N° 127
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 6 décembre 2000 |
PROJET DE LOI
autorisant l'approbation du protocole à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l' exploration et de l' utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du 26 novembre 1996,
PRÉSENTÉ
au nom de M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,
par M. HUBERT VÉDRINE,
Ministre des affaires étrangères.
( Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ).
Traités et conventions. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France et la Fédération de Russie ont
signé le
12 janvier 1999 un protocole à l'accord
bilatéral de coopération dans le domaine de l'exploration et de
l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques du 26 novembre 1996. La
coopération entre Paris et Moscou dans le domaine spatial remonte au
début des années soixante avec la signature, le 30 juin 1966,
d'un premier accord franco-soviétique « relatif à la
coopération pour l'étude et l'exploration de l'espace à
des fins pacifiques ». Cet accord a permis à la France de
devenir le premier en date des partenaires occidentaux de l'Union
soviétique dans le domaine spatial.
L'évolution de l'exploration spatiale au cours des
vingt dernières années, et notamment les applications
industrielles et commerciales compte tenu des enjeux technologiques, ont
justifié la conclusion d'un nouvel accord, signé à Paris
le 26 novembre 1996 et entré en vigueur le 13 juillet 1998. La
coopération spatiale
franco-russe s'est, en effet,
accélérée à partir de 1992, date de la
création de l'Agence spatiale russe ROSAVIACOSMOS, équivalent du
Centre national d'études spatiales (CNES) français, qui exerce la
tutelle administrative et budgétaire de l'industrie spatiale et
aéronautique russe. La coopération industrielle et commerciale
est alors devenue prépondérante, notamment dans le domaine des
lanceurs et a conduit à la création, en 1996, de la
société euro-russe STARSEM, chargée de la
commercialisation du lanceur SOYOUZ. Les actionnaires de cette
société sont, du côté européen, EADS et
ARIANESPACE, ainsi que, du côté russe, le centre spatial de SAMARA
et l'agence spatiale ROSAVIACOSMOS. Cette alliance doit permettre à
l'Europe de se positionner, en complément de la fusée Ariane et
grâce au savoir-faire d'ARIANESPACE, sur le marché des lanceurs
capables de mettre en orbite basse et moyenne des constellations de satellites
ainsi que des satellites d'observation de la Terre.
Ces lancements à l'aide de fusées SOYOUZ, à partir de la base de Baikonour (Kazakhstan) placée sous juridiction russe en vertu d'accords russo-kazakhs, nécessitent l'importation fréquente en Russie de matériels de haute technologie (composants électroniques, satellites), provenant de France ou d'Etats tiers (les Etats-Unis notamment), pour diverses finalités :
- lancement dans l'espace ;
- adaptation des lanceurs et préparation des lancements ;
- gestion des campagnes de lancement.
L'éventail des marchandises concernées couvre tout le spectre des activités de la société STARSEM, afin que des prestations techniques de qualité internationale ainsi qu'un environnement respectant les normes en vigueur sur les autres sites de lancement européens ou américains puissent être garantis aux clients de la société STARSEM.
L'ensemble de ces importations devrait être soumis à des taxes douanières et fiscales qui, si elles étaient perçues, grèveraient la trésorerie de la société STARSEM, augmenteraient les coûts de lancements et diminueraient, vis-à-vis de la concurrence, la compétitivité des services offerts par la société STARSEM.
D'autres sociétés oeuvrant dans le secteur spatial pourraient aussi avoir à supporter des taxes douanières et fiscales, comme par exemple la société ALCATEL Space qui négocie actuellement avec le ministère des postes et télécommunications russe la fourniture de nouveaux satellites de télécommunications.
En conséquence, l'accord bilatéral signé en 1996 a prévu au premier alinéa de son article 9 le principe de l'exonération des droits de douane et taxes sur les marchandises importées « pour un lancement effectué dans l'espace extra-atmosphérique ».
Cependant, les négociateurs n'avaient pu parvenir à un accord sur les modalités précises et le champ d'application effectif de ces exonérations. Le règlement de ces questions, ainsi que d'autres aspects relatifs au passage des marchandises, avait été renvoyé à un protocole additionnel (troisième alinéa de l'article 9 de l'accord de 1996).
De fait, depuis l'entrée en vigueur de l'accord de 1996, diverses difficultés sont apparues dans la pratique concernant l'interprétation de l'article 9 et les besoins nouveaux suscités par l'évolution de l'industrie et des techniques spatiales. Ces problèmes douaniers ont été aggravés par le caractère aléatoire et confus des procédures administratives appliquées par la Fédération de Russie.
En particulier, l'interprétation extensive des dispositions d'exonération n'a pas été appliquée par le Comité des douanes russes en faveur des marchandises nécessaires à l'adaptation du lanceur, à la préparation du lancement, à la gestion opérationnelle des campagnes de lancement et des composants en provenance d'autres Etats de l'Union Européenne et des Etats-Unis.
