EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi contribue à la refondation de Mayotte. Il permet d'affirmer l'ambition de la France pour le développement de Mayotte dans une région marquée par la pauvreté.
Structuré autour de six titres, il renforce d'abord la lutte contre l'immigration irrégulière en prenant en compte une réalité complexe mêlant les dimensions économique, sociale et humanitaire. Il étoffe ensuite l'arsenal juridique permettant de mieux lutter contre l'habitat illégal.
Il pose le cadre d'une convergence accélérée vers le droit commun des prestations et des prélèvements applicables à Mayotte en vue d'accompagner le développement social et économique du territoire.
Enfin, il renforce le cadre institutionnel applicable localement en le modernisant et en confortant le statut de Département-Région de Mayotte. Il réforme également le mode de scrutin applicable à Mayotte dans une logique de meilleure représentation de l'ensemble du territoire.
Il vient ainsi compléter les premières dispositions législatives adoptées dans le cadre de la loi d'urgence du 24 février 2025 afin de définir sans délai les mesures structurantes nécessaires au développement du territoire.
Le titre Ier expose, au moyen d'un rapport figurant en annexe du projet de loi, les moyens mis en oeuvre sur la refondation de Mayotte. L'article 1er vise à approuver ce rapport.
Le rapport rappelle tout d'abord l'attachement profond de Mayotte à la France, la diversité des atouts de ce département dans son environnement régional, mais aussi l'ampleur exceptionnelle des dommages qu'il a récemment subis du fait du cyclone Chido puis de la tempête Dikeledi. Au-delà des premières mesures d'urgence mises en oeuvre, il détaille les moyens permettant de pérenniser et d'approfondir le rattrapage des retards de développement de Mayotte en créant les conditions de son épanouissement :
- des mesures fortes visant à lutter contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal, freins majeurs au développement ;
- des dispositions de protection des Mahorais contre les risques et menaces identifiés (risques naturels - sismique, cyclonique, submersion et inondation -, atteintes aux biens et aux personnes, risques de destruction de la nature) ;
- des dispositions de garantie d'accès aux biens et aux ressources naturelles (eau, ressources halieutiques, électricité, préservation de l'environnement à travers la gestion durable des déchets, la transition énergétique et la restauration de la forêt, développement de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture afin d'établir une trajectoire de souveraineté alimentaire) ainsi que la mise en adéquation de l'offre de soins avec les besoins des Mahorais et la perspective d'atteindre l'égalité réelle en 2031 à travers une convergence économique et sociale avec l'hexagone et les autres départements ultra-marins ;
- des chantiers de modernisation des grands équipements, de développement de l'offre de logements dans le cadre de la reconstruction, de résorption de l'habitat insalubre ou dégradé ;
- un recensement démographique exhaustif de la population résidant à Mayotte, à l'issue duquel une actualisation par l'État de ses dotations attribuées aux collectivités territoriales de Mayotte sera effectuée afin de refléter les données démographiques réelles ;
- un fort soutien à la jeunesse, notamment autour de l'éducation, de la formation, de l'insertion professionnelle, du développement des activités périscolaires, et de mesures destinées à attirer et fidéliser les talents en créant les conditions de l'attractivité ;
- des mesures favorisant les conditions du développement économique, facteur d'une dynamique de hausse des recettes fiscales des collectivités territoriales et à ce titre, clef de l'ambition territoriale, sociale et institutionnelle pour Mayotte : fluidification des échanges, relance de l'activité des entreprises locales au travers d'une zone franche globale, renforcement de l'intégration régionale ;
- une réforme des institutions permettant aux collectivités territoriales de disposer des moyens adéquats sur le plan financier et en matière d'ingénierie pour mettre en oeuvre les politiques publiques contribuant au développement de Mayotte relevant de leur domaine de compétences.
Titre II. - Lutter contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal.
Le Gouvernement entend porter une attention particulière à la lutte contre l'habitat indigne et à la situation de migratoire de Mayotte, et souhaite prendre toutes les mesures utiles pour mieux en contrôler l'accès.
Chapitre Ier - Durcir les conditions d'accès au séjour en les adaptant à la situation particulière de Mayotte.
