EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France ne peut plus se contenter de la politique migratoire définie au « fil de l'eau » qui prévaut depuis trop longtemps et doit enfin se doter d'une stratégie migratoire ambitieuse et assumée.

Le 1er juin 2023 était déposée la présente proposition de loi. Quoique non inscrite à l'ordre du jour du Sénat, ses dispositifs ont fortement inspiré les travaux du Sénat lors de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui ont contribué à compléter les mesures éparses et sans souffle proposées par le Gouvernement, afin de donner à notre pays les instruments juridiques indispensables pour reprendre contrôle de la politique d'immigration, d'intégration et d'asile.

Le texte voté par le Parlement le 19 décembre 2023 a entériné les nombreux ajouts apportés par le Sénat et issus de la présente proposition de loi, surmontant ainsi les angles morts et les faux-semblants du texte du Gouvernement.

Le 25 janvier 2024, par sa décision n° 2023-863 DC, le Conseil constitutionnel a néanmoins censuré pour des motifs exclusivement procéduraux 32 articles de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, en se fondant sur l'article 45 de la Constitution, écartant pour ce motif des avancées attendues par les Français.

*

Face au refus du Gouvernement de porter un nouveau texte reprenant des dispositions qu'il a pourtant soutenues publiquement au cours des débats, les auteurs de la proposition de loi assument leurs responsabilités et engagent eux-mêmes les travaux de l'acte II du projet de loi immigration. La présente proposition de loi, rectifiée, reprend donc l'ensemble des articles censurés, dans les mêmes termes que ceux qui ont été adoptés par le Parlement en décembre avec les voix de la majorité présidentielle.

Le titre Ier de la proposition de loi réforme les voies d'accès au séjour pour construire un modèle d'immigration choisie. Ainsi, les conditions d'obtention d'un titre de séjour sont significativement restreintes pour l'ensemble des motifs d'immigration :

- en matière familiale : est prévu, d'une part, le durcissement des conditions d'accès au regroupement familial par l'augmentation de 18 à 24 mois de la condition de séjour exigée pour formuler une demande, l'exclusion des aides personnelles au logement des prestations prises en compte pour apprécier les ressources du demandeur, la limitation de l'accès au dispositif aux mineurs de 16 ans ou encore une obligation de justifier de la régularité de ses ressources (article 1). D'autre part, les intéressés devront justifier d'un niveau de langue minimal avant leur arrivée sur le territoire (article 2). Le contrôle des conditions de ressources et de résidence des regroupants familiaux est également renforcé (article 3). La délivrance d'un titre de séjour aux conjoints de français est quant à elle soumise à des conditions de ressources et de logement analogues à celles existantes en matière de regroupement familial (article 4). Dans le même état d'esprit, la condition de résidence pour la délivrance de plein droit d'une carte de résident aux parents étrangers d'enfants français ainsi qu'aux étrangers mariés à un français est portée de 3 à 5 ans (article 5). Enfin, la proposition de loi double la durée du sursis à statuer en cas de suspicion de mariage frauduleux (article 6) et aggrave la peine d'amende punissant le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou d'acquérir la nationalité française (article 7) ;

- en matière étudiante : la proposition de loi prévoit la mise en place d'une caution retour, restituée en cas de départ volontaire ou d'obtention d'un nouveau titre de séjour mais définitivement retenue en cas de soustraction à une mesure d'éloignement (article 8) et consacre le principe de majoration des droits universitaires pour les ressortissants extra-communautaires (article 9). Elle renforce également le contrôle de la réalité et du sérieux des études des détenteurs d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée pour ce motif (article 10) ;

- pour motif de santé : l'éligibilité à un titre « étranger malade » est subordonnée à l'inexistence des soins dans le pays d'origine et le traitement et la prise en charge des soins par l'assurance maladie est restreinte (article 11). La définition des « conséquences d'une exceptionnelle gravité » justifiant la délivrance d'un titre pour ce motif est également précisée (article 12) ;

- en matière de réunification familiale : les critères sont restreints, notamment s'agissant de la réunification des fratries (article 13).

