EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les troubles du neuro-développement (TND) font références à différentes affections telles que les troubles du spectre de l'autisme (TSA), le trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou encore les troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA, dits troubles « dys »). Ces troubles sont régulièrement associés chez un même individu. Ils concernent près de 100 000 enfants par an soit près de 10 à 15 % des enfants naissants chaque année. Le TDAH est un de ceux dont la prévalence est la plus importante, il concerne entre 3 % et 6 % des enfants.
L'hérédité d'une part et la prématurité d'autre part sont les deux facteurs de risque principaux des TND. Or, il convient de souligner que tous les nouveau-nés à risques ne font pas l'objet d'un suivi particulier. Seuls 30 % des centres de néonatalogie français comprennent des professionnels certifiés Nidcap.
Si nous ne disposons pas en France d'étude de prévalence très aboutis, la transposition d'études internationales à la situation démographique française permet d'estimer que les TSA concernant 1 % de la population, le TDAH 5 % des enfants et 2,5 % des adultes, soit 2 millions de personnes en France et les troubles « dys » concerneraient quant à eux 4 % à 5 % d'une classe d'âge.
La politique publique menée en la matière a mis en place plusieurs actions, la stratégie 2017-2022 a apportée deux innovations pour améliorer le triptyque « repérage - diagnostic - intervention » avec les plateformes de coordination et d'orientation (PCO) et le forfait d'intervention précoce. Cependant cette stratégie n'a pas proposé de solutions plus adaptées aux enfants atteintes de TDAH ou de TSLA en matière de scolarisation. Si le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a augmenté de 220 % entre 2004 et 2022, il faut surtout relever le manque de fluidité des parcours entre maternelle et élémentaire, puis entre élémentaire et secondaire.
Force est de constater, que si le modèle de prise en charge (PCO) des TND a été identifié, sa volumétrie demeure beaucoup trop faible. En effet, plusieurs freins existent dont les numerus clausus applicables à certaines professions qui limitent le nombre de professionnels permettant de participer au dépistage, de plus, l'accompagnement des personnes ou encore la tarification dans le cadre des PCO sont très peu attractifs. Si bien que des mesures sont attendues telles que la simplification des dossiers d'instruction des MDPH ou encore une amélioration de la scolarisation en milieu ordinaire.
Concernant plus spécifiquement le trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, il associe au moins trois symptômes dont l'intensité et les manifestations varient selon les personnes : déficit de l'attention, hyperactivité motrice et impulsivité. Comme le rappelait notre collègue Annick JACQUEMET dans son rapport sur la proposition de loi n°99 que j'avais déposée le 25 octobre 2021 visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité : « Le repérage du trouble est complexe car il n'en existe pas de signes neurologique, physiques ou pathognomoniques, et car ses signes évocateurs sont semblables à ceux d'autres troubles, tels ceux des troubles anxieux, de la précocité intellectuelle ou du spectre autistique ». En conclusion de ses auditions elle relevait que selon les psychiatres, addictologues et neuroscientifiques le TDAH est aussi un problème de santé publique. En effet, « les adultes qui en sont atteints feraient davantage l'objet de suspensions de permis de conduire, d'accidents et d'arrestations que le reste de la population. Leur risque d'addiction serait deux à trois fois plus important, et les médecins diagnostiquent aussi plus fréquemment dans cette population des troubles anxieux, dépressifs, bipolaires, du sommeil et de la personnalité. Selon certaines études internationales, la prévalence du TDAH dans la population carcérale s'élèverait à 26 %. »
En raison du sous-diagnostique en France du TDAH, les familles sont laissées pour l'essentiel dans l'errance diagnostique. Les professionnels de santé et de l'éducation nationale sont insuffisamment formés. Les spécialistes de ces troubles sont trop peu nombreux et mal répartis sur le territoire en conséquence de quoi les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous peuvent atteindre dix-huit-mois pour un premier rendez-vous et deux ans pour un diagnostic. S'ajoute un problème d'inégalité d'accès aux soins en fonction des revenus.
Cette proposition de loi est constituée de trois titres et repose tant sur les conclusions du rapport d'information n°659 (2022-2023), que j'ai déposé le 31 mai 2023 avec mes collègues Laurent BURGOA et Corinne FÉRET intitulé « Prise en charge des troubles du neuro-développement : le compte n'y est pas » que sur une amélioration des dispositions de la proposition de loi n°99 citée précédemment.
Le Titre Ier entend améliorer les conditions de scolarisation.
L'article 1er modifie le code de l'éducation pour qu'il existe dans chaque canton au moins une classe spécialisée dans l'accueil des élèves des écoles élémentaires présentant un TND et, dans chaque département, au moins une classe spécialisée pour l'accueil des élèves des collèges et lycées présentant un TND.
L'article 2 modifie aussi le code de l'éducation pour s'assurer que les enseignants et les personnels d'encadrement, d'accueil, techniques et de service reçoivent une formation spécifique concernant les élèves et étudiants en situation de handicap ou souffrant de TND.
L'article 3 modifie le code de la santé publique afin de mieux cadrer les attendus de formation continue des professionnels de santé en précisant que ces orientations visent en toute hypothèse les situations de handicap et les troubles du neuro-développement.
L'article 4 modifie le code de l'action social et des familles afin que les mesures accordées par les MDPH pour assurer l'insertion scolaire de l'enfant puissent être accordées par cycle scolaire.
Le Titre II vise à favoriser l'établissement d'un diagnostic précoce.
L'article 5 modifie le code de la santé publique pour que le suivi des enfants prématurés figure dans la loi. À cette fin, l'article L. 2111-3 qui traite des conditions dans lesquelles se poursuit une politique de prévention des handicaps de l'enfance et compléter pour traiter également du dépistage de ces handicaps, notamment chez les enfants nés prématurés.
L'article 6 modifie le code de la santé publique afin de créer deux consultations de dépistage obligatoires et gratuites. Ces deux dépistages se feront à des âges déterminés par le pouvoir réglementaire après avis de la Haute Autorité de Santé. Par ailleurs, l'article explicite le lien avec le parcours de bilan et intervention précoce. Enfin, l'article 6 modifie le code de la sécurité social pour que ces deux dépistages obligatoires soient pris en charge par la sécurité sociale.
Le Titre III a pour but de soutenir les proches aidants.
L'article 7 créé les conditions pour faciliter le recours au relayage sur le temps long afin d'apporter durablement une solution de répit adaptée aux proches aidants.