L'article 2 complète l'article L. 441-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) afin de rendre opposable l'entrée régulière pour l'obtention des titres « parents d'enfant français » et « liens privées et familiaux ». Mayotte est en effet confrontée à une immigration familiale très importante et il a été relevé que les étrangers qui obtiennent une carte de séjour temporaire portant la mention « parent d'enfant français » entraient généralement sur le territoire national en situation irrégulière. C'est pourquoi l'article 2 conditionne l'obtention de la carte de séjour temporaire à une entrée régulière sous couvert d'un visa de long séjour ou d'un visa de long séjour valant titre de séjour.
Il fait passer à cinq ans (contre trois ans aujourd'hui) le délai de résidence pour l'obtention de la carte de résident « parent d'enfant français » afin de réduire l'attractivité que peut représenter cette modalité d'accès à ce titre de séjour particulièrement protecteur.
Il crée une condition de sept ans de résidence habituelle à Mayotte pour l'obtention de la carte de séjour « liens personnels et familiaux ». Les conditions de délivrance de cette carte de séjour temporaire sont aujourd'hui définies par circulaire. Au regard du nombre de titre de séjour délivrés à Mayotte pour ce motif, le projet de loi entend élever au niveau législatif la condition de résidence habituelle sur le territoire.
Chapitre II. - Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité.
L'article 3 a pour objet de centraliser l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité aux officiers de l'état civil de la commune de Mamoudzou. La centralisation à Mamoudzou de l'enregistrement des reconnaissances de paternité et de maternité permettra une meilleure détection des reconnaissances frauduleuses en ce que les auteurs de reconnaissances multiples seront plus facilement identifiés par les officiers de l'état civil de Mamoudzou, lesquels seront plus spécialement formés à la détection des reconnaissances frauduleuses et à la mise en oeuvre de la procédure préventive des articles 316-1 à 316-5 du code civil. Cette mesure dérogatoire du droit commun applicable à Mayotte est justifiée par un but d'intérêt général, la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, et rendue nécessaire par la situation particulière du département de Mayotte, confronté à une immigration irrégulière endémique.
L'article 4 a pour objet d'allonger les durées des sursis à enregistrement prononcés par le procureur de la République en cas de suspicion de reconnaissance frauduleuse d'un enfant.
Aujourd'hui, les délais sont les suivants : en cas de suspicion de fraude, l'officier de l'état civil saisit le procureur de la République qui dispose de quinze jours pour prendre une décision soit d'enregistrement de la reconnaissance de l'enfant, soit de sursis à l'enregistrement. Dans le cas où le procureur de la République prend la décision de sursoir à l'enregistrement de la reconnaissance de l'enfant, la durée du sursis est d'un mois renouvelable une fois et de deux mois renouvelables une fois si l'enquête est conduite à l'étranger par les services consulaires.
Au regard des enjeux liés aux enquêtes sur les suspicions de reconnaissance frauduleuse de paternité, le présent article 5 allonge la durée des sursis les faisant passer d'un mois à deux mois et de deux mois à trois mois.
L'article 5 a pour objet de durcir la peine d'amende encourue en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité.
En 2022, les reconnaissances frauduleuses de paternité représentaient 20 % de la fraude détectée sur les documents français présentés à l'appui d'une demande de titre de séjour (déclaration de reconnaissance de filiation auprès des administrations publiques). Cette fraude vise à détourner volontairement une procédure de régularisation de plein droit fondé sur la vie privée et familiale des étrangers, en tant que parent d'enfants français, voire dans certains cas, où il s'agit alors de reconnaissances multiples de paternité, à monnayer la reconnaissance d'enfants.
Le présent article aligne la peine d'amende prévue pour les reconnaissances frauduleuses de paternité au niveau de celle que le code pénal prévoit déjà pour punir le faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation, qui est puni de de 75 000 euros d'amende.
Chapitre III. - Mieux lutter contre l'immigration irrégulière et faciliter l'éloignement.
L'article 6 a pour objet de faire évoluer le cadre juridique de l'aide au retour volontaire à Mayotte pour la rendre applicable dans des conditions qui ne seraient pas génératrices d'une attractivité contreproductive.
En l'état du droit, un étranger qui fait l'objet d'une OQTF peut solliciter une aide au retour.
Toutefois, ce dispositif n'est pas applicable à Mayotte où l'étranger peut seulement bénéficier :
- d'une aide à la réinsertion économique, dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l'existence d'un projet économique viable ;
- ou de mesures d'accompagnement s'il est accompagné d'un ou plusieurs enfants mineurs.
