EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La disponibilité du foncier, qu'il soit bâti ou non bâti, constitue un enjeu majeur, aux facettes multiples. C'est bien sûr d'abord un enjeu pour les propriétaires, usufruitiers ou héritiers, en termes de patrimoine et de ressources, mais qui revêt aussi bien souvent un caractère plus affectif qui ne saurait être ignoré. C'est un enjeu pour le bon entretien de l'espace et de nos bourgs, afin que nous disposions d'un patrimoine dynamique et entretenu et autant que possible vivant, c'est-à-dire habité. C'est en conséquence un enjeu pour les collectivités territoriales et les élus locaux, soucieux de développer leurs territoires et de ne pas voir s'installer des bâtiments menaçant péril. Enfin, la prégnance des démarches de sobriété foncière, et en particulier la mise en oeuvre du ZAN, renforce la nécessité d'utiliser au mieux l'existant, en particulier au niveau des bâtiments pour répondre aux enjeux du logement qui sont particulièrement conséquents dans notre pays.
Parmi les outils qui sont à notre disposition pour favoriser et accélérer la mise à disposition d'un foncier indispensable au développement de nos territoires, l'amélioration du dispositif d'indivision successorale figure en bonne place, en complément d'une meilleure gestion des biens sans maître sur lesquels nous avons légiférée dans le cadre de la loi 3DS.
En effet, si les héritiers disposent d'un délai de six mois à compter d'un décès pour déposer la déclaration de succession si le décès a eu lieu en France métropolitaine et de douze mois dans les autres cas, ce qui semble raisonnable, le délai de liquidation lui n'est pas encadré. Cette situation constitue aujourd'hui un réel blocage.
En pratique, le délai de six mois correspond au délai moyen de règlement d'une succession, à compter de l'ouverture du dossier de succession par le notaire, si ce dossier ne présente pas de difficulté. Mais, certains facteurs, tels qu'une mésentente entre héritiers ou encore la difficulté à obtenir les pièces nécessaires au règlement de la succession, peuvent néanmoins impacter de manière significative le délai de règlement de la succession. En fonction des difficultés du dossier, le règlement de la succession peut prendre parfois plusieurs années. Ces situations augmentent et se complexifient du fait du vieillissement de la population, de l'intervention de plus en plus tardive des successions qui peuvent en outre parfois, et plus qu'hier, présenter des situations d'enchevêtrements générationnels.
Outre le règlement administratif de la succession, l'indivision successorale peut ainsi aujourd'hui durer plus longtemps, et parfois plusieurs années, jusqu'au partage qui définit ce terme ou jusqu'à la vente des biens indivis.
L'objet de la présente PPL est en conséquence de proposer des mesures visant à accélérer la liquidation de l'indivision successorale dans un esprit d'équilibre en préservant le respect du droit à la propriété.
Pour rappel, comme je l'ai indiqué plus haut, le délai d'instruction est de six mois en moyenne à compter du décès. Ce délai de six mois est le délai maximum imposé aux héritiers pour s'acquitter des droits de succession. En cas de retard dans le dépôt de la déclaration de succession, un intérêt de 0,40% par mois est dû à l'administration fiscale, voire un intérêt de 10% supplémentaire si le retard excède six mois.
La liquidation d'une succession se fait en quatre étapes :
- 1ère étape : Etablissement de l'acte de notoriété par le notaire qui liste les personnes appelées à recueillir la succession et les droits respectifs.
- 2ème étape : Rédaction du bilan du patrimoine du défunt (liste les différents biens : comptes bancaires, valeurs immobilières, mobilier, dettes, etc).
- 3ème étape : Réalisation des formalités hypothécaires et fiscales liées au décès :
o Établissement et publication au Service de la publicité foncière d'une attestation immobilière pour les immeubles ;
o Rédaction de la déclaration de succession à laquelle est joint le paiement des droits de succession dus (paiement qui doit se faire dans les six mois du décès à la recette des impôts du lieu du domicile du défunt).
- 4ème étape : Les héritiers décident de partager ou de ne pas partager (l'indivision).
