EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi vise à ratifier diverses ordonnances prises sur le fondement de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.
Face à l'urgence de santé publique liée à l'évolution de la propagation du virus covid-19, le Gouvernement a été conduit à limiter fortement les déplacements des personnes hors de leurs domiciles et à imposer des mesures de distanciation sociale.
Dans ce contexte, l'article 11 de la loi précitée a habilité le Gouvernement à prendre des mesures relevant du domaine de la loi visant, notamment, à :
- prévenir et limiter les cessations d'activité des opérateurs économiques ainsi que leurs incidences sur l'emploi,
- aménager divers délais et procédures légaux, contractuels ou juridictionnels qui, du fait des mesures prises, ne pouvaient plus être respectés.
Les ordonnances prises sur ce fondement, que le présent projet de loi a pour objet de ratifier, sont les suivantes :
- ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;
- ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété ;
- ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
- ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale ;
- ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020 portant diverses adaptations des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19.
1. - S'agissant de la procédure pénale, l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale édicte les mesures nécessaires à l'adaptation de la procédure pénale rendues indispensables pour faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et pour limiter cette propagation. Elle a été prise en application de l'habilitation prévue par les b, c , d et e du 2° de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 précitée.
Les principaux objectifs poursuivis étaient de suspendre ou d'allonger les délais pour s'adapter aux contraintes du confinement et aux plans de continuation d'activité des juridictions pour les avocats et justiciables, pour les magistrats et agents, d'éviter les contacts et la propagation du virus covid-19, et d'aménager les procédures d'exécution des peines.
Ainsi, les règles de procédure pénale sont adaptées afin de permettre la continuité de l'activité des juridictions pénales essentielle au maintien de l'ordre public. Ces mesures sont applicables sur l'ensemble du territoire de la République jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée.
Les délais de prescription de l'action publique de la peine sont suspendus à compter du 12 mars 2020. Les conditions de saisine des juridictions et de leur fonctionnement sont assouplies en autorisant plus largement des audiences dématérialisées et en permettant la tenue de certaines audiences par une formation à juge unique, sous réserve qu'un décret constatant la persistance de la crise sanitaire de nature à compromettre le fonctionnement des juridictions le prévoit spécialement. Les délais maximums de détention provisoire et d'assignation à résidence durant l'instruction et pour l'audiencement des affaires sont prolongés de plein droit, dans la limite d'une fois par procédure, et pour des durées proportionnelles à celle de droit commun. Enfin, les conditions d'exécution de la fin de peine d'emprisonnement sont aménagées, en prévoyant notamment des réductions de peine de deux mois liées aux circonstances exceptionnelles, et la possibilité d'une sortie anticipée sous forme d'une assignation à résidence.
Les dispositions de cette ordonnance ont été complétées par celles de l'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale. Cette ordonnance a pour objet de préciser que les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, qui augmente d'un mois les délais impartis à la chambre de l'instruction pour statuer dans des dossiers où des personnes sont placées en détention provisoire, s'appliquent également aux appels concernant des ordonnances du juge d'instruction renvoyant la personne mise en examen devant la juridiction et aux décisions concernant les déclarations d'irresponsabilité pénale en raison d'un trouble mental.
2. - S'agissant des règles applicables aux procédures devant les juridictions judiciaires non pénales et devant les juridictions administratives, le c du 2° du I de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 précitée a habilité le Gouvernement à prendre, dans un délai de trois mois, toute mesure pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, « Adaptant, aux seules fins de limiter la propagation de l'épidémie de covid-19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d'organisation du contradictoire devant les juridictions ».
2.1. - L'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété comporte deux titres :
Le titre I er aménage les modalités procédurales durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la fin du mois qui suit la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire :
- possibilité de transférer les compétences d'un tribunal judiciaire qui n'est pas en capacité de fonctionner, à un autre, relevant du ressort de la même cour d'appel ;
- modalités simplifiées de renvoi des affaires et des auditions prévues à des audiences supprimées ;
- possibilité de prévoir que les débats se dérouleront en publicité restreinte et, si nécessaire, en chambre du conseil, c'est-à-dire hors la présence du public ;
- simplification des modalités d'échange des écritures et des pièces entre les parties ;
- possibilité d'audiences dématérialisées ;
- possibilité élargie de statuer sans audience et selon une procédure écrite ;
- possibilité de porter les décisions à la connaissance des parties par tout moyen (sans préjudice des règles de notification des décisions).
