EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le non-cumul des mandats instauré en 2017 pour les parlementaires est-il une bonne ou une mauvaise chose ? Cette question inattendue glissée dans le questionnaire “Démocratie et citoyenneté” du Grand débat n'avait rien d'un hasard et illustre à elle seule les contradictions du pouvoir à l'égard d'un sujet pourtant si structurant pour la vie politique de notre pays.

Quand elle a été instaurée, sous François Hollande, la logique était simple : en finir avec les éternels barons. Député, maire, président de la communauté d'agglomération, et ainsi de suite... En ce sens la loi a manifestement brillamment rempli cet objectif.

Aujourd'hui les temps ont changé, et cette mesure, qui s'applique aux fonctions de maire et d'adjoint au maire de l'ensemble des communes, y compris celles de moins de 10 000 habitants, a eu des effets dommageables, alimentant le sentiment de parlementaires déconnectés des réalités que les fonctions exécutives de maire permettent d'appréhender plus concrètement.

La loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 édicte l'interdiction pour un parlementaire d'exercer une fonction exécutive locale. Cette loi a permis une indéniable régénérescence de la classe politique, et il faut lui en savoir gré.

Mais elle a aussi coupé le lien entre le mandat de parlementaire et celui de maire, ce qui a constitué, pour ces petites communes et villes, un affaiblissement de leur capacité de relais et d'influence auprès des ministères et administrations, centralisées à Paris.

Cette faculté à pouvoir être un relais dans un État considéré comme très centralisé est un point d'importance pour nos concitoyens.

Le sondeur de l'Ifop, Frédéric Dabi a pointé la contradiction qui anime les administrés sur cette question.

C'est un fait, dans leur ensemble et par « principe », nos concitoyens sont toujours contre le cumul des mandats. 

Mais en 2019 et en 2020, l'ifop a mené toute une série d'enquêtes dans les villes dont le maire était autrefois député. 

Le résultat est pour le moins surprenant : trois-quarts des habitants interrogés regrettaient que leur élu ait quitté l'Assemblée nationale.

Selon l'ifop, « cela va de pair avec l'attente des administrés de voir leur maire défendre leur ville au niveau national ». En d'autres termes, sur le principe les administrés sont contre le cumul des mandats mais dans la pratique, et à l'épreuve du mandat, ils sont majoritairement favorables à ce même cumul.

Les Français ne s'y trompent pas la volonté de voir son parlementaire maire naît de la sensation que le non-cumul coupe un lien évident, permettant de bien mieux saisir les enjeux d'un territoire qui est ainsi mieux compris, mieux perçu et in fine mieux représenté.

Ces élus d'expérience, investis depuis des années dans leur circonscription, ont su tisser une relation avec leurs habitants et cette expérience accentue leur légitimité et leur poids lorsqu'il s'agit de présenter des problématiques aÌ une administration fortement centralisée.

Sur ce point, les élections législatives de 2017, avec 91 % de primo-eìlus aÌ l'Assemblée nationale dans le groupe majoritaire, ont mené aÌ manque manifeste de connaissance et de compréhension des circonscriptions. Nul doute que cette cartographie d'élus n'est certainement pas étrangère au mouvement de contestation des gilets jaunes.

Aujourd'hui, la vie politique semble coupée en deux. 

Les élections locales telles que les régionales, départementales ainsi que les municipales ont témoigné du schisme qui est à l'oeuvre avec la vie politique nationale. Ces élections locales ont été aussi l'objet d'une abstention des plus préoccupante. C'est la sensation de dépossession et d'abandon de la chose publique qui sape aujourd'hui la confiance dans la politique.

La montée de l'abstention est le révélateur d'une déconnexion croissante entre le peuple et ses représentants, au premier rang desquels les parlementaires. Sénateurs, députés et députés européens sont souvent accusés d'être « déconnectés du réel », « hors-sol ».

C'est animé par la volonté de rétablir la connexion entre les Français et leurs dirigeants, entre les Français et leurs représentants que la présente proposition de loi organique propose de modifier l'article 141-1 du code électoral, en prévoyant de rétablir la possibilité pour un parlementaire national et européen d'être également maire (ou adjoint au maire) d'une commune de moins de 10 000 habitants (l'article 1er) tout en interdisant le cumul d'indemnités entre indemnités parlementaires et celles inhérentes à ces fonctions d'exécutif local (article 2).