EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le modèle français de sécurité civile s'appuie aujourd'hui sur près de 240.000 sapeurs-pompiers dont 80 % de volontaires. Son maillage lui permet de diffuser une culture de la sécurité au coeur des territoires et des populations.

Notre systeÌme de seìcuriteì civile est cependant en tension face aÌ la diversification des missions, aux effets du dérèglement climatique, aux enjeux statutaires et à son incapaciteì aÌ assurer l'ensemble de la charge opeìrationnelle. Cette proposition de loi crée un nouveau statut, ouvert aux volontaires déjà engagés, à travers la mise en place d'une réserve opérationnelle de sécurité civile à l'image des autres réserves de sécurité (police, gendarmerie, armée). Chaque engagé volontaire pourra désormais assurer des interventions soit dans le cadre classique du volontariat actuel, soit de manière programmée dans le cadre de garde postée, en qualité de réserviste. La réserve dote ainsi les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) d'une faculté d'organisation supplémentaire des moyens humains pour assurer la disponibilité nécessaire aux opérations de sécurité civile.

La France est pointée du doigt par le droit européen [directive européenne temps de travail ; DETT] en raison de l'important appui des SDIS sur les forces volontaires. Les durées de temps de « travail » qui sont les leurs, associées au manque de périodes de repos de sécurité, impliquent leur reconnaissance comme des travailleurs et conduit donc à leur appliquer le régime de la DETT, ce qui serait insoutenable financièrement pour les SDIS. Si le gouvernement semble clair dans sa volonté de ne pas appliquer la norme européenne, lui préférant une dérogation, cette dernière ajoute un regard critique sur notre modèle.

Au-delà de ces interrogations liées au statut, il s'agit également de solutionner le défaut d'opérationnalité dans nos territoires. En Charente par exemple, sur les 27 centres d'incendie et de secours qui jalonnent le département, entre 8 et 12 sont quotidiennement fermés, faute d'effectifs suffisamment importants pour permettre des départs de véhicules. Cette proportion, qui a tendanciellement augmenté au fil des ans, se rapproche désormais dangereusement des 50 %. Si cette proportion est spécifique à chaque territoire, tous les SDIS sont confrontés à ces problèmes.

Les capacités de réponse des volontaires se dégradent années après années en journée ; de même que les contrats saisonniers précaires se multiplient. En effet, les modes de vie ont évolué, et dans nombre de territoires ruraux comme urbains, si hier les départs en journée étaient assurés par l'emploi local (agriculture, artisanat,...), les évolutions dans l'aménagement du territoire conduisent les volontaires à travailler à plusieurs dizaines de kilomètres de leur centre d'incendie et de secours (CIS), ne pouvant plus se libérer. Ces indisponibilités désorganisent le service, ne permettant pas d'assurer les départs, et allongent considérablement les délais d'intervention. De plus, la mobilité pour des raisons professionnelles et personnelles s'étant accentuée, ce sont autant de compétences qui disparaissent.

Nous sommes dans un moment de tension : en dépit de l'important volume de volontaires, la répartition de l'activité, l'organisation des CIS et la capacité opérationnelle sont fragilisés. Ainsi, selon le rapport de l'IGA de décembre 2023 sur l'activité des sapeurs-pompiers, 9 % de sapeurs-pompiers volontaires assurent individuellement plus de 1 000 heures de garde postée par an et reìalisent donc le tiers des 32,35 millions d'heures de garde postée des volontaires. L'engagement est donc très diffeìrent d'un volontaire aÌ l'autre, treÌs ramasseì autour d'une minoriteì trop solliciteìe, et la composition actuelle des effectifs ne permet plus d'assurer un maillage suffisant. C'est ainsi que se dessine un autre enjeu, celui des ressources humaines, soit des effectifs mobilisables et de la capacité de programmation des activités, notamment lorsque l'on met en parallèle l'augmentation de la charge opérationnelle.

