Lutte consacrée contre l'antisémitisme (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 3

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er octobre 2024

PROPOSITION DE LOI


pour consacrer la lutte contre l’antisémitisme,


présentée

Par M. Stéphane LE RUDULIER,

Sénateur


(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)




Proposition de loi pour consacrer la lutte contre l’antisémitisme


Article 1er

L’antisémitisme se définit comme toute atteinte portée à des personnes physiques ou morales, considérées individuellement ou collectivement, ou encore à leurs biens, en raison de leur appartenance ou de leur association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique juive, ou en raison de caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté.

L’antisémitisme ainsi défini est réprimé, sans préjudice des autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, dans les conditions prévues par la présente loi.


Article 2

Le fait de provoquer directement à de l’antisémitisme ou de faire publiquement l’apologie de l’antisémitisme est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende.


Article 3

L’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé en raison de son appartenance ou de son association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique juive constitue une diffamation antisémite qui est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Cette allégation ou cette imputation est punissable même si l’appartenance ou l’association à la communauté religieuse et ethnique juive n’est pas expressément mentionnée dès lors que la personne à qui le fait est imputé a des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de l’allégation ou de l’imputation ne pouvait ignorer.

Cette allégation ou cette imputation est punissable même si elle est faite sous forme dubitative ou même si elle vise une personne non expressément nommée, dès lors que l’identification est rendue possible par un ensemble d’éléments suffisamment concordants.

Cette allégation ou cette imputation est également punissable même si elle n’est pas imputée directement à une personne, dès lors qu’elle l’est à un groupe de personnes qui appartiennent ou qui sont associées, vraiment ou supposément, à la communauté religieuse et ethnique juive ou dès lors qu’elle l’est à toute cette communauté, et même si un tel groupe ou cette communauté n’est pas expressément mentionné, dès lors que la reconnaissance est rendue possible par des éléments notoirement associés à cette communauté.


Article 4

Toute expression qui ne renferme l’imputation d’aucun fait et qui revêt un caractère outrageant, invectif ou méprisant en raison du fait qu’elle est formulée envers une personne qui appartient ou qui est associée, vraiment ou supposément, à la communauté religieuse et ethnique juive, ou qui a des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de l’expression ne pouvait ignorer, constitue une injure antisémite qui est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Toute injure, au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, formulée envers une personne en raison de son appartenance ou de son association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique juive, ou envers une personne qui a des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de l’injure ne pouvait ignorer, constitue également une injure antisémite qui est punie des mêmes peines.


Article 5


Le fait de contester l’existence de l’État d’Israël en remettant en cause le droit de la population israélienne à jouir souverainement, sous l’autorité effective d’un gouvernement, d’un territoire déterminé constitue une contestation antisioniste qui est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.


Article 6

Le fait d’associer indûment à la population de l’État d’Israël, ou à l’action du gouvernement de cet État, une personne en raison de son appartenance ou de son association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique juive ou en raison de caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de ce fait ne pouvait ignorer, ou encore, pour les mêmes raisons, de tenir une personne indûment responsable ou solidaire de l’action du gouvernement de l’État d’Israël ou d’exiger d’elle, par la pression ou la contrainte, qu’elle condamne, publiquement ou non, l’action de ce même gouvernement, constitue un amalgame antisémite qui est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Constitue une pression, au sens du présent article, notamment le fait d’appeler à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ainsi que le fait de subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service, ou encore la continuité ou le renouvellement d’une relation contractuelle, à l’exigence mentionnée au premier alinéa.


Article 7


Lorsque la diffamation antisémite, l’injure antisémite, la contestation antisioniste ou l’amalgame antisémite est commis par l’un des moyens énoncés au premier alinéa de l’article 23 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.


Article 8

La répétition excessive de propos ou d’images, relevant a priori d’un droit à la satire, au blasphème ou à la caricature, qui visent la communauté religieuse et ethnique juive, une personne ou groupe de personnes dont l’appartenance ou l’association, vraie ou supposée, à cette communauté est l’objet principal, ou l’un des objets, des propos ou des images en cause, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Cette répétition est punissable même si l’appartenance ou l’association à la communauté religieuse et ethnique juive n’est pas expressément mentionnée ou illustrée, dès lors qu’elle est suggérée par des éléments notoirement associés à cette communauté.


Article 9

Il est procédé aux poursuites et à la répression des infractions prévues aux articles 3 à 7 de la présente loi dans les mêmes conditions que pour les infractions prévues au deuxième alinéa de l’article 32 et au troisième alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Lorsqu’une des infractions prévues aux articles 2 à 8 de la présente loi est commise par la voie de la presse ou de la communication au public en ligne, il est procédé à la détermination des personnes responsables suivant les dispositions spécialement applicables à ces matières.


