EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le recours de plus en plus large et désormais banalisé aux agences, opérateurs et divers organes consultatifs dans le cadre du fonctionnement administratif et de la mise en oeuvre des services publics constitue sans nul doute l'une des plus importantes mutations de l'organisation de l'État et de l'administration durant les cinquante dernières années. Si l'essor de cet ensemble aux contours assez flous a peut-être permis de moderniser et d'améliorer le pilotage de politiques et le fonctionnement de certains services publics, il n'a cependant pas été dépourvu d'ambiguïtés et de sources de questionnement.
Ce constat n'est évidemment pas neuf - il est déjà visible dans le rapport de l'Inspection Générale des Finances en 2011, « L'État et ses agences », ou encore dans celui de la Cour des Comptes en janvier 2021, « Relations entre l'État et ses opérateurs ». À dix ans d'intervalle, ces documents ont également tiré des conclusions proches : le besoin d'un surcroît de cohérence dans le paysage organisationnel de ces entités, un pilotage financier parfois à consolider et l'indispensable renforcement de la culture de la performance.
Or, la situation de crise des finances publiques françaises a rendu impératif le passage en revue systématique et critique des dépenses publiques et du fonctionnement de l'ensemble des organes publics afin de s'assurer que les missions de ceux-ci soient remplies de manière non seulement rigoureuse, mais également efficiente par rapport à leur coût pour le contribuable. Le consentement à l'impôt est à ce prix : c'est l'objet même de l'article 15 de la Déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen de 1789, « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
Au-delà de l'audit demandé au Gouvernement, un tel passage en revue doit être opéré avec une particulière attention pour les différents démembrements de l'État, pour lesquels le surcroît de distance par rapport aux structures de l'administration « classique » et à la responsabilité devant la représentation nationale ne saurait se traduire par un assouplissement des impératifs de bonne gestion dans leurs activités et de bon usage des deniers publics.
En outre, la lisibilité de l'activité de ces divers organes peut également être complexifiée par l'existence de doublons et de redondances dans leurs périmètres d'intervention respectifs, dont la rationalisation est à envisager. Il doit exister un intérêt spécifique au recours à une agence ou un opérateur ou à la sollicitation d'un avis consultatif, et plusieurs de ces structures ne doivent pas intervenir sur le même champ.
Enfin, la combinaison de telles redondances avec la parfois abondante production de normes de ces structures génère une complexité normative toujours croissante, voire une insécurité juridique, dont la charge finale repose généralement sur le citoyen, l'usager ou encore les acteurs des activités régulées. Il est urgent de mieux évaluer l'impact de cette complexité sur ces derniers.
Pour cette raison, les sénateurs du Groupe LR sollicitent la création d'une commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. Celle-ci porterait notamment sur les moyens déployés dans l'exercice de leurs missions, les pistes de rationalisation de leurs périmètres d'intervention, l'identification des gisements potentiels d'économies et l'évaluation de l'impact de leur activité sur la sécurité juridique et la complexité normative.