EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cinq ans après l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les Français ont assisté lundi 2 septembre 2024, impuissants, à la destruction de l'église de Saint-Omer. Cette église néogothique, inaugurée en 1859, avait été restaurée entre 2014 et 2018.

Le feu a détruit le clocher, qui s'est effondré, ainsi que la quasi-totalité des toitures et l'orgue Merklin du XIXe siècle qui se trouvait à l'intérieur.

Par ailleurs, une série d'actes de vandalisme ont été constatés ces dernières semaines dans plusieurs églises de la ville de Poitiers. Jeudi 3 octobre 2024, l'église Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, monument médiéval classé au patrimoine mondial de l'Unesco, a été la cible d'un incendie ayant causé des « dégâts matériels considérables » et endommagé des oeuvres d'art. Cette église du Xe siècle, bâtie selon la tradition au-dessus du tombeau de Saint-Hilaire, docteur de l'Église et premier évêque de Poitiers mort au IVe siècle, a été consacrée en 1049.

Ces faits s'inscrivent dans un antichristianisme d'atmosphère. Outre les dégradations liées à la vétusté, nous assistons également à la dégradation volontaire (vols, profanations, incendies, vandalisme...) de nos églises sans en mesurer réellement la portée.

854 actes antichrétiens ont été enregistrés en France en 2023, dont « 90 % sont des atteintes aux biens, comme des cimetières ou des églises », d'après le Ministère de l'Intérieur.

923 faits avaient été recensés en 2022, contre 857 en 2021. Soit une moyenne d'au moins deux par jour... Mi-juillet à Paris, c'est Notre-Dame-du-Travail, dans le 14e arrondissement, qui était vandalisée, orgue défoncé, statue de la Vierge poignardée et multiples tags d'une violence rare. Depuis cette date, six édifices catholiques ont été détruits ou endommagés par des incendies volontaires en Nouvelle-Calédonie. Vendredi 6 septembre 2024, à Nice, un jeune SDF s'en est pris à deux églises ainsi qu'à deux paroissiennes.

Selon l'Observatoire du patrimoine religieux (OPR)1(*), 27 églises ont été incendiées en 2023 et 12 sur les six premiers mois de 2024. Sur ces 27 départs de feu dans des églises, 8 étaient d'origine criminelle, 19 accidentelle. Et pour les neuf premiers mois de 2024, sur les 26 incendies déclarés, 14 étaient d'origine criminelle.

Notons également que 10 % des édifices seraient dans un état grave et nécessiteraient des travaux d'urgence, et plus de 30 % seraient dans un état préoccupant et nécessiteraient des travaux à moyen terme. Cela nous démontre à quel point notre patrimoine est fragile.

Alors que le monde nous envie cette richesse patrimoniale constituée de 45 000 églises, d'ici à 2030, en l'absence de plan de sauvetage, entre 2 500 et 5 000 églises pourraient disparaître.

Un véritable sursaut est urgent et nécessaire pour protéger le patrimoine religieux le plus menacé. Aussi, dans un contexte de baisse de la pratique religieuse, notre pays fait face à la question de la pérennité et du devenir de son patrimoine religieux.

Le patrimoine religieux est une partie de notre patrimoine culturel, il nous relie à travers l'histoire aux générations qui nous ont précédées, mais il comporte aussi une dimension économique et une dimension urbanistique. Sans l'église au milieu du village, celui-ci serait déstructuré.

Aussi, comme l'explique justement le père Laurent Stalla-Bourdillon2(*) « L'Église est face à un double défi. Assumer un patrimoine extrêmement important, de plus en plus difficile à occuper, alors qu'il y a une désaffiliation des Français au culte, et même une sorte d'aversion de l'opinion publique pour le christianisme, qui peut devenir haineuse contre les lieux de culte. La question d'un espace sacré concerne de moins en moins de personnes... À un moment donné, le vrai sujet, c'est de se réapproprier la signification des lieux de culte et de leur valeur pour notre vie sociale. »3(*).

