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N° 781
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 août 2011 |
PROPOSITION DE LOI
relative à la création d'un ordre professionnel des mandataires judiciaires à la protection des majeurs ,
PRÉSENTÉE
Par Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2010, 700 000 personnes environ, soit plus de 1 % de la population française, étaient placées sous un régime de protection juridique. Il faut ajouter à ce chiffre les 67 000 adultes relevant d'une mesure de tutelle aux prestations sociales. La forte croissance du nombre des majeurs protégés (+ 100 000 entre 2007 et 2010) s'explique notamment par l'allongement de l'espérance de vie et le vieillissement corrélatif de la population.
La protection des majeurs est reconnue à l'article 415 du code civil comme « un devoir de la famille et de la collectivité publique ». Ainsi, 55 % des mesures de protection civile sont exercées par les familles, 36 % par les associations tutélaires et 9 % par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Depuis le 1er janvier 2009, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, le juge peut confier l'exercice des mesures de protection à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur une liste établie par le préfet de département. Cette nouvelle profession de mandataire judiciaire a remplacé celle de gérant de tutelle privé.
Un des objectifs de la loi de 2007 était de créer un statut véritablement homogène pour tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, au moins en ce qui concernait l'exercice de leur activité, la qualité de leurs prestations et les droits de leurs usagers. La loi a ainsi défini le rôle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (article L. 461-1), innovation importante dans la mesure où aucune définition générique de la profession n'existait jusque là.
Lors des travaux préparatoires de la loi de 2007, certains magistrats ont exprimé leur désaccord sur l'exclusivité laissée aux préfets de département pour la centralisation des demandes d'agrément ou d'autorisation des personnes ou services désireux de devenir mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Ils estimaient en effet qu'il aurait été préférable de prévoir un agrément au niveau national, afin d'assurer un meilleur contrôle et un traitement égal des demandes.
Cette proposition vise à répondre à cette attente en créant un ordre professionnel des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
L'ordre professionnel est, selon les termes de Gérard CORNU dans son Vocabulaire Juridique, un « organisme de caractère corporatif institué par la loi au plan national et regroupant obligatoirement les membres d'une profession libérale qui exerce, outre une fonction de représentation, une mission de service public consistant dans la règlementation de la profession et dans la juridiction disciplinaire sur ses membres ».
Ainsi en France, l'exercice de certaines professions est soumis à la possession d'un diplôme. Il revient aux ordres professionnels de les contrôler et d'établir la liste des titulaires habilités à exercer les professions relevant de leur ordre.
Ce contrôle de la capacité d'exercice est la première mission d'un ordre professionnel et il semble indispensable que l'accès à une profession telle que celle de mandataire judiciaire à la protection des majeurs soit justement validé par des professionnels. Ce contrôle se justifie par l'importance des enjeux en question : santé publique, droit à se défendre devant une juridiction, aménagement du territoire.
La seconde mission des ordres professionnels consiste en un arbitrage des conflits internes à la profession, ce qui leur permet d'acquérir une compétence juridictionnelle. Dans un souci de transparence, et parce qu'ils agissent auprès d'une population vulnérable, il serait important que l'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs puisse faire l'objet de contrôles réguliers.
L'absence de statut officiel de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, alors même que ces mandataires effectuent une mission de service public, obère leur représentativité au plan national et auprès des pouvoirs publics. Doter cette profession d'une représentation et d'une déontologie dignes de son rôle central semblerait donc particulièrement opportun. Une première étape serait une reconnaissance claire par l'État de la mission de service public exécutée par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
La création d'un ordre professionnel des mandataires judiciaires à la protection des majeurs permettrait en outre d'accroitre leur visibilité auprès du public concerné, en structurant une profession jusque-là peu organisée et divisée. Se prenant en charge elle-même, la profession optimiserait son efficacité, sa déontologie et sa représentativité.
L' article 1 de la proposition de loi institue ainsi l'ordre des mandataires judiciaires, en précise les missions et en organise le fonctionnement.
Il propose un complément à la rédaction du chapitre premier du Titre VII du Livre IV du code de l'action sociale et des familles, qui comprend actuellement les dispositions relatives aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs (articles L. 471-1 à L. 471-6, L. 471-9 et L. 471-1 à L. 471-8 pour tous les types de mandataires ; L. 472-1 à L. 472-4 pour les mandataires privés, L. 472-5 à L. 472-9 pour les préposés d'établissement).