L'article 11 de cette ordonnance adapte les modalités de prestation de serment devant les juridictions. Celles-ci seront permises par écrit à condition de comprendre la mention manuscrite des termes de la prestation. Elles devront être déposées auprès de la juridiction compétente qui en accuse réception.
Le titre I er organise également la procédure applicable devant les juridictions pour enfants en matière d'assistance éducative et d'aide à la gestion du budget familial :
- prorogation de plein droit des mesures en cours jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire ;
- pour les mesures en cours, possibilité pour le juge, sans audition des parties et par décision motivée, de lever la mesure ou, avec l'accord des parents, de la renouveler pour une durée limitée,
- pour les requêtes nouvelles, possibilité pour le juge, sans audition des parties de dire qu'il n'y a pas lieu à ordonner une mesure d'assistance éducative, ou d'ordonner une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert pour une durée qui ne peut excéder six mois, ou encore, d'ordonner une mesure judiciaire d'investigation éducative ou d'expertise.
Ces dispositions prévoient également en matière d'assistance éducative :
- la modification des délais prévus aux articles 1184 et 1185 du code de procédure civile sur les mesures provisoires,
- la possibilité pour le juge de suspendre ou modifier les droits de visite et d'hébergement, sans audience et par décision motivée, pour la seule durée de l'état d'urgence sanitaire
- la possibilité de tenir les audiences civiles en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle,
- l'aménagement des modalités de convocation et de notification des décisions.
Le titre II de cette ordonnance comporte un seul article qui a pour objet de pallier l'impossibilité pour les assemblées générales des copropriétaires de se réunir pendant la période de pandémie du covid-19, y compris celles appelées à se prononcer sur la désignation d'un syndic en raison de l'arrivée à terme du contrat du syndic en exercice.
Cet article permet le renouvellement de plein droit du contrat de syndic arrivé à terme à compter du 12 mars 2020, sans que l'assemblée générale ait pu se réunir pour conclure un nouveau contrat de syndic afin d'assurer une pérennité dans la gestion des copropriétés, leur conservation et la continuité des services essentiels à leur fonctionnement normal, conformément à leur destination.
En application de cet article, le contrat de syndic en exercice est renouvelé jusqu'à la prise d'effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires, qui devra se tenir dans les six mois suivants la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
Le second alinéa de cet article prévoit que ce renouvellement du contrat de syndic est exclu lorsque l'assemblée générale des copropriétaires a déjà désigné un syndic avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, de sorte que la continuité dans la gestion de la copropriété est assurée.
2.2. - Pour les règles applicables devant les juridictions administratives, deux ordonnances ont été prises : ordonnances n° 2020-305 du 25 mars 2020 et n° 2020-405 du 8 avril 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif
L'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, telle que précisée et complétée par l'ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020, qui a modifié ses articles 1 er , 7, 13, 15, 16 et 17, et par l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, qui a modifié ses articles 15 et 16, est applicable, sauf disposition contraire, à l'ensemble des juridictions de l'ordre administratif.
Elle comporte deux titres.
Le titre I er est relatif à l'organisation et au fonctionnement des juridictions. Il organise un régime dérogatoire aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux juridictions administratives pour la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
Il permet de réorganiser l'activité juridictionnelle (modification de l'organisation interne des juridictions, des modes de communication avec les parties, des modalités de tenu des audiences, ainsi des modalités de notification des jugements).
Le titre II crée des dispositions particulières relatives aux délais de procédure et de jugement.
Il prévoit que les prorogations de délais prévus au titre I de l'ordonnance n° 2020-306 s'appliquent, sauf exceptions, devant les juridictions administratives, et reporte, là encore sauf exception, le point de départ des délais de jugement.
Il instaure également un régime spécifique applicable aux mesures d'instruction diligentées par les juridictions administratives.
Il précise enfin que l'ordonnance est applicable dans les îles de Wallis et Futuna.
3. - L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période a été prise en application du 2° du I de l'article 11 de la loi d'urgence précitée du 23 mars 2020 autorisant le Gouvernement à adopter toute mesure « b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure, à l'exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l'épidémie de covid-19 ».
