EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France compte plus de 45 000 monuments historiques protégés dont 46 % sont des propriétés privées, 41 % appartiennent à des communes et 4 % à l'État1(*). Les églises, qui ne sont pas systématiquement comprises dans cette catégorie, représentent 45 000 édifices sur le territoire, dont 40 000 construites avant 1905, donc à la charge des communes.

Le patrimoine est donc un sujet qui relève des citoyens privés en premier lieu, des collectivités locales ensuite, et de l'État. Au préalable, la commission d'enquête doit établir une cartographie et dresser un grand inventaire national de la totalité des monuments historiques et religieux, de tous les acteurs concernés par leur entretien et des relations entre eux.

Pour la préservation de ce patrimoine, les besoins de financement sont colossaux et la complexité administrative entrave systématiquement les efforts de ceux qui ont la volonté de faire. En 2024, le Gouvernement Attal a refusé au Parlement l'examen d'un projet de loi de finances rectificatives 2024 (dit « PLFR 2024 »), alors qu'au mois d'avril, les programmes de rénovation du patrimoine ont été arbitrairement rabotés de 99,5 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances (dit « PLF 2024 ») initialement voté. Tandis qu'un quart des monuments historiques se trouve dans un état préoccupant2(*), le patrimoine monumental continue à être la variable d'ajustement des errances budgétaires de l'État. En l'absence d'un cap clair et d'un interlocuteur à leur soutien, trop de communes sont contraintes de laisser leur église à l'abandon ou se résignent à leur destruction.

La commission d'enquête, à la suite de son état des lieux, devra donc suggérer des pistes d'amélioration et d'actualisation du pilotage de la politique de sauvegarde du patrimoine monumental. N'est-il pas nécessaire qu'une loi d'orientation et de programmation soit mise en place en la matière, en même temps qu'une grande simplification administrative ?

La commission d'enquête sera également l'organe idoine pour identifier l'ampleur de l'insécurité ayant pour cible le patrimoine religieux et les moyens de lutter contre. Pour rappel, depuis le début des affrontements en Nouvelle-Calédonie, six églises ont été brulées volontairement. Par ailleurs, l'incendie ayant ravagé l'église de l'Immaculée Conception à Saint-Omer, le 2 septembre 2024, a donné lieu à l'interpellation d'un individu connu pour de nombreux faits de destructions d'églises. Ce n'est pas sans rappeler l'incendie volontaire de l'emblématique cathédrale de Nantes en 2020. Ces faits récents et notoires démontrent un phénomène en pleine expansion qui conduit, par sa fréquence, à une accoutumance néfaste ou un délitement de la confiance.

En outre, la commission d'enquête devra examiner les pistes d'innovation nécessaires à l'implication du plus grand nombre dans cette tâche de sauvegarde et à la diversification des financements. Le patrimoine est un bien commun qui fédère. L'élan de générosité pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris en témoigne. Il convient désormais que cette démarche inspire et rayonne jusqu'aux projets les plus locaux. Le « Loto du Patrimoine » initié par Stéphane Bern fait, lui, la preuve que des solutions originales peuvent susciter de l'engouement et soutenir des projets variés, sans centralisation ni hiérarchisation excessive. La commission devra notamment dire si de nouvelles innovations sont possibles en regardant notamment ce qui se fait à l'étranger.

Finalement, la commission d'enquête devra trouver les moyens de stopper l'effondrement, préserver et sécuriser notre patrimoine monumental, sans quoi nous courrons vers un véritable « patrimoinicide » auquel nous aurons consenti par inaction et fatalisme.

Les monuments historiques et religieux ne sont pas une charge, ils sont un témoin et une âme sans laquelle nous ne sommes plus nous-mêmes. Dira-t-on de nous que nous sommes la génération qui a dilapidé le trésor à l'ombre duquel la France a grandi et prospéré ? Investir dans la sauvegarde de ce bâti permettra l'épanouissement social, un rayonnement international et des retombées économiques directes et indirectes nombreuses. D'un peuple de bâtisseurs naît toujours une grande espérance ! C'est donc une oeuvre de salubrité publique que cette proposition de résolution souhaite initier.

* 1 Chiffres clés - Statistiques de la Culture et de la Communication, 2023.

* 2 Rapport « La politique de l'État en faveur du patrimoine monumental », Cour des comptes, 2022.

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