Question de M. COZIC Thierry (Sarthe - SER) publiée le 04/08/2022
M. Thierry Cozic attire l'attention de M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques sur le fait que l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale concerne l'ensemble des fonctionnaires, qu'ils soient titulaires ou stagiaires. Ce droit syndical est garanti aux fonctionnaires par l'article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, droit ayant valeur constitutionnelle, inscrit dans le Préambule de la constitution de 1946 et intégré au bloc de constitutionnalité. En sus, la liberté syndicale dans la fonction publique repose, au niveau international, sur l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Il attire l'attention sur le fait que les règles en matière d'exercice syndical sont aujourd'hui fixées de manière à ce que les agents qui acceptent d'exercer un ou plusieurs mandats de représentant syndical puissent concilier au mieux vie professionnelle et mandat syndical.
Ce droit syndical si nécessaire à la bonne vie démocratique des institutions dans lesquelles il s'exerce ne doit néanmoins pas venir heurter un autre droit, à savoir la continuité des services publics.
Il rappelle que le Conseil constitutionnel a, en 1979, accordé au principe de continuité du service public le caractère de « principe de valeur constitutionnelle», le plaçant ainsi au même niveau que le droit d'action syndicale.
Sur le territoire, voici l'exemple d'une petite commune, où deux agents du même service périscolaire sont syndiqués. Ils bénéficient d'une décharge d'activité de service (DAS) pour motif syndical, correspondant à 70 heures par mois pour l'une et 60 heures pour l'autre, ainsi que d'autorisations d'absence pour motif syndical au titre des articles 14, 15, 16 et 17 du décret n°85-397 du 3 avril 1985.
Sur une durée de 8 mois, un agent n'a été présent sur son poste que 35 heures au total et l'autre agent a effectué un temps de présence sur le service sensiblement identique. Cela déstabilise complètement le service public et déconcerte les usagers qui doivent s'habituer à des agents remplaçants trop régulièrement. De plus, cette situation maintient le personnel remplaçant dans la précarité.
Il s'avère très difficile, pour les petites communes, malgré leur bonne volonté, de concilier l'exercice du droit syndical et la continuité du service public dans de bonnes conditions. De plus, même si les absences des agents syndiqués sont partiellement compensées par les remboursements effectués par les centres de gestion de la fonction publique territoriale (CDG), il est resté à la charge de la commune pour 2021, la somme de 10 459,26 euros.
Il attire l'attention sur le fait que dans nos collectivités le contrat de travail ne se réduit pas à un contrat privé entre personnes, ce dernier renvoie immédiatement à des droits individuels définis, exercés et contrôlés collectivement. Le droit syndical est l'émanation de ce collectif, et c'est en cela qu'il doit pouvoir être mis en place de manière à ce qu'il puisse s'exprimer pleinement sans entraver le fonctionnement de l'institution qu'il a pour mission de représenter.
Il lui demande, pour ce faire, quelles mesures concrètes il compte mettre en œuvre afin de garantir l'expression du droit syndical dans les petites collectivités territoriales sans que cela ne déstabilise structurellement le fonctionnement des services de ces dernières.