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Il est inséré dans le code de l'action sociale et des familles un article fixant les modalités de la création de l'Ordre des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Article 2
Il est inséré dans le code de l'action et des familles au titre VII du livre IV un chapitre V ainsi intitulé : « Organisation de la profession des mandataires judiciaires à la protection des majeurs ».
Article 3
Il est inséré un article L. 475-1 à ce chapitre ainsi rédigé :
« Il est institué un ordre national des mandataires judiciaires à la protection des majeurs rassemblant obligatoirement tous les mandataires judiciaires habilités à exercer la profession, suite à l'obtention du certificat national de compétence. L'ordre national des mandataires judiciaires à la protection des majeurs veille au maintien des principes d'honnêteté et de qualification indispensables à la prise en charge des mesures de protection ainsi qu'à l'observation par tous les membres des droits, devoirs et obligations professionnels.
« Il assure la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
« Il est consulté par les pouvoirs publics sur les orientations en matière de régime de protection des majeurs.
« Il prépare et actualise en tant que besoin par son conseil national, en collaboration avec les conseils régionaux, un code de déontologie propre à la profession, édicté sous la forme d'un décret pris en Conseil d'État.
« Il participe et émet un avis avant toute élaboration réglementaire relative aux conditions d'exercice professionnel, notamment en ce qui concerne les programmes de formation. Pour ce faire, il entend, en tant que besoin, les associations professionnelles, chambres ou services réglementairement constitués.
« Il délivre, en collaboration avec les pouvoirs publics, les agréments d'exercice de la profession.
« Il valide et enregistre les équivalences de diplômes.
« Il veille à la conformité déontologique de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
« Il délivre à ses membres toutes informations relatives à la profession et participe au suivi démographique de la profession.
« Il crée toute commission de travail qu'il juge nécessaire pour favoriser l'évolution de la profession.
« Il peut organiser toutes oeuvres d'entraide au bénéfice de ses membres et de leurs ayants droits.
« Il accomplit ces missions par l'intermédiaire des conseils régionaux et du conseil national de l'Ordre. »
Article 4
Il est inséré un article L 475-2 ainsi rédigé :
« Il est institué un conseil de l'Ordre national des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
« Le conseil de l'Ordre national est composé des présidents des ordres régionaux.
« Ces derniers élisent en leur sein le président de l'ordre national pour une mandature d'une durée de deux années.
« Le conseil de l'Ordre vote ses décisions à la majorité simple; en cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. »
Article 5
Il est inséré un article L 475-3 ainsi rédigé :
« Dans chaque région est constitué un conseil régional de l'ordre des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
« Il applique dans son ressort de compétence les décisions du conseil national de l'Ordre.
« Il a une compétence juridictionnelle pour tous les litiges.
« Les mandataires inscrits sur les listes préfectorales de chaque département inclus dans l'une des régions de la France votent pour désigner leurs représentants aux conseils régionaux.
« Il y a un élu par département dépendant de la Région ;
« Le scrutin est uninominal à deux tours. Les candidats sont élus à la majorité absolue au premier tour et relative au second tour et pour une durée de deux années.
« Les élus désignent en leur sein un président selon le même mode et pour la même durée.
« Les décisions des conseils des ordres régionaux sont prises à la majorité simple. En cas de partage des voix, celle du président vaut double. »
Article 6
Il est institué un article L 475-4 ainsi rédigé :
« Le conseil de l'Ordre national rédige un règlement intérieur applicable à tous les conseils tant national que régionaux ;
« Ce règlement intérieur comporte toutes dispositions utiles concernant:
- les qualités techniques et morales indispensables à un mandataire pour être inscrit au tableau de l'ordre ainsi que leur vérification.
- la déontologie de la profession tant dans ses relations internes que dans celles avec les autres professions, l'administration et la clientèle ;
- la discipline et les sanctions en cas de manquement aux règles éthiques et déontologiques.
Article 7
Le projet de règlement intérieur est soumis au Conseil d'État pour contrôle et validation.
Article 8
Les éventuelles conséquences financières résultant pour l'État de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.