La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) espère recruter cinquante mille sapeurs-pompiers volontaires supplémentaires (en plus des 240.000 sapeurs-pompiers déjà engagés) d'ici à 2027 afin de pallier les nombreuses insuffisances. Ces chiffres mettent en lumière les défis de recrutement persistants auxquels la filière est confrontée. Ils soulignent à la fois le manque de variété des propositions jusqu'ici formulées et la nécessité de revoir les modèles actuels d'organisation. Or, en concentrant principalement les réformes sur le renforcement des conditions d'exercice du volontariat pour améliorer l'attractivité de la fonction, la réflexion sur les évolutions statutaires a été éludée. Finalement, la sécurité civile repose de plus en plus fortement sur les sapeurs-pompiers professionnels, remettant en cause la centralité du volontariat.

Par ailleurs, le dérèglement climatique et ses conséquences (+ 1,7°C à date, le gouvernement enjoignant le pays à se préparer à + 4°C) conduisent à repenser en même temps la souplesse et la solidité de l'organisation des moyens humains pour faire face aux évènements majeurs. Nous l'avons constaté lors des tempêtes (Alpes-Maritimes), grands feux (Pyrénées-Orientales, Sarthe et Maine-et-Loire, Landes), inondations, etc.

Dans le cadre de la rédaction de la présente proposition de loi, de nombreuses auditions ont été effectuées auprès des parties prenantes, du milieu pompier aux représentants des collectivités. Ce texte reflète un certain consensus.

Cette proposition de loi crée une reìserve opeìrationnelle de seìcuriteì civile, organiseìe sur un modeÌle similaire aÌ celui des corps reìservistes opeìrationnels de la gendarmerie, de la police ou de l'armeìe et basée sur le volontariat. L'organisation s'effectuera autour de peìriodes d'activiteìs preìalablement définies, des heures de garde postée et d'une meilleure programmation des ressources humaines (comme cela se fait pour les jours de mobilisation des gendarmes réservistes), en mettant à disposition des SDIS une réserve de volontaires opérationnelle et qualifiée, mobilisable partout sur le territoire jusqu'à 90 jours par an, destinée à absorber les activités programmées et à subvenir aux besoins humains en cas de crise. Si cette réserve repreìsente une nouvelle possibiliteì pour les volontaires déjà sous contrat d'intensifier leur engagement, elle ne remplacera évidemment pas le corps actuel de sapeurs-pompiers volontaires, qui continuera à effectuer des astreintes et donc des interventions : cet engagement doit rester le socle de la sécurité civile de proximité et doit, à ce titre, être préservé.

Cette proposition de loi, qui entend donner à nos SDIS les moyens de lutter contre le dangereux défaut d'opérationnalité qui les guette, se propose donc d'étendre les dispositifs de sécurité existants que sont les réserves aux institutions de sécurité civile, pour répondre aux problèmes identifiés.

Le I de l'article unique crée dans le code de la sécurité intérieure une section 5 intitulée « Réserve opérationnelle de sécurité civile » au sein du troisième chapitre du titre II du livre VII relatif à la sécurité civile, chapitre qui traite lui-me?me des dispositions geìneìrales speìcifiques aux sapeurs-pompiers dans leur ensemble et de leur statut, et ajoute à cette nouvelle section des articles L. 723-27, L. 723-28 et L. 723-29.

Le nouvel article L. 723-27 du code de la sécurité intérieure institue donc une reìserve opeìrationnelle de sécurité civile qui peut e?tre solliciteìe par les présidents de SDIS. Il précise également que les membres de la reìserve opeìrationnelle de sécurité civile doivent souscrire un contrat d'engagement aÌ servir dans la reìserve, dont les conditions seront deìfinies par voie réglementaire. Le contrat d'engagement précise la durée maximale de l'affectation, qui ne peut excéder 90 jours par an.

L'article L. 723-28 relatif aux conditions d'inteìgration à la reìserve opeìrationnelle de sécurité civile deìtermine ces modaliteìs ; ainsi, la réserve pourra être constituée d'anciens sapeurs-pompiers volontaires ayant déjà signé un contrat d'engagement pour une période allant de un à cinq ans, étant déjà formé, et souhaitant intégrer la réserve. Ce faisant, la réserve se présente vraiment comme un deuxième statut envisageable pour les volontaires déjà engagés.

L'article L. 723-29 précise que les modalités d'indemnisation horaire des sapeurs-pompiers réservistes devront être définies par voie réglementaire.

Les II et III de l'article unique constituent le gage financier de cette proposition de loi.

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