EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi combine, au sein d'un texte unique constitué de 8 articles, les dispositions qui conservent toute leur actualité de deux propositions de loi aujourd'hui frappées de caducité : la proposition de loi n° 547 du 30 avril 2021 pour l'encadrement des services publics de La Poste et la proposition de loi n° 511 du 1er avril 2021 relative à la composition de l'Observatoire national de la présence postale et des commissions départementales de présence postale territoriale.
Le 31 mars 2021, la commission des affaires économiques du Sénat adoptait à l'unanimité, le rapport d'information sur l'avenir des services publics de La Poste de MM. Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon.
Dans la continuité de ce rapport, les trois rapporteurs avaient souhaité mettre en oeuvre les recommandations à valeur législative identifiées après l'audition de plus d'une cinquantaine de personnes : ce fut l'objet de la proposition de loi commune et transpartisane n° 547 du 30 avril 2021 pour l'encadrement des services publics de La Poste.
Le chapitre Ier, constitué de 3 articles, avait pour objet de prévoir que l'évaluation du « coût net » du service universel postal ainsi que du service de transport et de la distribution de la presse soit effectuée - par souci d'indépendance - par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Il s'avère que cet objectif est désormais satisfait. D'une part, l'ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021 a confié à l'Arcep la mission d'évaluation du coût net de la mission de transport et de distribution de la presse. D'autre part, la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a modifié le code des postes et des communications électroniques (CPCE) afin de confier à l'Arcep la mission d'évaluer le coût net du service universel postal. L'Arcep évalue désormais chaque année le coût net des différentes composantes et sous-composantes du service universel ainsi que les avantages immatériels dont bénéficient les prestataires de service universel désignés. La méthode de calcul de ce coût est fixée par les articles R. 20-31 à R. 20-39 du CPCE. Sur la base de ce calcul du coût net, depuis 2021, le Gouvernement compense la mission de service universel de La Poste.
En revanche, les autres articles de ladite proposition de loi conservent leur actualité dès lors que les pouvoirs publics et La Poste réfléchissent à l'évolution des missions de service public confiées à cette dernière ainsi qu'à leurs modalités de financement au regard notamment du déficit croissant du service universel postal.
Dans un rapport publié en mai 2023, la Cour des comptes estimait que l'accélération de la baisse du volume du courrier, du nombre d'exemplaires de presse distribués et de la fréquentation des points de contact postaux conduirait à creuser de nouveau fortement le déficit des missions de service public de La Poste entre 2025 et 2030. Rappelons que le déficit brut cumulé pour ces quatre missions dépasse déjà 2 milliards d'euros. La Cour des comptes indiquait notamment que, face à ce défi, l'augmentation du montant des compensations ne saurait constituer une solution et qu'une redéfinition profonde du cadre et du contenu de ces missions était nécessaire.
Par ailleurs, ma proposition de loi n° 511 du 1er avril 2021 relative à la composition de l'Observatoire national de la présence postale (ONPP) et des commissions départementales de présence postale territoriale, également frappée de caducité, comporte deux articles qui, non satisfaits, restent pleinement d'actualité.
En premier lieu, la proposition de loi a pour objet de consacrer dans la loi l'existence de l'ONPP qui relève aujourd'hui exclusivement du contrat de présence postale territoriale alors que cet organisme compte parmi ses membres des parlementaires. En effet, l'observatoire est composé de 28 membres, dont 6 membres parlementaires (trois députés et trois sénateurs) qui sont désignés par la Commission Supérieure du Numérique et des Postes (CSNP). Cette présence se justifie pleinement par les missions de l'observatoire qui assure le suivi de la mise en oeuvre des dispositions du contrat de présence postale territoriale et notamment les modalités d'application pratique du fonds de péréquation. Cependant, alors que ce n'était pas le cas lors de la création de l'ONPP en 2008, cette présence nécessite, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, une base législative.
En effet, l'article LO 145 du code électoral (tel que modifié par la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique) prévoit désormais qu'un parlementaire ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation.
