EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Nutri-Score est un étiquetage nutritionnel destiné à favoriser une alimentation équilibrée et qui vise à donner une information simple au consommateur, au moment où il fait ses courses, par un système de notation établi par un algorithme issu d'une démarche scientifique qui prend en compte, pour 100 grammes de produits, les nutriments dont la consommation excessive nuit à la santé (comme le sel, les sucres et les acides gras saturés), et les nutriments positifs (comme les protéines, les fibres, et aussi les quantités de fruits, légumes ou légumineuses incorporées dans la recette).

Dès sa mise en oeuvre en 2017, l'absence de prise en compte dans le Nutri-Score, d'une part, des bénéfices santé d'aliments traditionnels (au lait cru, fermentés, de mode de conservation simple), et d'autre part, des recommandations diététiques d'équilibre alimentaire qui prévalent en termes de santé publique, a été pointé du doigt. Si la révision de l'algorithme du Nutri-Score en 2023 présente des améliorations dans la différenciation des aliments selon leur teneur en sel, sucres et matières grasses, l'approche bénéfice santé d'aliments traditionnels et l'équilibre alimentaire ne sont toujours pas pris en compte.

Cependant, la France est reconnue pour la diversité et la qualité de ses produits agroalimentaires, dont nombre sont sous signes officiels de qualité : appellations d'origine protégée (AOP), Appellation d'Origine Contrôlée (AOC), indications géographiques protégées (IGP), spécialité traditionnelle garantie (STG), Label Rouge. Ces signes officiels de qualité et d'origine ont pour vocation de garantir des savoir-faire ancestraux, des recettes exigeantes et un ancrage territorial fort. Ils sont le témoignage vivant de pratiques agricoles et artisanales transmises de génération en génération et constituent une part essentielle de notre patrimoine culturel et gastronomique.

L'agriculture française est également marquée par une production importante de produits traditionnels hors labels, donnant lieu très souvent à une transformation et à une commercialisation de produits fermiers dans le cadre d'une agriculture familiale. Les produits fermiers aux recettes simples, présentent des matières premières brutes, moins manipulées, ce qui améliore leurs qualités digestives et nutritionnelles par rapport aux produits transformés.

Les normes qui s'appliquent aux produits sous signe officiel de qualité, aux produits fermiers et aux produits traditionnels représentent un socle de protection et de suivi de qualité du patrimoine gastronomique français au service des consommateurs et des productions.

Les fromages au lait cru ont un intérêt reconnu dans la constitution du microbiote humain dont les programmes de recherches scientifiques sur les dernières décennies démontrent l'implication et le rôle dans l'état de santé : prévention des allergies et des maladies auto-immunes, lutte contre la sclérose en plaque ou la dépression. Or, tandis que le capital du microbiote humain se constitue dès les premières années de la vie et s'entretient tout au long de vie, il est reconnu que le transfert au microbiote des bactéries des produits fermentés, aux matières premières les moins manipulées, est meilleur. Ne pas tenir compte de la plus-value santé sur le long terme des aliments fermentés est un non-sens de santé publique.

C'est pour cela que l'instauration de l'étiquetage nutritionnel Nutri-Score - qui a un temps été envisagée comme obligatoire à l'échelle de l'Union européenne - suscite depuis le départ de vives inquiétudes chez les producteurs et les organisations professionnelles des secteurs concernés. Car le problème de lisibilité pour le consommateur et de confusion est apparu, et le constat s'impose que le Nutri-Score induit de fait une comparaison entre produits non comparables. Le rôle du dénominateur commun de la fraction de 100 grammes pour tout produit, alors que les portions sont en réalité différentes, est déterminant dans ce constat.

Les opérateurs des filières fromagères traditionnelles (dont le fromage au lait cru), parmi les plus touchées, ont dénoncé l'inadaptation d'un tel système d'étiquetage à la réalité de leurs produits, d'autant que leurs recettes ne sauraient être modifiées pour satisfaire les critères d'un algorithme nutritionnel, sous peine de perdre la stabilité ainsi que les qualités nutritionnelles et gustatives qui font leur spécificité et leur authenticité.

Devant la nécessité de protéger tous les produits élaborés selon des pratiques strictement encadrées et reconnus pour leur excellence gustative et leur ancrage territorial, le retrait de l'obligation de recourir au Nutri-Score à l'échelle de l'Union, suite au vote de la Commission européenne, a été perçu positivement, même si cette possibilité n'est pas totalement écartée pour l'avenir. La possibilité d'un étiquetage nutritionnel, différent du Nutri-Score, potentiellement obligatoire n'a pas été écartée.

