Devoirs des enfants majeurs envers leurs ascendants âgés
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N°
140
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 janvier 2004
PROPOSITION DE LOI
relative aux
devoirs
des
enfants majeurs
envers
leurs ascendants âgés
,
PRÉSENTÉE
Par MM. Michel CHARASSE, Jacques BELLANGER, Jean BESSON, Raymond COURRIÈRE, Roland COURTEAU, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Claude FRÉCON, Alain JOURNET, Serge LAGAUCHE, Michel MOREIGNE, Jean-Marc PASTOR, Jean-Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Jean-Pierre PLANCADE, Mmes Danièle POURTAUD, Michèle SAN VICENTE, MM. René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Pierre-Yvon TRÉMEL, Marcel VIDAL et Henri WEBER,
Sénateurs.
( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Personnes âgées. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les milliers de morts de la canicule de l'été 2003 ont
démontré le manque de moyens de nos hôpitaux et le retard
pris par la France en matière de structures d'accueil des personnes
âgées.
Mais cette catastrophe a également mis en évidence des
défaillances plus individuelles : celles d'enfants
indifférents au sort de leurs ascendants, et qui partent en vacances en
laissant sur place un père ou une mère très
âgés, sans prendre aucune précaution pour le cas où
surviendrait une difficulté.
Ces comportements ne sont guère sanctionnés.
Sur le plan pénal, l'infraction de
«
délaissement
» d'une personne
« hors d'état de se protéger en raison de son
âge ou de son état physique ou psychique »
ou celle
de non-assistance à personne en péril sont certes susceptibles
d'être retenues, mais elles ne le sont que rarement, compte tenu des
conditions requises et aussi, sans doute, du faible nombre des poursuites.
Quant au code civil, il met bien à la charge de l'enfant majeur, outre
un devoir à portée essentiellement symbolique
d'
« honneur et respect à ses père et
mère »
, un devoir d'aliments envers ses parents ou autres
ascendants dans le besoin. Mais cette obligation, malgré son champ
théoriquement très large, se réduit, dans presque tous les
cas, à une obligation de payer. L'héritage, en revanche, reste
garanti à l'enfant qui ne porte aucune attention à ses parents
âgés, puisque l'indignité successorale ne frappe de plein
droit que celui qui est condamné à une peine criminelle pour
avoir tué le défunt et, sur prononcé du juge, que le
coupable de certains délits limitativement énumérés.
On ne peut, bien sûr, empêcher complètement un certain
desserrement des solidarités familiales, favorisé par un
éloignement géographique fréquent. Le temps n'est plus
où trois, voire quatre générations cohabitaient sous le
même toit ou dans un même village.
Mais il n'est pas acceptable que des enfants s'exonèrent de toute
responsabilité envers leurs vieux parents, et s'en défaussent
intégralement sur la collectivité.
Il appartient au législateur de rétablir, en la matière,
un minimum d'équilibre et d'équité.
Pour ce faire, il est d'abord proposé de compléter l'article
223-3 du code pénal par un nouvel alinéa précisant que se
rend coupable de délaissement, en particulier, le descendant d'une
personne vivant seule qui n'intervient pas alors que celle-ci a subi une
brusque dégradation de son état de santé et qu'il en a
été dûment informé.
Il est également proposé de compléter l'article 205 du
code civil par l'énoncé de deux obligations naturelles trop
souvent oubliées : celle, pour les enfants, de veiller à la
santé ou à la sécurité de leurs parents lorsque
l'âge ou l'état physique ou psychique de ces derniers le requiert,
et celle de pourvoir à leur sépulture.
Il convient enfin de compléter sur deux points le régime
récemment réformé des indignités
successorales : d'une part, en intégrant dans les motifs
d'indignité les condamnations pour délaissement ou pour non
assistance à personne en péril ; d'autre part, en exposant
également au prononcé d'une telle indignité ceux qui, en
méconnaissance de l'obligation rappelée ci-dessus, n'ont pas
pourvu à la sépulture de leur ascendant défunt.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi, qu'il vous est
demandé d'adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article premier
L'article 223-3 du code pénal est
complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Est, en particulier, constitutif de délaissement le fait,
pour le descendant d'une personne vivant seule, de ne pas se tenir
informé régulièrement de l'évolution de
l'état de santé de l'intéressé et de ne pas
intervenir alors que celui-ci a subi une brusque dégradation. Le fait
qu'il en ait été dûment informé constitue une
circonstance aggravante.
Article 2
L'article 205 du code civil est complété comme
suit :
« Ils veillent à leur santé et à leur
sécurité lorsque leur âge ou leur état physique ou
psychique le requiert. Ils pourvoient à leur
sépulture ».
Article 3
L'article 726 du code civil est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« 3° - Celui qui est condamné, comme auteur ou
complice, à une peine criminelle pour avoir délaissé le
défunt, notamment en application du dernier alinéa de l'article
223-3 du code pénal ».
Article 4
I. Le
cinquième alinéa (4°) de l'article 727 du code civil est
remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« 4° - Celui qui est condamné à une
peine correctionnelle pour avoir délaissé le défunt,
notamment en application du dernier alinéa de l'article 223-3 du code
pénal ».
5° - Celui qui est condamné pour s'être
volontairement abstenu d'empêcher soit un crime soit un délit
contre l'intégrité corporelle du défunt d'où il est
résulté la mort, alors qu'il pouvait le faire sans risque pour
lui ou pour les tiers ;
6° - Celui qui est condamné pour s'être
volontairement abstenu de porter au défunt en péril l'assurance
que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui porter soit par son
action personnelle, soit en provoquant un secours, lorsque cette abstention a
entraîné la mort ».
II. En conséquence, le 5° devient 7°.
Article 5
Le
dernier alinéa de l'article 727 du code civil est complété
comme suit :
« ..., ou ceux qui, en méconnaissance de l'article 205, n'ont
pas pourvu à la sépulture du défunt ».