EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France et le Liban cultivent une relation exceptionnelle et profondément ancrée, façonnée par les filaments historiques, culturels et politiques qui nous unissent. Les racines de cette relation franco-libanaise plongent dans le temps, jusqu'à l'époque du mandat français au XXe siècle, créant ainsi une interconnexion résiliente qui a su résister aux épreuves du temps. De la période du mandat français aux récentes crises, la France a fréquemment endossé le rôle d'allié prééminent pour le Liban, en apportant son aide et son soutien indéfectibles.

Le Liban est actuellement confronté à une crise économique, sociale et politique sans précédent. Cette situation a été tragiquement exacerbée par l'explosion du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth, entraînant des pertes humaines dévastatrices et des dégâts matériels considérables.

Au coeur de cette crise, la corruption s'est révélée être un facteur aggravant majeur. Elle a non seulement sapé la confiance dans les institutions publiques, mais a également contribué à l'érosion des finances publiques et à l'aggravation des inégalités socio-économiques. Elle a par ailleurs entravé les efforts de reconstruction et de réforme, en limitant l'efficacité de l'aide internationale et en freinant le développement économique. Ce fléau endémique de corruption, manifesté entre autres par le détournement des fonds publics et le blanchiment d'argent, est intimement lié à la détérioration de la situation économique du pays.

À la suite d'un nombre conséquent de plaintes déposées en France contre des personnalités politiques libanaises, les autorités françaises ont procédé à la saisie d'un nombre important de leurs biens. Récemment, la campagne contre la corruption et la criminalité financière a franchi une étape majeure : une magistrate française a émis un mandat d'arrêt international contre le directeur de la Banque centrale libanaise, Riad Salame, accusé de blanchiment d'argent et d'enrichissement illégitime. Cet acte témoigne de la détermination de la France à combattre l'impunité, une lutte cependant loin d'être solitaire. Plusieurs autres pays européens ont initié des enquêtes sur des délits similaires et ont également confisqué des biens appartenant à des responsables politiques libanais.

C'est dans ce contexte international de lutte contre la corruption que s'inscrit cette résolution. Elle vise à restituer au peuple libanais les biens illicitement acquis, qui ont été saisis par la justice française dans le cadre de la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent, conformément à la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Les biens mal acquis, confisqués en France et appartenant à des citoyens et responsables politiques libanais coupables de corruption et de blanchiment d'argent, sont d'une importance cruciale pour le peuple libanais, dont la situation économique se dégrade progressivement. Le Liban est confronté à une crise largement imputable à la conduite de ses dirigeants politiques. Il est donc inacceptable que de l'argent, fruit de la corruption et dérobé au peuple libanais, ait pu être transféré hors du Liban.

Il est urgent de commencer la reconstruction de ce pays dévasté. La restitution de ces biens pourrait jouer un rôle majeur dans le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales, conformément aux objectifs de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021.

Le mécanisme de restitution sollicité par cette résolution s'inscrit dans une démarche résolue de solidarité internationale et de coopération interétatique. Il est indispensable de renforcer notre combat contre la corruption et les inégalités mondiales et de promouvoir le développement solidaire. Cette démarche passera inéluctablement par l'amélioration de la coopération entre les autorités françaises et libanaises, ainsi qu'avec les organisations internationales et non gouvernementales, afin d'assurer une restitution transparente, responsable et efficace de ces biens mal acquis.

Par ailleurs, la formation, l'assistance technique et le renforcement des capacités des autorités libanaises en matière de lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et la récupération des avoirs illicites sont des éléments indispensables pour garantir le succès de cette initiative. La mise en oeuvre de ces mesures contribuera à la création d'un environnement propice à la bonne gouvernance et à la réduction des inégalités au Liban.

Les domaines prioritaires pour l'utilisation de ces fonds devraient être la santé, l'éducation, les infrastructures et l'environnement, piliers essentiels pour améliorer la qualité de vie des Libanais et stimuler une croissance économique durable.

Cette proposition de résolution exhorte ainsi le Gouvernement à mettre en oeuvre cette restitution et à tenir régulièrement le Parlement informé des progrès réalisés dans cette perspective. En adoptant cette proposition, le Sénat participera activement au renforcement de la solidarité internationale, à la lutte contre la corruption et les inégalités mondiales et à la promotion d'un développement solidaire en faveur du peuple libanais.