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N° 213

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 8 février 2008

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 février 2008

PROPOSITION DE LOI

tendant à faire la distinction entre publicités et articles de presse rédactionnels , en matière d' information sur le vin ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Roland COURTEAU, Marcel RAINAUD, Jean BESSON, Robert TROPEANO, Bernard PIRAS, Simon SUTOUR, Mmes Jacqueline ALQUIER, Françoise CARTRON, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Patricia SCHILLINGER, MM. Alain ANZIANI, Claude DOMEIZEL, Claude BÉRIT-DÉBAT, Didier GUILLAUME, François PATRIAT, Daniel RAOUL, Pierre-Yves COLLOMBAT, Philippe MADRELLE, Jean-Marc PASTOR et Gérard MIQUEL,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La lutte contre l'alcoolisme est un objectif de santé publique qui justifie que certaines restrictions soient apportées au régime de la publicité en faveur des boissons alcoolisées. Mais ces restrictions doivent rester proportionnées à l'objectif poursuivi et ne pas compromettre le respect de principes tout aussi légitimes comme celui de la liberté d'expression.

Or, cet équilibre délicat est remis en question par une évolution jurisprudentielle récente qui étend à des articles rédactionnels parus dans la presse les contraintes que le législateur avait entendu réserver à la publicité proprement dite.

Une clarification apparait donc aujourd'hui nécessaire pour éviter que ne s'accentuent certaines dérives.

Le régime juridique de la publicité en faveur des boissons alcoolisées résulte actuellement d'une série de dispositions du code de la santé publique.

L'une d'entre elles, l'article L. 3323-4, autorise la publicité pour ces boissons mais sous réserve de deux conditions : celle-ci doit se borner à un certain nombre d'indications ou de paramètres limitativement énumérés par la loi ; en outre, elle doit être assortie d'un message de caractère sanitaire précisant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé.

De ces conditions, si la seconde est la plus visible pour le grand public, la première qui a trait au contenu du message publicitaire est la plus contraignante.

Dans un premier temps, la publicité devait en effet se limiter « à l'indication du degré volumétrique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente ou du mode de consommation des produits » .

Cependant, ce cadre, particulièrement restrictif, comportait, en outre certaines imprécisions propices à développer nombre de contentieux.

Aussi doit-on se réjouir qu'à l'occasion de la discussion de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, le Sénat soit intervenu une première fois pour compléter l'article L. 3323-4 précité, par un alinéa additionnel ajoutant que cette publicité peut comporter, en outre, des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux indications géographiques reconnues, ou encore aux références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques.

Mais il faut se rappeler que ce régime qui, malgré cet assouplissement bienvenu, reste restrictif , a bien été conçu pour s'appliquer à la publicité proprement dite, et que son extension à la parution d'articles rédactionnels, dépourvus de toute contrepartie financière, pourrait constituer une entrave injustifiée à la liberté d'expression .

Or, certains jugements récents semblent bien amorcer une telle évolution jurisprudentielle.

Dans deux jugements 1 ( * ) rendus successivement en juin et en décembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que des articles illustrés de photographies consacrés au vin constituaient, même en l'absence de tout achat d'espace publicitaire, des publicités dans la mesure où ils avaient pour effet de promouvoir la vente d'une boisson alcoolique en exerçant sur le lecteur une action psychologique de nature à l'inciter à la consommation, et donc, qu'à ce titre, ils auraient dû respecter les prescriptions de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique.

Ces deux arrêts se situent dans le prolongement d'une jurisprudence 2 ( * ) comparable portant sur un autre secteur de la publicité réglementée, dans laquelle le juge a considéré, d'une façon plus explicite encore, qu'il n'y avait « pas lieu de distinguer, eu égard à l'objectif de santé publique visé par la loi, entre la publicité commerciale, conçue et payée par un annonceur, et la publicité rédactionnelle, information objective émanant d'un journaliste indépendant, dès lors qu'elle a pour effet de donner une image favorable [de ces produits] et par là-même d'inciter à leur consommation ».

Cette confusion parait extrêmement périlleuse au regard de la liberté d'expression et de la liberté de la presse.

Assimiler à une forme de publicité tout article, ou toute publication qui donnerait une image favorable d'une boisson alcoolisée, lui imposerait en effet non seulement d'être assorti du rituel message sanitaire, mais en outre, de se borner aux seules indications limitativement autorisées par l'article L. 3323-4 du code de la santé publique .

Ces règles, conçues pour encadrer la publicité, constitueraient un redoutable carcan pour la presse : tout article qui n'aborderait pas une boisson, comme le vin, sous l'angle de la dénonciation pudibonde , encourrait le risque de censure. Les revues de consommateurs devraient y regarder à deux fois avant de comparer les mérites et les prix respectifs de plusieurs vins. Quant à la presse oenologique, elle n'aurait plus qu'à se résigner à sa disparition.

Pour mettre un frein à ces dérives manifestes, la présente proposition de loi recommande dans un article unique de compléter l'article L. 3323-4 du code de la santé publique pour recentrer son dispositif sur la publicité proprement dite, en précisant qu'il ne saurait s'appliquer aux articles de presse rédactionnels élaborés d'une manière indépendante et publiés sans contrepartie financière.

Tel est le texte qu'il vous est recommandé d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L'article L. 3323-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ne constituent pas des publicités au regard du présent dispositif les articles de presse élaborés d'une manière indépendante et publiés sans contrepartie financière. »

* 1 Tribunal de grande instance de Paris 06/00193 du 26 juin 2007 et 06/05406 du 20 décembre 2007

* 2 TGI Paris du 24 avril 2003

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