EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les mouvements anti-harcèlement #metoo et #balancetonporc, lancés en octobre 2017 suite aux accusations d'agression sexuelle et de viol portées à l'encontre du producteur de cinéma américain Harvey Weinstein ont permis à notre pays, comme à tant d'autres, de libérer la parole des victimes de violences sexuelles.
Chaque année, en moyenne en France, 102 000 personnes, 86 000 femmes et 16 000 hommes, sont victimes d'un viol ou tentative de viol. Ces chiffres s'élèveraient « à plus de 200 000 » en incluant les mineurs, premières victimes des violences sexuelles, selon l'association Mémoire traumatique.
2019 aura été une année noire pour les violences sexuelles. L'année a été marquée par une hausse de 12 % des violences sexuelles par rapport à 2018, selon une analyse de la délinquance en France métropolitaine.
Déjà en augmentation importante en 2018, avec une hausse de 19 %, les violences sexuelles ont poursuivi leur progression : 54 100 faits ont été enregistrés. Parmi eux, on observe une hausse (+ 19 %) du nombre de viols, et des autres agressions sexuelles, y compris le harcèlement sexuel (8 %).
En 2016, l'enquête « Violences et rapports de genre » (VIRAGE) menée par l'INED 1 ( * ) , a permis d'apporter trois enseignements majeurs.
D'abord, les violences sexuelles, dans leurs formes les plus graves, concernent principalement les femmes et sont quasi exclusivement le fait d'un ou plusieurs hommes.
Sur un an au cours des douze mois précédant l'enquête, 52 400 femmes et 2 700 hommes ont été victimes d'au moins un viol.
Plus d'un demi-million de femmes (553 000) ont été victimes d'agressions sexuelles autres que le viol (11% attouchements du sexe, 95% attouchements des seins/fesses ou baisers imposés par la force).
Au cours de sa vie, 1 femme sur 26 est violée, 1 sur 7 est agressée sexuellement.
Ensuite, les filles et les jeunes femmes sont particulièrement exposées.
Sur un an au cours des douze mois précédant l'enquête : 1 femme de 20 à 34 ans sur 20 a été agressée sexuellement.
Pour près de 3/5 ème des femmes qui ont été victimes de viol ou tentative de viol, le premier fait s'est produit avant 18 ans (et avant 15 ans pour 2 femmes victimes sur 5).
1/7 ème des femmes qui ont été victimes de viol dans leur couple l'ont été aussi avant 18 ans.
Enfin, la famille et l'entourage proche constituent le premier espace dans lequel se produisent les agressions. Les 3/4 des femmes victimes de viol et des tentatives de viol ont été agressées par un membre de leur famille, un proche, un conjoint ou ex-conjoint.
5% des femmes ont subi au moins une violence sexuelle d'un membre de leur famille ou d'un proche et 1,6% au moins un viol ou une tentative de viol.
Malgré la gravité des chiffres, l'Observatoire National de la Délinquance et des Répressions Pénales (ONDRP) estime que seule une victime sur 10 portera plainte et que seule une plainte sur 10 aboutira à une condamnation.
Il est donc indispensable de consacrer légalement une définition plus souple du viol ainsi que des éléments le constituant et de renforcer la protection des mineurs de moins de quinze ans en prévoyant notamment une présomption irréfragable de non consentement comme cela a été prévu dans plusieurs propositions de loi 2 ( * ) .
Mettre fin à la correctionnalisation ou déqualification de certains crimes de viol en délits (article 1)
Si le viol est légalement un crime qui doit être jugé par les cours d'assises, il fait pourtant de plus en plus souvent l'objet d'une correctionnalisation judiciaire c'est-à-dire que le parquet ou le juge d'instruction poursuit cette infraction sous une qualification délictuelle dans le but de porter l'affaire devant un tribunal correctionnel plutôt que devant une cour d'assises. 3 ( * )
En effet, depuis la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité - dite « loi Perben II » 4 ( * ) - le quatrième alinéa de l'article 469 du code de procédure pénale prévoit qu'une correctionnalisation judiciaire peut être décidée par la juridiction d'instruction si la victime est constituée partie civile et si elle est assistée d'un avocat lorsque ce renvoi a été ordonné.
