Interdire la contestation de tous les génocides et crimes contre l'humanité
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N° 99
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 2003
PROPOSITION DE LOI
visant à
interdire
la
contestation
de
tous les
génocides
et
crimes
contre
l'
humanité
,
PRÉSENTÉE
Par M. Bernard SAUGEY,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Droits de l'homme et libertés publiques. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La lutte contre le racisme est devenue une préoccupation internationale
depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Discriminations raciales,
religieuses ou ethniques ont été dénoncées et une
lutte visant à les interdire s'est développée au fil de
déclarations, résolutions et conventions. La législation
française dispose, de ce point de vue là, d'un arsenal juridique
parmi les plus avancés au monde.
Depuis la déclaration des droits de l'homme en 1789, la loi sur la
presse du 29 Juillet 1881, la loi de 1972 concernant essentiellement la
liberté de communication de pensées et d'opinions, en passant par
d'autres lois adoptées en 1975, 1983, 1985, 1987, 1990 avec la
contestation du crime contre l'humanité et la loi du
3 février 2003 qui crée une nouvelle circonstance
aggravante lorsque les infractions ont un mobile raciste, xénophobe ou
antisémite, la répression n'a cessé de se renforcer.
La contestation des crimes contre l'humanité est une infraction qui
figure à l'article 24
bis
de la loi du 29 Juillet 1881,
modifiée par la loi du 13 Juillet 1990, dite loi
« Gayssot » dont elle est issue. Seuls sont
concernés les crimes reconnus perpétrés pendant la seconde
guerre mondiale par les criminels de guerre des pays européens de l'axe
car référence est faite à l'article 6 du statut du
tribunal international de Nuremberg annexé à l'accord de Londres
du 8 Août 1945.
Cette disposition permet désormais de lutter contre les thèses
révisionnistes ou négationnistes portant sur cette
période. L'infraction est constatée lorsque le public en a
connaissance par le biais d'écrits, imprimés, dessins, gravures,
peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de
la parole, de l'image vendus ou distribués.
Le nouveau code pénal, en application depuis le
1
er
mars 1994, crée de nouvelles infractions et
renforce la répression des délits racistes. Il incrimine plus
spécifiquement les crimes contre l'humanité, ce que ne faisait
pas l'ancien. En effet jusque-là les modalités de
répression de ces crimes résultaient de la jurisprudence
élaborée à partir de l'article 6 du statut du tribunal
militaire international de Nuremberg annexé à l'accord de Londres
du 8 août 1945.
Le nouveau code pénal définit et sanctionne le génocide
(article 211-1) et les crimes d'une extrême gravité (article 212 -
1 et suivants). Il sert de nouveau cadre de renvoi pour les délits
d'apologie et de contestation des crimes contre l'humanité.
Mais il ne concerne pas les infractions prévues par la loi du 29 Juillet
1881 qui reste toujours en vigueur.
Ainsi en cas de contestation de crimes contre l'humanité, la
référence à l'article 6 du statut du tribunal militaire
international de Nuremberg annexé à l'accord de Londres du 8
Août 1945 paraît anachronique et limitative alors même que
notre droit interne comporte désormais les définitions des crimes
contre l'humanité.
Aucune protection n'existe dès lors contre la contestation d'autres
crimes contre l'humanité, tels ceux dont ont été victimes
les Arméniens pendant la Première Guerre mondiale, la loi
existante se limitant uniquement à ceux commis durant la seconde
guerre mondiale.
Bien plus, l'article 48-2 de la loi du 29 Juillet 1881 issu lui aussi de la loi
de 1990 ne permet qu'aux seules associations, dont les statuts prévoient
la défense des intérêts moraux et de l'honneur de la
Résistance ou des déportés, d'exercer les droits reconnus
à la partie civile pour les infractions de contestation des crimes
contre l'humanité et d'apologie des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanité.
Il appartient au législateur de dissuader la contestation de tout crime
contre l'humanité, de tout génocide. C'est pour cela qu'il vous
est demandé d'adopter la présente proposition de loi qui modifie
les articles 24
bis
et 48-2 de la loi du 29 Juillet 1881.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
L'article 24
bis
de la loi du 29 juillet
1881
sur la liberté de la presse est ainsi modifié :
I. - Après le premier alinéa de cet article, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
«Seront punis des mêmes peines ceux qui auront contesté tout
autre crime contre l'humanité sanctionné par l'application des
articles 211-1, 212-1 et 212-2 du code pénal ou par un tribunal
international ou reconnu comme tel par une organisation intergouvernementale,
quel que soit le lieu ou la date à laquelle le crime a été
commis.»
II. - Les deux derniers alinéas de cet article sont remplacés par
un alinéa ainsi rédigé :
«Le tribunal pourra, en outre, ordonner l'affichage ou la diffusion de la
décision prononcée dans les conditions prévues par
l'article 131-35 du code pénal.»
Article 2
L'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881
précitée est ainsi rédigé :
«
Art. 48-2
. - Peut exercer les droits reconnus à la partie
civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre, des crimes contre
l'humanité ou des crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi
et en ce qui concerne l'infraction prévue par
l'article 24
bis
, toute association
régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans
à la date des faits, qui se propose, par ses statuts, de défendre
les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des
déportés, ou de défendre les intérêts moraux
et la mémoire des victimes des crimes et délits visés au
présent article. »