EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

C'est en Lot-et-Garonne qu'est apparu en 2004 le frelon asiatique, de son nom scientifique Vespa velutina nigrithorax. Depuis, cette espèce invasive a colonisé l'ensemble de notre pays à l'exception de la Corse et des DROM mais sa présence est maintenant bien attestée en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne et au Portugal. La croissance exponentielle et l'adaptabilité de cet insecte mélissophage sont devenues critiques pour bon nombre de nos territoires. Pour le secteur apicole, le frelon asiatique est un véritable fléau - les pertes annuelles pour la filière dues aÌ ce frelon sont évaluées aÌ 11,9 millions d'euros.

Jusqu'en mai 2022, l'espèce était classée au niveau national dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l'abeille domestique Apis mellifera sur tout le territoire français (arrêté du 26 décembre 2012). Malgré ce déclassement, la filière apicole peut mettre en oeuvre un programme sanitaire d'intérêt collectif (PSIC) et le faire reconnaître par l'État en vertu de l'article L. 201-10 du Code rural et de la pêche maritime. Ainsi, nous constatons que la responsabilité de la lutte contre le frelon asiatique échoit aux organismes de défense sanitaire et non à l'État.

Les Groupements de défense sanitaire tentent donc de mettre en place un plan national de piégeage au printemps. Toutefois, dans son rapport moral de l'année 2023, GDS France indique : « Ce Plan National Frelon Asiatique, pour être opérationnel, nécessite des ressources humaines et donc le financement reste aÌ trouver. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont été sollicités1(*) ». Il semble qu'il y ait un vrai déficit d'investissement de l'État sur cette question pourtant majeure pour les apiculteurs mais aussi plus largement pour l'agriculture, qui dépend pour une grande partie de la pollinisation réalisée par les abeilles.

Encore plus récemment, GDS France et FREDON France ont annoncé la publication d'un plan national « OVS Animal - OVS végétal » sur le frelon à pattes jaunes, souhaitant répondre à trois enjeux majeurs : la protection des populations, la protection des ruchers et de la biodiversité. Le besoin est clairement identifié et depuis des années. Sans une action forte de l'État qui en a pourtant les capacités, nous n'aurons pas les moyens de lutter efficacement contre cette espèce dévastatrice.

En l'état du droit, le  décret n° 2017-595 du 21 avril 2017 relatif au contrôle et à la gestion de l'introduction et de la propagation de certaines espèces animales et végétales donne la possibilité au préfet de département de mettre en place certaines actions sans que nous puissions en constater les effets concrets2(*). Quelques arrêtés préfectoraux ont été publiés dans le Calvados3(*), en Ardèche4(*) ou encore récemment en Haute-Saône5(*), sans que ceux-ci soient généralisés. Mais encore une fois, ces arrêtés organisent la lutte en la délégant à des organismes de défense sanitaire dans l'attente de la publication d'une stratégie plus globale.

La dernière Stratégie nationale Biodiversité 2030 publiée le 23 novembre 2023 mentionne la réalisation future de 500 opérations coup-de-poing d'ici à 2025 sans pour autant préciser le champ d'intervention de celles-ci avant d'en appeler aux collectivités territoriales : « Les opérations coup-de-poing seront prolongées pour mobiliser collectivement les acteurs sur des milieux naturels sensibles et les collectivités seront accompagnées pour intégrer cette gestion dans leurs actions courantes6(*). »

Le Muséum national d'histoire naturelle a mis en place un portail dématérialisé de renseignement sur le frelon asiatique avec quelques recommandations utiles : « Si vous trouvez un nid, adressez-vous à votre mairie qui sera mieux à même de vous réorienter vers l'organisme local de lutte. Certaines administrations locales peuvent prendre en charge une partie de la destruction7(*). » La destruction des nids demeure à la charge des particuliers. « Ses coûts peuvent être, le cas échéant, pris en charge en tout ou partie par des financements émanant de collectivités territoriales8(*). »

En effet, les collectivités n'ont pas attendu l'État pour soutenir les groupements de défense sanitaire, les associations d'apiculteurs et les chambres d'agriculture luttant contre le frelon asiatique. Les maires, sollicités directement par leurs administrés, sont aux avant-postes de cette politique. Ils essayent autant que faire se peut de financer ici et là des pièges et participent aux destructions de nids mais sans coordination avec les autres territoires faute de moyens.

