EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Aujourdhui, les désistements dentre-deux tours aux
élections majoritaires uninominales ou plurinominales à deux
tours, que ce soit lors des élections législatives ou des
élections départementales, sont progressivement devenus des
dangers pour notre démocratie. Trop de désistements de candidats
ou de candidates en faveur dun camp ou dun autre, pour faire barrage à
un camp ou un autre, biaisent les réelles intentions des
Français, qui se perdent dans tous ces accords politiques peu
scrupuleux.
Les désistements fourvoient et fragilisent la
démocratie.
Dans une tribune publiée le 25 juin 2024 par le journal Le Monde, plus de 200 personnalités politiques ont appelé à la mise en place dun « accord de désistement » entre les deux tours des élections législatives : désistement du candidat qui arriverait en troisième place si « triangulaire » il y a, afin de faire barrage au Rassemblement National. Ainsi, une grande partie des électeurs de cette « troisième force » se retrouverait lésée, et contrainte de voter pour un candidat ou une candidate non choisi au 1er tour. De tels accords ne font que renforcer laversion des Français pour la vie politique.
Le principe même de désistement suscite chez les Français incompréhension et révulsion. Incompréhension parce quils ont le sentiment que le candidat et son parti politique ne se battent pas jusquau bout pour faire valoir leurs voix et leurs idées. Révulsion parce quils ont limpression de se faire voler les élections par des calculs et des jeux de pouvoirs. Il en ressort également une moralisation politique devenue insupportable pour les Français, avec des partis perçus comme des clans de politiciens qui enjoignent den haut aux électeurs den-bas de suivre leurs ordres. Les électeurs sont ainsi méprisés sans la moindre considération et le moindre respect pour lindividualité de chaque électeur.
De surcroît, ces manoeuvres renforcent labstention. Les plus de 12,5 % d'électeurs qui auraient choisi de voter au premier tour pour un candidat, de sorte quil accède ainsi au second tour, nont pas systématiquement envie de suivre les décisions prises unilatéralement par lappareil politique qui consistent à pousser certains de leurs candidats à abandonner la course. En effet, ces électeurs peuvent ne pas vouloir voter pour le candidat ou la candidate à qui profiterait le désistement et préféreront donc choisir de ne pas aller voter. En résulte inévitablement un affaiblissement de la légitimité du scrutin et, par voie de conséquence, de la force de la démocratie, ce qui pourrait être évité en labsence de pareils accords de désistement.
Eu égard à de tels constats, nous souhaitons donc redonner aux électeurs lors du second tour lentière et exclusive décision de lissue des élections. Cest aux électeurs, et à eux seuls, que doit revenir la pleine liberté de choisir entre tous les candidats qui ont pu accéder au second tour, pas un de moins. Ceux-ci doivent en conséquence obligatoirement se maintenir au second tour pour non seulement respecter la voix des électeurs ayant voté pour eux au premier tour mais également pour respecter l'équilibre de tout le suffrage. Le vote au second tour ne doit être que la conséquence directe du scrutin du premier tour, il en va de lessence-même de la démocratie directe. Aucune ingérence systémique dans le scrutin ne doit pouvoir intervenir pour forcer le vote des électeurs.
La Ve République a été fondée contre le régime des partis de la IVe République ; cette proposition de loi vient renforcer sa philosophie originelle.
Concrètement, la présente proposition de loi supprime la formalité de dépôt de candidature avant le second tour. Laccès au second tour des candidats remplissant les conditions nécessaires devient ainsi automatique et dans la mesure où il est déjà actuellement impossible, en vertu dune disposition réglementaire, de se retirer après la date butoir de dépôt des candidatures, il deviendra de facto impossible de se désister lors de lentre-deux-tours. La proposition de loi vient aussi renforcer l'impossibilité réglementaire de se retirer après la date butoir de dépôt des candidatures en l'explicitant et en l'élevant au niveau législatif afin que le pouvoir réglementaire ne puisse revenir dessus pour rendre inopérante la présente initiative parlementaire.