Afin de mettre fin aux surcoûts importants engendrés par les frais de douanes, de gestion des expéditions et ceux suscités par l'allongement des délais, les deux Parties ont signé le 12 janvier 1999 le protocole soumis à votre approbation.
*
* *
L' article 1 er de ce protocole réaffirme le principe de l'exonération des droits et taxes douanières. L' article 2 définit la nature des marchandises exonérées et les articles 3 et 4 précisent les modalités de ces exonérations. L' article 5 inclut les marchandises provenant de pays tiers et l' article 6 marque l'engagement de réduire, autant que faire se peut, les frais de dédouanement. Enfin, les deux derniers articles marquent l'engagement des deux Parties de tenir des consultations et de s'efforcer de résoudre tout différend nouveau concernant l'application de l'article 9 de l'accord de 1996.
Conscientes des intérêts économiques et financiers en jeu, les autorités russes, en particulier le Comité des douanes, ont d'ores et déjà, au cours des dernières semaines, fait preuve de souplesse en appliquant par anticipation cette détaxation sur les marchandises importées par les sociétés françaises. Le protocole, une fois approuvé, régularisera cette application anticipée, à charge pour les autorités russes d'adopter rapidement les modifications législatives nécessaires à l'entrée en vigueur des exemptions douanières et fiscales.
Telles sont les principales observations qu'appelle le protocole à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du 26 novembre 1996, qui est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l'approbation du protocole à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du 26 novembre 1996, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du 26 novembre 1996, signé à Moscou le 12 janvier 1999 et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 6 décembre 2000
Signé : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères,
Signé : Hubert VÉDRINE
P R O T O C O L E À L' A C C O R D
entre
le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement
de la Fédération de Russie
relatif à la
coopération
dans le domaine de l'exploration
et de l'utilisation
de l'espace à des fins pacifiques
en date du 26 novembre
1996,
signé à Moscou le 12 janvier 1999
PROTOCOLE À L'ACCORD
entre le Gouvernement de la
République française
et le Gouvernement de la
Fédération de Russie
relatif à la coopération
dans le domaine de l'exploration
et de l'utilisation de l'espace à
des fins pacifiques
en date du 26 novembre 1996
Le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la Fédération de Russie,
ci-après dénommés « les
Parties »,
Souhaitant assurer
l'application efficace de l'Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la
Fédération de Russie relatif à la coopération dans
le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins
pacifiques, signé à Paris le 26 novembre 1996,
ci-après dénommé
« l'Accord » ;
Prenant en
compte les programmes et projets conjoints en cours de réalisation par
les Parties, leurs Organismes compétents et les autres organismes, dans
les différents domaines de la conquête de l'espace et de
l'application pratique des techniques et technologies
spatiales ;
Considérant que cette
coopération nécessite des échanges importants de biens et
de services ;
Désireux d'établir
à cet égard des conditions favorables à ces
échanges, dans l'intérêt des Parties, compte tenu du droit
applicable sur le territoire de la République française et de la
législation de la Fédération de
Russie ;
Se fondant sur les dispositions de
l'article 9 de l'Accord et compte tenu de la volonté commune des
Parties de définir les modalités permettant de régir
l'ensemble des questions de circulation de biens dans le cadre de la
coopération en matière spatiale,
sont convenus des
dispositions suivantes :
Article 1 er
L'objet du présent Protocole est de préciser les conditions d'exemption des droits et taxes dont la perception incombe aux autorités douanières, lors de la circulation des marchandises dans le cadre de la coopération objet de l'Accord. Les normes et principes concertés à cette fin sont prévus par l'Accord et sont complétés dans le cadre du présent Protocole sur la base de la réciprocité et du droit applicable sur le territoire de la République française et de la législation de la Fédération de Russie, de manière à permettre l'adoption des mesures appropriées et réalisables en pratique assurant des conditions favorables à cette coopération.
Article 2
Aux fins du présent
Protocole :
Le terme
« marchandises » désigne tout objet, toute substance
ou matériau naturel ou artificiel, tout produit livré ou
fabriqué, y compris les équipements de contrôle et
d'essais, ainsi que les technologies sous forme d'informations et de
données renfermées sur des supports matériels et
nécessaires à leur élaboration, à leur production
ou à leur utilisation. Ce terme recouvre les autres informations et
données sous toute forme matérielle,
notamment :
- les logiciels et bases
de données résultant de travaux d'étude, de recherche ou
de mise au point ;
- les
inventions ;
- les résultats
des travaux d'expériences, de conception expérimentale et
d'ingénierie ;
- le
savoir-faire, y compris la documentation industrielle et les
caractéristiques
techniques ;
- les données
relatives aux travaux de recherche, expériences et travaux de conception
expérimentale et
d'ingénierie.
L'expression
« marchandises pour un lancement », au sens de
l'article 9 de l'Accord, désigne également les marchandises
nécessaires pour assurer un lancement.
