Document "pastillé" au format PDF (58 Koctets)
N° 86
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 octobre 2016 |
PROPOSITION DE LOI
relative à la composition de la cour d' assises de l' article 698-6 du code de procédure pénale ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Philippe BAS, François ZOCCHETTO, François-Noël BUFFET, Yves DÉTRAIGNE et François PILLET,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En réponse à la vague d'attentats terroristes qui frappa notre pays au milieu des années 1980, le législateur a doté notre arsenal pénal et procédural de nouvelles règles renforçant l'efficacité de la lutte antiterroriste avec la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État. Outre l'attribution d'une compétence concurrente en matière de lutte antiterroriste aux juridictions parisiennes afin de permettre une centralisation du traitement de ces affaires, cette loi a prévu des dispositions particulières en matière de jugement des crimes terroristes, dérogeant aux règles habituelles en matière de composition et de fonctionnement des cours d'assises.
Motivé par le souci de limiter tant les risques de pressions sur les personnes chargées du jugement que les difficultés liées à la réunion de l'ensemble des jurés par tirage au sort, la loi du 9 septembre 1986 a prévu le jugement des crimes terroristes par une cour d'assises exclusivement composée de magistrats professionnels. À cet effet, compétence a été donnée, pour le jugement de ces crimes, à la cour d'assises prévue par l'article 698-6 du code de procédure pénale, créée par la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire et de sûreté de l'État (loi qui a supprimé la Cour de sûreté de l'État). Avant la loi de 1986, cette cour disposait uniquement d'une compétence pour les crimes commis sur le territoire de la République par les militaires dans « l'exécution du service » lorsqu'existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale ainsi que pour les crimes commis, en temps de paix, contre la sûreté de l'État (trahison, espionnage et atteinte à la défense nationale).
Cette cour d'assises, dite cour d'assises spéciale, est composée d'un président et de six assesseurs lorsqu'elle statue en première instance. Avec l'ouverture de la procédure d'appel en matière criminelle par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, il a été prévu que cette cour d'assises serait composée d'un président et de huit assesseurs quand elle statue en appel. Ces assesseurs sont désignés par ordonnance du premier président de la cour d'assises soit parmi les conseillers de la cour d'appel, soit parmi les présidents, vice-présidents, ou juges du tribunal de grande instance du lieu de la tenue des assises.
La compétence de cette cour d'assises spéciale a ensuite été étendue au jugement des crimes de direction ou d'organisation d'un groupement ayant pour but le trafic de produits stupéfiants (loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992) ainsi qu'au jugement des crimes relatifs à la prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs (loi n° 2011-266 du 14 mars 2011).
Cette organisation judiciaire, qui a fait la preuve de son efficacité depuis 1986, est aujourd'hui mise à l'épreuve par l'accroissement sans précédent du nombre de procédures ouvertes pour infraction terroriste.
Comme l'ont récemment souligné de hauts magistrats exerçant des responsabilités au sein des juridictions parisiennes, 195 enquêtes préliminaires et 160 informations judiciaires relatives à des filières syro-irakiennes sont actuellement en cours. Sept dossiers sont d'ores et déjà audiencés auprès de la cour d'assises spéciale pour le début de l'année 2017. Or, avec la politique pénale récemment suivie par le parquet de Paris consistant à retenir plus systématiquement la qualification criminelle dans les dossiers de terrorisme, le nombre de dossiers renvoyés à la cour d'assises pourrait augmenter de manière substantielle en 2017. Une telle évolution aura un effet particulièrement chronophage pour les magistrats pouvant siéger à la cour d'assises spéciale pour des dossiers pouvant réclamer entre 6 jours et plusieurs semaines d'audience.
Dans ces conditions, et compte tenu de ces perspectives, la présente proposition de loi propose de modifier la composition de la cour d'assises spéciale en ramenant le nombre d'assesseurs de six à quatre en première instance et de huit à six en appel. Une telle composition garantirait un nombre de magistrats supérieur à celui requis en audience correctionnelle.
Les auteurs de la présente proposition de loi considèrent que cette réduction du nombre d'assesseurs n'est pas de nature à amoindrir l'indépendance et l'impartialité de la formation de jugement, ni les droits de la défense, conformément aux termes de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 9 septembre 1986 (décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986).
Une telle modification de la composition de la cour d'assises spéciale aurait vocation à s'appliquer à toutes les matières relevant de sa compétence et ne serait ainsi pas réservée au seul jugement des crimes terroristes.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
À la première phrase du premier alinéa de l'article 698-6 du code de procédure pénale, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quatre » et le mot : « huit » est remplacé par le mot : « six ».