« En pratique, le procureur ou le juge d'instruction qui propose une correctionnalisation à la victime invoque généralement la fragilité de la victime, des délais plus rapides d'audiencement devant le tribunal correctionnel, une présumée moins grande compréhension de certains viols par les jurés populaires (fellation, viol digital), et surtout, ce qui n'est pas dit, il est mû par l'impossibilité matérielle de faire juger par les cours d'assises la totalité des crimes . La correctionnalisation consiste alors à évincer une circonstance aggravante, omettre certains faits (ne pas évoquer une pénétration pour un viol) » selon l'avocate Carine Durrieu Diebolt 5 ( * ) .
Dans son avis sur le viol et les agressions sexuelles publié en 2016, le Haut Conseil à l'Égalité entre les Hommes et les Femmes constate : « le viol est un crime qui constitue la plus grave des violences sexuelles. Or, il fait trop souvent l'objet de disqualification en agression sexuelle constitutive d'un délit. Cette pratique judiciaire de correctionnalisation des viols est souvent justifiée pour des motifs d'opportunité afin que l'affaire soit jugée plus rapidement devant le tribunal correctionnel. De surcroît, raison moins avouable, elle permet de désengorger les Cours d'assises. Si la disqualification n'a pas pour but de nuire aux intérêts des victimes , qui peuvent d'ailleurs s'opposer au renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel, elle minimise la gravité du viol et remet en cause le principe d'égalité devant la justice . Les témoignages de femmes fortement encouragées par leur avocat à accepter cette requalification sont nombreux. Selon que l'affaire est traitée au pénal ou en correctionnelle, les conséquences diffèrent significativement : délais de prescription, accompagnement de la victime, prise en compte par le tribunal de la parole de la victime, prise de conscience de la gravité de son acte par l'auteur, dommages et intérêts, pédagogie sociale... ». 6 ( * )
Le désengorgement des tribunaux, notamment des cours d'assises ne doit pas se faire au détriment des victimes. Le viol est un crime, il doit être jugé comme tel.
Différences entre « agression sexuelle » et « viol simple »
TRIBUNAL CORRECTIONNEL Agression sexuelle sur une personne majeure |
COUR D'ASSISE Viol simple sur une personne majeure |
|
Qualification pénale |
Article 222-22 du code pénal Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage. Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. |
Article 222-23 du code pénal Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. |
Amende |
75 000 euros ainsi que d'éventuels dommages et intérêts |
Pas d'amende mais d'éventuels dommages et intérêts |
Peine d'emprisonnement |
5 ans d'emprisonnement maximum |
15 ans de réclusion criminelle maximum |
Prescription |
6 ans après les faits |
20 ans après les faits |
Fixer une présomption de contrainte pour protéger les mineurs de moins de treize ans (article 2)
Sur les 300 000 victimes de viol estimées chaque année, 60% sont des enfants. Parmi les appels reçus par le Collectif féministe contre le viol, 30% ont pour objet des violences sexuelles commises contre des enfants de moins de 11 ans.
Le roman autobiographique de Vanessa Springora « Le consentement » a relancé le débat sur l'âge de consentement sexuel des enfants. Paru le 2 janvier 2020, l'ouvrage raconte sa relation « sous emprise », à 14 ans, avec l'écrivain Gabriel Matzneff, alors quinquagénaire.
« Comment admettre qu'on a été abusé quand on ne peut nier qu'on a été consentant ? Quand, en l'occurrence, on a ressenti du désir pour cet adulte qui s'est empressé d'en profiter ? », pouvons-nous lire dans le livre de Vanessa Springora.
Plusieurs affaires de « viols » sur des mineures ont particulièrement ont ému les Français.
Par exemple, le jeudi 12 novembre 2020 la cour d'appel de Versailles a rejeté la demande de requalification en « viol » des faits présumés « d'atteinte sexuelle » commis par des pompiers sur une jeune fille mineure au moment des faits (de 13 à 15 ans).