Celles-ci sont prévues à l'article 4 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination qui dispose que « les nominations, en cette qualité, de députés et de sénateurs dans un organisme extérieur au Parlement sont effectuées, respectivement, par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat, sauf lorsque la loi prévoit qu'elles sont effectuées par l'une des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ou par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. » Ainsi, cette reconnaissance législative emportera de fait une modification des modalités de nomination des parlementaires en son sein.
En second lieu, la proposition de loi revoit la composition des Commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT). Prévus à l'article 38 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom modifiée, leurs composition, attributions et fonctionnement sont détaillés par le décret n° 2007-448 du 25 mars 2007.
Les CDPPT donnent un avis chaque année sur le projet de maillage des points de contact de La Poste dans le département. Elles sont chargées de répartir la dotation départementale du fonds postal national de péréquation territoriale et elles sont informées par La Poste des projets d'évolution du réseau postal dans le département et des projets d'intérêt local, notamment en matière de partenariats et de regroupements de services incluant La Poste. Elles se réunissent au moins une fois par an, en présence d'un représentant de l'État et d'un représentant de La Poste, qui en assure le secrétariat. Ses membres sont exclusivement des élus :
· quatre conseillers municipaux désignés pour trois ans par l'association des maires la plus représentative du département, assurant respectivement la représentation des communes de moins de 2 000 habitants, de celles de plus de 2 000 habitants, des groupements de communes et des zones urbaines sensibles. À défaut de communes de moins de 2 000 habitants dans le département, sont désignés deux conseillers municipaux représentants des communes de plus de 2 000 habitants. À défaut de « zones urbaines sensibles » (aujourd'hui « Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville ») dans le département, le maire de la commune chef-lieu du département désigne un conseiller municipal ;
· deux conseillers départementaux et deux conseillers régionaux désignés pour trois ans par leurs pairs au sein de chaque collectivité.
La présente proposition de loi a donc pour objet de compléter la composition des CDPPT en intégrant parmi ses membres un député ou une députée et un sénateur ou une sénatrice. Actuellement, des parlementaires peuvent être membres de CDPPT mais au titre d'un mandat local et non en leur qualité de parlementaire. Avec la règle du non-cumul des mandats, cette situation est rare et de nombreuses CDPPT ne comptent plus aujourd'hui de parlementaires. Pourtant, cette présence trouve tout son sens dans le fait que la CDPPT participe à la mise en oeuvre de la contribution à l'aménagement du territoire de La Poste, qui est une mission de service public dont le contenu et le financement relèvent du législateur. La présence des parlementaires en CDPPT répond également à la nécessité de renforcer la compréhension et la coordination entre l'échelon local et l'échelon national dans une perspective continue d'amélioration de la qualité de la décision publique. Cette modification législative est nécessaire au regard du cadre législatif présenté plus haut.
La présente proposition de loi comporte donc huit articles répartis en trois chapitres. Ces articles modifient la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom ainsi que le code des postes et des communications électroniques afin d'améliorer la supervision, l'évaluation et le financement du service universel postal et de la mission de transport et de distribution de la presse.
Le chapitre Ier a pour objectif de renforcer les pouvoirs de contrôle de l'Arcep afin de permettre un meilleur respect par La Poste de ses objectifs de qualité de service.
L'article 1er a pour objectif de confier une nouvelle compétence à l'Arcep afin de renforcer son rôle de régulateur et de contrôleur des objectifs de qualité de service que doit respecter La Poste.
En effet, parmi les obligations de service public que doit respecter La Poste au titre du service universel postal, il y a des objectifs de qualité de service qui concernent la fiabilité et la rapidité de la distribution du courrier et des colis. Ces objectifs sont arrêtés par le ministre chargé des postes et leur respect est en principe contrôlé par l'Arcep.
Or, il est constaté un contrôle encore timide de l'Arcep vis-à-vis du prestataire du service universel postal en matière de qualité de service.
