EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte de crise budgétaire et de décorrélation de la politique familiale avec les évolutions des familles, cette proposition de loi vise à alimenter des réflexions sur les moyens de réaffirmer la centralité des revenus issus du travail et de soutenir plus fortement la natalité des familles actives.

En effet, la baisse de la natalité en France est une tendance durable. Depuis 2010, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) relève en effet une baisse de 20 % du nombre de naissances. Le nombre d'enfants par femme est ainsi passé de 2 en moyenne en 2010 à 1,68 en 2023. L'année 2024 a connu le plus faible nombre de naissances depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la mortalité a ainsi dépassé la natalité.

De même, le profil des familles s'est transformé. Dans son étude « Les familles en 2020 » parue en septembre 2021, l'INSEE met au jour un grand fossé entre le nombre de familles d'un ou deux enfants et celles de trois et quatre ou plus. Elle dénombre 78,6 % de familles ayant un (36,2 %) ou deux enfants (42,4 %) pour seulement 15,7 % en ayant trois, et 5,7 % en ayant quatre ou plus. Le passage à une famille de trois enfants est donc plus rare puisqu'il ne concerne qu'environ deux femmes sur dix.

En dépit de ces évolutions majeures, les piliers de la politique familiale n'ont pas été adaptés. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans son rapport « Les dépenses fiscales et autres avantages fiscaux » paru en octobre 2024 relève d'ailleurs que « La prise en compte de la famille [...] mérite d'être réinterrogée compte tenu de l'évolution défavorable du contexte démographique, mais aussi en fonction de l'évolution des attentes sociales. »

Les déclarations politiques du Président de la République en janvier 2024 en faveur d'un « réarmement démographique », prolongées par celles de la ministre de la Santé en mars 2025, invitent également à interroger les piliers de la politique familiale.

Cette réflexion semble d'autant plus nécessaire que même si les critères d'une politique familiale n'influent pas directement sur la décision d'avoir un enfant, on sait en revanche que l'incertitude quant à l'avenir participe à réduire le désir d'enfant. Le nombre d'enfants souhaité par famille est passé de 2,7 en 1998 à 2,3 en 2024, comme le relève l'Institut national d'études démographiques (INED) dans son étude « Les Français veulent moins d'enfants » parue en juillet 2025. Cette baisse de la fécondité s'explique en partie par une inquiétude forte liée au changement climatique, à la crise économique, à l'affaiblissement de la démocratie et aux perspectives pour les générations futures. Ainsi, la politique familiale ne parvient pas à susciter suffisamment de confiance pour les familles. Elle s'éloigne des évolutions et des préoccupations des familles.

Dans un contexte de crise démographique et budgétaire, cette proposition de loi prend le parti de soutenir la natalité des familles actives et de rappeler la centralité des revenus issus du travail.

En effet, les réformes de 2015, supprimant l'universalité des allocations familiales et abaissant la valeur de la demi-part fiscale ont touché de plein fouet les familles avec enfants imposées sur leurs revenus. L'enquête thématique publiée en juillet 2020 par l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) sur l'évolution du niveau de vie des ménages selon leur nombre d'enfants, citée dans le rapport du CPO nous apprend que « l'essentiel de la charge a pesé sur les couples avec enfants », et que « si ces mesures ont permis d'améliorer la situation des familles à revenus faibles et des familles monoparentales, elles ont négligé l'impact en termes d'équité horizontale pour les foyers de niveau de vie plus élevé. Cela a eu pour conséquence d'opérer une redistribution verticale à l'intérieur de la catégorie spécifique des familles, et non à l'échelle de l'ensemble des foyers fiscaux. »

Ainsi, l'affirmation grandissante d'une redistribution verticale au sein de la politique familiale la transforme en un instrument de plus en plus dédié à la lutte contre la précarité et la pauvreté, sans y parvenir.

Dans son étude « Avoir trois enfants ou plus à la maison », l'INSEE indique que le revenu moyen des familles de quatre enfants s'établit à 3 820 € pour une famille biparentale et 1 300 € pour une famille monoparentale. Pour les familles de trois enfants, les revenus moyens sont 4 370 € pour un couple et 1 890 € pour une famille monoparentale. Ainsi, les prestations sociales sont quasiment doublées entre ces deux catégories (1 000 € pour un couple avec quatre enfants et plus, 600 € avec trois enfants).

Pourtant, malgré cet effort conséquent, le taux de pauvreté des familles continue de croître avec le nombre d'enfants : 35 % des familles ayant quatre enfants ou plus vivent en dessous du seuil de pauvreté, 18 % pour celles de trois enfants. On peut donc se demander si la politique familiale, en laissant à penser qu'elle prend en charge le coût d'un enfant à travers une allocation mensuelle conséquente, ne relègue pas la question des revenus du foyer à un second plan dans la décision d'enfant, alors que celle-ci doit demeurer centrale, comme le démontre l'augmentation du taux de pauvreté avec le nombre d'enfants.