Les établissements publics de coopération intercommunale et les conseils départementaux jouent un rôle important dans le financement et la coordination des acteurs mais également dans l'achat de pièges. C'est le cas du Département de Lot-et-Garonne qui alloue près de 50.000 euros à des solutions innovantes en matière de lutte contre le frelon asiatique dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt. Par ailleurs, nous avons pu voir récemment le Département de la Gironde réunir les associations d'apiculteurs pour organiser la lutte contre le frelon asiatique et présenter aux élus locaux des outils efficaces.

Les collectivités comme les préfectures agissent aujourd'hui en ordre dispersé. Ces initiatives démontrent néanmoins que la population attend une vraie réponse d'ampleur contre cette espèce qui met en péril notre biodiversité et la filière apicole. Ce besoin de cohérence et de stratégie rationalisée contre le frelon asiatique est à l'origine de cette proposition de loi qui crée de nouveaux outils pour endiguer cette espèce invasive.

L'article unique de la présente proposition de loi vise à doter la France d'un outil de lutte globale, cohérent et efficace. Parmi les espèces exotiques envahissantes (EEE), pour lesquels l'article L. 411-5 du code de l'environnement prévoit que leur liste est fixée par décret, se trouve le frelon asiatique, inscrit depuis 2013.

En premier lieu, la présente proposition de loi précise les plans nationaux de lutte contre les EEE prévus à l'article L. 411-9 du code susmentionné, lorsqu'ils traitent du frelon asiatique. Ce plan national prévoit ainsi de globaliser la lutte en intégrant :

- Les orientations et les indicateurs de la lutte et une catégorisation des territoires en fonction de leur exposition à l'espèce pour donner une cohérence aux politiques publiques de surveillance, de prévention et de lutte ;

- Les moyens alloués à la recherche scientifique pour continuer à élaborer des innovations plus efficaces et plus protectrices de l'environnement ;

- Le soutien de l'État aux collectivités territoriales qui assument aujourd'hui la quasi-intégralité des dépenses publiques de la lutte contre cette espèce.

Pour l'élaboration d'une telle planification, seule la concertation peut aboutir à des mesures efficaces, légitimes et acceptées. Ainsi, il est proposé que les élus locaux, les scientifiques, les acteurs économiques (apicoles, agricoles et floricoles) et le secteur associatif soient intégrés à la décision.

Ce plan national sera décliné en plans départementaux élaborés par les préfets de département, toujours en concertation avec les acteurs mentionnés, pour que les politiques publiques soient adaptées aux territoires.

En second lieu, l'article unique propose de créer une obligation de principe, pour les occupants, de signaler les nids de frelons qu'ils constatent. C'est une nécessité dans le traitement de cette espèce et un point d'importance pour la connaissance scientifique. Si cette obligation n'est évidemment pas assortie de sanction en cas de méconnaissance, elle emporte des conséquences particulièrement incitatives pour les citoyens concernés en ce que le préfet devra organiser la destruction du nid déclaré.

Enfin, l'article unique propose de répondre aux exigences de la solidarité nationale pour les apiculteurs victimes de cette calamité. Il s'agit d'établir, dans la loi, un principe d'indemnisation des dommages imputables au frelon asiatique. Cette indemnisation est indispensable à la fois au repeuplement des ruchers garants de la pollinisation des cultures et de la flore, mais également à la sécurisation du modèle économique de l'apiculture et ainsi défendre une filière française. Cela constitue un nécessaire parallélisme entre les agriculteurs et éleveurs victimes de calamités, des aléas climatiques au loup, et les apiculteurs, qui sont les témoins quotidiens et souvent impuissants de la destruction de pollinisateurs qui rendent des services fondamentaux pour la biodiversité et l'agriculture.

* 1 https://www.gdsfrance.org/wp-content/uploads/Rapport-moral-2023-VF.pdf.

* 2 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034455279.

* 3 https://fredon.fr/normandie/sites/normandie/files/EES/FRELON/2022%2000975%20AP%20lutte%20collective%20frelon%20assiatique.pdf.

* 4 https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjt_6aP7sGEAxX6MVkFHTAdAR8QFnoECCwQAQ&url=https%3A%2F%2Fapi.neopse.com%2Frest%2Fsite%2Ffiles%2Fdownload%2F565947&usg=AOvVaw3YQvHBR6qSvWFTJh6zl8gR&opi=89978449.

* 5 https://www.haute-saone.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement/Information-et-consultation-du-public/Consultation-du-public/BIODIVERSITE/Projet-d-arrete-de-lutte-obligatoire-contre-le-frelon-asiatique.

* 6 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Dossier-de-presse_SNB2030.pdf.

* 7 https://frelonasiatique.mnhn.fr.

* 8 https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-12647QE.htm.

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