EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France compte aujourd'hui près de 253 000 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Chaque jour, ils sont amenés à intervenir au secours de la population, mettant en danger leur vie et leur santé.

Les sapeurs-pompiers doivent faire face à de nombreux risques : risques traumatiques, toxiques, infectieux, cardio-vasculaires, routiers, psychologiques, risque de stress thermique et de déshydratation, risque de troubles musculosquelettiques... La liste est longue et tend à s'allonger face à leurs multiples expositions notamment à des substances toxiques dont certaines sont reconnues comme cancérogènes telles que les fumées toxiques, l'amiante, les retardateurs de flammes, les substances perfluorées et polyfluorées (PFAS), les perturbateurs endocriniens ou encore les protoxiques et les hydrocarbures aromatiques polycycliques.

Face à ces risques, la reconnaissance des maladies professionnelles et en particulier des cancers chez les sapeurs-pompiers doit être questionnée.

En 2003, le rapport Pourny réclamait la mise en place d'une « véritable veille sanitaire des sapeurs-pompiers sappuyant sur une banque nationale de données (BND) fiable qui, seule, peut permettre des études épidémiologiques indispensables et préalables à toute politique de prévention ».

Pourtant, aucune étude épidémiologique ou effort de suivi médical coordonné na été mis en oeuvre en France et il n'existe à ce jour aucune donnée officielle précise sur le nombre de sapeurs-pompiers atteints de cancer.

En juin 2022, le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé lactivité de sapeur-pompier comme cancérogène pour lhomme et reconnu des « indications suffisantes » pour le mésothéliome et le cancer de la vessie, ainsi que « des associations positives crédibles » pour les cancers du côlon, de la prostate, du testicule, le mélanome et le lymphome non hodgkinien. Ainsi, le risque de cancer serait plus élevé de 58 % pour le mélanome chez les pompiers qu'au sein de la population générale et supérieur de 16 % dans le cas du cancer de la vessie.

Néanmoins, à ce jour, pour les sapeurs-pompiers français, seuls deux types de cancer sont présumés imputables au service, à savoir le carcinome du nasopharynx et le carcinome hépatocellulaire.

La France apparaît aujourd'hui comme en retard par rapport à certains autres pays développés.

En France, les tableaux des maladies professionnelles sont édictés par le Gouvernement après consultation des partenaires sociaux et selon des logiques qui ne semblent pas tenir compte de l'état des connaissances scientifiques. Ainsi, le cancer de la vessie et le mésothéliome - dont le lien avec l'activité de sapeur-pompier a été affirmé par le centre international de recherche sur le cancer - bien que figurant dans les tableaux de maladies professionnelles, ne peuvent être considérés comme directement imputables au service, la liste des travaux susceptibles de les provoquer n'incluant pas l'extinction des incendies. Il appartient donc aux sapeurs-pompiers d'apporter la preuve du lien direct entre ces pathologies et l'exercice de leurs fonctions.

Ainsi, en dix ans, sur les 21 dossiers de demande d'allocation temporaire d'invalidité concernant des cancers professionnels traités par la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), aucun n'émanait de sapeurs-pompiers. Avec seulement 31 maladies professionnelles recensées chez les sapeurs-pompiers en 2022, il existe une suspicion de sous-déclarations qui pourraient s'expliquer notamment par les difficultés à obtenir des preuves de l'exposition de l'agent et l'absence de prise en compte de la polyexposition.

En effet, les services départementaux d'incendie et de secours se gérant de façon autonome, il n'existe à ce jour aucun modèle national de fiche d'exposition à des facteurs de risques pour les sapeurs-pompiers et seuls certains départements tracent les facteurs d'expositions à des facteurs de risques.

Face à ces constats, la mission d'information sénatoriale sur les cancers imputables aÌ lactivité de sapeur-pompier a rendu un rapport sans équivoque sur la nécessité d'aller plus loin dans la reconnaissance des maladies professionnelles et plus particulièrement des cancers chez les sapeurs-pompiers tant professionnels que volontaires.

Ainsi, l'article unique de la présente proposition de loi entend rendre obligatoire l'élaboration d'un modèle national de fiche d'exposition à des facteurs de risques et de rendre obligatoire leur remplissage après chaque intervention à risque en y intégrant la composition des fumées. Ces fiches permettront de faciliter la preuve de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction et l'imputabilité d'un cancer au service.

Mieux protéger ceux qui nous protègent, telle est l'ambition de cette proposition de loi.

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