EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Une perte d'ensoleillement ou de vue est souvent qualifiée de trouble de voisinage qui altère l'usage de bien immobilier. Celles-ci peuvent être la conséquence de la présence d'arbres très hauts par exemple.
L'article 544 du Code civil définit la propriété comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». L'article 651 du même code précise que les propriétaires sont contraints par « différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de toute convention ».
En application des limites légales au droit de propriété, les juges ont construit la notion de trouble anormal de voisinage. Ainsi, bien que le droit ne protège pas l'ensoleillement, le voisin qui subit cette perte d'ensoleillement peut se défendre, lorsque la perte d'ensoleillement constitue un trouble réellement important permettant à la victime de demander la réparation de son préjudice.
Or depuis plusieurs années, les conflits se multiplient dans les territoires ruraux et plus précisément dans les terrains où les boisements ou reboisements ne sont ni interdits ni réglementés et sont inscrits dans un périmètre dit « libre » au boisement.
En effet, le Code Rural (art. L.126-1 et suivants) peut permettre des mesures d'interdiction ou de réglementation des boisements et des reboisements afin de favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural et d'assurer la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables.
Depuis la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, le Conseil départemental, en tant que maître d'ouvrage, assume directement les opérations de réglementations des boisements et peut définir dans leur document de cadrage des zones géographiques dans lesquelles :
· les plantations ou les semis sont libres, soumis à autorisation ou interdits
· la reconstitution après coupe rase peut être interdite ou réglementée.
Ainsi, dans les zones libres, les boisements de plus de 4 ha ne peuvent être soumis à la réglementation de boisements.
Or, dans ces zones libres, aucun recours juridique n'est possible pour les habitants qui souffrent d'une part de l'enfermement total de leur propriété par les plantations en limite de propriété ou de la privation de toute vue, et, d'autre part, de l'accroissement de l'humidité, d'une baisse de température, de la perte totale de tout ensoleillement ainsi que d'une dévalorisation de leur maison. Cette question interroge au regard de l'article 671 du code civil qui précise pourtant que les arbres de plus de deux mètres de haut doivent être plantés à une distance supérieure à deux mètres de la limite séparative. Ainsi, si les arbres du voisin dépassent la hauteur prescrite par la loi et sont plantés à une distance inférieure à celle légalement prévue, la personne qui se sent lésée peut exiger que tous les arbres en question soient arrachés ou réduits à la hauteur règlementaire. Il serait donc plus juste qu'un cadre juridique soit également défini pour les boisements en zone libre proches des habitations afin de protéger les habitants et prévenir les futurs conflits.
C'est pourquoi, il est proposé, dans un article unique, qu'en cas de boisement ou de reboisement, dans une zone libre telle que prévue à l'article L126-1 du Code rural et de la pêche maritime, la distance minimale de recul à respecter lorsque le fonds voisin est une habitation soit de 100 mètres quelles que soient les essences.