EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Après une première étape à travers la loi visant à améliorer le fonctionnement du marché du travail promulguée en 2022, le Gouvernement poursuit ses réformes pour parvenir au plein emploi. Le présent projet de loi porte ainsi l'ambition d'un emploi pour tous à travers un accompagnement socioprofessionnel renforcé des personnes qui en ont le plus besoin, et une transformation du service public de l'emploi et de l'insertion.
Devant le constat de la multiplicité des acteurs dans le champ de l'insertion sociale et professionnelle à laquelle sont confrontées les personnes en recherche d'emploi, du besoin d'accompagnement des publics les plus éloignés de l'emploi, de la nécessité d'aller chercher certains publics dits « invisibles », tout en répondant aux enjeux de tension de recrutement et d'améliorer l'offre de service aux entreprises, une double transformation, au coeur du projet France Travail, est nécessaire.
La première est la mise en place de critères communs pour l'orientation de l'ensemble des personnes en recherche d'emploi et pour un parcours usager vers l'emploi plus rapide et plus efficace. C'est un objectif majeur de simplicité et d'efficacité pour les usagers, confrontés à des pratiques trop disparates aujourd'hui selon les territoires et cela répond au souci de mieux connaître les besoins de l'ensemble des personnes dépourvues d'emploi afin de leur apporter la solution la plus appropriée. Cette organisation, animée par l'opérateur France Travail qui succède à Pôle Emploi, permettra d'accompagner toutes les personnes, d'orienter chacun, selon des procédures communes et des outils partagés vers le parcours d'accompagnement adapté à sa situation, dans une perspective d'emploi et afin d'assurer un continuum de suivi des personnes pour éviter les ruptures de parcours.
Cela se traduit, pour toutes les personnes en recherche d'emploi, quelles que soient leurs difficultés, sociales ou professionnelles, par une évolution des règles actuelles sur le fondement des principes suivants :
- une inscription automatique comme demandeur d'emploi pour toutes les personnes ayant besoin d'un accompagnement social et professionnel dans le cadre d'une orientation rénovée avec des procédures et des outils partagés ;
- un cadre et une offre d'accompagnement améliorés, notamment au bénéfice des personnes plus éloignées de l'emploi et des allocataires du revenu de solidarité active, grâce à des accompagnements plus personnalisés, plus intensifs, un cadre d'engagements réciproques plus clair et harmonisé et un régime de contrôle et de sanction concernant les allocataires du RSA plus juste, plus progressif et, in fine, plus effectif ;
- une formation davantage ciblée sur les personnes qui ont en le plus besoin et sur les besoins de recrutement des entreprises. Ces dernières bénéficieront d'une simplification et d'une amélioration de l'offre de services afin de réduire les emplois vacants et de révéler d'avantage le potentiel d'emplois sur les territoires.
La deuxième transformation est la refonte des modalités d'action des acteurs de l'écosystème de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion pour mieux répondre aux enjeux des territoires. Il s'agit, dans le respect des compétences de chacun, de viser une plus grande territorialisation des politiques de l'emploi en créant les conditions d'une véritable coopération des membres du réseau France Travail, construite autour des principes suivants :
- un cadre de gouvernance rénové et réellement outillé dans le cadre de comités de pilotage co-présidés par l'État et les collectivités territoriales à chaque échelon territorial pertinent ;
- la transformation du positionnement de Pôle emploi, devenu l'opérateur France travail, qui exercera des missions d'appui et de soutien au bénéfice de tous et en partenariat avec tous les acteurs du réseau France Travail (collectivités territoriales et EPCI, opérateurs spécialisés que sont les missions locales et les Cap emploi ...) ;
- la mise en place d'outils partagés, avec des services numériques communs, dans le cadre d'un patrimoine commun à tous les acteurs du réseau ;
- un pilotage par des résultats partagés entre les acteurs de la gouvernance.
C'est aussi le sens des mesures prévues afin d'améliorer l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap en adaptant le droit commun afin de leur garantir le droit d'accéder à un emploi librement choisi. Cette ambition est atteignable en mobilisant les leviers de simplification, de la coordination des interventions des acteurs de l'emploi et de l'insertion, et un renforcement de l'engagement des employeurs autour des principes suivants :
- l'accès à emploi passe par le service public de l'emploi auquel est confiée une pleine responsabilité pour l'accompagnement de tous les demandeurs d'emploi, y compris lorsqu'ils sont en situation de handicap ;
- la reprise d'un emploi est soutenue par l'extension des droits attachés à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à toute les catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi ainsi que par la pérennisation des entreprises adaptées de travail temporaire et les contrats à durée déterminée dits tremplins qui constituent de nouvelles solutions de transition professionnelle vers les entreprises « classiques » pour les demandeurs d'emploi handicapés éloignés du marché du travail ;
- les droits des travailleurs des établissements ou services d'aide par le travail sont alignés sur ceux des salariés, mais la protection spécifique de ces travailleurs demeure.