Par ailleurs, le règlement de la succession a un coût variable. Le notaire ne peut l'évaluer qu'après l'obtention de renseignements essentiels, notamment concernant le montant de l'actif et l'estimation du passif. Les frais liés à la liquidation d'une succession sont de trois sortes :
- Impôts dus à l'État (droits de succession de 5 à 60 % selon le degré de parenté et le montant des biens transmis, droit de timbre, taxe sur la valeur ajoutée) ;
- Débours qui englobent le coût de certains documents obligatoires par le notaire, la contribution de sécurité immobilière en cas de transmission de biens immobiliers ;
- Rémunération du notaire établi selon un tarif fixé par l'État.
De plus, un héritier peut revendiquer une succession pendant dix ans, contre trente ans avant. En France, l'héritage est taxé au moment du décès d'une personne. Les héritiers sont imposés avec un taux progressif selon le montant du patrimoine transmis.
Le délai de règlement complet d'une succession dépend largement des particularités propres à chaque dossier. Toutefois, les droits de succession doivent, eux, être payés dans les six mois du décès, accompagnés de la déclaration de succession (délai d'un an pour un défunt décédé hors de France).
Plus précisément, l'indivision correspond à une situation juridique dans laquelle les biens du défunt appartiennent à l'ensemble des héritiers. La part de chaque indivisaire est identifiée sous forme de quote-part. Une convention peut être signée entre les héritiers afin de fixer les règles de fonctionnement de l'indivision. L'indivision prend fin lorsque le partage de succession est effectué.
L'indivision successorale est soumise à un régime juridique rigide, conçu pour protéger les droits de chacun sur le patrimoine du défunt et pour éviter qu'un héritier ne s'en arroge d'autorité la meilleure part, non pour une gestion efficace et dynamique du patrimoine concerné.
L'article 815 du code civil dispose que « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par un jugement ou convention. » Ainsi, il est possible de sortir de l'indivision à tout moment, sauf si un jugement ou une convention entre les indivisaires s'y oppose.
Il existe plusieurs modalités de sortie de l'indivision :
- Utilisation de la procédure individuelle, prévue par les articles 815-14 et 815-15 du code civil, qui permet à un indivisaire de céder ses droits à titre onéreux à un tiers, sous réserve d'un droit de préemption des autres indivisaires ;
- Application de la sortie collective par accord amiable unanime, qui donne lieu à la vente d'un bien en particulier ou au partage de la succession en différents lots. L'article 835 du code civil facilite cet accord en laissant aux parties le libre choix de sa forme et de ses modalités, imposant simplement un acte notarié si l'indivision porte sur des biens soumis à la publicité foncière ;
- Recours à un partage en justice, en cas de désaccord entre les indivisaires ou d'une inertie de l'un d'entre eux, conformément aux articles 840 à 842 du code civil. L'article 840 du code civil prévoit que « le partage en justice se fait lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer. » Selon l'article 841 du code civil, le tribunal judiciaire du lieu d'ouverture de la succession est compétent pour connaître des demandes de maintien de l'indivision et des contestations au cours des opérations de partage.
De surcroît, le code civil prévoit de nombreuses procédures pour palier une difficulté dans le recueil de la volonté des indivisaires ou mettre fin à une situation préjudiciable à l'intérêt général. Ces dispositions ne sont toutefois pas suffisantes pour provoquer un réel changement dans l'allocation des ressources foncières.
Comme évoqué précédemment, l'option successorale se prescrit par dix ans. Ainsi, l'héritier silencieux dans les dix ans qui suivent l'ouverture de la succession est réputé y avoir renoncé. Cette procédure est peu utile dans la mesure où la prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d'ignorer la naissance de son droit. Il revient alors au demandeur de prouver que l'héritier mis en cause était bien au courant du décès du défunt, ce qui suppose l'existence d'écrits ou d'images en ce sens.
De plus, la présence parmi les indivisaires d'un majeur protégé peut conduire le juge des tutelles à habiliter un proche à consentir aux actes de disposition. Mais cette procédure ne s'applique qu'au cas où l'unanimité est empêchée par un majeur incapable, ce qui ne représente pas la majorité des cas rencontrés.
Les héritiers peuvent également s'entendre pour confier l'administration de la succession à un mandataire. Cette procédure est cependant peu utile puisqu'elle suppose une unanimité des indivisaires.