L'objectif poursuivi est de faciliter les éloignements en promouvant la délivrance d'une aide au retour permettant une réinstallation durable dans les pays d'origine. En revanche, il importe de ne pas générer de recours injustifié à ce dispositif. À cette fin, il convient d'encadrer la mise en oeuvre du dispositif.
Le présent article limite ainsi le bénéfice de l'aide au retour volontaire et à la réinsertion à des circonstances exceptionnelles et des opérations ponctuelles d'incitation au retour. Ce dispositif ne pourra donc pas concerner l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement à Mayotte. Par ailleurs, l'article prévoit qu'un arrêté fixera les conditions d'attribution de cette aide.
L'article 7 a pour objet de permettre le placement d'un étranger accompagné d'un mineur dans une unité familiale pour la rétention des mineurs.
À Mayotte, de nombreux mineurs accompagnés sont placés en rétention dans le cadre de leur éloignement, plusieurs milliers par an font l'objet d'une telle mesure. La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration supprime la possibilité de placer en rétention des familles avec mineurs. Cette disposition n'entrera en vigueur à Mayotte qu'à compter du 1er janvier 2027. Il convient dès à présent d'anticiper cette date en proposant une disposition qui permettra de maintenir les capacités opérationnelles d'éloignement de ce public.
Au regard de la spécificité des éloignements depuis Mayotte, il est en effet nécessaire d'assurer que l'éloignement des familles avec mineurs sera toujours possible, ce qui passe par la création de lieux spécialement conçus pour la mise en oeuvre de l'éloignement des familles avec mineurs.
Le présent article propose de créer des locaux dédiés à la rétention des familles ou accompagnants avec mineurs qui seront spécialement aménagés et adaptés à ce public. Il s'agit d'insérer dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de nouveaux locaux de rétention.
L'article 8 a pour objet d'inscrire dans la loi la condition de retrait des titres de séjour pour les parents fautifs qui contribuent directement par leur défaillance éducative à ce que le comportement du mineur constitue une menace pour l'ordre public. Ainsi, il s'agit d'une mesure qui s'applique aux parents défaillants.
La situation migratoire et sécuritaire à Mayotte a mis en exergue l'existence de troubles à l'ordre public commis par des mineurs étrangers. Or, les parents de ces étrangers mineurs peuvent être en situation régulière, ce qui justifie le maintien sur le territoire national de la famille concernée.
Aujourd'hui, le droit des étrangers permet de retirer le titre de séjour d'un étranger dans certaines situations mais ne prévoit pas le cas du retrait des titres de séjour des parents du fait de faits commis par leurs enfants alors que ceux-ci auraient pu empêcher la commission desdits faits.
Le présent article permettra qu'un document de séjour puisse être retiré à l'étranger majeur exerçant l'autorité parentale sur un étranger mineur capable de discernement dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public, lorsque la soustraction, par l'étranger majeur, à ses obligations légales, compromet la santé, la sécurité, la moralité et l'éducation de l'étranger mineur et contribue directement à ce que son comportement constitue une telle menace.
Dans ce cas, le retrait du titre de séjour des parents permettra d'éloigner la famille avec le mineur. À l'inverse, les parents qui pourront démontrer qu'ils ont mis en oeuvre toutes les diligences nécessaires pour empêcher que le comportement de leur enfant de constitue un trouble à l'ordre public pourront conserver leur titre de séjour. La situation individuelle de chaque parent sera donc bien prise en compte.
Cette disposition est applicable jusqu'au 31 décembre 2028.
L'article 9 a pour objectif de lutter contre le financement des filières illégales de passeurs notamment en provenance des Comores. Pour la seule année 2023, les montants financiers transitant par les services de transmission de fonds depuis Mayotte vers des États tiers s'élèvent à plusieurs dizaines de millions d'euros, renforçant l'attractivité du territoire mahorais pour l'immigration comorienne.
Si les pratiques tendent déjà à prendre en compte les situations des personnes en situation irrégulière, la mesure vise à inscrire dans la loi une obligation de vérification renforcée, pour les personnes mentionnées aux 1° à 1° quater de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, à savoir les établissements de paiement (type Western Union), les établissements de crédit, ainsi que les établissements de monnaie électronique et cartes prépayées, de régularité du séjour sur le territoire national des personnes souhaitant transmettre des fonds depuis la France vers un État tiers.
