeuvre postérieurement sont venues améliorer le montant des pensions contributives, notamment la revalorisation des pensions mahoraises intervenue à compter de septembre 2023.
* 111 Article 73 de la Constitution.
* 112 Données issues du dernier recensement officiel réalisé par l'INSEE en date du 14 décembre 2017. L'INSEE présente une estimation au 1er janvier 2024 mais qui ne peut être utilisée comme fondement légal en application de l'article L. 5511-3 Code de la santé publique.
* 113 0,3 % de l'ensemble des consultations réalisées sur le territoire (Données Cnam, août 2024)
* 114 Rapport d'information n° 833 (2021-2022), déposé le 27 juillet 2022
* 115 régies par la loi du 1er juillet 1901 relatif au statut des associations à but non lucratif.
* 116 Conseil constitutionnel, décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles.
* 117 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, SARL L'Office centrale d'accession au logement.
* 118 Conseil constitutionnel, décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 précitée.
* 119 Conseil constitutionnel, décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 précitée.
* 120 CEDH 22 avril 2002, Lallement c. France, n° 46044/99.
* 121 CEDH 5 janvier 2000 Beyeler c. Italie, n° 33202/96, §§ 108-114.
* 122 2010-60 QPC, 12 novembre 2010, cons. 3, Journal officiel du 13 novembre 2010, page 20237, texte n° 92, Rec. p. 321 ; 2011-141 QPC,24 juin 2011, cons. 3, Journal officiel du 25 juin 2011, page 10842, texte n° 72, Rec. p. 304 ; 2011-208 QPC, 13 janvier 2012, cons.4, Journal officiel du 14 janvier 2012, page 752, texte n° 94, Rec. p. 75.
* 123 2013-366 QPC, 14 février 2014, cons. 3, JORF du 16 février 2014 page 2724, texte n° 44, Rec. p. 130.
* 124 CEDH, 22 avril 2002, Lallement c. France, n° 46044/99.
* 125 CEDH, 5 janvier 2000 Beyeler c. Italie, n° 33202/96, §§ 108-114.
* 126 Article L. 2171-4 du code de la commande publique.
* 127 Article L. 2171-5 du code de la commande publique.
* 128 Le rapport de la Cour des comptes de juin 2022 « Quel développement pour Mayotte » indique que même si des efforts sont déployés, le rythme actuel de construction des écoles primaires ne suffit pas à combler le déficit existant et à faire face à la croissance démographique de l'île. Le rapport souligne qu'il manque environ 850 classes supplémentaires pour accueillir les enfants dans des conditions satisfaisantes. Le rythme de construction actuel est en deçà de ce qui serait nécessaire pour combler ce déficit.
* 129 Conseil constitutionnel, n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.
* 130 Règlement (UE) no 651/2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
* 131 Conseil constitutionnel, décision n°94-358 DC du 26 janvier 1995, loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
* 132 Conseil constitutionnel, décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.
* 133 L'ordonnance n° 2022-584 du 20 avril 2022 relative à la chambre de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte, elle-même prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 79 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 134 V. les articles L.O. 3511-1 et les articles L. 4437-1 et L.O. 4437-2 et suivants du code général des collectivités territoriales.
* 135 V. les articles L.O. 3511-1 et les articles L. 4437-1 et L.O. 4437-2 et suivants du code général des collectivités territoriales.
* 136 La convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, et publiée au Journal officiel de la République française par le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 portant publication de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 (1) - Légifrance.
* 137 Les prévisions d'effectifs, retracées dans cette première hypothèse, pour les années scolaires 2025-2026, 2026-2027 et 2027-2028 sont basées sur les prévisions d'évolution démographique du département de Mayotte appliquées au constat d'effectifs élèves intégrés dans le dispositif au titre de l'année scolaire 2023-2024, soit 50 284 élèves.
* 138 Article L. 512-18 du code général de la fonction publique (CGFP).
