N°275
SENAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 février 1998.
PROPOSITION DE LOI
visant à baisser le taux de recouvrement de la surcompensation versée par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales,
PRÉSENTÉE
Par MM. Alphonse ARZEL, Jean-Paul AMOUDRY, Philippe ARNAUD, Denis BADRÉ, René BALLAYER, Bernard BARRAUX, Jacques BAUDOT, Michel BÉCOT, François BLAIZOT, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Marcel DAUNAY, Marcel DENEUX, André DILIGENT, André DULAIT, André ÉGU, Jean FAURE, Francis GRIGNON, Pierre HÉRISSON, Rémi HERMENT, Jean HUCHON, Claude HURIET, Henri LE BRETON, Edouard LE JEUNE, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Jean MADELAIN, Kléber MALÉCOT, Louis MERCIER, Louis MOINARD, Jean POURCHET, Philippe RICHERT et Michel SOUPLET,
Sénateurs
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Retraite : fonctionnaires civils et militaires. - Fonction publique territoriale - Code de la sécurité sociale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
La situation financière préoccupante de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) constitue depuis plus de dix ans un élément d'incertitude pesant tout particulièrement sur les budgets locaux.
Les causes de cette situation sont les suivantes :
- d'une part, une dégradation progressive du rapport
actifs-
retraités ;
- d'autre part, dans ce contexte particulièrement
dégradé,
l'institution, par l'article 78 de la loi de finances
pour 1986 avec effet
rétroactif dès 1985, d'un
mécanisme de surcompensation entre les
régimes spéciaux
de salariés.
Cette surcompensation a gravement compromis la situation financière de la CNRACL en la contraignant à participer au financement des régimes spéciaux déficitaires, notamment ceux de la SNCF, des marins et des mines.
Ce dispositif impose en effet aux régimes spéciaux dont la capacité contributive est supérieure à la moyenne des régimes spéciaux de contribuer au financement des régimes dont la capacité contributive est inférieure à cette moyenne.
Le taux de recouvrement de la surcompensation fut fixé à l'origine à 22% au terme du décret n° 86-100 du 23 janvier 1986. Le décret n° 86-1296 du 11 décembre 1992 a fixé ce taux à 30 % pour 1992 et à 38 % pour 1993.
Le taux de recouvrement de la surcompensation a été maintenu à 38 % jusqu'à ce jour.
La mise en place de ce mécanisme a eu pour effet d'assécher les réserves de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de faire apparaître des déficits qui pouvaient être comblés soit par un apport financier de l'Etat, soit par une hausse des cotisations employeurs essentiellement payées par les collectivités territoriales et les hôpitaux.
L'Etat ayant choisi de se désengager, les collectivités territoriales ont dû dès lors subir de très nombreuses hausses des cotisations employeurs dont le taux d'appel est passé successivement de 10 à 15% en 1987, de 15 à 19,7 % en 1989 puis à 21,3 % jusqu'en 1994.
Devant la dégradation continue de la situation de la caisse, le Gouvernement, par décret du 28 décembre 1994, a décidé de porter le taux d'appel des cotisations employeurs à la CNRACL de 21,3 à 25,1% au 1 er janvier 1995.
Cette dernière hausse encore en vigueur à ce jour, représente un coût supplémentaire de près de 3 milliards de francs par un an pour les collectivités territoriales, dont 2,2 milliards de francs pour les seules communes.
Cependant, il convient d'observer que celle augmentation du taux de contribution n'est pas suffisante pour assurer les besoins de trésorerie en cours d'année de la CNRACL. En effet, s'agissant de la compensation généralisée entre régimes de base, la Caisse est contributrice à hauteur d'environ 10 milliards de francs. Quant à la «surcompensation», elle est constituée à 53 % par le versement de la CNRACL.
Au total, les versements de cette dernière s'élevaient donc en 1997 à 19,5 milliards, soit le tiers des recettes du régime, et près de 50 % du montant des prestations servies.
Sur une période de dix ans, ce sont ainsi 54 milliards de francs qui auront été versés par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales aux autres régimes déficitaires au titre de la surcompensation, alors que dans le même temps celle même caisse versait 79 milliards de francs au titre de la compensation généralisée.
Ce mécanisme revient en réalité substituer la CNRACL, principal pourvoyeur de fonds pour la surcompensation, à l'Etat pour une action de solidarité décidée par ce dernier en faveur de régimes d'assurance vieillesse fortement déficitaires, qui se superposent à la compensation démographique généralisée entre les régimes de sécurité sociale.
Durant cette même période, la hausse des cotisations versées par les collectivités territoriales à la CNRACL a contribué à elle seule à l'augmentation de cinq points des contributions directes locales.
La dégradation du rapport entre actifs et retraités qui est passé de 4,5 cotisants pour un retraité en 1982 à 3 cotisants pour un retraité en 1997 va se poursuivre : le rapport Briet prévoit ainsi 1,3 actif seulement pour un retraité en 2015; de plus les réserves de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales sont inexistantes.
Des solutions à caractère tout à fait exceptionnel ont permis jusqu'ici de maintenir l'équilibre financier de la Caisse.
L'année dernière, l'Etat a eu recours à la mobilisation d'une partie des réserves structurelles du Fonds des allocations temporaires d'invalidité.
Pour 1998, la loi de financement de la sécurité sociale prévoit la possibilité d'un recours à l'emprunt dans la limite de 2,5 milliards de francs.
Dans les deux cas, le Sénat a exprimé ses plus grandes réserves, estimant ajuste titre qu'il s'agissait là de solutions à court terme.
D'après les prévisions dont nous disposons, le déficit de trésorerie de la CNRACL devrait atteindre 2,4 milliards de francs en 1999.
Dans ces conditions de nouvelles hausses des taux de cotisations risquent d'être inévitables dès 1999, si le mécanisme de la surcompensation n'est pas rapidement réformé et si l'Etat ne décide pas dans les meilleurs délais de prendre ses responsabilités dans cette affaire.
Dans le cas contraire, nous assisterions à la poursuite d'un transfert continu et insidieux de charges entre l'Etat et les collectivités territoriales, tel qu'il se pratique désormais depuis quinze ans.
Ce sont les raisons pour lesquelles, nous vous proposons dans l'article 1 er de la présente proposition de loi de réduire le taux de recouvrement de la surcompensation versée par la CNRACL de 38 % à 30%.
Tel est l'objet de la proposition de loi que nous vous prions de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Le taux mentionné au dernier alinéa (d) de l'article D. 134-9-4 du code de la sécurité sociale est fixé à 30 % à compter de l'exercice 1998.
Article 2
Les dépenses supplémentaires occasionnées à l'Etat par la disposition qui précède sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des droits fixés aux articles 919 A et 919 B du code général des impôts, et de ceux visés aux articles 575 et 575 A du même code.