La mesure vise à prévoir, en complément des vérifications mentionnées à l'article L. 561-5 et L. 561-5-1, une nouvelle mesure de vigilance complémentaire pour les clients occasionnels des prestataires de service de paiement réalisant une opération de service de transmission de fonds consistant à vérifier la régularité du séjour sur le territoire national. Il est donc proposé en conséquence de créer un nouvel article L. 561-10-4, qui prévoit l'obligation d'exiger la présentation de l'original de tout document de séjour.
Par ailleurs, ces dispositions permettent de répondre à Mayotte aux vulnérabilités identifiées par les autorités de contrôle s'agissant des clients occasionnels des transmetteurs de fonds. Elles contribuent en outre à anticiper le futur paquet européen anti blanchiment dont le projet de règlement dit « AMLR » prévoit un renforcement des mesures de vigilance à l'égard de la clientèle occasionnelle.
Chapitre IV. - Renforcer la lutte contre l'habitat informel.
L'article 10 élargit la liste des agents assermentés en permettant aux agents à la fois de l'État et des collectivités publiques qui auront été commissionnés à cette fin par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme de constater l'édiction d'un local ou d'une installation sans droit ni titre.
En outre, le délai de flagrance est porté à sept jours (168 heures) au lieu de 96 heures. Pendant cette période il peut être constaté par procès-verbal qu'un local ou une installation a été construit sans droit ni titre dans un secteur d'habitat informel au sens du deuxième alinéa de l'article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990.
Titre III. - Protéger les Mahorais.
Chapitre Ier - Renforcement du contrôle des armes.
L'article 11 crée un régime de visite domiciliaire aux fins de recherche d'armes.
Dans un contexte social, économique et de sécurité particulièrement difficiles sur le territoire de Mayotte, des mesures adaptées et spécifiques aux problématiques sécuritaires de ce territoire se révèlent nécessaires. L'année 2023 a en effet été marquée par une augmentation du nombre et de l'intensité des épisodes de violences urbaines. Le niveau de violence visant les forces de l'ordre est également en hausse constante. Le nombre de caillassages, de véhicules dégradés et de policiers blessés ne cessent de progresser.
Aussi, afin de prévenir de troubles à la sécurité et à l'ordre publics à Mayotte dont la situation est parfois quasi insurrectionnelle, la mesure projetée propose de créer un régime de visite domiciliaire aux fins de recherche d'armes.
Le dispositif permettrait la visite d'un lieu pour procéder à la recherche et à la saisie d'armes (notamment les armes blanches de catégorie D très présentes sur le territoire), aux seules fins de prévenir la commission d'actes susceptibles de provoquer des troubles graves à l'ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d'une arme et lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un lieu est fréquenté par une personne susceptible de participer à ces troubles.
La mesure est par ailleurs encadrée par les garanties prévues pour le régime de visites domiciliaires aux fins de prévention des actes de terrorisme : information préalable du procureur de la République et autorisation du juge des libertés et de la détention, notification à la personne concernée de l'ordonnance autorisant ces visites et saisies, rédaction d'un procès-verbal décrivant le déroulement de la visite, information des voies et délais de recours.
L'article 12 vient compléter ce dispositif en encadrant la remise d'armes à l'autorité administrative. Ce mécanisme vise à prévenir les troubles à l'ordre public en prévenant la constitution de stock d'armes.
Chapitre II. - Renforcement de la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre.
L'article 13 propose de créer un régime dérogatoire pour le département de Mayotte visant à autoriser, sur réquisition du procureur de la République et après autorisation, pour une durée maximale de quinze jours et sur un périmètre donné, du juge des libertés et de la détention, les officiers de police judiciaire et, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoint à traverser les lieux privés constitués par les locaux et installations édifiés sans droit ni titre constituant un habitat informel, notamment lorsqu'ils sont affectés à un usage d'habitation.
À Mayotte, la lutte contre le travail illégal représente encore plus qu'ailleurs un défi majeur en raison de la situation géographique de l'île, qui l'expose à des flux migratoires importants, une économie informelle dynamique et le développement de l'habitat informel.
La spécificité du territoire tient aujourd'hui à la création de zones d'habitations anarchiques, appelées « bangas », dans lesquelles règne une confusion entre lieu privé à usage d'habitation, lieu privé à usage professionnel et lieux publics. Au 1er janvier 2024, il est dénombré environ 25 000 bangas, représentant près de 30 % de l'habitat total, dans lesquels vivent peu ou prou 100 000 personnes sur une population estimée par l'Insee à 321 000 personnes.