L'ambition est également de pouvoir lever les freins à l'emploi tenant à la nécessité de trouver un mode de garde pour les parents de jeunes enfants. En effet, l'offre d'accueil du jeune enfant souffre de fortes disparités territoriales et est en nombre insuffisant pour répondre aux besoins des parents d'enfants de moins de trois ans. Ces derniers, le plus souvent des mères, sont contraints de se retirer du marché du travail ou de réduire leur activité professionnelle, faute de places d'accueil disponibles et accessibles financièrement. Pour lever les freins d'accessibilité territoriale, il est nécessaire de créer un nombre important de nouvelles places d'accueil de qualité. La gouvernance actuelle de la politique d'accueil du jeune enfant n'est pas adaptée à cette ambition. En particulier, il convient d'identifier un acteur responsable localement du déploiement de la politique d'accueil du jeune enfant et de lui donner les moyens de garantir à chaque parent qui en exprime le besoin, une place d'accueil de qualité pour son enfant de moins de trois ans. C'est pour répondre à ces enjeux que le projet de loi prévoit de préciser la gouvernance de la politique d'accueil du jeune enfant et de renforcer les leviers du développement des modes d'accueil sur le territoire, selon les principes suivants :
- une stratégie nationale fixe les orientations de la politique d'accueil du jeune enfant en déterminant notamment les objectifs de développement quantitatif et qualitatif de l'offre d'accueil et les besoins de formation professionnelle associés ;
- les communes, acteur-clé du secteur de la petite enfance au niveau local, se voient confier le rôle d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant que nombre d'entre elles exerçaient déjà dans les faits. À ce titre, elles informent et accompagnent les familles, recensent leurs besoins en termes de places d'accueil ainsi que l'offre existante pour y répondre, et pilotent le développement de l'offre d'accueil et de soutien à la qualité d'accueil ;
- la branche famille de la sécurité sociale, principal financeur de la politique d'accueil du jeune enfant, apporte son soutien financier et en ingénierie aux autorités organisatrices ;
- les comités départementaux de services aux familles suivent la mise en oeuvre des plans de développement élaborés par les autorités organisatrices, afin de garantir, sur l'ensemble du territoire, le déploiement d'une politique d'accueil du jeune enfant répondant aux besoins des familles de conciliation de leurs vies familiale et professionnelle.
Structuré autour de cinq titres, le présent projet de loi entend traduire ces ambitions pour permettre à chacun l'accès à l'autonomie et à la dignité par le travail.
Ainsi, le titre Ier, intitulé « un accompagnement plus personnalisé des demandeurs d'emploi dans le cadre d'un contrat d'engagement unifié et d'un régime de droits et devoirs rénové », pose les bases du nouveau parcours usager pour un accompagnement plus personnalisé de l'ensemble des personnes en recherche d'emploi qui s'appuie sur une inscription de tous, auprès de l'opérateur France Travail, en qualité de demandeurs d'emploi, un contrat d'engagement unifié et un régime de droits et devoirs rénové.
L'article 1er précise les étapes structurantes de l'entrée en parcours. Il pose le principe de l'inscription généralisée, en qualité de demandeurs d'emploi, auprès de l'opérateur France Travail de toutes les personnes en recherche d'emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'insertion. Afin de simplifier les démarches des personnes qui demandent l'attribution du revenu de solidarité active auprès des caisses d'allocations familiales, cette inscription est automatique et concomitante à cette demande. Pour les jeunes qui sollicitent un accompagnement auprès des missions locales et les personnes en situation de handicap et en recherche d'emploi qui sollicitent un accompagnement auprès de Cap emploi, cette inscription automatique est préalable à l'entrée en accompagnement.