En effet, si la mutualisation de la charge d'un enfant à l'ensemble de la société est un principe constitutionnel, il y a toutefois lieu de rappeler que les moyens de subsistance de la famille doivent d'abord être issus des revenus du travail, lesquels doivent être cardinaux dans la décision d'avoir un enfant. Verser des prestations sociales conséquentes, mais qui ne suffisent pas à assurer un niveau de vie décent, alimente un mode de vie reposant d'abord sur la solidarité nationale et plaçant au second plan la responsabilité de la famille.

Sur la méthode, il est nécessaire de préciser que l'intégration de l'impact budgétaire a été limitée, en raison du manque de données particulières sur le nombre de parts par foyer fiscaux.

Toutefois, l'objectif de cette proposition de loi est d'ouvrir un débat sans tabous et de formuler des pistes de réflexion pour mieux prendre en compte les évolutions de la famille, rappeler la centralité des revenus issus du travail et soutenir la natalité chez les familles actives.

Tel est l'objet de cette proposition de loi.

L'article 1er supprime tout versement d'aides à la majorité de l'enfant. Afin d'encourager l'emploi, en particulier dans les ménages les plus pauvres, il est proposé de supprimer le versement des allocations familiales et du complément familial à la majorité de l'enfant, contre 20 ou 21 ans actuellement.

L'article 2 reprend les dispositions déjà adoptées par le Sénat créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales afin de réaffirmer le devoir de contribuer à la vie de la Nation avant d'en tirer des droits et des aides. Elle prévoit donc de conditionner à deux ans de résidence en situation régulière, la prestation d'accueil du jeune enfant, les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire et l'allocation journalière de présence parentale. Elle exempte totalement les étrangers qui exercent une activité professionnelle.

L'article 3 supprime des allocations familiales au-delà de trois enfants. Le recentrage proposé de la politique familiale rappelle la centralité des revenus issus du travail et cherche donc à ne pas soutenir l'agrandissement de familles ne disposant pas des ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins. En effet, si le renouvellement de la population et le dynamisme démographique sont l'affaire d'un pays, on peut s'interroger sur le soutien systématique à l'agrandissement de familles qui n'ont pas les moyens de subvenir seules à leurs dépenses. Il y a en effet une dissonance à proposer un soutien sans condition aux familles nombreuses pour soutenir la natalité, alors même que leur agrandissement génère de la précarité voire de la pauvreté. Ce choix de vie ne doit pas être confondu avec un choix de société.

L'article 4 prévoit que l'allocation de rentrée scolaire soit versée aux collectivités territoriales, en fonction du niveau de scolarité dont elles ont la responsabilité. Cette allocation représentant une dépense de 2 milliards d'euros par an à la charge de l'État permettrait une prise en charge directe des fournitures et du matériel scolaire pour 12 millions d'élèves, dépense qui demeure aujourd'hui à la charge des familles. Ainsi, il est également possible d'avancer que cette centralisation au niveau des collectivités territoriales permettrait de faire progresser l'égalité.

L'article 5 revoit le plafond des avantages fiscaux en fonction du nombre d'enfants. En dépit de la revalorisation de 2022, le montant total de l'avantage fiscal par enfant reste loin de compenser le coût d'une garde d'enfant de moins de trois ans à temps complet, ni même le coût de la garderie scolaire selon des horaires de bureau pour un enfant scolarisé en école maternelle. Par ailleurs, le plafonnement global des avantages fiscaux à 10 000 € pénalise les familles qui atteignent rapidement ce plafond avec les gardes d'enfants.

L'article 6 fixe la valeur de la demi-part à 2 870 €, soit son montant le plus haut actualisé avec l'inflation cumulée (2 336 €, + 22,9 %) depuis 2013.

L'article 7 révise la ventilation des parts de quotient familial supplémentaires attribuées à la naissance d'un enfant. L'impôt sur le revenu est en effet celui qui tient le plus compte de la composition de la famille. En 2021, 17,6 millions de foyers y sont soumis sur un total de 39,9 millions de foyers fiscaux, soit une proportion de 44,2 %. Il concerne ainsi un grand nombre de familles actives. Actuellement, les premier et deuxième enfants génèrent une demi-part supplémentaire de quotient familial. À partir de trois enfants, chaque enfant génère une part complète. Or, 79 % des familles ont un ou deux enfants. Il est donc proposé de revoir comme suit le nombre de parts de quotient familial afin de bénéficier au plus grand nombre de familles imposées sur le revenu :

- du premier au deuxième enfant, le foyer bénéficie d'une part entière de quotient familial ;

- le troisième enfant et au-delà génèrera une demi-part de quotient familial.

Partager cette page