Dans une autre affaire, la victime âgée de seulement 11 ans est tombée enceinte après un rapport sexuel avec un homme de 22 ans qu'elle ne connaissait pas. Poursuivi pour viol sur mineure de moins de 15 ans, l'accusé a pourtant été acquitté mardi 7 novembre 2017 par les jurés de la cour d'assises de Seine-et-Marne.
En effet, dans les motivations du jugement, la cour explique qu'aucun des éléments constitutifs du viol, à savoir « la menace, la violence, la contrainte ou la surprise », n'est établi et qu'un doute existe quant à savoir si l'accusé avait conscience de contraindre celle avec qui il a eu une relation sexuelle.
Le parquet général de la cour d'appel de Paris qui a fait appel de ce verdict a considéré à juste titre que « jusqu'à 15 ans, un enfant doit être préservé » et qu' « on ne peut pas obtenir de lui des relations sexuelles car son consentement n'est pas éclairé. ».
Quelques semaines plus tôt, le parquet de Pontoise (Val-d'Oise) a poursuivi pour « atteinte sexuelle », et non pour « viol », un homme de 28 ans qui a eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans. Il a été considéré que alors que la relation était consentie, car aucune contrainte physique n'a été exercée sur la mineure.
Rappelons-le en droit français le viol est défini comme « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. » 7 ( * ) .
Ces trois éléments : la violence, la contrainte et la surprise, auxquels il faut ajouter la menace, caractérisent l'absence de l'expression du consentement de la victime, mineure ou majeure.
C'est pourquoi le 25 novembre 2017, le Président de la République s'est déclaré en faveur d'un âge minimum de consentement fixé à 15 ans « par souci de cohérence et de protection de mineurs. ».
Dans le cadre du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, notamment sur les mineurs, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et la garde des Sceaux de l'époque, décident, d'intégrer dans le texte, un âge de non-consentement sexuel, seuil en dessous duquel un enfant est automatiquement considéré comme non consentant à un acte sexuel.
En mars 2018 le Conseil d'Etat a estimé qu'un âge minimum pourrait « porter atteinte à la présomption d'innocence » et donc être jugé inconstitutionnel.
Suivant cet avis, le Gouvernement abandonne cette mesure dans le projet de loi définitif 8 ( * ) .
Les jugements se feront au cas par cas. Pour prouver le non-consentement de la victime, il faudra toujours préciser les notions de menace, surprise ou contrainte, mais la loi intègre désormais la notion « d'abus de vulnérabilité ». La personne majeure devrait prouver que la victime avait la maturité ou le discernement pour donner son consentement.
Selon ce texte, le fait pour un majeur d'avoir une relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans est passible de sept ans d'emprisonnement, contre cinq auparavant. Il allonge le délai de prescription de vingt à trente ans pour les crimes sexuels commis sur les mineurs.
Mais il est important de prévoir un seuil de consentement comme le réclament de nombreuses associations. Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie estime que « cet âge minimal est un progrès dans la protection de l'enfance dont on ne peut pas faire l'économie . Il est nécessaire que cela revienne dans le débat. ».
Maître Rodolphe Constantino, avocat de l'association Enfance et Partage, parle d'une affaire absolument scandaleuse : « Aujourd'hui, on est dans cette situation absolument extraordinaire, qui est dénoncée depuis très longtemps par les associations de protection de l'enfance, à savoir que la définition du viol ou d'une agression sexuelle est exactement la même selon que l'on soit en présence d'un majeur ou d'un mineur. Quel que soit l'âge de la victime, en gros, elle est toujours mise en situation par la justice d'avoir à faire la démonstration qu'elle n'était pas consentante. Je crois qu'il est grand temps qu'on change cela. J'avais moi-même porté des propositions à des parlementaires, mais ça n'a jamais été entendu. Cette affaire est peut-être l'occasion de remettre ce débat sur le tapis. » .
Concernant les mineurs, il existe dans notre droits français différents seuils d'âge : 6 ans, 13 ans, 15 ans, 18 ans.
