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N° 382
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 février 2017 |
PROJET DE LOI
autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. Bernard CAZENEUVE,
Premier ministre
Par M. Jean-Marc AYRAULT,
ministre des affaires étrangères et du développement international
(Envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 23 février 2016, le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger, M. Matthias Fekl, et la ministre des relations extérieures de la République du Pérou, Mme Ana Maria Sanchez de Rios, ont signé, à Lima, une convention sur le transfèrement des personnes condamnées.
En matière de coopération judiciaire pénale, la France et le Pérou sont d'ores et déjà tous deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées, adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations unies, dont la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 1 ( * ) , la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 2 ( * ) , la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 3 ( * ) , la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 décembre 2000 4 ( * ) et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003 5 ( * ) .
Sur le plan bilatéral, la France et le Pérou ont récemment signé une convention d'entraide judiciaire en matière pénale le 15 novembre 2012 6 ( * ) et un traité d'extradition le 21 février 2013 7 ( * ) , dont les dispositions ont abrogé la convention d'extradition de 1874. Ces instruments sont respectivement entrés en vigueur les 1 er juillet et 1 er mars 2016.
La convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou vise ainsi à compléter le tissu conventionnel existant et, comme l'annonce son préambule, à faciliter la réinsertion des personnes condamnées en leur permettant d'exécuter leur peine dans leur milieu social d'origine.
Les stipulations de la convention sont très largement inspirées de la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 8 ( * ) (convention de Strasbourg), texte de référence en la matière.
L'article 1 er de la convention procède à la définition des termes utilisés, à savoir « jugement », « État de condamnation », « État d'exécution », « personne condamnée » et « condamnation ». La convention a vocation à s'appliquer au transfèrement vers l'État d'exécution des personnes condamnées définitivement à une peine privative de liberté en application d'un jugement prononcé dans l'État de condamnation.
L'article 2 prévoit qu'une personne condamnée peut faire connaître à l'une ou l'autre des parties sa volonté d'être transférée. La demande de transfèrement peut émaner soit de l'État d'exécution, soit de l'État de condamnation.
L'article 3 énumère les conditions cumulatives auxquelles est subordonnée la validité d'un transfèrement. La personne condamnée doit ainsi être ressortissante de l'État d'exécution et avoir été définitivement condamnée pour des faits punis par la législation des deux parties à une peine dont le reliquat doit être d'au moins six mois au moment où la demande est reçue. Le transfèrement ne peut en outre être envisagé que sous réserve du triple consentement de l'État de condamnation, de l'État d'exécution et de la personne condamnée ou de son représentant légal.
L'article 4 énonce deux motifs de refus facultatifs et non limitatifs de transfèrement. Il stipule ainsi qu'un transfèrement peut être refusé lorsque l'État de condamnation considère qu'il porterait atteinte à sa souveraineté, sa sécurité, son ordre public ou à d'autres de ses intérêts essentiels ou lorsque la personne condamnée ne s'est pas acquittée des sommes dont le paiement lui a été imposé par décision judiciaire.
L'article 5 désigne les autorités centrales compétentes en matière de transfèrement des personnes condamnées : le ministère de la justice pour la France et le ministère public - Parquet de la Nation pour le Pérou.
L'article 6 met à la charge de l'État de condamnation l'obligation de fournir aux personnes susceptibles de bénéficier des dispositions de la convention des informations sur les modalités et les conséquences juridiques du transfèrement.
Cette disposition énumère également les informations que l'État de condamnation doit fournir à l'État d'exécution lorsqu'une personne condamnée lui fait connaître son souhait d'être transférée ou lorsque l'État d'exécution, lui-même saisi par une personne condamnée, lui en fait la demande. Ces informations sont relatives tant à la personne du condamné (identité, adresse) qu'à la condamnation dont elle a fait l'objet (faits, peine prononcée, dispositions applicables) et ont notamment pour objet de permettre à l'État d'exécution de vérifier que les conditions énumérées à l'article 3 sont satisfaites.
Enfin, cet article prévoit que la personne condamnée doit être tenue informée par écrit des échanges d'informations entre les parties et de toute décision relative à une demande de transfèrement.
L'article 7 stipule que les demandes de transfèrement et les réponses sont formulées par écrit et, par principe, transmises directement entre les autorités centrales désignées par les parties. Le recours à la voie diplomatique n'est cependant pas exclu lorsqu'il s'avère nécessaire, par exemple afin de sécuriser les transmissions. Cet article énonce également que dans le cadre de la procédure de transfèrement, l'État de condamnation doit donner à l'État d'exécution la possibilité de vérifier la validité du consentement donné par la personne condamnée.
L'article 8 énumère les documents qui doivent être échangés entre l'État de condamnation et l'État d'exécution, soit avant la formalisation d'une demande de transfèrement, soit avant qu'une décision soit prise sur une telle demande.
En application de cette stipulation, l'État d'exécution doit communiquer à l'État de condamnation la preuve de la nationalité de la personne condamnée et la copie des dispositions légales dont il résulte que les faits à l'origine de la condamnation sont également incriminés par son droit national. L'État d'exécution doit également produire une déclaration relative à l'effet pour la personne condamnée de toute loi ou règlement relatif à sa détention ou de la mise en oeuvre du mécanisme d'adaptation de la peine prévue au paragraphe 2 de l'article 12, de la convention.
