EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi ratifie l'ordonnance n° 2023-80 du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d'activité.

Les organismes de foncier solidaire (OFS) créés par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) en 2014 visent à développer une offre de logement en accession sociale à la propriété, à des prix durablement abordables. Le dispositif repose sur le principe de la dissociation de la propriété foncière et bâtie mis en oeuvre par le bail réel solidaire (BRS).

L'article 106 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) a consacré l'objet principal des organismes fonciers solidaires (OFS) à savoir « de gérer des terrains ou des biens immobiliers dont ils sont propriétaires, le cas échéant après avoir procédé à leur acquisition, en vue de réaliser, y compris par des travaux de réhabilitation ou de rénovation, des logements destinés à des personnes aux ressources modestes, sous conditions de plafond, et des équipements collectifs conformément aux objectifs de l'article L. 301-1 du code de la construction et de l'habitation ».

Par ailleurs, la loi a étendu les compétences de ces organismes en prévoyant qu'à titre subsidiaire, et dans un but de mixité fonctionnelle, « ils peuvent intervenir pour réaliser ou faire réaliser des locaux à usage commercial ou professionnel sur des terrains acquis ou gérés au titre de leur activité principale ». La mixité fonctionnelle est une composante des actions d'urbanisme qui vise à rapprocher les lieux de vie des lieux d'emploi et de services afin de limiter les déplacements contraints et ainsi contribuer notamment à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à un développement équilibré des espaces urbanisés. La faculté pour les OFS de mettre à disposition des locaux d'activité répond à un double objectif :

- d'une part il s'agit de faciliter l'émergence de programmes immobiliers comportant des logements en bail réel et solidaire (BRS) là où la mixité fonctionnelle est nécessaire ou imposée. La mesure facilite le montage économique et juridique des opérations, qui est commun à l'ensemble des lots de la copropriété ;

- d'autre part, par son caractère abordable et anti-spéculatif, le dispositif figure parmi les outils de la revitalisation des territoires en favorisant l'installation d'entreprises.

Le même article prévoyait une habilitation à légiférer par voie d'ordonnance (article 106, III) pour définir le régime contractuel applicable.

L'ordonnance n° 2023-80 du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d'activité, prise sur ce fondement, a été publiée au Journal officiel de la République française le 9 février 2023. Elle crée un chapitre VI au titre V du livre II du code de la construction et de l'habitation (articles L. 256-1 et suivants).

Le présent projet de loi comporte un article unique de ratification de cette ordonnance qui permet de créer le bail réel solidaire d'activité (BRSA) reprenant ou s'inspirant fortement les éléments constitutifs du bail réel et solidaire (BRS), à savoir :

- le principe de la dissociation de la propriété foncière et bâtie, avec le versement d'une redevance foncière à l'organisme de foncier solidaire (OFS) ;

- un bail de longue durée, avec un caractère rechargeable après chaque cession ;

- la faculté de pouvoir céder les droits réels à tout moment sous réserve d'un encadrement des prix de cession. Par ailleurs, certaines dispositions générales du BRS seront par renvoi applicables au BRSA.

Cependant, compte tenu de son objet, ce contrat présente par ailleurs quelques spécificités.

Sur la nature du preneur (nouveaux articles L. 256-2 à L. 256-5 du code la construction et de l'habitation) :

Le bail pourra être consenti aux microentreprises, au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micros, petites et moyennes entreprises. Le preneur occupera et exploitera le local concerné sans pouvoir le louer (nouvel article L. 256-2).

En fonction des objectifs recherchés, l'OFS pourra éventuellement appliquer des critères complémentaires ou plus restreints à ces microentreprises. Ces conditions spécifiques d'éligibilité, fondées notamment sur le chiffre d'affaires, le statut ou le type d'activité, seront fixées par décret en Conseil d'État.

Afin d'articuler l'activité de certains OFS avec celle des foncières commerciales mises en place à l'initiative des collectivités, le BRSA pourra également être consenti à un établissement public ou à une entreprise publique locale qui assurera, dans ce cadre, la mise en location des locaux à une microentreprise sous condition que le loyer soit plafonné (nouvel article L. 256-3).

Un tel opérateur, réalisant l'opération principale comprenant des logements en BRS, pourra également réaliser le ou les locaux d'activité destinés à faire l'objet du BRSA et céder les droits réels à des microentreprises après son intervention (nouvel article L. 256-4).

Il est prévu un principe de publicité préalable pour toute intention de conclure un BRSA, ce qui permet en particulier d'assurer une forme de transparence quant à la mise en oeuvre de ce dispositif par les OFS et/ou les éventuels opérateurs intervenant après l'OFS (nouvel article L. 256-5).

Sur la durée minimale du bail (nouvel article L. 256-1 du code la construction et de l'habitation) :

Compte tenu des spécificités de certaines activités et de la situation de microentreprises pouvant prétendre à un tel dispositif, il est prévu une durée minimale de douze ans.

Sur la nature de l'activité exercée dans le local (nouvel article L. 256-7 du code la construction et de l'habitation) :

L'ordonnance prévoit la faculté pour les OFS de préciser dans le bail, la nature des activités exercées dans le local et, dans ce cas, de faire de cette précision un critère d'agrément de l'acquéreur en cas de cession du local. Par ailleurs, pour tout changement d'activité pendant la durée du bail, l'accord préalable de l'OFS est requis.

Sur l'évolution de la redevance (nouvel article L. 256-8 du code de la construction et de l'habitation) :

A l'instar de ce qui est prévu pour le bail réel solidaire (BRS), outre le prix de cession des droits réels, le preneur du BRSA devra s'acquitter d'une redevance liée au foncier à l'OFS. Cependant, pour le BRSA, cette redevance sera constituée d'une part fixe et d'une part variable qui pourra être modulée en fonction de l'évolution de la situation du preneur et notamment des gains tirés de l'exploitation du local.

Sur la prise en compte de l'activité du preneur (articles L. 256-15 à L. 256-17 du code de la construction et de l'habitation) :

L'enjeu est de sécuriser le preneur à bail qui aurait potentiellement créé et développé par exemple un fonds de commerce dans le local acquis dans le cadre d'un BRSA, et ce en particulier lorsqu'il souhaite céder ses droits réels. L'ordonnance prévoit notamment sous certaines conditions qu'une indemnisation du fonds peut être proposée en cas de préemption par l'OFS quant à l'acquisition des droits réels dans le cadre d'une cession du local objet du BRSA.

Un décret en Conseil d'État permettra de préciser certaines des modalités du BRSA, en particulier concernant celles relatives à la publicité préalable ou encore au plafonnement des loyers.

L'article 106 de la loi « 3DS » précitée prévoit qu'un « projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement au plus tard trois mois à compter de la publication de l'ordonnance ».