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N° 25

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 octobre 1995.

PROPOSITION DE LOI

autorisant la saisine pour avis du Tribunal administratif par les exécutifs des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale,

PRÉSENTÉE

Par MM. Georges GRUILLOT, Philippe ADNOT, Jean BERNARD, Roger BESSE, Paul BLANC, Jacques BRACONNIER, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Robert CALMEJANE, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jacques CHAUMONT, Charles de CUTTOLI, Désiré DEBAVELAERE, Jean-Paul DELEVOYE, Luc DEJOIE, Jacques DELONG, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Daniel GOULET, Adrien GOUTEYRON, Bernard HUGO, Jean-Paul HUGOT, Roger HUSSON, André JOURDAIN, René-Georges LAURIN, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, Maurice LOMBARD, Simon LOUECKHOTE, Philippe MARINI, Lucien NEUWIRTH, Jacques OUDIN, Alain PLUCHET, Roger RIGAUDIÈRE, Jean-Paul SCHOSTECK, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, Alain VASSELLE et Serge VINÇON,

Sénateurs,

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Collectivités territoriales. - Établissements publics - Tribunal administratif.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Dire aujourd'hui que notre environnement législatif et réglementaire souffre de sa complexité est devenu un lieu commun. On ne compte pas moins de 150 000 textes de portée générale dont plus de 7 500 lois, 82 000 décrets et 21 000 règlements de la Communauté européenne, sans compter les quelque 10 000 à 15 000 circulaires émises chaque année par les autorités centrales.

À ce foisonnement s'ajoute une technicité qui contribue à l'opacité des mesures édictées. Aussi, l'effort de simplification administrative et législative souhaité par M. le Président de la République et engagé par le Gouvernement est en ce sens très appréciable, tant l'inflation « textuelle » tue le principe de la loi, accréditant cette formule qui veut que, « lorsque le droit bavarde, il ne lui est porté qu'une oreille distraite » (Conseil d'État, rapport 1991). À ce titre, les dispositions prises en faveur de l'évaluation des politiques publiques et de l'amélioration de la législation devraient affirmer une meilleure lisibilité de la loi et ainsi conforter son entendement et son application.

À lui seul, le constat de cette prolifération normative est inquiétant ; cependant, il induit d'autres effets plus graves, notamment pour ceux qui y sont confrontés dans leur quotidien, à savoir les élus locaux.

Dans son excellent rapport (« Démocratie locale et responsabilité », n° 328 S 1994-1995) établi au nom du groupe de travail de la commission des Lois du Sénat sur la responsabilité pénale des élus locaux, notre collègue Pierre Fauchon précise qu' » elle (cette inflation) traduit, par ailleurs, une très grande instabilité des règles qui rend d'autant plus aléatoire leur connaissance par les citoyens, lesquels se trouvent exposés à une très grande insécurité juridique » . Plus que tout autre citoyen, l'élu local est selon le célèbre adage « censé ne pas ignorer la loi » puisqu'il est de par ses fonctions chargé en premier chef de l'exécution des lois et règlements.

Face à cette « surproduction normative », les élus locaux - et plus particulièrement ceux en charge des petites collectivités - ne disposent pas des moyens techniques et humains pour satisfaire, d'une part, à une bonne connaissance des textes et pour éviter, d'autre part, les risques de condamnation auxquels leur responsabilité pénale les expose désormais. Dans son rapport public intitulé « Décentralisation et ordre juridique » publié en 1993, le Conseil d'État précise que près de 3 000 articles constituent les textes de base applicables aux collectivités locales. Il est évidemment impossible d'exercer une vigilance efficace devant un tel maquis.

Cette disproportion entre règles et moyens peut ainsi apparaître comme une véritable injustice. À terme, et si l'on n'y prend pas garde, elle peut même entraîner des effets pervers analogues à ceux dénoncés au titre de la mise en cause pénale, à savoir un découragement des élus locaux, une professionnalisation incompatible avec le principe d'égal accès des citoyens aux mandats électifs et à une paralysie de l'initiative et de la gestion locales.

Compte tenu des sollicitations et des responsabilités de plus en plus nombreuses et variées auxquelles sont soumis nos collègues, touchant à des domaines aussi divers que le social, l'environnement, les finances, l'aménagement du territoire, pour ne citer que ces quelques exemples, il importe de leur donner les moyens de répondre efficacement aux besoins exprimés ou légalement imposés.

Ainsi est-il opportun, dans l'intérêt de la décentralisation et de la bonne gestion de nos collectivités, d'aider les élus locaux, et en premier lieu ceux ne disposant pas le plus souvent d'un service capable d'assurer une expertise juridique, à apprécier la légalité des décisions qu'ils s'apprêtent à prendre. Il semble ainsi naturel que le tribunal administratif, comme le souligne M. Pierre Richard dans un récent ouvrage « le Temps des citoyens », puisse apporter son concours aux collectivités pour démêler des situations juridiques délicates, éviter les erreurs et, éventuellement, les poursuites qu'elles pourraient occasionner.

Il convient de rappeler que cette faculté de saisine du tribunal administratif est reconnu au représentant de l'État par l'article R. 242 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article premier

Il est inséré au livre III du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (partie législative) un article L. 29 ainsi rédigé :

« Art. L. 29. - Les maires, les présidents d'établissement public de coopération intercommunale, les présidents de conseil général et les présidents de conseil régional peuvent saisir le tribunal administratif d'une demande d'avis relative aux conditions d'exercice des compétences de la collectivité ou de l'établissement public concerné.

« Ils en informent le représentant de l'État, selon les cas, dans le département ou la région.

« L'avis du tribunal administratif est rendu dans un délai maximum d'un mois à compter du jour de la saisine. Il est transmis au demandeur et au représentant de l'État dans le département ou la région. »

Art. 2.

Un décret pris en Conseil d'État définira les modalités d'application de la présente loi.

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