Nous pouvons prendre les exemples suivants :
- l'âge de la majorité civile fixé à 18 ans depuis la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974, âge auquel notre société considère l'être humain civilement capable et responsable de ses actes ;
- l'âge de la majorité pénale, soit celui à partir duquel un délinquant est soumis au droit pénal commun et ne bénéficie plus de l'excuse de minorité, qui s'établit également à dix-huit ans. Certains mineurs de plus de 16 ans peuvent être assimilés à des majeurs sur le plan pénal dans certaines circonstances particulières au regard de la gravité des faits reprochés et/ou de récidive (article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, loi n° 2007-297 du 5 mars 2007). Le Gouvernement envisage dans sa réforme de la justice des mineurs une présomption de non-discernement pour les moins de 13 ans . En clair : en-dessous de cet âge, un jeune ne pourra pas être poursuivi pénalement.
- l'âge de la majorité sexuelle, considéré comme celui à partir duquel une personne majeure peut avoir un rapport sexuel avec un mineur civil sans commettre une infraction pénale. Il est de 15 ans , bien qu'aucun texte ne le définisse précisément comme tel hormis sous l'angle de l'aggravation des peines applicables en cas d'infraction (articles 227-22, 227-23, 227-25, 227-26 et 227-28 du code pénal).
Pourtant, la question de l'âge du discernement divise notre pays depuis des années. Si nous prenons l'exemple de la justice des mineurs, notre droit ne fixe pas un âge minimum de responsabilité pénale mais fait reposer cette responsabilité sur la capacité de discernement du mineur 9 ( * ) .
Pour chercher la responsabilité d'un mineur, les magistrats s'efforcent de rechercher, au cas par cas et quel que soit l'âge de l'intéressé, si le mineur a compris et voulu l'acte commis, le cas échéant au moyen d'expertises psychiatriques ou psychologiques. La France est l'un des seuls pays européens à ne pas avoir fixé un âge minimal de responsabilité pénale.
C'est pourquoi, le Gouvernement envisage, dans sa réforme du 11 septembre 2019 sur la justice pénale des mineurs 10 ( * ) , une présomption simple de non discernement pour les mineurs de moins de 13 ans et précise, a contrario, que les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être capables de discernement.
En écho avec cette réforme de la justice des mineurs, si nous considérons que « le seuil de discernement d'un mineur » est de 13 ans, il convient également de prévoir une présomption de contrainte pour les relations sexuelles entre un majeur et un mineur de moins de treize.
Pour faire simple, si nous considérons qu'un mineur de moins de 13 ans ne peut pas être responsable de ses actes sur le plan pénal, nous pouvons considérer qu'il n'a pas non plus le discernement nécessaire pour consentir à un acte sexuel avec un majeur.
Nous devons donc faciliter la répression des viols commis à l'encontre des mineurs en instaurant une présomption de contrainte fondée sur l'incapacité de discernement du mineur de 13 ans.
Même si l'âge de 13 ans peut être débattu, il répond à trois objectifs :
1. Entre une personne majeure même de 18 ans et un enfant de moins de 13 ans, la différence d'âge est significative ;
2. 13 ans est un âge déjàÌ retenu dans la législation française comme un seuil du discernement ;
3. 13 ans correspond aÌ la moyenne de l'âge retenu par les pays ayant fixeì un seuil d'âge. En effet, plusieurs États ont adopté des législations qualifiant de viol tout acte sexuel commis à l'encontre d'un mineur en-deçà d'un certain âge (13 ans, par exemple, au Royaume-Uni, 14 ans en Belgique, 16 ans, avec quelques exceptions, au Canada) : l'absence de consentement est alors présumée.
Il convient par ailleurs de parler de « contrainte » au lieu « d'absence de consentement » car seul l'auteur est responsable de ses actes.
