EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 n'ont pas permis de donner au pays une majorité stable. La majorité relative soutenant le Gouvernement est la plus faible de l'histoire de la Ve République et se trouve dépendante de l'extrême droite. Quelles que soient les divergences d'analyse sur le choix du président de la République de confier la conduite du Gouvernement au Premier ministre actuel, chacun constate que nous vivons une crise institutionnelle. Cette situation rend indispensables des changements de fond dans notre système démocratique.
Notre histoire politique est à ce titre riche d'enseignements. À chaque crise institutionnelle, la République française est sortie par le haut en modifiant son fonctionnement. Non par plaisir d'amender le mécano, mais pour faire en sorte qu'il permette au cadre institutionnel d'être le réceptacle des choix démocratiques dans un contexte donné. Si la France de 1946 n'était plus celle de 1940 et que celle de 1958 n'était plus celle de l'avant-guerre d'Algérie, la France de 2024 n'est plus celle du bipartisme des années 1970 à 2017.
Le général de Gaulle ne rappelait-il pas à Bayeux, citant le sage Solon, que la meilleure des constitutions ne pouvait être élaborée qu'en considérant d'abord le peuple et l'époque concernés ? En témoigne le blocage politique dans lequel nous ont plongés nos institutions ; force est de constater que notre époque ne correspond plus à celle de 1958.
La représentation nationale doit saisir ce kairos pour transformer le blocage institutionnel en levier.
L'article unique de cette proposition de loi crée un comité institutionnel formé de députés et sénateurs nommés au prorata des différents groupes des deux chambres, chargé de dégager en son sein une série de mesures nécessaires à la réconciliation nationale et au renforcement démocratique. Avant le 1er juillet 2025, il présentera ses travaux sans être inquiété d'une éventuelle dissolution.
Le comité institutionnel choisira lui-même son ordre du jour, mais plusieurs sujets apparaissent incontournables.
En premier lieu, celui du mode de scrutin. Sans présumer d'un abandon ou d'un maintien du scrutin uninominal majoritaire à deux tours, il s'agit de permettre à l'électeur de voter pour choisir un représentant plutôt que d'avoir à éliminer un candidat.
En second lieu, le comité se saisirait utilement de la question des référendums. Le référendum d'initiative partagée (RIP) est dans sa forme actuelle inapplicable puisqu'il nécessite les signatures officielles de plus de 4 millions de citoyens. La gauche et la droite s'y sont essayées, respectivement pour empêcher la privatisation des aéroports de Paris (ADP) et pour restreindre l'immigration. La frustration de ne pouvoir utiliser réellement l'outil est grande. En outre, une des revendications majeures des gilets jaunes consistait à établir un référendum d'initiative citoyenne, permettant ainsi aux citoyens d'inscrire à l'agenda politique des enjeux majeurs pour eux. Depuis la trahison démocratique de 2005, les Français n'ont pu s'exprimer par référendum, le dernier en date ayant vu son résultat bafoué.
Enfin, la Constitution de la Ve République a été élaborée dans un contexte médiologique particulier où dominaient encore télévision et radio d'État. Aujourd'hui, les chaînes d'information en continu, les réseaux sociaux et le poids des intérêts privés posent des défis nouveaux. L'Arcom peine à remplir sa mission. Trop souvent le traitement médiatique du politique se transforme en société du spectacle où dominent railleries et petites phrases sorties de leur contexte. Notre « quatrième » pouvoir est malade, il importe de le soigner.
À tous ces sujets s'ajouteront ceux que le comité institutionnel jugera pertinent d'inscrire à son ordre du jour.
Il appartiendra à ce comité d'envisager l'élargissement de cette démarche à une assemblée citoyenne, voire à une assemblée constituante.
À l'issue des travaux du comité, le Gouvernement gagnerait à soumettre ces réformes constitutionnelles et institutionnelles aux deux assemblées, et/ou au peuple français par référendum.
Les expériences les plus récentes dans notre histoire constitutionnelle n'ont pas nécessité plus de quelques mois. Après-guerre, le premier projet constitutionnel rejeté par les Français avait été élaboré en six mois, et le second, adopté le 19 avril 1946, en quatre mois. En 1958, de la même manière, il aura fallu moins de trois mois pour proposer une nouvelle Constitution au peuple français.
En ces temps d'immédiateté en toutes choses, de boulimie de réformes en tous domaines et de torrents d'informations sans filtre, offrons à notre République le temps de méditation démocratique qu'elle mérite. L'ensemble de la société pourrait y trouver une forme d'apaisement en même temps qu'une vraie émulation politique.