EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de vingt-trois ans après la loi du 10 juillet 2010 dite « Fauchon », qui avait constitué une avancée majeure dans la protection effective des élus face aux conséquences pénales de l'exercice de leur mandat, nombre d'entre eux continuent d'exercer leur mandat dans des conditions difficiles, faisant face à un nombre croissant d'actes de violence intolérables à leur égard. Selon les derniers chiffres publiés par l'association des maires et des présidents d'intercommunalités de France, près de 1 500 élus municipaux ont été agressés en 2022, marquant une hausse de près de 15 % par rapport à l'année 20211(*).

Soucieuse depuis plusieurs années de répondre efficacement à l'augmentation croissante des violences commises sur les élus locaux, la commission des lois du Sénat a - à la suite du tragique décès du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, en août 2019 - initié plusieurs travaux afin de quantifier ces phénomènes et d'y apporter des réponses concrètes et opérationnelles. Ainsi, son plan pour une plus grande sécurité des maires, adossé à une consultation nationale des élus locaux, a mis en lumière l'ampleur des incivilités et violences à l'égard des élus et les légitimes besoins exprimés par eux d'une meilleure protection dans l'exercice de leurs fonctions2(*).

Des premières avancées ont été, notamment grâce au travail de Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, rapporteurs pour la commission des lois, traduites dans la loi dite « Engagement et Proximité » du 27 décembre 2019. Il en va ainsi du renforcement de la protection fonctionnelle des maires et de leurs adjoints et de la garantie de la compensation financière par l'État des frais engagés par les communes de moins de 3 500 habitants pour couvrir les frais en résultant. Une nouvelle initiative sénatoriale en la matière, portée par Nathalie Delattre, a récemment permis un nouveau pas en avant : permettre aux associations d'élus, aux collectivités territoriales, au Sénat, à l'Assemblée nationale et au Parlement européen de se porter partie civile pour accompagner les élus et leurs proches victimes d'agression.

Si des réponses concrètes et opérationnelles aux difficultés rencontrées par les élus locaux sont indispensables, il convient d'en garantir la pleine traduction juridique. Or, aujourd'hui, les élus municipaux membres des communautés de communes ne se voient pas, en droit, appliquer les dispositions de la loi « Fauchon » et le bénéfice de la protection fonctionnelle, alors même que les élus des communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropoles en bénéficient. Interrogée sur ce point par le sénateur Patrick Chaize, la direction générale des collectivités locales (DGCL) a reconnu que « le code général des collectivités territoriales ne contient pas cependant de disposition équivalente pour les communautés de communes »3(*). L'intention du législateur a toujours été claire sur ce point, mais le droit aujourd'hui applicable à ces élus est entaché d'un inopportun vide juridique, faute d'une coordination en ce sens dans le code général des collectivités territoriales.

Afin de clarifier les droits des élus des communautés de communes, l'article unique de cette proposition de loi vise à rendre applicable les dispositions instituant une protection fonctionnelle et amoindrissant la responsabilité pénale des élus pour les actions menées dans le cadre de leur mandat, en insérant une référence aux articles L. 2123-34 et L. 2123-35 à l'article L. 5214-8 du CGCT.

* 1 Public Sénat, « Les agressions d'élus locaux en hausse de 15 % : souvent les choses commencent par un mail d'insultes », 16 février 2023, consultable à l'adresse suivante : https://www.publicsenat.fr/article/societe/les-agressions-d-elus-locaux-en-hausse-de-15-souvent-les-choses-commencent-par-un.

* 2 « Plan pour une plus grande sécurité des maires », rapport d'information n° 11 de Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 octobre 2019. Il est consultable dans son intégralité à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r19-011/r19-011.html.

* 3 Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales à la question écrite de Patrick Chaize, Journal Officiel du Sénat du 14 janvier 2021, page 214 et consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/questions/base/2020/qSEQ201018413.html.