EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon l'article 122-1 du code pénal, « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » Pour les parties civiles, l'application de ce dispositif est, la plupart du temps, vécue comme une véritable injustice.

En 2008, le législateur avait pris conscience de ce problème en votant la loi relative à rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Cette évolution législative comprenait de réelles avancées en permettant une meilleure prise en compte du droit des victimes, notamment en termes de procédure. Auparavant, cette dernière s'achevait la plupart du temps par une ordonnance de non- lieu avant la fin de l'instruction. La victime subissait alors une double peine, n'ayant ni le droit à un procès, ni le droit de savoir la vérité sur les circonstances du crime ou du délit. Face à ce problème, la loi de 2008 a introduit la notion de déclaration d'irresponsabilité pénale. Cette décision peut être rendue lors d'une audience durant laquelle l'auteur présumé comparait devant la chambre de l'instruction. Les parties civiles sont présentes et peuvent, si elles le souhaitent, prendre la parole.

Pourtant, plusieurs faits divers récents ont depuis mis en lumière les failles de la procédure pénale au stade de l'instruction issue de la loi de 2008. Le meurtre sauvage de Sarah Halimi en est l'exemple le plus frappant. Après plus de deux ans d'instruction controversée, la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris a finalement rendu un d'arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale reconnaissant l'abolition du discernement de Kobili Traoré. Malgré cette décision, l'incompréhension demeure et sentiment d'injustice reste total. Le caractère antisémite de ce meurtre a été reconnu nonobstant l'irresponsabilité pénale. Et la rédaction de l'article 122-1 du code pénal, qui distingue l'abolition et l'altération du discernement, laisse une part considérable au juge qui se base sur les résultats d'expertises psychiatriques. Dans le cas de l'affaire Halimi, ces dernières ont été nombreuses, sept au total, dont l'une d'elles concluant à une simple altération du discernement. La psychiatrie n'est pas une science exacte. Que les rapports soient concordants ou pas, à la fin, c'est au juge de trancher. C'est dans une situation si difficile que l'on comprend pourquoi une audience aux fins de déclaration d'irresponsabilité pénale ne remplacera jamais un procès. Elle ne se déroule pas comme un procès et n'est pas jugée par les mêmes personnes qu'un procès. Et à la fin, le deuil impossible. Alors après la famille et les avocats de la victime, de nombreux intellectuels, juristes, membres de la communauté juive, et une grande majorité de l'opinion publique, le Président de la République l'a reconnu lui-même : « le besoin de procès est là ».

Face à ce besoin, il existe une solution simple. La loi de 2008 prévoit deux cas pour rendre une décision de déclaration d'irresponsabilité pénale. Dans le premier cas, la décision est rendue au stade de l'instruction, par la chambre de l'instruction ou directement par le juge d'instruction, tel que disposent les articles 706-119 à 706-128 du code de procédure pénale. Dans le deuxième cas, la décision est rendue directement par la juridiction de jugement, à savoir la cour d'assises ou le tribunal correctionnel. Il s'agit alors d'un véritable procès.

Pourtant aujourd'hui, la procédure de décision devant la chambre de juridiction est rarement utilisée. Pour cause, elle n'intervient que si la question de l'irresponsabilité pénale n'a pas été soulevée pendant l'instruction ou n'a pas été retenue par le juge d'instruction. Elle semble pourtant bien plus appropriée pour juger les actes pour lesquels est susceptible d'être appliquée l'irresponsabilité pénale, qui sont pour la plupart des crimes particulièrement graves et pour lesquels un procès semble indispensable.

La présente proposition de loi propose donc de supprimer la procédure de décision au stade de l'instruction et ainsi garantir la tenue d'un procès devant la chambre de juridiction.

Pour un crime, les jurés devront répondre à deux questions en application 349-1 du code de procédure pénale :

-L'accusé a-t-il commis tel fait ?

-L'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité pénale ?

La cour d'assises statuera donc sur ces deux questions et pourra déclarer l'accusé coupable, non coupable, ou irresponsable.

Pour un délit, tribunal rendra un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale s'il estime que l'article 122-1 est applicable. Sinon, le prévenu pourra être condamné ou relaxé.

Enfin, considérant qu'une décision d'irresponsabilité pénale s'apparentait à un acquittement, le législateur avait choisi de limiter le droit d'appel au seul procureur général en cas de décision d'une cour d'assisse. Par ailleurs, dans le cas de la procédure au stade de l'instruction, comme pour Sarah Halimi, seule subsistait la possibilité saisir la Cour de cassation, qui ne vérifie que la bonne application de la procédure. Cette situation est depuis longtemps dénoncée par les associations de victimes, qui souhaitent disposer d'un véritable droit d'appel. En raison de son caractère particulier, une décision d'irresponsabilité pénale ne peut en aucun cas être apparentée à un acquittement ou à une relaxe. En effet, elle admet la reconnaissance de la réalité des faits reprochés. De plus, elle est basée sur la conclusion d'experts psychiatriques, ce qui induit forcement une subjectivité. Il est donc proposé d'accorder le droit d'appel principal au procureur général, à l'accusé ou au prévenu, au ministère public et à la partie civile, et ceci en matière criminelle comme correctionnelle.

L'article 1 er abroge la procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale au stade de l'instruction, consacrant ainsi le droit à un procès en cas d'application de la cause d'irresponsabilité pénale. Il garantit que cette cause prévue au premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal ne pourra être appliquée que par une décision d'irresponsabilité pénale rendue lors d'un procès devant une juridiction de jugement.

L'article 2 accorde le droit de faire appel d'une déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental au procureur général, à l'accusé ou au prévenu, au ministère public, et à la partie civile.

L'article 3 prévoit l'application de cette proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Tels sont, Mesdames, Messieurs, les motifs qui incitent à adopter la présente proposition de loi.

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