Ces lieux, au-delà de simples lieux d'habitation, sont propices aux développements d'activités économiques illégales au mépris de toute règle d'hygiène et de sécurité. Cette forte imbrication, conduit à avoir des locaux à usage professionnel totalement enclavés, difficilement, rendant difficile voire impossible toute opération de contrôle par les forces de l'ordre, sans devoir traverser des lieux privés, parfois destinés à l'usage d'habitation.
Or l'article 78-2-1 du code de procédure pénale se révèle incompatible avec la situation du département de Mayotte. Dans la mesure où la zone d'activité visée par la réquisition du procureur de la République comporte régulièrement de manière fortuite, des espaces dédiés à l'habitation, l'action des forces de l'ordre et des agents assermentés est par conséquent empêchée.
Cette possibilité de traverser un lieu privé à usage d'habitation ne pourra avoir que pour seul but de rejoindre le local professionnel visé par la réquisition du procureur de la République et ne pourra être réalisé que lorsque le lieu est enclavé ou difficile d'accès depuis la voie publique.
Titre IV. - Façonner l'avenir de Mayotte.
Chapitre Ier - Garantir aux Mahorais l'accès aux biens et aux ressources essentiels.
L'article 14 a pour objet d'adapter les dispositions relatives au recensement de la population à la situation particulière de Mayotte. À la suite de l'annonce du Premier ministre, le 26 décembre 2024 de la mise en place d'un recensement général et précis à Mayotte, l'INSEE a organisé une concertation avec les maires de Mayotte afin d'en déterminer le calendrier. Suite à cette concertation, la date proposée pour démarrer la collecte auprès des habitants est le 27 novembre 2025. Comme habituellement, le recensement de la population se déroulera en deux phases. Tout d'abord, un repérage exhaustif des logements à recenser sera réalisé par l'INSEE puis validé par les communes. Dans un second temps, les communes réaliseront la collecte des informations auprès des habitants. Les populations de référence issues de ce recensement seront publiées en 2026, avec celles des autres circonscriptions administratives françaises.
L'article 15 organise les modalités selon lesquelles la convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte sera accélérée. Elle portera sur la convergence des prestations sociales notamment la couverture de risques maladie, maternité, paternité, invalidité, décès, vieillesse, autonomie, accidents du travail et maladies professionnelles ainsi qu'aux prestations familiales, l'évolution du revenu de solidarité active (RSA) et de l'allocation pour adulte handicapé (AAH), et sur l'évolution concomitante des cotisations et contributions applicables à Mayotte.
Elle portera également sur la trajectoire du SMIC applicable à Mayotte par rapport au SMIC de droit commun. Des travaux interministériels alimenteront l'élaboration d'ordonnances visant à mettre en oeuvre ce rapprochement et qui seront prises en application de la mesure d'habilitation. Cette habilitation à prendre des ordonnances permettra donc de faire converger la législation sociale vers les dispositions de droit commun sous réserve des adaptations nécessaires et compte tenu des spécificités sociales, économiques et démographiques de l'île. Avec ce nouveau cadre juridique, l'objectif est de définir les conditions d'une trajectoire de convergence sociale au plus tard en 2031 à Mayotte. L'article 16 traite de la question des régimes de retraite complémentaire. Actuellement, le droit prévoit que le régime IRCANTEC n'est applicable à Mayotte qu'à condition que le régime AGIRC-ARRCO y soit également mis en place. La disposition proposée prévoit de décorréler la mise en place de ces deux régimes de retraite complémentaire. La mesure prévoit ainsi que le régime complémentaire IRCANTEC, cofinancé par les employeurs publics et les agents contractuels, sera mis en place au plus tard dans les deux ans suivant la date de promulgation de la présente loi. Cela permettra d'améliorer les droits à retraite des agents du secteur public à proportion de leurs cotisations et d'améliorer l'attractivité du territoire.
Ce délai de deux ans est indispensable pour mener la nécessaire concertation avec les représentants des agents et des employeurs des trois fonctions publiques, notamment l'Éducation nationale et les collectivités territoriales et pour assurer la mise en oeuvre opérationnelle de cette réforme.