Article 3
1.1. Compte tenu des
dispositions de l'article 1
er
du présent Protocole, les
marchandises circulant dans le cadre des domaines et types d'activités
définis à l'article 2 de l'Accord et des accords et contrats
spécifiques conclus sur la base de l'Accord ne sont pas soumises aux
droits et taxes dont la perception incombe aux autorités
douanières des Etats des
Parties.
1.2. Les organismes
compétents ou autres organismes désignés par les Parties
conformément à l'article 3 de l'Accord attestent
auprès des autorités douanières de leur Etat respectif que
ces opérations s'effectuent dans le cadre de l'Accord. Si
nécessaire, ces attestations peuvent faire l'objet d'une décision
de la Partie concernée.
1.3. Pour
la mise en oeuvre des exemptions de droits et taxes prévues par l'Accord
et complétées dans le cadre du présent Protocole, les
Parties et Organismes compétents tiennent compte des conditions et
modalités de réalisation des activités conjointes
menées en application de l'Accord dans le cadre des budgets ou dans
l'intérêt des programmes spatiaux de la République
française et de la Fédération de
Russie.
2. Dans les cas où
l'application sur une base de réciprocité, des normes et
principes concertés d'exemption ci-dessus indiqués est reconnue
impossible dans le cadre de certains types d'activités conjointes du
fait du droit applicable sur le territoire de la République
française ou de la législation de la Fédération de
Russie, la Partie concernée s'efforce de faire en sorte que la
perception des droits et taxes au passage des marchandises aux
frontières douanières de son Etat n'ait pas de conséquence
financière pour l'autre Partie, son Organisme compétent et ses
autres organismes.
Article 4
Dans le respect des procédures
définies au paragraphe 1.2. de l'article 3 du présent
Protocole, les marchandises peuvent également être
importées ou exportées en exemption des droits et taxes dont la
perception incombe aux autorités douanières, dans le
cadre :
- de livraisons gratuites de
marchandises au titre de l'assistance technique dans le but de définir
de nouvelles orientations de la coopération dans les différents
domaines des activités
spatiales ;
- d'activités
conjointes de recherche et développement, liées aux applications
de résultats technologiques annexes obtenus au cours de l'exploration et
de l'utilisation de l'espace, ou d'activités nécessitant des
recherches spéciales, notamment des études d'opportunité
technique et financière, et la réalisation de projets
expérimentaux.
Article 5
Compte tenu des dispositions des articles 2 et 4 de l'Accord, les exemptions de droits et taxes prévues par l'Accord et par le présent Protocole s'appliquent également aux marchandises importées sur le territoire de la République française ou de la Fédération de Russie en provenance de pays tiers ou exportées du territoire de la République française ou de la Fédération de Russie à destination de pays tiers, quel qu'en soit le pays d'origine, à condition que ces opérations soient confirmées par des accords (arrangements) écrits entre les Organismes compétents ou d'autres organismes. Si nécessaire, ces opérations ou accords (arrangements) sont confirmés par la Partie concernée.
Article 6
1. Les Parties s'efforcent,
dans les cas appropriés, de réduire les frais de
dédouanement et autres frais analogues auxquels pourraient être
soumises les marchandises importées ou exportées dans le cadre de
l'Accord.
2. Les dispositions de
l'article 9 de l'Accord et du présent Protocole ne s'appliquent pas
aux marchandises soumises aux droits d'accise.
Article 7
Les Parties peuvent d'un commun accord
procéder à l'examen de l'application des dispositions de
l'article 9 de l'Accord et du présent
Protocole.
Les Parties s'efforcent de
résoudre les différends relatifs à l'application des
dispositions de l'article 9 de l'Accord et du présent Protocole par
voie de consultations entre leurs représentants habilités en vue
d'un règlement à l'amiable.
Article 8
1. Le présent Protocole
fait partie intégrante de
l'Accord.
2. Le présent Protocole
entre en vigueur à la date de la dernière notification
écrite relative à l'accomplissement par les Parties des
procédures internes requises pour son entrée en vigueur et
demeure ensuite en vigueur aussi longtemps que l'Accord, suivant les
mêmes modalités et conditions que
l'Accord.
3. Les Parties peuvent examiner
conjointement les méthodes, modalités et conditions applicables,
conformément au droit en vigueur sur le territoire de la
République française et à la législation de la
Fédération de Russie, pour la mise en oeuvre la plus efficace
possible de l'article 9 de l'Accord, dès la signature du
présent Protocole et avant son entrée en vigueur, en prenant
en considération les aspects pertinents de la circulation des
marchandises.
Fait à Moscou le 12 janvier
1999 en double exemplaire, chacun en langues française et russe, les
deux textes faisant également foi.
Pour le Gouvernement
de la République
française :
Hubert Védrine,
Ministre
des
affaires étrangères
Pour le Gouvernement
de la
Fédération de
Russie :
Igor Ivanov
Ministre
des affaires
étrangères
(cf. note 1)
NOTE (S) :
(1) TCA . - Imprimerie des Journaux officiels, Paris