Article 10

Les discriminations au sens des articles 225-1 à 225-3 du code pénal, à l’exception de celles prévues à l’article 225-3 du même code, commises à l’égard de personnes en raison de leur appartenance ou de leur association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique juive, ou à l’égard de personnes qui ont des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur des discriminations ne pouvait ignorer, sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles consistent :

1° À refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;

2° À entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ;

3° À refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;

4° À subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés au premier alinéa ;

5° À subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés au premier alinéa ;

6° À refuser d’accepter une personne à l’un des stages mentionnés au 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.

Lorsque la discrimination consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service dans un lieu accueillant du public ou d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.


Article 11

Les violences, quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques, commises sur des personnes en raison de leur appartenance ou de leur association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique juive, ou sur des personnes qui ont des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur des violences ne pouvait ignorer, constituent des violences antisémites qui sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours, ou aucune incapacité de travail. Lorsque les violences ont entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Les peines encourues sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque cette infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, est commise :

1° Alors que la victime est également :

a) Un mineur de quinze ans ;

b) Une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

c) Une personne dont l’état de sujétion psychologique ou physique, au sens du I de l’article 223-15-3 du code pénal, est connu de leur auteur ;

d) Un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, une personne dépositaire de l’autorité publique autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 du même code, un gardien assermenté d’immeubles ou de groupes d’immeubles ou un agent exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation en application de l’article L. 271-1 du code de la sécurité intérieure, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;

e) Une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du même code dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;

f) Un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou une personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 du code pénal ainsi qu’un professionnel de santé, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;



g) Une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, si les faits sont commis dans l’exercice de cette activité ;



2° À raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre vraie ou supposée de la victime ;



3° Par une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du code de la sécurité intérieure dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ;



4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;



5° Par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants ;



6° Par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée ;



7° Par un majeur agissant avec l’aide ou l’assistance d’un mineur ;



8° Avec préméditation ou avec guet-apens ;



9° Avec usage ou menace d’une arme ;



10° Dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ;



11° Dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs.



Lorsque cette infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, est commise dans au moins deux des circonstances prévues aux 1° à 11° du présent article, les peines encourues sont portées à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.


Article 12


Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objectif la réalisation d’une infraction prévue par la présente loi est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.


Article 13

Lorsqu’une infraction prévue par la présente loi est commise par une personne investie d’un mandat électif, une personne dépositaire de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, l’amende encourue est portée au double et la peine d’emprisonnement à :

1° Dix ans, si l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;

2° Sept ans, si l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;

3° Cinq ans, si l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;

4° Trois ans, si l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;

5° Deux ans, si l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement.


Article 14

Pour les infractions prévues par la présente loi, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

1° Sept ans, si l’infraction est punie de dix ans d’emprisonnement ;

2° Cinq ans, si l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;

3° Trois ans, si l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;

4° Un an, si l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement.

Toutefois, la juridiction peut, par décision spécialement motivée, prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur, de sa repentance ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

Lorsque l’infraction est commise en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion et qu’il témoigne d’une sincère repentance.


Article 15


Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 du code pénal relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par la présente loi lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à dix ans d’emprisonnement.


Article 16

Les personnes coupables d’une infraction prévue par la présente loi encourent également les peines complémentaires suivantes :

1° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal ;

2° Le travail d’intérêt général, pour une durée de vingt à cent vingt heures ;

3° L’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté. Sauf décision contraire de la juridiction, ce stage est effectué aux frais du condamné ;

4° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues à l’article 131-26 du même code. Toutefois, le maximum de la durée de l’interdiction est porté à dix ans en cas de condamnation pour délit.


Article 17


Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions prévues par la présente loi, encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, les peines prévues à l’article 131-39 dudit code.


Article 18

Lorsqu’un délit ou un crime, autre que ceux définis par la présente loi, est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit établissent que les faits ont été commis contre la victime en raison de son appartenance ou de son association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique juive, soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de cette communauté, notamment en portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime qui en fait partie, vraiment ou supposément, ou encore lorsque la victime a des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de l’infraction ne pouvait ignorer, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :

1° Il est porté à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l’infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle ;

2° Il est porté à trente ans lorsque l’infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;

3° Il est porté à vingt ans lorsque l’infraction est punie de quinze ans de réclusion criminelle ;

4° Il est porté à dix ans lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;

5° Il est porté à sept ans lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;

6° Il est porté à cinq ans lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;

7° Il est porté à trois ans lorsque l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;

8° Il est porté au double lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement.

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