3.1. - Cette ordonnance porte sur l'aménagement des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et sur l'adaptation des procédures pendant cette même période.
Le titre I er est consacré aux dispositions générales sur la prorogation des délais. Sont concernés par cette ordonnance les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Certains délais sont expressément exclus.
Cette ordonnance prévoit que tous les actes, actions et formalités, prescrits par la loi ou le règlement à peine d'une sanction, et qui devaient être réalisés dans cette période, seront valablement effectués, à compter de la fin de cette période, dans le délai qui était légalement imparti, mais dans la limite de deux mois.
Sont par ailleurs listées des mesures judiciaires et administratives dont l'effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l'expiration de la période définie ci-dessus, dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période.
Des dispositions spécifiques sont également prévues au sujet des astreintes et des clauses contractuelles visant à sanctionner l'inexécution du débiteur, qui auraient dû produire ou commencer à produire leurs effets entre le 12 mars 2020 et l'expiration de la période définie ci-dessus.
Le titre II comporte des dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative afin de tenir compte de certaines spécificités de l'action administrative.
Le chapitre I er est consacré aux dispositions relatives aux délais.
Le chapitre II comporte des dispositions relatives aux consultations.
3.2. - Cette ordonnance a été complétée et aménagée par l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19. Cette ordonnance a notamment étendu la liste des délais exclus de la prorogation et clarifié l'interprétation de certains articles de l'ordonnance n° 2020-306. Elle a également modifié le régime applicable aux astreintes et aux clauses sanctionnant l'inexécution du contrat et complété le dispositif afin de tenir compte des retards qui auront pu être accumulés pendant la période d'urgence sanitaire et le mois suivant. Elle a enfin aménagé diverses dispositions du titre II de l'ordonnance n° 2020-306 relatives aux délais et procédures en matière administrative.
4. - L'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale a été prise en application du d du 1° du I de l'article 11 de la loi la loi du 23 mars 2020 précitée. Le Gouvernement est habilité à prendre dans un délai de trois mois à compter de sa publication toute mesure pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, pour adapter les dispositions du livre VI du code de commerce et celles du chapitre I er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations.
Cette ordonnance prend en considération les incidences des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire sur la trésorerie des entreprises, sur l'organisation de l'activité judiciaire et sur les conditions de l'accompagnement des entreprises en difficulté ainsi que du traitement judiciaire de ces difficultés.
Ses dispositions s'appliquent pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, majorée d'un mois ou, pour certaines d'entre elles, de trois mois, mais, s'agissant de la durée des plans de sauvegarde ou de redressement, elles peuvent produire leurs effets sur des durées plus importantes.
L'article 1 er fige au 12 mars la date à laquelle l'état de cessation des paiements pourra être opposé au débiteur, entreprise ou exploitation agricole, sans faire obstacle à ce que ce débiteur puisse demander l'ouverture d'une procédure collective si sa situation s'est dégradée à compter de cette date. Cette protection est écartée en cas de fraude.
Ce même article ainsi que l'article 2 prévoient la prolongation d'un certain nombre de durées imposées par les dispositions du livre VI du code de commerce, afin de les rendre compatibles avec les restrictions imposées pendant l'état d'urgence sanitaire, tant dans le cadre d'une procédure de conciliation que pendant une procédure collective ; ils permettent au président du tribunal ou au tribunal de prolonger la durée du plan de continuation. Ils accélèrent, par contre, la procédure de prise en charge des créances dues aux salariés par l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) sans, toutefois, pénaliser les salariés dans l'hypothèse où le mandataire de justice n'aurait pas été en mesure de respecter les délais imposés par les dispositions du code du travail relatives à cette garantie.
L'article 2 comporte également un certain nombre d'allégements de règles de procédure, et l'article 5 écarte, provisoirement, les règles de procédure de droit local applicables, en matière de procédures collectives, dans les départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ces règles pouvant rendre plus difficile l'accès au juge pendant cette période de contraintes sanitaires exceptionnelles.
L'article 3 adapte au règlement amiable agricole le principe du gel de la situation du débiteur au 12 mars 2020.
L'ordonnance est applicable dans les îles de Wallis et Futuna.
5. - L'article 11 de la loi du 23 mars 2020 prescrit qu'un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Tel est l'objet de l'article unique du présent projet de loi.