Conformément à une position constante du Sénat1(*), la proposition de loi transfère à l'État la compétence de la mise à l'abri et de l'évaluation de la minorité des personnes se déclarant mineur non accompagné - MNA. Elle confie à la seule autorité administrative le pouvoir d'ordonner un test osseux, en appliquant une présomption de majorité en cas de refus de l'intéressé de s'y soumettre (article 14). Elle resserre ensuite les critères d'attribution d'un titre de séjour pour les jeunes majeurs précédemment pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance (article 15) et prévoit la réalisation d'un cahier des charges de l'évaluation de la minorité (article 16).

Le titre II vise à fluidifier le traitement des demandes d'asile et à lutter plus efficacement contre les détournements de la politique d'accueil. Il intègre, d'une part, l'ensemble des structures d'hébergement des demandeurs d'asile dans le décompte des logements sociaux des communes (article 17). Il affirme, d'autre part, l'impossibilité du maintien, sauf décision explicite de l'administration, des personnes déboutées du droit d'asile dans un hébergement accordé au titre du dispositif national d'accueil et ouvre la possibilité d'un référé mesure-utile pour mettre fin à l'hébergement d'un demandeur d'asile violent ou responsable de manquements graves au règlement du lieu d'hébergement (article18).

Le titre III vise, premièrement, à mieux prévenir l'immigration irrégulière. Pour ce faire, il rétablit le délit de séjour irrégulier, dans le respect des contraintes fixées par le droit de l'Union européenne et afin de dissuader au maximum les clandestins de rester sur le territoire national (article 19). Suivant la même logique, il est proposé conditionner l'accès à certaines prestations sociales non contributives à une durée de résidence régulière sur le territoire national (article 20). Par ailleurs, la proposition de loi prive les étrangers en situation irrégulière des réductions tarifaires accordées par les autorités de transport (article 21) et limite leur accès à l'hébergement d'urgence (article 22).

Afin de faciliter l'identification des étrangers en situation irrégulière, un dispositif de prise d'empreintes sous contraintes tenant compte des réserves exprimées par le Conseil constitutionnel est prévu (article 23).

Est également consacrée dans la loi la possibilité de conditionner la délivrance de l'aide au développement à une coopération effective en matière de lutte contre l'immigration irrégulière (article 24).

Le préfet devra par ailleurs informer systématiquement les organismes de sécurité sociale compétents et Pôle emploi des décisions d'éloignement qu'il édicte, avec une radiation automatique des intéressés (article 25). Le rejet définitif d'une demande d'asile entraînera immédiatement l'interruption de la prise en charge des soins au titre de la protection universelle maladie (article 26). Enfin, la proposition de loi revient sur la possibilité de demander un délai d'un jour franc avant le réacheminement en cas de refus d'entrée sur le territoire (article 27) et consacre le principe d'unicité de l'aide au retour, de manière à éviter le retour de migrants précédemment éloignés, les effets d'aubaine et la constitution de potentiels trafics (article 28).

Le titre IV concerne les conditions d'accès à la nationalité française, qu'il propose de réserver aux personnes le méritant. Il prévoit premièrement la déchéance de nationalité en cas de condamnation définitive pour homicide sur personne dépositaire de l'autorité publique (article 29). Deuxièmement, il conditionne l'acquisition de la nationalité par des mineurs étrangers nés de parents étrangers sur le territoire français (« droit du sol ») à la manifestation d'une volonté (article 30). Troisièmement, il ouvre la possibilité de refuser l'acquisition de la nationalité par un mineur étranger né sur le territoire de parents étrangers ayant été condamné définitivement pour crime (article 31). Quatrièmement, il conditionne l'acquisition de la nationalité par des mineurs étrangers nés de parents étrangers à Mayotte, en Guyane et à Saint-Martin à la résidence régulière au moment de la naissance d'un des parents depuis au moins respectivement un an, 9 mois et 3 mois (article 32).

* 1 Rapport d'information n° 854 (2020-2021) de MM. Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale » (29 septembre 2021).

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