Prescription trentenaire pour l'action publique en matière de crime
N°
157
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 décembre 2000
PROPOSITION DE LOI
tendant à instaurer une
prescription trentenaire
pour
l'
action publique
en matière de
crime
,
PRÉSENTÉE
par M. Bernard FOURNIER,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Procédure pénale |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'actualité la plus récente a mis en lumière
l'inadéquation de notre loi pénale en matière de
prescription de l'action publique.
En effet, notre code de procédure pénale prévoit une
prescription de cette action au terme d'un délai de dix années.
Ce délai n'est plus justifié au regard de l'évolution des
techniques d'investigation qui recourent largement aux nouvelles techniques
scientifiques.
L'évolution des enquêtes, et notamment en matière
génétique ouvre dorénavant de larges possibilités
aux enquêteurs.
L'opinion publique et le justiciable ne comprennent pas, légitimement,
qu'un crime odieux puisse rester impuni du fait d'une simple disposition
procédurale.
Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale nous
interdit d'appliquer le dispositif que nous proposons aux crimes qui auront
été commis avant l'adoption de la présente proposition de
loi, cependant il est capital que le législateur se serve de
l'actualité pour corriger les dérives laxistes de la
législation.
Il n'est nullement question de légiférer dans l'urgence ou
d'édicter des normes contingentes, mais bien de rendre notre droit plus
conforme à notre idéal de justice.
La prescription de l'action publique, comme celle de la peine repose sur
plusieurs constructions intellectuelles, et sur quelques éléments
factuels ; aucun ne répond plus à des impératifs
actuels :
1°) la prescription se nourrit de la prétendue
nécessité d'oubli et de paix sociale, cependant, en
matière de crime, cette justification d'ordre purement philosophique ne
tient plus,
a fortiori
dans une société fortement
marquée par l'équité et soumise à la pression de
l'information : le droit du XXI
ème
siècle ne peut
se caler sur les seuls fondements théoriques de celui du début du
XIX
ème
;
2°) la prescription prend en compte le prétendu remords, ou la
prétendue inquiétude dans laquelle le coupable a dû vivre
pendant le délai : ce postulat cède à un
angélisme romantique inadapté à notre
société ;
3°) l'idée de négligence de la société fondant
la prescription cède, quant à elle, devant les nouvelles formes
de criminalité qui laissent apparaître des mécanismes de
perversion et parfois d'organisation mafieuse que l'époque ancienne ne
connaissait pas.
4°) la raison factuelle de dépérissement des preuves ne
tient plus au regard de l'évolution des nouvelles technologies ni
surtout devant le développement de la lutte scientifique contre le crime.
Il est en outre choquant que la prescription civile de droit commun soit de
trente ans, alors qu'elle n'est que de dix ans au pénal, dès
lors, il vous est demandé de porter cette prescription de l'action
publique en matière criminelle à trente ans.
Tels sont les motifs qui nous conduisent, Mesdames, Messieurs, à vous
demander d'adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Dans le premier et le deuxième alinéas de l'article 7 du code de procédure pénale, les mots : « dix années » sont remplacés par les mots : « trente années ».