Cet article définit également le cadre de l'orientation de tous les demandeurs d'emploi, en vue d'un accompagnement adapté aux besoins de chacun. L'orientation est réalisée, selon des critères communs, définis collégialement par les acteurs du réseau France Travail, qui tiennent compte de la situation professionnelle et sociale de la personne, notamment par l'identification des freins (mobilité, logement, santé, ...) pouvant faire obstacle à son parcours professionnel. Elle est réalisée, selon le cas, par l'opérateur France Travail, par le président du conseil départemental qui peut déléguer, par convention, sa compétence à l'opérateur France Travail ou par les missions locales, pour les jeunes qui les sollicitent. La personne est orientée vers l'un des organismes référents (opérateur France Travail, Missions locales, Cap emploi, Conseil départemental ou ses organismes délégataires) chargé de mettre en oeuvre l'accompagnement le plus adapté à sa situation, à ses besoins et à son objectif d'insertion sociale ou professionnelle.
Enfin, cet article confie aux organismes référents vers lesquels l'orientation de la personne a été prononcée le soin de réaliser, comme premier acte de l'accompagnement, le diagnostic approfondi des besoins sociaux et professionnels selon un référentiel et par l'utilisation d'un outil partagé. L'opérateur France Travail assure le suivi des parcours d'accompagnement de l'ensemble des demandeurs d'emploi.
L'article 2 pose le cadre du nouveau contrat d'engagement de tous les demandeurs d'emploi inscrits auprès de l'opérateur France Travail, y compris les jeunes suivis par les missions locales et les allocataires du revenu de solidarité active. Ce contrat d'engagement est unifié autour d'un socle commun d'engagements et d'un plan d'action. Les obligations inscrites dans le contrat sont adaptées à chaque personne au regard de sa situation et précisent, le cas échéant, le niveau d'intensité de l'accompagnement et de l'activité prévu par le plan d'action. Le contrat précise également les engagements de l'organisme réfèrent : désignation d'un conseiller référent, actions que l'organisme s'engage à mettre en oeuvre. Il est établi et signé entre la personne et l'organisme référent chargé de l'accompagnement, et est périodiquement actualisé.
Il définit un régime d'obligations harmonisé, adapté en fonction de la nature et de la finalité du parcours.
L'article 3 procède, pour les allocataires du revenu de solidarité active, à la mise en cohérence des articles du code d'action sociale et des familles avec un renvoi aux règles de droit commun définies dans le code du travail applicables aux personnes inscrites en qualité de demandeurs d'emploi auprès de l'opérateur France Travail, en ajustant les dispositions et en les complétant pour favoriser l'équité de traitement et l'efficacité de l'accompagnement. Il rénove le régime de sanctions pour le rendre plus progressif, plus juste mais aussi plus effectif, en permettant, en cas de manquement, de suspendre d'abord temporairement le versement du revenu de solidarité active, sans arrêter l'accompagnement de la personne, et avec reprise des droits lorsque la personne respecte ses engagements, avant une décision de suppression ou de radiation.
Le titre II, intitulé « Un renforcement des missions des acteurs au service du plein emploi grâce à une organisation rénovée et une coordination plus efficiente », pose les jalons de la transformation de la coordination des acteurs de l'écosystème de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion dans le cadre de France Travail et procède aux évolutions nécessaires des missions de l'opérateur France Travail et des autres opérateurs.
L'article 4 définit ainsi le réseau France Travail, les règles de coordination des actions des personnes morales qui le composent et ses missions. Ces dernières visent à concentrer les efforts pour assurer la continuité des parcours et répondre aux besoins de recrutement des entreprises. La coordination des membres du réseau repose sur la logique de « patrimoine commun » : seront ainsi mis en place des communs numériques, des procédures et des indicateurs communs, ainsi que le partage de données et d'informations nécessaires au suivi des demandeurs d'emploi afin d'éviter les ruptures de parcours. Une charte nationale d'engagements, établie par le comité national France Travail présidé par le ministre chargé de l'emploi, fixera le cadre de coopération du réseau France Travail, ainsi que les modalités renforcées de mises en oeuvre des principes de transparence, de redevabilité et de pilotage des actions par les résultats.
Des instances de gouvernance sont mises en place dans chaque échelon territorial sous une co-présidence du représentant de l'État et, s'il est signataire de la charte d'engagement, du représentant de la collectivité territoriale du ressort territorial concerné. Le projet précise les missions communes et notamment la capacité à solliciter ou organiser des audits pour garantir la qualité de l'offre de service telle que définie par le comité national France Travail.
Les modalités de mise en oeuvre des règles de coordination, de partage de données entre les membres du réseau France travail ainsi que les missions, la composition et les modalités de fonctionnement des instances seront précisées par décret en Conseil d'État.