Le développement de l'offre de soins, notamment libérale, constitue un enjeu majeur à Mayotte. Le territoire connaît une pénurie de professionnels de santé ainsi qu'un fort déficit d'attractivité pour ces derniers. Cela se traduit par une rotation importante sur les postes, des difficultés à recruter, en nombre et en compétences, ainsi qu'à fidéliser les professionnels recrutés. Afin de permettre une augmentation progressive du nombre d'officines de pharmacie à Mayotte, dans l'attente de la publication de la nouvelle population légale au 1er janvier 2026, l'article 17 prévoit de prendre comme référence, pour l'autorisation d'ouverture d'une pharmacie d'officine, le bassin de population au niveau de l'intercommunalité et non plus de la commune. En effet, l'octroi de nouvelles licences repose sur le respect de quotas démographiques fixés par la loi. En Hexagone, les quotas de population pour l'autorisation d'ouverture d'une officine sont fixés à 2 500 habitants pour la première licence dans la commune et à 4 500 pour les suivantes. À Mayotte, qui bénéficie de dérogations, ce quota est fixé à 7 000 habitants par commune. Le nombre d'habitants actuellement utilisé pour l'application de ces dérogations est celui issu du recensement de 2017. Ce dernier ne tient pas compte du contexte d'évolution démographique de la population mahoraise.
L'article 18 vise à favoriser la représentation des professionnels de santé exerçant à Mayotte au sein des unions régionales des professionnels de santé (URPS) océan Indien et, ainsi, à faciliter le travail partenarial de l'agence régionale de santé (ARS) de Mayotte avec ces unions, notamment sur l'analyse des besoins de santé et de l'offre de soins, l'organisation de l'exercice professionnel, de la permanence et de la continuité des soins ainsi que les nouveaux modes d'exercice. La capacité d'accueil à Mayotte en matière d'offre sanitaire et médico-sociale rapportée à la population est nettement moins élevée et moins variée que dans l'Hexagone. L'offre de soins à Mayotte est structurée autour d'une offre hospitalière unique, le centre hospitalier de Mayotte (CHM). Par conséquent, le développement de l'offre de soins y constitue un enjeu majeur notamment au regard des spécificités du territoire et doit pouvoir prendre appui sur une représentation de professionnels de santé libéraux reconnue et identifiée par les services de l'État, de l'ARS de Mayotte ainsi que les collectivités territoriales de plus en plus engagées dans le développement de l'offre de santé libérale (cf. différents outils tels que maisons de santé, CPTS, etc.)
Chapitre II. - Favoriser l'aménagement durable de Mayotte.
Le projet de loi prend acte de la situation particulière à Mayotte et de l'urgence à faciliter les constructions en adaptant les normes. L'article 19 a ainsi pour objet de déroger à la procédure de droit commun en matière d'expropriation en autorisant de recourir à la procédure de prise de possession d'extrême urgence prévue par les articles L. 522-1 et suivants du code de l'expropriation. Cette procédure permet de prendre possession du terrain sans attendre le versement de l'indemnité au propriétaire exproprié.
Cette procédure permettra d'accélérer la mise en place d'infrastructures considérées comme essentielles pour le développement du territoire (eau, transports, hôpital, etc.), dans un contexte où d'une part, l'accès au foncier est complexe et, d'autre part, il est nécessaire d'avancer rapidement pour réaliser les équipements indispensables au territoire.
L'article 20 a pour objet de créer à Mayotte une mesure dérogatoire prise pour l'application du 1° du III de l'article 51 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement prévoyant une réduction du délai d'usucapion. Le bénéfice de cette mesure dérogatoire est lié à la condition qu'il soit procédé à une inscription au livre foncier mentionnant cet usucapion. Il s'agit ainsi de lutter contre le désordre foncier tout en incitant à la régularisation des mentions relatives à la propriété, portées au livre foncier de Mayotte.
L'article 21 a pour objet d'assouplir les procédures en matière de construction scolaire en prorogeant la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 autorisant la passation des marchés globaux de type conception-réalisation pour les écoles du 1er degré, et l'étendant aux constructions du second degré.
Chapitre III. - Créer les conditions du développement de Mayotte.
L'article 22 vise à créer une zone franche globale d'une durée de cinq ans à Mayotte, en portant à 100 % les taux d'abattement et en étendant le champ du régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (ZFANG) à l'ensemble des secteurs d'activité, afin de relancer l'économie mahoraise après les destructions engendrées par le cyclone Chido. Il permettra ainsi à un grand nombre d'entreprises actuellement exclues du dispositif de bénéficier des abattements et exonérations d'impôt, notamment le secteur du commerce et les activités libérales, tout en renforçant l'intensité de ces mesures.
