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N° 64

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 octobre 2012

PROPOSITION DE LOI

visant à instituer un délit de harcèlement religieux ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Sylvie GOY-CHAVENT, MM. Joël GUERRIAU, Alain DUFAUT, Alain MILON, Mme Esther SITTLER, MM. Michel BÉCOT et René BEAUMONT,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le prosélytisme désigne l'attitude de ceux qui cherchent à rallier des personnes à une doctrine. Il vise, à terme, la conversion de l'autre et pour ce qui nous occupe, sa conversion religieuse.

Si le prosélytisme est protégé et garanti au nom de la liberté religieuse, la liberté de manifester sa religion ou ses convictions peut faire l'objet de restrictions prévues par la loi et à ce titre, le prosélytisme ne devrait-il pas être sanctionné par la loi dès lors qu'il s'apparente à du harcèlement ?

La Cour européenne précise que « dans une société démocratique où plusieurs religions coexistent au sein d'une même population, il peut se révéler nécessaire d'assortir la liberté religieuse de limitations propres à concilier les intérêts des divers groupes et à assurer le respect des convictions de chacun ».

En effet, si tenter de convertir autrui est autorisé, cette tentative de conversion ne doit pas s'accompagner d'une quelconque contrainte physique ou psychologique.

Pourtant, en droit français, seuls les voies de fait, menaces, abus d'autorité, machinations, artifices coupables ou corruption sont sanctionnés. La simple insistance, même appuyée et répétée, à l'encontre d'un individu pour le convaincre d'exercer un culte n'est pas constitutive d'une infraction.

Convaincre n'est pas contraindre. La psychologue et philosophe Ariane BILHERAN a ainsi défini le harcèlement comme une pratique qui « vise la destruction progressive d'un individu ou d'un groupe par un autre individu ou un groupe, au moyen de pressions réitérées destinées à obtenir de force de l'individu quelque chose contre son gré ... ».

Vous n'êtes pas sans savoir, qu'en France, dans certains quartiers, il n'est plus possible pour une femme de se promener en jupe sans être prise à partie ou insultée. Est-ce acceptable ?

N'est-on pas en droit d'affirmer que toute pression exercée pour exiger d'un individu qu'il suive une prescription religieuse est un agissement constitutif de harcèlement ?

Si la reconnaissance des libertés publiques, telle la liberté de croyance, s'inscrit dans la tradition de la République, de tels actes de harcèlement religieux ne devraient-ils pas être durement sanctionnés par la loi ?

Tels sont, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, les motifs de la proposition de loi qui vous est soumise.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après la section 6 bis du chapitre III du titre II du livre II du code pénal, il est inséré une section 6 ter et un article 223-15-5 ainsi rédigés :

« SECTION 6 TER

« Du harcèlement religieux

« Art. 223-15-5 : constitue un acte de harcèlement religieux le fait de faire pression sur une personne, un membre de sa famille ou une de ses connaissances, pour la contraindre à suivre une prescription religieuse contre son gré.

« Est punie d'un an d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende, toute personne qui s'est rendue coupable d'un acte de harcèlement religieux.

« Cette peine est portée à deux ans de prison et 20 000 euros d'amende si cet acte a eu lieu en réunion ou dans l'espace public. »

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