N° 403
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 3 août 2002 Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 septembre 2002 |
PROPOSITION DE LOI
visant à interdire les poursuites judiciaires à l'encontre des professionnels de santé qui ont tenté de sauver la vie d'autrui dans une situation d' extrême urgence ,
PRÉSENTÉE
par M. Nicolas ABOUT
Sénateur.
( Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ).
Hôpitaux et cliniques - Droit pénal |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En condamnant récemment l'hôpital de Valenciennes, pour avoir transfusé en urgence une femme témoin de Jéhovah, dont le pronostic vital était en jeu, le tribunal administratif de Lille pose une nouvelle fois la question du conflit de conscience des médecins, face au refus catégorique de certains patients de bénéficier d'une transfusion sanguine, fusse au péril de leur vie.
Certes, la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades, précise en son article 11 que « le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix » et qu'« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne » (Art. L.1111-4 du code de la santé publique). Mais que faire lorsque le malade persiste dans son refus de transfusion, alors qu'il s'agit du seul traitement thérapeutique qui puisse le sauver ? Dans certains cas, il est vrai, on peut recourir à des techniques ou à des produits alternatifs à la transfusion, en particulier lorsque l'intervention est préparée à l'avance.
Toutefois, il existe des situations chirurgicales, notamment d'urgence, qui nécessitent des transfusions de sang massives pour lesquelles il n'existe, pour l'heure, aucun produit de substitution efficace. C'est le cas par exemple de patients victimes d'hémorragies post-partum.
Le médecin se retrouve alors confronté à deux impératifs totalement contradictoires : celui de respecter la volonté du malade, y compris jusque dans sa logique suicidaire ; ou bien celui de sauver une vie, conformément à son devoir de médecin... mais il s'expose alors à des poursuites judiciaires, lourdes de conséquences, pour lui comme pour son établissement.
Une telle jurisprudence, si elle devait se confirmer, aurait des conséquences incalculables, tant pour le corps médical, que pour les patients eux-mêmes, y compris pour les Témoins de Jéhovah qui, en multipliant ainsi les poursuites judiciaires, se condamnent eux-mêmes. En effet, ils risquent, à terme, de se voir refuser toute admission dans n'importe quel hôpital de France, les médecins préférant dorénavant faire jouer la « clause de conscience » qui leur permet, en vertu de l'article 47 du code de déontologie médicale, de refuser de soigner un patient, « pour des raisons personnelles ou professionnelles », plutôt que d'encourir un tel risque judiciaire.
Dans cette impasse médicale où - rappelons-le - plusieurs dizaines de vies sont en jeu chaque année, la seule issue ne peut être que législative. C'est pourquoi, la présente proposition de loi vise à empêcher toute poursuite judiciaire, à l'encontre d'un professionnel de santé qui a tenté, par tous les moyens mis à sa disposition par la science, de sauver une vie, dans une situation d'extrême urgence.
C'est donc à la fois dans un souci d'humanité et de pacification judiciaire que je vous prie, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, est complété in fine par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, aucun professionnel de santé ne peut être poursuivi pour avoir pratiqué un acte, un traitement thérapeutique ou une investigation, conforme aux bonnes pratiques et aux données actuelles de la science médicale, pour tenter de sauver la vie d'un tiers, dans une situation d'extrême urgence. »