EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Douleurs pelviennes, abdominales et dorsales, nausées, céphalées, troubles hormonaux, mal-être... La liste des effets indésirables liés aux menstruations est malheureusement longue pour de très nombreuses femmes. Dans un sondage réalisé par l'IFOP en mai 2021, près d'une femme sur deux disait souffrir de dysménorrhée (règles douloureuses) et 20 % déclaraient même avoir des règles très douloureuses. Alors qu'ils concernent des millions de femmes, les cycles menstruels demeurent, aujourd'hui encore, un tabou dans la société.
Pourtant, chaque mois, entre l'adolescence et la ménopause, qui correspond de surcroît à la période la plus active de la vie, les femmes doivent assurer leurs activités quotidiennes tout en supportant, voire en masquant, leurs règles et les souffrances que celles-ci peuvent occasionner. En société, cette douleur est bien souvent cachée voire sciemment invisibilisée, afin d'éviter notamment les remarques désobligeantes. D'ailleurs, 46 % des femmes ont déjà eu le sentiment que la gêne ou la douleur liée à leurs règles étaient sous-estimées par leurs amis masculins, dont 42 % par des membres masculins de leur famille.
Cette tendance est d'autant plus vraie dans le milieu professionnel. Dans une étude menée par OpinionWay en 2021, 68 % des femmes interrogées estimaient que les règles étaient un sujet tabou en entreprise. En octobre 2022, dans une autre étude de l'IFOP, 21 % des femmes interrogées disaient avoir déjà subi des moqueries ou des commentaires désagréables en raison de leurs menstruations. Plus inquiétant encore, 65 % des femmes salariées ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leurs règles au travail quand 35 % d'entre elles déclarent que leurs douleurs menstruelles impactent négativement leur travail. Elles sont tenues de gérer seules, souvent sans accompagnement médical, cette période douloureuse sans pouvoir bénéficier d'une pause pour celles qui en souffrent le plus. Pour illustrer la nécessité d'un arrêt menstruel, 44 % des femmes ont déjà manqué le travail ou connaissent une personne qui a manqué le travail en raison des menstruations. Enfin, 66 % des femmes y sont favorables.
Aujourd'hui, il n'existe aucun cadre légal dans notre pays permettant aux femmes de s'arrêter sans perte de salaire lorsqu'elles souffrent de dysménorrhée invalidante. De plus en plus d'entreprises et de collectivités locales en France font le choix d'octroyer un arrêt aux employées qui en ont besoin. Parmi ces acteurs, la mairie de Saint-Ouen sur Seine a été précurseure, mais aussi le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Pour répondre à ce mouvement, enclenché dans les secteurs public et privé, il devient urgent d'apporter une solution juridique qui réponde à une attente forte exprimée de longue date par une majorité de femmes.
Dans le reste du monde, cette avancée sociale existe dans un certain nombre de pays. Le Japon a inscrit ce droit dans sa loi dès 1947, l'Indonésie un an plus tard, tout comme la Corée du Sud en 2001, Taïwan en 2013 et la Zambie en 2015. Le 16 février 2023, l'Espagne a adopté une loi créant un congé menstruel, intégralement financé par l'État, devenant ainsi le premier pays européen à franchir cette nouvelle étape dans la reconnaissance des droits des femmes.
Il est temps que l'État français se montre exemplaire et prenne davantage en considération les enjeux liés à la santé des femmes. La France honorerait ainsi une nouvelle fois les valeurs humanistes et progressistes qui font son histoire et son héritage en permettant aux femmes qui le demandent de pouvoir s'arrêter sans perte de salaire en cas de règles incapacitantes. Les femmes doivent pouvoir travailler, comme leurs collègues masculins, dans des conditions optimales. Cette avancée permettra aussi d'aller vers plus d'égalité, notamment en matière de rémunération et de promotion. Nous nous devons, en qualité de législateur, de faire évoluer le cadre légal existant pour lui permettre de prendre en compte la question de la santé et du bien-être des femmes au travail. L'esprit des Lumières qui nous anime et notre attachement collectif aux libertés fondamentales et à la quête de l'égalité ne peuvent que nous y encourager.
Les articles 1er, 2 et 3 prévoient ainsi l'instauration d'un arrêt maladie pour douleurs menstruelles à destination des femmes souffrant de dysménorrhée, dont l'endométriose, sans jour de carence et pour lequel l'indemnité journalière serait fixée à 100 % du salaire journalier de base. Ils précisent également la durée de cet arrêt variant d'un à deux jours par mois sur la base d'un certificat médical établi par un médecin généraliste, une sage-femme en première intention et par un médecin spécialiste en cas de besoin. Ce certificat serait valable un an et renouvelable à chaque échéance. Ainsi, ce suivi médical permettra aux nombreuses femmes qui souffrent de cycles menstruels incapacitants à ne plus devoir gérer seules les douleurs et conséquences physiologiques occasionnées.
L'article 4 confère un caractère flexible à l'arrêt menstruel en donnant la possibilité aux femmes souffrant de dysménorrhée de télétravailler depuis leur domicile, pour celles dont l'activité professionnelle est compatible avec l'exercice du télétravail, à défaut d'opter pour un arrêt. En effet, une femme peut parfaitement se retrouver gênée par des douleurs menstruelles l'empêchant de se rendre sur son lieu de travail, sans pour autant être handicapée au point de ne pas travailler. Cet article précise également que la durée de cette période de télétravail peut s'étendre d'un à deux jours par mois, sans qu'une prescription médicale ne soit nécessaire mais sous réserve d'un accord collectif d'entreprise.