Ce nouveau dispositif serait conforme à deux principes constitutionnels :
- Le principe de présomption d'innocence proclamé par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme. En effet, l'infraction ne sera pas systématique dès lors qu'il faudra prouver l'acte, la nature de l'acte et démontrer que l'auteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime
- Le principe d'égalité devant la loi prévu par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme. En effet, ce nouveau dispositif est exclu du champ d'application de l'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans (article 227-25 du code pénal).
Aussi ce texte suit les recommandations de l'avis du Conseil d'Etat du 21 Mars 2018 11 ( * ) .
Dès lors, si un tel dispositif est voté nous serons face à des infractions différentes et non systématiques en fonction des âges :
Protection des mineurs
En-deçà de 13 ans |
Entre 13 et 15 ans |
Entre 15 et 18 ans |
Présomption de contrainte si l'auteur est majeur lorsqu'il ne connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime |
Atteinte sexuelle ou viol avec circonstance aggravantes si « violence, menace, contrainte ou surprise » |
Atteinte sexuelle sans « violence, menace, contrainte ni surprise » quand l'auteur est un ascendant ou une personne qui abuse de son autorité, agression sexuelle ou viol en cas de recours à la « violence, menace, contrainte ou surprise » |
Il appartiendra au législateur de s'interroger une fois cette loi adoptée sur l'efficacité des autres mesures existantes afin d'envisager, éventuellement de nouvelles réformes.
Cet article 2 :
- permettra de sanctuariser la protection des mineurs de moins de 13 ans. Selon le juge Edouard Durand 12 ( * ) : « le passage à l'acte de l'adulte est une perversion du besoin affectif de l'enfant ». En aucun cas un enfant peut être consentant à une relation sexuelle. Nous devons y mettre un terme ;
- ne réduit pas l'âge à partir duquel une personne majeure peut avoir un rapport sexuel avec un mineur civil sans commettre une infraction pénale, à savoir 15 ans ;
- ne crée pas une infraction autonome qui aurait tendance à complexifier notre droit. Que la victime soit majeure ou mineure, le viol est un crime déjà inscrit dans le code pénal de 1791.
Permettre le prélèvement et la conservation de tissus ou cellules embryonnaires ou foetaux après une interruption volontaire de grossesse dans la perspective d'une procédure pénale ultérieure (article 3)
Afin de faciliter le dépôt des plaintes des victimes de viols, de tortures ou d'actes de barbarie qui étaient mineures au moment des faits, la loi contre les violences sexistes et sexuelles allonge le délai de prescription de l'action publique de 20 à 30 ans pour les crimes sexuels commis sur des mineurs.
Le délai commence à partir de la majorité de la victime qui peut désormais porter plainte jusqu'à ses 48 ans révolus, contre 38 ans auparavant.
Cet allongement du délai de prescription d'une dizaine d'années, qui avait été envisagé par la proposition de loi « relative à la protection des victimes de viol » du 31 janvier 2018 13 ( * ) , se justifie en raison de « l'amnésie traumatique » dont sont parfois atteintes les victimes de viols.
Par ailleurs, l'étude d'impact de la loi précise que la limite de 38 ans correspond à la période de la vie où les victimes supportent généralement d'importantes contraintes familiales et personnelles qui peuvent constituer un facteur d'empêchement au dépôt de plainte.
Pourtant, comme indiqué précédemment, l'Observatoire National de la Délinquance et des Répressions Pénales (ONDRP) estime que seule une victime sur 10 portera plainte et que seule une plainte sur 10 aboutira à une condamnation.
La probabilité même que l'affaire aboutisse à un procès, notamment aux assises est faible.
Selon la sociologue Véronique Le Goaziou 14 ( * ) : « au niveau national, les deux tiers des affaires sont classées sans suite par le parquet . ». En effet, les faits sont souvent prescrits mais le plus souvent l'infraction ne peut être suffisamment caractérisée. La justice manque d'éléments pour poursuivre l'agresseur présumé.
Dans certains cas les victimes portent plainte des mois voire des années après leur agression. Les éléments matériels sont donc, à l'heure actuelle, impossibles à retrouver. En droit pénal, le doute profite toujours à l'accusé.
