EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, les Français font face à une explosion du coût de la vie. L'alimentation, qui représente une part incompressible du budget des ménages, a vu ses prix s'envoler : entre 2021 et 2023, l'inflation alimentaire a dépassé 20 %. Derrière ce chiffre, il y a des réalités très concrètes : des familles contraintes de réduire la qualité de leur alimentation, des étudiants et des retraités qui renoncent à certains produits de base, une demande croissante d'aide alimentaire.

Ce choc de la vie chère est d'autant plus insupportable qu'il nourrit un sentiment d'injustice : si les consommateurs paient plus cher, les producteurs, eux, ne sont pas mieux rémunérés. Les agriculteurs et les PME agroalimentaires continuent de voir leurs revenus comprimés, tandis que le prix payé en caisse ne cesse d'augmenter.

Le cas du bio illustre ce paradoxe. Alors que de nombreux Français aimeraient accéder à une alimentation plus saine et durable, les prix en rayon restent élevés, freinés par des marges importantes appliquées par la distribution. Résultat : les consommateurs modestes en sont exclus et, dans le même temps, les producteurs bio, après une baisse des ventes particulièrement importante dans la grande distribution, voient leurs revenus s'effondrer et certains renoncent à leur certification.

Cette situation pose une question simple : où va l'argent que paient les consommateurs ? Quelle part revient réellement aux producteurs, aux transformateurs, et quelle part est captée par les distributeurs et leurs centrales d'achat ? Les marges de la grande distribution demeurent opaques et leur poids dans le prix final reste insuffisamment connu. La pratique des « marges arrière », très mal évaluées, réalisées via des remises ou des rémunérations de services obtenues auprès des fournisseurs, illustre cette opacité.

En 2019, une commission d'enquête de l'Assemblée nationale a alerté sur les pratiques du secteur : alliances internationales de centrales d'achat, pénalités logistiques abusives, guerre des prix destructrice de valeur. Malgré les lois EGAlim, force est de constater que les déséquilibres persistent et que la transparence reste insuffisante.

En 2023, une autre commission d'enquête de l'Assemblée nationale, sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, a mis en évidence l'opacité entretenue par les enseignes de distribution sur leurs pratiques commerciales. Cette opacité entrave même les acteurs ayant pour mission d'évaluer le niveau et l'évolution des marges, en particulier les observatoires des prix, des marges et des revenus.

Parallèlement, il existe d'autres modèles de distribution -- coopératives de commerçants, supermarchés coopératifs de consommateurs, magasins de producteurs, associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP), ou encore initiatives citoyennes comme « C'est qui le Patron ?! » -- qui expérimentent d'autres rapports entre producteurs et consommateurs. Ces initiatives, encore minoritaires mais en croissance, apportent des éléments précieux pour comprendre comment mieux répartir la valeur : transparence accrue sur les marges, implication directe des citoyens, contractualisation solidaire avec les producteurs. Il serait pertinent que la commission d'enquête puisse les auditionner, afin de comparer leurs pratiques avec celles de la grande distribution et d'identifier les leviers d'un modèle plus équilibré et durable.

Alors que les Français peinent à boucler leurs fins de mois, il est important de disposer d'un état des lieux clair et actualisé de la formation des prix alimentaires : comprendre comment se construit le prix final payé par le consommateur et s'assurer que celui-ci reflète une juste rémunération de tous les maillons de la chaîne, sans marges excessives au détriment des ménages.

C'est pourquoi une commission d'enquête est proposée pour analyser les marges des supermarchés et des hypermarchés, y compris dans les filières bio, mesurer leur impact direct sur le pouvoir d'achat, et formuler des recommandations afin de garantir aux Français une alimentation de qualité à un prix juste.

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