L'État de condamnation est, pour sa part, tenu de fournir à l'État d'exécution une copie certifiée du jugement et des informations relatives à l'exécution de la peine (durée déjà subie, rapports médico-sociaux notamment). Il doit en outre produire une déclaration comportant le consentement au transfèrement de la personne condamnée.
L'article 9 règle la question de la remise de la personne condamnée en énonçant qu'elle intervient au lieu et à la date agréés entre les parties.
L'article 10 prévoit que seul l'État de condamnation reste compétent pour connaître de tout recours en révision exercé à l'encontre du jugement ayant prononcé la condamnation à l'origine du transfèrement.
L'article 11 reconnaît à la fois à l'État de condamnation et à l'État d'exécution la faculté d'accorder à la personne condamnée une mesure de grâce, d'amnistie ou de commutation de la peine. La mise en oeuvre de cette faculté est néanmoins subordonnée à l'obligation faite à la partie qui entend s'en prévaloir d'en informer préalablement l'autre partie.
L'article 12 régit l'exécution de la peine après que le transfèrement de la personne condamnée est intervenu.
Cet article énonce le principe de la poursuite de l'exécution de la peine prononcée dans l'État de condamnation par l'État d'exécution, conformément à la législation de ce dernier. En application de ce principe, l'État d'exécution est lié par la nature et la durée de la peine prononcée qu'il ne peut en aucun cas aggraver. En revanche, si la nature ou la durée de la condamnation est incompatible avec son droit, l'État d'exécution peut adapter la peine à celle prévue par sa législation.
Cette disposition prévoit en outre que l'État d'exécution est tenu de mettre un terme à l'exécution de la peine lorsqu'il est informé par l'État de condamnation de toute décision qui a pour effet de retirer à la condamnation son caractère exécutoire. Il doit également fournir des informations relatives à l'exécution de la peine lorsque l'État de condamnation lui en fait la demande, lorsque la peine a été purgée ou encore lorsque la personne condamnée s'est évadée.
L'article 13 stipule que lorsque l'État d'exécution informe l'État de condamnation de l'exécution de la peine, ce dernier ne peut plus exécuter la condamnation.
L'article 14 est relatif au principe non bis in idem en application duquel il est fait interdiction à l'État d'exécution de poursuivre ou condamner de nouveau la personne condamnée transférée pour les mêmes faits que ceux à l'origine du jugement prononcé dans l'État de condamnation.
L'article 15 règle la question du transit par le territoire de l'une des parties des personnes condamnées transférées en application d'un accord conclu entre l'autre partie et un État tiers. Cette stipulation énonce que la partie requise du transit, préalablement informée, doit faciliter le transit, tout en lui reconnaissant la faculté de refuser un tel transit lorsque la personne transférée est l'un de ses ressortissants ou a été condamnée pour des faits qui ne sont pas incriminés par son droit.
De son côté, la partie qui procède au transfèrement peut exiger de la partie requise du transit qu'elle garantisse l'immunité de la personne condamnée sur son territoire pour tout fait commis antérieurement à son départ du territoire de l'État de condamnation.
L'article 16 énonce que les frais liés au transfèrement qui n'ont pas été engagés exclusivement dans l'État de condamnation sont à la charge de l'État d'exécution, sauf pour ce dernier à en réclamer le paiement, en tout ou en partie, à la personne condamnée.
L'article 17 stipule que toute demande de transfèrement ainsi que les pièces produites à l'appui doivent être accompagnées d'une traduction dans la langue de la partie qui les reçoit.
L'article 18 prévoit que les demandes de transfèrement et les documents qui les accompagnent sont dispensés de toute formalité de légalisation.
L'article 19 énonce que la convention a vocation à s'appliquer aux condamnations prononcées tant avant qu'après son entrée en vigueur.
Les articles 20 à 24 , de facture classique, portent sur les modalités de règlement des différends entre les parties, d'entrée en vigueur, d'amendement et de dénonciation de la convention.
Telles sont les principales observations qu'appelle la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou signée à Lima le 23 février 2016 qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou, signée à Lima le 23 février 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi .
Fait à Paris, le 8 février 2017
Signé : BERNARD CAZENEUVE
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères et du développement international,
Signé : JEAN-MARC AYRAULT
* 1 Publiée par décret n°69-446 du 2 mai 1969 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000334075
* 2 Publiée par décret n° 87-916 du 9 novembre 1987 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000696345&pageCourante=13267
* 3 Publiée par décret n°91-271 du 8 mars 1991 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000171694
* 4 Publiée par décret n°2003-875 du 8 septembre 2003 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000601184
* 5 Publiée par décret n° 2006-1113 du 4 septembre 2006 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000638345
* 6 Publiée par décret n° 2016-916 du 4 juillet 2016 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000032847897/ loi d'autorisation n° 2016-338 du 22 mars 2016
* 7 Publié par décret n° 2016-324 du 17 mars 2016 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000032259256/ loi d'autorisation n° 2015-277 du 13 mars 2015
* 8 Publiée par décret n° 85-1053 du 30 décembre 1985: https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000316581 https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680079530