Si les États membres disposent, pour l'instant, de la liberté de définir leur propre cadre législatif en matière d'étiquetage nutritionnel, la signature de l'arrêté du 14 mars 2025 n'a pas apporté la protection attendue pour les produits sous signe officiel de qualité, les produits fermiers et les produits traditionnels. En effet, cet arrêté ne propose pas un étiquetage tenant compte des particularités. Il ne règle pas le problème soulevé de longue date par les acteurs concernés. Le Nutri-Score et son algorithme reposent toujours essentiellement sur des critères généraux (teneur en sel, en sucre, en matières grasses) et ne rendent pas compte de la qualité globale ni de l'origine du produit. Le Nutri-Score peut ainsi apparenter un fromage AOP à un aliment transformé industriellement, sans valoriser l'usage de lait cru, l'absence d'additifs ou encore les conditions de production et le mode d'élevage. Le Nutri-Score reste donc toujours inadapté aux produits sous signe officiel de qualité qui ne peuvent pas être modifiés pour répondre aux exigences d'un algorithme de conformité nutritionnelle.

Face à cette situation, la présente proposition de loi vise à exempter les produits sous signe officiel de qualité, les produits Label Rouge, les produits fermiers, les produits bruts et les produits traditionnels de l'obligation d'apposer un indice Nutri-Score. Elle répond à un double impératif :

1. Préserver l'authenticité et l'excellence de nos terroirs : ces produits garantissent un haut niveau de qualité, de traçabilité et de savoir-faire. Contraindre ces filières à se soumettre au Nutri-Score reviendrait à nier la spécificité de produits enracinés dans des traditions séculaires et leurs recettes simples. Les adaptations qu'exige parfois le Nutri-Score (réduction de la teneur en sel, modification de la nature du lait, ajout d'ingrédients) sont tout simplement incompatibles avec le cahier des charges défini pour ces produits, lequel est précisément pensé pour conserver leurs caractéristiques originelles.

2. Fournir une information pertinente et cohérente aux consommateurs : Le Nutri-Score vise à informer sur la valeur nutritionnelle, mais il doit évoluer pour intégrer les éléments concernant le bénéfice santé et les notions d'équilibre alimentaire. Il est réducteur dans une notation standardisée qui conduit à comparer entre eux des produits qui ne sont pas comparables.

Cette démarche ne vise en aucun cas à priver le consommateur de toute information nutritionnelle. Au contraire, d'autres voies, plus adaptées, peuvent être envisagées pour informer sur la composition de ces produits traditionnels sans en dénaturer l'image. Le consommateur doit disposer d'un niveau d'information plus complet que le Nutri-Score actuel, sans condamner certains produits du fait d'une notation uniformisée et standardisée.

Enfin, il convient de rappeler la valeur culturelle et économique de ces produits pour les territoires ruraux. Ils participent à leur attractivité, au tourisme de qualité, et font vivre de nombreux emplois locaux. Les facteurs territoriaux positifs de ces productions locales, en termes de développement durable, d'impact environnemental, de bilan carbone et de bénéfice de circuit court, qui ne sont pas pris en compte, ont vocation à être intégrés à terme dans le Nutri-Score pour une parfaite information des consommateurs. Un étiquetage nutritionnel trop restrictif nuirait à leur compétitivité, alors même que leurs reconnaissances garantissent déjà au consommateur un engagement sur la qualité, la traçabilité et l'origine.

Dès lors, et dans le contexte où l'arrêté du 14 mars 2025 n'offre pas la protection requise, la présente proposition de loi se justifie pleinement. Elle vise à :

· Exonérer explicitement les produits sous signe officiel de qualité, les produits Label Rouge, les produits fermiers, les produits bruts et les produits traditionnels, d'apposer un indice Nutri-Score ;

· Reconnaître la spécificité de ces produits ancrés dans des terroirs et fabriqués selon des cahiers des charges stricts, parfois inchangés depuis des siècles ;

· Préserver la diversité et l'excellence de la gastronomie française, tout en maintenant une information claire pour le consommateur, en laissant la possibilité d'apposer d'autres mentions qui reflètent la réalité du produit.

Alors que l'Union européenne n'a pas entériné le retrait définitif d'une obligation du Nutri-Score ou d'un étiquetage nutritionnel uniformisé, il est de la responsabilité de la France de garantir un cadre législatif conforme aux intérêts de ses producteurs, de ses consommateurs et de son patrimoine gastronomique. Cette proposition de loi est une réponse adéquate pour que l'exigence d'information nutritionnelle ne se fasse pas au détriment du maintien de nos traditions culinaires et de la préservation de la qualité qui fait la renommée de nos produits sous signes officiels de qualité, des produits fermiers et des produits traditionnels issus de l'agriculture française de qualité.

Considérant l'ensemble de ces motifs, l'article unique complète le code de la santé publique en précisant que les produits alimentaires sous signe officiel de qualité, appellations d'origine protégée (AOP), appellation d'origine contrôlée (AOC), indications géographiques protégées (IGP), spécialité traditionnelle garantie (STG), les produits Label Rouge, les produits bénéficiant d'une mention valorisante « produit fermier », « produits de la ferme » ou « produit à la ferme », les produits bruts au sens du règlement européen et les « denrées alimentaires présentant des caractéristiques traditionnelles » reconnues par l'Union européenne, sont exemptés de l'obligation d'apposition d'une déclaration nutritionnelle obligatoire.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

Partager cette page