EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Selon le baromètre « Enfants à la rue » publié par la Fédération des acteurs de la solidarité et l'UNICEF France, 2 043 enfants sont restés sans solution d'hébergement à la suite de la demande de leur famille au 115 le 19 août 2024 ; un chiffre qui a plus que doublé par rapport à 2021 (+ 120 %). Parmi ces enfants, 467 avaient moins de 3 ans.
Très alarmantes, ces données ne sont pourtant pas exhaustives. Elles ne prennent pas en compte les nombreuses familles qui ne recourent pas ou plus au 115 ou qui n'obtiennent pas de réponse, ni les mineurs isolés laissés sans protection durant leurs recours judiciaires. La Coordination Nationale Jeunes Exilé·es En Danger a comptabilisé 3 477 jeunes en recours de minorité en mars 2024, dont 1 067 sont dans une situation de rue. Ces données sont révélatrices d'une évolution inquiétante du sans-abrisme et le signe d'une insuffisance des politiques publiques censées le faire disparaître.
Nous observons ainsi, depuis plusieurs années, une détérioration croissante des conditions d'accès et de maintien dans le logement. De cette situation découle une saturation des dispositifs d'hébergement qui, en dépit des efforts consentis pour maintenir un niveau historique de 203 000 places, restent insuffisamment dimensionnés pour répondre aux besoins croissants. Dans ces conditions, l'engagement pris par les gouvernements successifs de « ne plus avoir aucun enfant à la rue » reste une promesse non tenue.
Si l'urgence de créer des places d'hébergement supplémentaires demeure, toute ambition de réduction du sans-abrisme suppose de dépasser la logique de court terme qui prévaut actuellement et d'engager une politique ambitieuse et durable d'accès au logement. C'est toute l'ambition du plan Logement d'abord qui, pour être réellement efficace, devrait être accompagné d'une programmation pluriannuelle de l'hébergement et du logement incluant une attention spécifique aux familles et comportant des objectifs ambitieux en termes de production de logement abordables, conformément aux recommandations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU.
Il semble par ailleurs nécessaire d'améliorer les conditions d'accueil et d'accompagnement des enfants hébergés, en particulier celles des 28 659 enfants vivant à l'hôtel ; un mode d'hébergement non seulement coûteux, mais aussi particulièrement inadapté à la vie familiale et aux besoins des enfants. Aussi, une programmation pluriannuelle pourrait permettre d'engager une transformation qualitative du parc d'hébergement se traduisant, entre autres, par une transformation progressive de l'offre de nuitées hôtelières et une adaptation du parc aux besoins spécifiques des familles. Enfin, il paraît essentiel de doter le secteur de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion de moyens adéquats pour garantir un accompagnement global, continu et adapté aux besoins des familles et ainsi favoriser leur inclusion durable.
Au regard du nombre d'enfants concernés, ces politiques devront nécessairement porter une attention spécifique à ces derniers et être conformes à leur intérêt supérieur.
Rappelons que la précarité inhérente à l'absence de domicile engendre non seulement d'importantes répercussions sur le développement et la santé de l'enfant à court, moyen et long terme, mais qu'elle affecte également l'ensemble des environnements dans lequel il évolue (familial, scolaire, social) et entrave l'effectivité de ses droits.
À travers cette proposition de résolution, la représentation nationale souhaite amorcer un changement de paradigme pour les enfants, leur famille et les professionnels qui les accompagnent, pour le droit au logement et pour une société plus juste.