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N° 43

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 octobre 2011

PROPOSITION DE LOI

tendant à poser des critères objectifs aux offres de reclassement éventuellement proposées à certains salariés dans le cadre d'un plan de licenciement économique,

PRÉSENTÉE

Par M. Philippe ADNOT,

Sénateur

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 1233-4 du code du travail dispose :

« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

« Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

« Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. »

En application de cet article, les entreprises qui souhaitent procéder à un licenciement économique sont tenues de proposer à leurs employés les reclassements possibles dans leurs autres établissements ou dans d'autres entreprises du groupe tant en France qu'à l'étranger. Or, dans cette dernière occurrence, la jurisprudence peut conduire à des situations incongrues, particulièrement dans le cas où le groupe concerné est amené à proposer un reclassement à l'étranger dans des pays en voie de développement où les conditions salariales sont, à l'aune de la réglementation française, notamment du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), ridiculement faibles.

Ainsi, le 13 mai 2009, le fabricant français de chaussettes Olympia a été condamné par la cour d'appel de Reims à verser 2,5 millions d'euros à 47 salariés licenciés, soit en moyenne 32 mois d'indemnité par salarié, pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie. Or, en plein accord avec le comité d'entreprise, la direction s'était refusé à proposer des reclassements « indignes » dans son usine de Roumanie à un salaire de 110 euros par mois. Cet exemple n'est pas isolé et risque malheureusement de se dupliquer dans la conjoncture actuelle, où plus que jamais les droits des salariés ne sauraient être bafoués et où plus que jamais les directions des sociétés ne peuvent lutter dans un tel climat d'insécurité juridique.

Si la Cour de cassation a tenté d'encadrer davantage ces obligations légales en exigeant de l'employeur qu'il établisse qu'il a réellement consenti des efforts de reclassement, elle a précisé que, dans le cas d'un groupe, le reclassement devait être recherché dans les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, sans se prononcer sur les niveaux de salaires acceptables.

Or, dans une instruction n° 2006-01 du 23 janvier 2006 de la Direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle, le ministère de l'emploi a, pour apprécier le caractère réel et sérieux des propositions de reclassement à l'étranger, estimé qu'une proposition de reclassement à l'étranger « pour des salaires très inférieurs au SMIC ne pouvait être considérée comme sérieuse » et ne satisfaisait pas aux obligations posées par l'article L. 1233-4 du code du travail.

La présente proposition de loi a pour objet de mettre fin à l'insécurité juridique née des interprétations différentes de la jurisprudence et de l'instruction susvisée. Elle tend à remédier aux imprécisions de la loi en matière de reclassement à l'étranger, particulièrement pour les salariés payés au SMIC qui sont les plus impactés, et à mettre chacun devant ses responsabilités. À cet effet, il est proposé de compléter le contenu de l'article L. 1233-4 du code du travail en prévoyant que l'offre de reclassement à l'étranger ne doit pas être obligatoirement proposée par l'employeur dès lors que le salaire y afférent est inférieur de 10 % au SMIC.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le dernier alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sauf demande expresse du salarié, l'employeur n'est pas tenu de proposer des offres de reclassement à l'étranger si le salaire y afférent est inférieur de 10 % au salaire minimum interprofessionnel de croissance. »

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