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Réponse du Ministère de la transformation et de la fonction publiques publiée le 15/12/2022
Les articles L. 214-3 et L. 214-4 du code général de la fonction publique (CGFP) prévoient que les représentants syndicaux bénéficient d'autorisations d'absence et de décharges d'activité de service pour exercer leur activité. Selon le cas, les autorisations d'absence sont accordées de droit ou sous réserve des nécessités du service. L'article 18 du décret n° 85-397 du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale fixe la liste des autorisations d'absence accordées de droit : il s'agit des autorisations accordées aux représentants syndicaux appelés à siéger dans un certain nombre d'organismes consultatifs ou bien à participer à des réunions de travail ou à des négociations. En revanche, les autorisations d'absence mentionnées aux articles 16 et 17 du même décret sont accordées sous réserve des nécessités du service. Elles sont destinées aux représentants des organisations syndicales mandatés pour assister aux congrés syndicaux ainsi qu'aux réunions de leurs organismes directeurs, dont ils sont membres élus ou pour lesquels ils sont nommément désignés. Sur la demande de l'agent justifiant d'une convocation à une réunion syndicale et présentée à l'avance dans un délai raisonnable, l'autorité territoriale doit, dans la limite du contingent applicable, accorder cette autorisation en l'absence d'un motif s'y opposant tiré des nécessités du service, qui ne saurait être utilisé pour faire obstacle à l'exercice de la liberté syndicale, laquelle constitue une liberté fondamentale (CE, 19 février 2009, 324864 ; CE, 18 août 2011, 351883). Seules des raisons objectives et propres à chaque situation peuvent être invoquées pour justifier qu'il ne soit pas fait droit à la demande d'un agent. Ainsi, le refus tiré des nécessités de service peut être en relation avec le nombre élevé des autorisations demandées et les dysfonctionnements qui en résultent (CE, 19 février 2009, 324864), ou résulter de ce que le service aurait été dans l'impossibilité de fonctionner compte tenu des congés annuels accordés aux autres agents ou du champ de compétencedes agents restés présents (CAA de Bordeaux, 20 décembre 2005, 02BX01428). S'agissant des décharges d'activité de service, l'article 20 du décret du 3 avril 1985 prévoit que si la désignation d'un agent est incompatible avec la bonne marche du service, l'autorité territoriale motive son refus et invite l'organisation syndicale à porter son choix sur un autre agent. L'autorité territoriale peut donc légalement refuser une décharge d'activité sollicitée pour l'exercice du droit syndical, ou n'accueillir que partiellement la demande dont elle est saisie par un syndicat, lorsque la demande se heurte à des nécessités de service (CAA de Lyon, 30 juin 2020, 18LY02579). Le refus opposé au titre des nécessités de service doit faire l'objet d'une motivation de l'administration dans les conditions prévues par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, qui prévoit que la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision (CE, 8 mars 1996, n° 150786). Un agent peut cumuler les autorisations d'absence relevant des articles 16 (dans la limite de 20 jours), 17 et 18 du décret du 3 avril 1985. De plus, les décharges d'activité peuvent être totales ou partielles. Il est en conséquence possible qu'un agent consacre tout ou partie de son temps à l'exercice d'une activité syndicale. En tout état de cause, sauf lorsqu'elle est de droit, l'autorité territoriale a la possibilité de s'opposer à une demande d'autorisation d'absence ou de décharge d'activité si celle-ci ne permet pas d'assurer la continuité du service. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 452-38 du CGFP, les centres de gestion assurent des missions obligatoires pour l'ensemble des agents des collectivités territoriales et établissements publics affiliés. Ils sont ainsi notamment chargés du calcul du crédit de temps syndical et du remboursement des charges salariales (rémunération et cotisations sociales) afférentes à l'utilisation de ce crédit dans les cas prévus aux 1° et 2° de l'article L. 214-4 du même code. Les dépenses supportées par les centres de gestion pour l'exercice de ces missions obligatoires sont financées par une cotisation obligatoire payée par les collectivités et établissements concernés (article L452-25 du CGFP). En revanche, les autorisations d'absence mentionnées aux articles 16 et 18 du décret du 3 avril 1985 ne donnent lieu à aucun remboursement de la part des centres de gestion. Les dispositions relatives à l'exercice du droit syndical permettent ainsi de concilier la liberté syndicale avec le principe de continuité du service public, tous deux de valeur constitutionnelle. Quant à la charge financière que représente l'exercice du droit syndical pour les petites collectivités, elle est mutualisée au sein des centres de gestion. Étendre les droits à remboursement ferait peser une charge supplémentaire sur les collectivités et les centres de gestion.
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