Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 07/07/2022
M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la préservation des chemins ruraux. Les communes ont des difficultés juridiques pour réhabiliter et récupérer les chemins ruraux non goudronnés qu'elles n'entretenaient pas car ils étaient délaissés ou envahis de végétation.
Il arrive que l'accès à ces sentiers ou chemins ruraux anciens non-utilisés pour la circulation automobile soit rendu impossible par des riverains qui s'en réservent l'usage, contrevenant ainsi au principe d'affectation au public défini par les articles L. 161-1 et L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).
Du fait de l'impossibilité d'emprunter ces chemins ruraux ou d'en assurer l'entretien, les juridictions administratives saisies dans le cadre de litiges ne les considèrent plus comme tels et leur affectent en lieu et place la qualité de chemins d'exploitation sur lesquels les riverains ont droit d'usage mais aucun titre de propriété. Pourtant, nombre de ces chemins ruraux sans usage actuel du public relient deux voies publiques et figurent comme tel au plan cadastral. Ils ont été dans le passé des chemins ruraux au titre de la loi du 20 août 1881 et même de domaine public jusqu'à l'ordonnance n°59-115, mais les communes ne peuvent le prouver ni accéder à ces archives et sont dépossédées de leur patrimoine. Les maires sont contestés et ne peuvent mettre en œuvre les dispositions de l'article D.161-11 du CRPM.
Afin d'y remédier, l'article 102 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, prévoit que les communes pourront effectuer un recensement de leurs chemins ruraux selon des modalités à fixer par décret. Il conviendrait toutefois d'apporter des précisions à la définition des chemins ruraux afin de ne plus baser leur statut sur le seul usage du public, quand celui-ci est interrompu, ou sur l'entretien par les communes quand celles-ci n'en ont pas l'obligation. Il paraîtrait de surcroît nécessaire de conforter le principe de propriété des communes, à tout le moins sur les chemins ruraux sans titres qui peuvent relier deux voies quel que soit leur usage. Il semblerait important enfin que soient prises en considération les indications concordantes du plan cadastral qui représente les chemins ruraux comme l'ensemble des autres voies publiques. Les propriétés appartenant aux collectivités y sont délimitées comme le précisent les articles 10 et 11 du décret n°55-471 du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre.
Afin de pallier la disparition annoncée des chemins ruraux par défaut d'entretien, il lui demande aussi de bien vouloir lui indiquer quels moyens il souhaite mettre en œuvre afin de rétablir la propriété des communes sur ces voies de circulation.
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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 06/10/2022
La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite "loi 3DS", modifie de manière significative le régime des chemins ruraux afin de mieux les protéger. Ainsi en vertu du nouvel article L. 161-6-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), la commune peut initier un recensement de ses chemins ruraux qui aura pour effet de suspendre pendant deux ans le délai de la prescription acquisitive. Le législateur permet ainsi de prévenir la désuétude des chemins ruraux et offre aux communes la possibilité de mettre un terme à une appropriation progressive des chemins par les riverains. Il y a lieu de rappeler que dans le cadre de la police de la circulation et de la conservation des chemins ruraux définie à l'article L. 161-5 du CRPM, le maire dispose de pouvoirs de police pour préserver l'intégrité des chemins ruraux de sa commune. L'article D. 161-11 du code précité dispose, en effet, que : « lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural ( ) les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction ». Ainsi, une commune peut à tout moment réhabiliter un chemin rural sans que puisse y faire obstacle la circonstance « que l'usage public dudit chemin aurait cessé durant une longue période et que les [riverains] auraient procédé à leurs frais au nettoyage d'une partie de celui-ci » et ainsi exiger des riverains qu'ils procèdent à l'enlèvement de la barrière qu'ils avaient implantée (CAA Bordeaux, 22 mars 2007, n° 03BX02163). Lorsqu'un chemin rural fait l'objet d'une action en revendication de propriété par un riverain, il revient au juge judiciaire de se prononcer. La commune bénéficie, en application des articles L 161-2 et L. 161-3 du CRPM, d'une présomption de propriété lorsque le chemin rural est affecté à l'usage du public, ce qui ressort des critères alternatifs de l'utilisation du chemin comme voie de passage ou d'actes réitérés de surveillance ou de voirie réalisés par l'autorité municipale (cass. 3e civ., 4 avril 2007, n° 06-12.078). En outre, la présomption de propriété ne s'épuise pas par l'acte du riverain qui pose une barrière en faisant cesser la circulation sur le chemin et par l'inaction prolongée de la commune. Lorsqu'un chemin rural n'est plus, ni emprunté par le public, ni entretenu par la commune, il suffit à cette dernière d'établir que le chemin a été ouvert au public avant qu'un riverain ne le ferme à la circulation pour entrer dans le champ de la présomption (cass. 3e civ., 2 juillet 2013, n° 12-21.203). Le juge administratif considère également que le chemin qui « a été utilisé par le passé comme voie de passage » demeure un chemin rural bien qu'il soit difficilement praticable, partiellement recouvert de végétation et occasionnellement entretenu par des riverains (CAA Marseille, 27 avril 2018, n° 16MA02158). Par conséquent, l'interruption de l'usage public n'est pas déterminant. Enfin, le juge prend en considération l'ensemble des éléments qui lui sont rapportés, notamment les cadastres anciens (cadastre napoléonien) et la fonction de liaison du chemin qui peuvent jouer en faveur de la commune (cass., 3e civ., 3 juin 2021, n° 20-16.299). Ainsi, le fait de rapporter une fonction de liaison avec la voirie publique et des témoignages attestant que le chemin était ouvert à la circulation établit la propriété de la commune faute pour le riverain de pouvoir se prévaloir d'un titre de transfert de propriété (cass. 3e civ., 2 avril 2003, n° 00-13.430). Dans ces conditions, le Gouvernement n'envisage pas d'adopter de nouvelles mesures.
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