Aussi, en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou plusieurs héritiers, le juge peut désigner un mandataire successoral pour administrer provisoirement la succession et l'autoriser à réaliser des actes de disposition. La solution apportée par cette procédure est néanmoins partielle puisqu'elle n'aboutit pas à liquider la succession. De plus, elle suppose plusieurs décisions de justice.
Les communes, les EPCI et l'État peuvent également prendre possession des parcelles en état d'abandon manifeste et des biens sans maître, dont aucun propriétaire n'est connu et pour lequel aucun successible ne se présente. Toutefois, cette procédure n'est d'aucun secours pour résoudre les cas d'indivision successorale puisque certains indivisaires revendiquent leurs droits.
De même, le conflit entre indivisaires pourrait être résolu par leur expropriation pour cause d'utilité publique, la puissance publique sanctionnant ainsi leur capacité à agit de concert. Cependant, cette procédure est peu adaptée pour résoudre les cas d'indivision successorale en ce qu'elle exige l'indemnisation de chaque indivisaire. Cela suppose d'abord de tous les identifier correctement. Puis, il en résulte une charge financière importante pour les collectivités qu'elles n'ont pas les moyens d'assumer. Surtout, cette procédure est source de contentieux.
Enfin, les indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis peuvent demander au tribunal judiciaire d'autoriser la vente d'immeubles par licitation, c'est-à-dire aux enchères publiques. Mais la procédure suppose de solliciter une autorisation du juge. Elle n'est pas ouverte en cas de démembrement, ce qui est fréquent en présence d'un conjoint survivant, article 815-5-1 du code civil.
Ainsi, il est possible de remarquer que, dans les faits, ces procédures peuvent ne pas être suffisantes pour pouvoir sortir de l'indivision. C'est pourquoi il convient d'envisager d'autres mesures.
À ce jour, l'article 815-3 du code civil pose la règle de l'unanimité de principe des indivisaires pour accomplir un acte de disposition, tel que la vente d'un bien. Cette règle est protectrice de l'exercice du droit de propriété des indivisaires qui est constitutionnellement protégé. Néanmoins, il pose la règle des deux tiers pour les actes d'administration et de gestion.
Pour rappel, l'article 544 du code civil dispose que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Or, dans les faits, le principe de l'unanimité est susceptible de conduire à des situations de blocage et la vente d'un bien indivis peut être autorisée judiciairement à la demande des deux tiers des indivisaires (article 815-5-1 du code civil).
Afin d'assouplir le régime juridique de l'indivision successorale, l'article 1er de la proposition de loi modifie le seuil requis à l'article 815-3 du code civil pour effectuer des actes d'administration ou de gestion, jusqu'à présent fixé au deux tiers des droits indivis, en le ramenant à la moitié des droits indivis.
Il modifie également le seuil requis à l'article 815-5-1 du code civil afin de pouvoir procéder, sous conditions, à l'aliénation d'un bien indivis sur autorisation du juge à l'initiative des personnes représentant, jusqu'à présent 2/3 des droits indivis, par la moitié des droits indivis.
Par ailleurs, il abaisse le délai laissé aux indivisaires pour s'opposer à l'aliénation du bien en cause, jusque-là fixé à trois mois, à deux mois.
De plus, alors que l'ouverture d'une succession doit respecter un certain délai légal, sa liquidation peut quant à elle durer plus longtemps. Or, une telle situation n'est pas acceptable. C'est pourquoi il est nécessaire que la liquidation puisse être faite dans un certain délai. C'est pourquoi l'article 2 modifie l'article 815 du code civil afin d'ériger le principe selon lequel le partage d'une succession est de droit, sous certaines réserves, lorsque la succession est ouverte depuis cinq ans. Ainsi, c'est le notaire qui se sera occupé de l'ouverture de la succession qui sera chargé de saisir le tribunal.
Ensuite, il arrive que la liquidation de la succession soit ralentie par le versement des droits liés à la vente d'un bien immobilier avant que la vente ait lieu. Afin d'y remédier, l'article 3 prévoit que lorsque la succession comporte un bien immobilier qui représente plus d'un pourcentage du montant de la succession, les droits sont à verser après la vente. Le pourcentage est fixé par un décret pris en Conseil d'État.
Enfin, l'article 4 porte sur le droit transitoire et rend les dispositions de la présente proposition de loi applicables aux successions ouvertes à compter du lendemain de sa publication.