Dans leur rapport sur les actes antireligieux en France, rendu en 20224(*), les députés Isabelle Florennes et Ludovic Mendès soulignaient « un plateau inquiétant d'actes antireligieux et une intensification de la violence ». Ils ajoutent que : « les remontées des diocèses font d'ailleurs apparaître une crainte croissante des bénévoles qui assurent une présence physique durant les périodes d'ouverture des églises. Faute d'identification des auteurs pour une part non négligeable des faits, il est très difficile d'établir de manière complète les profils. Les affaires élucidées montrent des profils islamistes, d'ultradroite, d'ultragauche et satanistes, en plus des déséquilibrés et des mineurs qui sont probablement surreprésentés, étant a priori plus faciles à repérer. ».

Aussi, qu'elles visent les lieux de culte, les cimetières, les statues ou les calvaires, les profanations ne doivent jamais être ignorées et ne sauraient être tenues pour une infraction ordinaire.

Néanmoins, nous ne disposons pas de suffisamment de données statistiques sur la nature de ces profanations, leurs auteurs et les peines encourues par ces derniers. C'est pourquoi, dès 2019 à l'Assemblée nationale, puis en 2023 au Sénat, il a été demandé la création d'une commission d'enquête sur les profanations dans les lieux de culte et les cimetières5(*).

Pourtant, les sanctions contre les auteurs d'incendies de nos églises et plus largement de notre patrimoine ne semblent pas assez dissuasives.

En effet, Joël V. qui a reconnu être à l'origine de l'incendie ayant ravagé l'église de l'Immaculée-Conception à Saint-Omer a un casier judiciaire comportant 26 condamnations, dont 8 pour des dégradations ou incendies d'églises. La presse l'a d'ailleurs surnommé « l'Incendiaire des églises ».

Ces dégradations volontaires participent à l'angoisse identitaire des Français. Quand un individu met volontairement le feu à un patrimoine cultuel, il y a un message politique derrière et des conséquences irréversibles. Ces incendies sont des atteintes au patrimoine et à l'Histoire de la France.

Le code pénal distingue les incendies qui ne présentent pas de danger pour les personnes, de ceux qui en présentent un.

Actuellement, l'article 322-3-1 du code pénal prévoit que la destruction, la dégradation ou la détérioration est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende lorsqu'elle porte notamment sur un édifice affecté au culte. Ainsi, nous devons élargir cette infraction aux objets mobiliers culturels religieux ou cultuels. Tel est le sens de l'article 1er.

L'article 322-6 du même code envisage quant à lui des cas de destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes, notamment en cas d'incendie de forêt, avec des peines pouvant aller jusqu'à quinze ans de réclusion criminelle et à 150 000 euros d'amende. Il convient de prévoir, à travers l'article 2, les mêmes sanctions pour les incendies portant sur un élément du patrimoine culturel ou religieux dans des conditions de nature à exposer les personnes ou une destruction de l'édifice, qu'elle soit partielle ou totale.

Aussi, n'oublions pas cette phrase de l'évangile de Saint-Luc : « Je vous le dis, s'ils se taisent, les pierres crieront ! ».

C'est pourquoi, à travers cette proposition de loi, nous sanctionnerons plus sévèrement les auteurs d'incendies volontaires visant notre patrimoine culturel et religieux.

* 1 L'association a été créée en 2006. Elle oeuvre à la préservation et à la valorisation du patrimoine religieux français, tous cultes et époques confondus.

* 2 Théologien, directeur du Service pour les professionnels de l'information (SPI).

* 3 https://www.lefigaro.fr/actualite-france/incendies-profanations-vols-ce-vandalisme-contre-les-eglises-qui-participe-a-l-angoisse-identitaire-des-francais-20240912.

* 4 https://www.vie-publique.fr/rapport/284641-les-actes-antireligieux-en-france.

* 5 Proposition de résolution (n° 1729) du 1er mars 2019 et proposition de résolution (n° 330) du 7 janvier 2022 tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique de prévention et de lutte contre les profanations dans les lieux de culte et les cimetières en France déposées par Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues.

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