N°237

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 janvier 1998.

PROPOSITION DE LOI

visant à réprimer la conduite automobile sous l'empire de produits stupéfiants, de substances psychotropes ou de somnifères,

PRÉSENTÉE

Par M. Edouard LE JEUNE,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Police de la route et circulation routière. - Accidents - Dépistage - Médicaments - Sécurité routière - Stupéfiants et drogues - Code de la route.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Les accidents de circulation routière sont encore beaucoup trop nombreux en France malgré les mesures prises depuis quelques années pour les réduire. Quotidiennement, et notamment en période de congés lorsque la circulation est intense, des familles sont décimées et comptent leurs morts ou leurs blessés graves.

Les campagnes d'information, de prévention et de dépistage se multiplient et les résultats sont certes sensibles. Cependant, ces campagnes visent particulièrement l'alcoolisme, qui, s'il est un facteur de poids comme le démontrent les statistiques, n'est pas la seule raison des accidents. Le décret n° 95-962 du 29 août 1995 a établi le taux maximum d'alcoolémie pour la conduite à 0,50 gramme pour mille et la loi n° 95-97 du 1 er février 1995 a augmenté notablement les peines encourues. Par ailleurs, la mise en place du permis à points, qui a réduit le nombre d'accidents dans un premier temps, voit maintenant ses effets induits se stabiliser, sans doute pour des raisons d'habitude.

Il est une raison qui, hélas ! devient plus courante chaque année : les stupéfiants, les substances psychotropes et les somnifères, souvent d'ailleurs associés à l'alcool qui amplifie leurs effets. Or, la lutte contre la toxicomanie est une des priorité de santé publique. Depuis 1990, les statistiques démontrent que les interpellations sont en nette progression, ainsi que les saisies de stupéfiants. Quant au nombre des usagers, il a progressé de façon alarmante.

En France actuellement, notre législation ne considère pas comme constitutive d'une infraction particulière la conduite sous l'empire de la drogue ou de médicaments prescrits. Cependant, l'article 222-37 du nouveau code pénal dispose que le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants sont punis de lourdes peines d'emprisonnement et d'amende. Puisque l'usage et le trafic de stupéfiants sont prohibés, la conduite sous leur empire devrait logiquement être également réprimée puisqu'elle met en péril la vie des autres usagers de la route. Face à l'amplification des phénomènes de drogue et à la consommation plus largement répandue, notamment auprès de jeunes, plusieurs pays européens commencent à réagir. Très récemment, la Belgique et l'Allemagne ont engagé une réflexion sur la répression de la conduite ou l'emprise de drogues, après avoir remarqué que de nombreux jeunes conduisaient en état anormal à la sortie des discothèques

L'adage «mieux vaut prévenir que guérir» est de circonstance, et il ne semble pas utile d'attendre les effets sur la conduite des ravages de la drogue pour agir en matière de sécurité routière.

Les opérations de dépistage sont déjà depuis longtemps organisées pour vérifier le taux d'alcoolémie des conducteurs. L'article 1 er de loi n°95-97 du 1" février 1995 précise que les officiers ou agents de la police administrative peuvent soumettre aux épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique toute personne conduisant un véhicule «même en l'absence de tout signe manifeste d'ivresse «  II semble important de pouvoir coupler ce dépistage avec celui de stupéfiants ou médicaments. Par ailleurs, il est nécessaire d ms tuer comme cela est le cas pour l'alcoolémie, des moyens légaux de contrôle et d'établir des garanties. A l'inverse, des sanctions doivent pouvoir être prononcées en cas de refus de dépistage.

C'est pourquoi je vous propose, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l'article 1 er du code de la route, il est inséré un article L. 1 er "-1-A ainsi rédigé :

« Art. L. 1er-1 -A. - I. - Toute personne qui aura conduit un véhicule alors qu'elle se trouvait, même en l'absence de tout signe manifeste, sous l'empire de stupéfiants, de substances psychotropes ou de médicaments de nature à altérer gravement son comportement, sera punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30000F ou de l'une de ces deux peines seulement.

« Les officiers ou les agents de la police administrative ou judiciaire soumettront à des épreuves de dépistage le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel et tout conducteur impliqué dans un quelconque accident de la circulation ou auteur présumé de l'une des infractions aux prescriptions du présent code relatives à la vitesse des véhicules et au port de la ceinture de sécurité ou du casque.

« Lorsque les épreuves de dépistage permettront de présumer l'existence d'une altération grave du comportement due à l'usage de stupéfiants, de substances psychotropes ou de somnifères, ou lorsque le conducteur aura refusé de les subir, ils feront procéder aux vérifications destinées à établir la preuve de cet état. Ces vérifications seront établies au moyen d'analyses et d'examens médicaux, cliniques et biologiques : un échantillon devra être conservé.

« II. - Toute personne qui aura refusé de se soumettre aux vérifications sera punie des peines prévues au premier alinéa.

« En cas d'application des articles 221-6 et 222-19 du code pénal à rencontre de l'une de ces infractions, les peines prévues par ces articles seront doublées.

III. - Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions dans lesquelles seront effectuées les opérations de dépistage et les vérifications prévues au présent article. »

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