* 139 Articles L 512-19 du CGFP pour la fonction publique de l'Etat, L. 512-26 pour la fonction publique territoriale et L. 512-29 pour la fonction publique hospitalière.
* 140 Article L. 512-19 du CGFP.
* 141 Voir notamment les articles 8 et 10 du décret.
* 142 Cf. Rapport annuel sur l'état de la fonction publique, ed. 2024, Encadré 3 « L'emploi public à Mayotte et dans les collectivités d'outre-mer », p. 30.
* 143 Cons. constit., déc. n° 76-67 DC du 15 juillet 1976, Loi modifiant l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : « Considérant que le principe de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires n'est susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps ».
* 144 CE 3 avril 1957, Sieur Milliard et autres, au R. p. 232 ; CE 14 janvier 1991, Mouchoux, n° 86891.
* 145 CE, 15 juillet 2019, M. B., n° 427935 : le juge administratif considère dans cet arrêt que les militaires en activité qui accèdent à un emploi réservé ne sont pas dans la même situation que les anciens militaires qui accèdent à ces mêmes postes, compte tenu de « l'objectif fixé à l'article L. 4111-1 du code de la défense de favoriser le retour des militaires à une activité professionnelle dans la vie civile. Il est par conséquent loisible au législateur de prévoir des règles de reprise d'ancienneté uniquement pour les militaires en position d'activité lors de leur intégration dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil ». Il a ainsi jugé que les conditions n'étaient pas réunies pour transmettre une QPC.
* 146 Décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 portant création d'une majoration du traitement allouée aux fonctionnaires de l'Etat et de la fonction publique hospitalière et aux magistrats en service dans le Département de Mayotte.
* 147 Exemples : OFPRA de Mayotte et Etablissement Public Foncier et d'Aménagement de Mayotte.
* 148 Rapport public thématique de la Cour des comptes de juin 2022 « Quel développement pour Mayotte ? »)
* 149 - loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;
- loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat et la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ;
- loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République ;
- loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
* 150 Chacune de ces deux collectivités territoriales est en effet dotée d'une assemblée délibérante, dénommée respectivement assemblée de Guyane et assemblée de Martinique, d'un exécutif composé en ce qui concerne la Guyane, par le président de l'assemblée assisté de vice-présidents, et pour la Martinique, d'un conseil exécutif composé d'un président et de conseillers exécutifs (ces fonctions étant incompatibles avec celles de membre de l'assemblée de Martinique selon une organisation similaire à celle de la collectivité territoriale de Corse.), ainsi que d'un conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation.
* 151 V. les articles L.O. 3511-1 et les articles L. 4437-1 et L.O. 4437-2 et suivants du code général des collectivités territoriales.
* 152 CC, 1er et 2 juillet 1986, n° 86-208 DC ; CC, 28 juillet 2011, n° 2011-637 DC.
* 153 DC du 2 décembre 1982, n° 84-147, Loi portant adaptation de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion : cons 5
* 154 DC du 12 février 2004 Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; Cons. 84.
* 155 V. les articles L.O. 3511-1 et les articles L. 4437-1 et L.O. 4437-2 et suivants du code général des collectivités territoriales.
* 156 Population de référence à compter du 1er janvier 2025.
* 157 Voir le rapport n° 467 du Sénat, enregistré le 11 avril 2011 sur le PJLO portant diverses mesures de nature organique aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et le PJL relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique.
* 158 Voir le rapport n° 3589 de l'Assemblée nationale, enregistré le 23 novembre 2020, sur la PPL relative à la répartition des conseillers de l'Assemblée de Guyane entre les sections électorales.
* 159 V. les articles L.O. 3511-1 et les articles L. 4437-1 et L.O. 4437-2 et suivants du code général des collectivités territoriales.
* 160 CC, 1er et 2 juillet 1986, n° 86-208 DC ; CC, 18 novembre 1996, n° 86-218 DC ; CC, 28 juillet 2011, n° 2011-637 DC.