L'article 23 a pour objet de prévoir le zonage de tout le territoire en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à Mayotte. En effet, la géographie prioritaire de la politique de la ville des territoires d'outre-mer a été actualisée au 1er janvier 2025. À Mayotte, elle a été définie sur la base de critères qui n'ont pu tenir compte de l'évènement exceptionnel vécu par le territoire le 14 décembre 2024. Prenant en compte l'ampleur de cette catastrophe, le présent amendement propose de zoner de façon exceptionnelle et transitoire jusqu'au 31 décembre 2029, le territoire de Mayotte intégralement en politique de la ville. Il s'agit ainsi de faciliter le rétablissement et l'amélioration des conditions de vie de ses habitants en permettant à l'ensemble du territoire de pouvoir bénéficier des outils de la politique de la ville, en plus des politiques de droit commun menées.
L'article 24 autorise la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte (CAPAM) à déléguer, dans des conditions fixées par décret, ses compétences en matière de pêche et de conchyliculture dans la perspective de la création d'un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins.
L'article 25 modifie le code du sport pour conférer au Département-Région de Mayotte les mêmes compétences que les autres départements en matière de développement des sports de nature.
Chapitre IV. - Accompagner la jeunesse de Mayotte.
L'article 26 prévoit la prise en charge à titre dérogatoire par LADOM des jeunes mahorais mineurs, élèves de l'enseignement technique ou professionnel dès lors que la filière technique ou professionnelle qu'ils ont choisie est encore inexistante dans leur territoire et dans l'attente de la mise en place de ces formations.
L'article 27 crée un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte.
Chapitre V. - Favoriser l'attractivité du territoire.
L'article 28 vise à instaurer un levier supplémentaire afin d'attirer de nouveaux fonctionnaires à Mayotte et ainsi lutter contre le manque d'attractivité des emplois sur l'île. Il permet aux fonctionnaires de l'État affectés à Mayotte pour une durée d'au moins trois ans, de bénéficier d'une priorité de mutation au retour, sur l'ensemble du territoire national, dans les emplois vacants correspondant à leur grade au sein de leur département ministériel.
Cette nouvelle priorité d'affectation sera de même niveau que les autres priorités légales existantes à l'exclusion de celles visant les mutations liées à des restructurations de services.
L'article 29 prévoit d'attirer des talents de la fonction publique à Mayotte, en proposant une bonification d'ancienneté pour l'avancement d'échelon des fonctionnaires de l'État et hospitalier affectés à Mayotte pour une durée minimale, à l'instar de ce qui est prévu pour ceux affectés dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles.
Titre V. - Moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité.
Chapitre Ier - Dispositions modifiant le code général des collectivités territoriales et le code du sport.
À la suite de la consultation du 29 mars 2009, au terme de laquelle les électeurs mahorais se sont exprimés à 95 % en faveur de la création d'un département de Mayotte, régi par l'article 73 de la Constitution, la loi organique du 3 août 2009 portant évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte a introduit dans le code général des collectivités territoriales un article L.O. 3446-1, qui dispose que : « (...) la collectivité départementale de Mayotte est érigée en une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution, qui prend le nom de « Département de Mayotte » et exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer ». La loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte a précisé le statut de cette collectivité. Le présent projet de loi tend à mieux mettre en valeur la qualité de collectivité unique de Mayotte, titulaire des compétences d'une région et d'un département.
L'article 30 a pour objet d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour d'une part, moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité afin de conforter son statut de collectivité unique en la positionnant au même niveau que la Guyane et la Martinique dans le code général des collectivités du territoire. Le nom de la collectivité sera « Département-Région » de Mayotte.
Chapitre II. - Dispositions modifiant le code électoral.
Le chapitre II réforme l'organisation électorale en donnant un cadre démocratique rénové aux Mahorais. L'article 31 institue un scrutin de liste dans une circonscription électorale unique pour l'élection de 52 conseillers à l'assemblée de Mayotte, avec une prime majoritaire de 25 %.
L'article 32 prévoit des dispositions de coordination en raison du changement de nom de la collectivité.
Titre VI. - Dispositions finales et transitoires.
L'article 33 porte sur l'entrée en vigueur.
L'article 34 prévoit les dispositions transitoires rendues nécessaires par les dispositions précédentes.