Garantir le respect de la laïcité et de la neutralité du service public de la justice
N°
364
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 24juin 2003
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
visant à garantir le
respect
de la
laïcité
et de la
neutralité
du
service public
de la
justice
,
PRÉSENTÉE
Par M. Hubert HAENEL
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Justice. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'actuel débat sur l'interdiction du port du « voile
islamique » à l'école ne saurait faire oublier que
c'est l'ensemble de la société française qui est
confrontée à une montée des communautarismes et des
intégrismes religieux remettant en cause les valeurs de la
République, au premier rang desquelles figurent les principes de
laïcité de l'État et de neutralité du service public.
La justice occupe, à cet égard, une place particulière. Le
principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire,
affirmé par la Constitution, a pour corollaire l'impartialité des
juges vis-à-vis du monde environnant et des pressions qui les entourent.
Par ailleurs, dans un contexte de juridicisation croissante, la justice joue de
plus en plus un rôle de cohésion sociale ce qui se traduit par une
montée en puissance de la place du juge dans notre société.
Certes, il résulte des textes constitutionnels et législatifs que
les principes de la laïcité de l'État et de
neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble de
ceux-ci, y compris au service public de la justice. Or, comme l'a
souligné le Conseil d'État dans un avis du 3 mai 2000,
le principe de laïcité fait obstacle à ce que les agents
publics disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester
leurs croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné
à marquer son appartenance à une religion.
Mais le statut de la magistrature ne contient pas actuellement de dispositions
particulières relatives au respect de la laïcité et de la
neutralité du service public de la justice.
L'article 10 du statut de la magistrature interdit certes aux magistrats toute
manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du
gouvernement de la République, de même que toute
démonstration de nature politique incompatible avec la réserve
que leur impose leurs fonctions.
Mais il reste muet sur la question du respect de la laïcité
proprement dite.
De manière anecdotique, on peut même relever que, lorsqu'il
prête serment, tout magistrat doit jurer de garder
« religieusement » le secret des
délibérations, ce terme n'étant, bien entendu, pas pris
dans son acception première.
Garants de l'application de la loi républicaine, les membres du corps
judiciaire doivent se montrer exemplaires au regard des principes de
laïcité de l'État et de neutralité du service public.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi organique qui vise
à interdire aux magistrats, aux juges et aux jurés d'assises,
ainsi qu'aux agents du service public de la justice, toute manifestation
d'appartenance religieuse ou prosélytisme dans l'exercice de leurs
fonctions.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Article unique
Après l'article 10 de l'ordonnance n° 58-1270 du
22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de
la magistrature, il est inséré un article 10-1 ainsi
rédigé :
« Art. 10-1 : Le corps judiciaire assure sa mission dans le
respect des principes de neutralité et de laïcité.
« Dans l'exercice de leurs fonctions, les magistrats, les juges et
les jurés d'assises, ainsi que les agents du service public de la
justice, s'abstiennent de toute manifestation d'appartenance religieuse ou
prosélytisme ».