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N° 53
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2012 |
PROPOSITION DE LOI
relative aux contrôles d' identité ,
PRÉSENTÉE
Par M. Yves POZZO di BORGO,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'objet de la présente proposition de loi est de renforcer la confiance que nos concitoyens placent quotidiennement dans nos services de police en sécurisant le cadre juridique de leur action en matière de contrôles d'identité. Pour ce faire, elle modifie l'article 78-2 du code de procédure pénale, base juridique des contrôles d'identité.
Souvent décrié par les associations, l'usage parfois abusif et répété des contrôles d'identité constitue une atteinte aux principes républicains essentiels. Cette pratique envenime les relations quotidiennes entre les forces de l'ordre et les citoyens. Ces contrôles abusifs peuvent s'avérer humiliants et nourrissent, dans certaines zones urbaines et péri-urbaines, un climat de défiance entre la police et les populations les plus sujettes à ceux-ci.
Cette défiance peut d'ailleurs se traduire par des comportements et des propos inacceptables à l'égard des forces de l'ordre. Ainsi, l'Observatoire national de la délinquance indique qu`entre 1996 et 2007, les outrages à agents sont passés de 17 000 à 31 000. Sans parler des trop nombreuses agressions physiques dont sont victimes les forces de l'ordre.
Selon le rapport 2009 du CNRS et du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), les forces de l'ordre françaises recourraient massivement aux contrôles d'identité. Ces contrôles seraient subis prioritairement par une partie de la population : ceux perçus comme « jeunes » (11 fois plus), « noirs » (6 fois plus que les « blancs »), ou « arabes » (8 fois plus). Ce constat a encore récemment été étayé par un rapport publié en janvier 2012 par Human Rights Watch et intitulé « La base de l`humiliation - Les contrôles d'identité abusifs en France ». L'inexistence de données officielles en France sur les contrôles d'identité ne permet pas actuellement d`évaluer l`efficacité de l'action policière en la matière et une quelconque baisse effective de la délinquance grâce à eux.
Or, plusieurs expériences étrangères (au Royaume-Uni, en Espagne, et aux États-Unis notamment) ont démontré que depuis l'instauration d'un contrôle assorti d'un reçu, les contrôles d'identité sont à la fois moins nombreux et plus efficaces.
Cette proposition de loi touche à la cohésion nationale et à la sécurité. Elle concerne la nécessité d'asseoir la confiance dans les institutions. Elle a pour but d'améliorer les relations entre la police et la jeunesse. En effet, l'absence de procès-verbal à la suite des opérations de contrôle d'identité est un obstacle à l'identification des policiers qui nuiraient à la réputation du service de la police par leur comportement parfois perçu comme abusif.
Cette proposition de loi entend tout d'abord modifier l'article 78-2 du code de procédure pénale qui requiert des raisons « plausibles » et non « objectives » de soupçonner quelqu'un pour pouvoir procéder à un contrôle d'identité. Par ailleurs, elle vise à instaurer un outil qui permettrait de répertorier les contrôles d'identité, en collectant les procès-verbaux dont ils feraient objet.
Ainsi, l'alinéa premier de l`article 78-2 du code de procédure pénale serait modifié en remplaçant les mots : « raisons plausibles de soupçonner », par les mots : « raisons objectives et individualisées de soupçonner ».
Par ailleurs, à peine de nullité de la procédure, serait remis à l'issue de chaque contrôle une attestation qui comporterait plusieurs mentions :
- L'identité de la personne contrôlée ;
- Le(s) motif(s) du contrôle ;
- Le jour, le lieu, et l'heure du contrôle d'identité ;
- Le matricule de l'agent ayant procédé au contrôle d'identité;
- L'aboutissement du contrôle d'identité ;
- Les observations éventuelles de la personne ayant fait l'objet du contrôle.
Ce procès-verbal permettrait de conserver les informations relatives aux contrôles d'identité afin d`évaluer leur fréquence et, le cas échéant, de servir d'élément de preuve en cas de litige tant pour la personne contrôlée qui allèguerait le caractère abusif de la procédure, que pour l'agent de police accusé à tort de « contrôle au faciès ». Ce recours s'effectuerait auprès de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), qui se verrait ainsi reconnaître une nouvelle compétence. Dans le cadre de cette procédure, elle serait également investie de la mission de collecte et de conservation desdits procès-verbaux.
Par ce mécanisme régulé et contrôlé par l'Inspection générale de la police nationale, sous le contrôle des commissions permanentes du parlement en charge de ces questions, les contrôles d`identité retrouveront leur vocation première : protéger l'ordre public en assurant aux citoyens la jouissance de leurs libertés fondamentales, dont celle de circuler librement. Ce mécanisme sera ainsi facteur de pacification des relations entre les citoyens et les forces de l'ordre.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
L'article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « raisons plausibles de soupçonner », sont remplacés par les mots : « raisons objectives et individualisées de soupçonner » ;
2° Après le cinquième alinéa, sont insérés sept alinéas ainsi rédigés :
« Les contrôles d'identités réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l'établissement d'un procès-verbal. Il devra mentionner :
« - l'identité de la personne contrôlée ;
« - le(s) motif(s) du contrôle ;
« - le jour, le lieu, et l'heure du contrôle d'identité ;
« - le matricule de l'agent ayant procédé au contrôle d'identité ;
« - 'aboutissement du contrôle d'identité ;
« - les observations éventuelles de la personne ayant fait l'objet du contrôle. »
Article 2
Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de publicité de l'immatriculation des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1 du code de procédure pénale. Il fixe également les modalités de garantie de l'anonymat des personnes contrôlées. Enfin ce décret détermine les voies de recours administratifs, auprès de l'Inspection générale de la police nationale, ouvertes au bénéfice des personnes soumises à des contrôles d'identités non justifiés au sens de la présente loi.
La loi de finances de l'année détermine les indicateurs de performances pertinents pour mesurer l'évolution de la fréquence de ces recours.
Article 3
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles de Wallis et Futuna.
Article 4
Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d`une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.