C'est pourquoi, nous devons autoriser pour les mineures, le prélèvement et la conservation de tissus ou cellules embryonnaires ou foetaux après une interruption de grossesse dans la perspective d'une procédure pénale ultérieure.
En conséquence, il est proposé que toute mineure, décidant de subir une interruption volontaire de grossesse, soit informée, de la possibilité de prélever et conserver les tissus ou cellules embryonnaires ou foetaux et que le prélèvement et la conservation fassent l'objet d'une demande écrite expresse.
L'information serait délivrée lors de la consultation préalable à l'intervention qui, dans le cadre de l'IVG, est obligatoire pour toutes les femmes mineures 15 ( * ) .
Prévoir l'état de sidération psychique comme contrainte morale ( article 4 )
Les traumatismes dus à des violences sexuelles comme les viols sont ceux qui entraînent le plus de conséquences psychotraumatiques graves et durables sur les victimes avec 80 % de risque de développer un état de stress post traumatique en cas de viol (alors que lors de traumatismes en général il n'y a que 24 % de risque d'en développer).
Selon certains experts, « ces troubles psychotraumatiques sont des conséquences normales de ces violences. Ils sont pathognomoniques, c'est-à-dire qu'ils sont spécifiques et qu'ils sont une preuve médicale du traumatisme » 16 ( * ) .
Selon notre droit, « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » 17 ( * ) .
Il est prévu que « la contrainte peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime » 18 ( * ) .
Plus que jamais, nous devons envisager l'état de « sidération psychique » des victimes de viol comme une contrainte morale. Cela peut se définir comme « un état de stupeur émotive dans lequel le sujet, figé, inerte, donne l'impression d'une perte de connaissance ou réalise un aspect catatonique par son importante rigidité... ».
La sidération est donc un blocage total qui protège de la souffrance en s'en distanciant.
Ne renversons pas les rôles, la victime doit être placée au coeur de notre système judiciaire et doit être la priorité absolue de notre justice, cela est indispensable aussi bien pour les victimes que pour notre société tout entière.
* 1 Institut national d'études démographiques
* 2 Propositions de loi déposées par Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues relative à la protection des victimes de viol (n°616 du 31 janvier 2018) ; renforçant la protection des victimes, la prévention et la répression des violences physiques et sexuelles (n°1808 du 27 mars 2019)
* 3 Il est estimé que cela concernerait 80 % des affaires de viols
* 4 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
* 5 https://www.village-justice.com/articles/correctionnalisation-viol-point-vue-avocat-victime-par-Carine-DURRIEU-DIEBOLT,24384.html
* 6 Avis du Haut Conseil à l'Égalité entre les Hommes et les Femmes « Avis pour une juste condamnation sociétale et judicaire du violet autres agressions sexuelles» Avis n°2016-09-30-VIO-022 publié le 5 octobre 2016
* 7 Article 222-23 du code pénal
* 8 Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
* 9 En effet, en vertu de l'article 122-8 du code pénal : « les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dont ils peuvent faire l'objet ». Ainsi, tout mineur capable de discernement peut être déclaré pénalement responsable sans qu'aucun seuil d'âge ne soit fixé.
* 10 Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs
* 11 Avis du Conseil d'Etat du 21 mars 2018 sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs
* 12 Édouard Durand est un juge pour enfants, au tribunal de grande instance de Bobigny et membre du HCE, il est expert sur les questions des violences intrafamiliales et des droits des enfants qu'il lie étroitement à la protection des droits des mères
* 13 Proposition de loi de Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues relative à la protection des victimes de viol » (n°616 du 31 janvier 2018) http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/propositions/pion0616.pdf
* 14 Cette sociologue de la délinquance, chercheuse associée au Lames - CNRS, s'est penchée avec une équipe de sociologues et juristes sur 400 plaintes pour viol afin d'étudier leur traitement judiciaire
* 15 Article L. 2212-4 du code de la santé publique
* 16 Dr Muriel Salmona, Psychiatre-psychotraumatologue,
* 17 Article 222-22 du code pénal
* 18 Article 222-22-1 du code pénal