Dans cette perspective, il s'agit de confier explicitement à l'Arcep une mission d'évaluation annuelle du coût lié au non-respect par La Poste de ses objectifs de qualité du service universel postal.
L'article 2 a pour objectif de fixer, pour la première fois, des objectifs contraignants de qualité de service pour la mission de service public de transport et de distribution de la presse.
En effet, il est constaté un sentiment de dégradation de la qualité de service particulièrement prégnant parmi les éditeurs de presse.
Si des objectifs de qualité sont fixés dans le contrat d'entreprise, ces objectifs ne sont pas contraignants pour La Poste, ne sont pas contrôlés par l'Arcep et correspondent davantage à des engagements de principe. Il y a donc lieu de fixer des objectifs de qualité contraignants.
L'article 3 a pour objectif de créer un Observatoire de la qualité de la distribution de la presse, constitué auprès de l'Arcep, conformément aux recommandations de la mission d'information de M. Emmanuel Giannesini sur le service postal de transport et de distribution de la presse.
L'Observatoire de la qualité de la distribution de la presse est composé de représentants d'éditeurs de presse, de transporteurs et de La Poste et a vocation à être compétent sur l'ensemble des modes de distribution de la presse, dont le postage et le portage.
Dans le cadre des discussions autour du projet de loi de finances pour 2025, les rapporteurs de la mission « Économie » ont « regretté l'absence de mise en place d'un Observatoire de la qualité de la presse rattaché à l'Arcep », réitérant les critiques soulevées dans le précédent rapport publié à l'occasion du projet de loi de finances pour 2024.
L'article 4 a pour objectif de modifier les conditions d'utilisation du pouvoir de sanction en matière postale dont dispose l'Arcep en vertu de l'article L. 5-3 du code des postes et des communications électroniques.
En effet, il est constaté un faible usage du pouvoir de sanction de l'Arcep. C'est pourquoi il convient de rendre obligatoire la publication des décisions prises par les formations compétentes de l'Arcep à compter du stade de la mise en demeure, dans un objectif d'accroître le contrôle exercé sur La Poste en matière de respect de ses objectifs de qualité de service.
Le chapitre II a pour objectif d'améliorer la gouvernance des questions postales.
L'article 5 vise à rendre obligatoire la réunion annuelle du Comité de suivi de haut niveau du contrat d'entreprise (CSHN), conclu entre l'État et La Poste.
Il résulte du contrat de présence postale que le comité de suivi doit réunir une fois par an les différentes parties prenantes (élus nationaux et locaux, organisations syndicales et associations de consommateurs). Toutefois - ainsi que le relevait la Cour des comptes dans son rapport précité de mai 2023 - le CSHN ne s'est réuni ni en 2019, ni en 2020, ni en 2022.
Or, il s'agit d'un format de concertation particulièrement apprécié des différentes parties prenantes, notamment des organisations syndicales, qui permet d'aborder le suivi des quatre missions de service public assurées par La Poste conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 2 juillet 1990.
L'article 6 prévoit, à l'article 38 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom modifiée, la reconnaissance de l'Observatoire national de la présence postale (ONPP) qui relève aujourd'hui exclusivement du Contrat de présence postale alors que cet organisme compte parmi ses membres des parlementaires. Cet article 6 prévoit notamment la nomination de six parlementaires (trois députés et trois sénateurs) en son sein. Il précise que le Président de l'Observatoire national de la présence postale est élu en son sein parmi les membres parlementaires. D'autre part, il complète l'article 38 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée afin d'intégrer deux parlementaires (un député, un sénateur) dans la composition de chaque CDPPT.
L'article 7 comporte une disposition transitoire afin de garantir la continuité du mandat des membres parlementaires de l'ONPP malgré le changement des modalités de leur nomination. Il sera mis fin aux fonctions des parlementaires au sein de l'ONPP qui ont été désignés par la CSNP à compter de la nomination des parlementaires par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Le chapitre III et son article 8 précisent les conditions de mise en oeuvre et de compensation financière des articles susmentionnés.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.