L'article 5 procède aux modifications nécessaires à l'évolution de Pôle emploi en opérateur France Travail. Il définit ses nouvelles missions qui seront réalisées au bénéfice du réseau France Travail. Il définit également la nouvelle mission en matière d'accompagnement des demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
L'article 6 procède aux ajustements des dispositions relatives aux missions locales et aux Cap emploi, opérateurs spécialisés, en cohérence avec la composition et les missions du réseau France Travail. Il crée une nouvelle catégorie d' « organismes spécialisés dans le repérage et l'accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l'emploi ». Au titre des missions de service public qui leur seront confiées (aller-vers, accompagnement global...), ces acteurs spécialisés pourront bénéficier de financements publics et devront à ce titre conclure des conventions d'objectifs et de moyens avec l'État.
L'article 7 aménage les dispositions qui fondent l'intervention de l'État en matière de financement de la formation professionnelle en faveur des demandeurs d'emploi. Ces modifications se fondent sur les enseignements tirés du premier plan d'investissement dans les compétences dans la perspective des prochains conventionnements avec les régions. Cet article ajuste également les dispositions relatives à la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle afin de permettre au pouvoir réglementaire de définir les caractéristiques des contrats ouvrant droit au dispositif.
Le titre III, intitulé « favoriser l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap », tire les conséquences de la Conférence nationale du handicap d'avril 2023 dans le champ de l'emploi. Il vise à une plus grande personnalisation de l'accompagnement des personnes en situation de handicap en vue de leur retour à l'emploi.
L'article 8 crée les conditions facilitant l'application des dispositions relatives aux titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à toutes les personnes relevant de l'une des catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi présentant une incapacité reconnue et en tire les conséquences sur la rédaction de l'article L. 5213-2 du code du travail.
L'article 9, modifiant le code d'action sociale et des familles, permet, pour fluidifier le parcours des personnes en situation de handicap, à l'opérateur France Travail et aux Cap emploi de formuler directement à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des propositions d'orientation professionnelle en milieu protégé ou établissements et services de réadaptation professionnelle sans passer par une évaluation de l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées, dans un cadre fixé par convention entre les opérateurs et la maison départementale des personnes handicapées.
Il permet également de reconnaître aux travailleurs en établissement et service d'aide par le travail de nouveaux droits individuels et collectifs leur conférant un statut d'assimilé salarié et de rendre applicables certaines obligations prévues par le code du travail.
Le titre IV, intitulé « Gouvernance en matière d'accueil du jeune enfant », vise à améliorer le développement tant quantitatif que qualitatif de l'offre d'accueil du jeune enfant.
L'article 10 modifiant le code de l'action sociale et des familles, permet au Gouvernement de définir une stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant, fixant les priorités et objectifs en matière de développement de l'offre d'accueil et de formation des professionnels de la petite enfance. Il permet également de confier aux communes la qualité d'autorité organisatrice du jeune enfant, de définir les compétences qui s'y rattachent et de préciser les modalités de transfert éventuel à l'échelon intercommunal.
Pour tenir compte de ces nouvelles compétences, il précise les attendus du schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant rendu obligatoire pour les autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant de plus de 3 500 habitants et prévoit d'enrichir les missions des relais petite enfance rendus obligatoires pour celles de plus de 10 000 habitants. Enfin, dans les cas où, sur avis du comité départemental de service aux familles destinataires des schémas territoriaux et des bilans d'exécution, le représentant de l'État dans le département, constate des manquements dans la mise en oeuvre de ces obligations, il est autorisé à mandater la caisse d'allocations familiales pour mettre en place les actions de déploiement des modes de garde.
Pour améliorer la régulation de l'implantation de l'offre d'accueil, il prévoit de définir les zones marquées par un déficit d'offre d'accueil pour lesquelles des dispositifs d'aide spécifique peuvent être mis en place par les caisses d'allocations familiales et celles déjà bien couvertes, pour lesquelles la procédure d'autorisation d'ouverture est adaptée.
Afin de disposer d'un nombre suffisant de professionnels de la petite enfance, cet article précise également que les régions tiennent compte des besoins de professionnels de la petite enfance dans l'élaboration de leur schéma des formations sanitaires et sociales.
Le titre V, intitulé « Dispositions applicables dans les territoires d'outre-mer », est composé d'un unique article 11. Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, il autorise le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin d'adapter les dispositions de la présente loi aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.