Question de Mme SOUYRIS Anne (Paris - GEST) publiée le 03/10/2024

Mme Anne Souyris interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la publication des décrets d'application relatifs au volet de la réduction des risques en prison de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Cette loi prévoit notamment l'extension à la réduction des risques (RDR) du principe d'équivalence des soins entre le milieu ouvert et le milieu fermé.

Elle remarque que la prévalence des addictions parmi les personnes incarcérées est plus importante qu'en milieu ouvert. On estime qu'un tiers des personnes qui entrent en prison présentent une problématique addictive hors tabac et que la quasi-totalité continuent à consommer d'une manière ou d'une autre au sein de celle-ci. Près de 60 % des consommateurs et consommatrices de produits illicites autres que le cannabis inhaleraient, quand 30 % utiliseraient l'injection selon une étude de 2017 dans la prison de Lyon-Corbas. Elle rappelle que dans ce contexte de pratiques de consommation à risques et d'absence de matériel de réduction des risques stérile (inhalation, injection), la prévalence du virus d'immunodéficience humaine (VIH) et des hépatites virales est 6 à 10 fois plus importante que dans la population générale. Ainsi, sans décret, les dispositifs et outils de réduction des risques varient d'un établissement à un autre, et sont la plupart du temps inexistants, aux dépens des détenus et de leur santé.

Le ministère de la justice prépare par ailleurs un décret pour mettre en place des alternatives aux poursuites pour la majeure partie des infractions commises en prison, notamment en matière de stupéfiant, assumant ainsi l'usage de drogues illicites au sein des prisons françaises sans pour autant répondre aux enjeux de santé publique.

Alors que les décrets d'application de la loi précitée n'ont toujours pas été publiés en ce qui concerne la réduction des risques en milieu carcéral, les droits fondamentaux des personnes incarcérées ne sont pas garantis et cette absence d'application de la loi met en danger la santé déjà particulièrement fragile de ces personnes, en contribuant notamment à la propagation des épidémies de VIH et des hépatites. Elle l'interroge afin de savoir si un futur décret entend garantir l'accès aux outils et dispositifs de réduction des risques dans l'ensemble des établissements pénitentiaires en France, et ce dans quels délais.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/04/2025

Le ministère de la Justice est pleinement mobilisé aux côtés du ministère de la Santé et de l'Accès aux Soins pour favoriser l'accès aux soins des personnes placées sous main de justice (PPSMJ). La prise en charge des conduites addictives et la lutte contre la consommation de drogues en milieu carcéral constituent des missions essentiellement dévolues au ministère de la Santé et de l'Accès aux Soins en vertu de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994. Depuis, les services du ministère de la Justice et du ministère de la Santé et de l'Accès aux Soins travaillent conjointement à la mise en oeuvre d'une politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue adaptée au milieu pénitentiaire. En ce sens, la feuille de route santé des PPSMJ 2024-2028 signée le 5 juillet dernier rassemble six actions dédiées à la lutte contre les addictions en milieu carcéral. De plus, la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) nourrit une collaboration étroite avec les services de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). En 2024, l'appel à projets lancé dans le cadre du fonds de concours (FDC) « Drogues » de la MILDECA et auquel la DAP a répondu au même titre que les années précédentes, a permis d'allouer 1 190 000 euros à la mise en oeuvre de 44 projets répartis sur l'ensemble du territoire national. Par ailleurs, l'administration pénitentiaire s'attache depuis de nombreuses années à tisser un réseau diversifié d'acteurs, notamment par le biais de conventions avec les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). La DAP a également signé des conventions avec les associations Alcooliques anonymes, Camerup et Narcotiques anonymes. Dans ce cadre, de multiples actions sont menées quotidiennement à l'échelle des établissements pénitentiaires, des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et des réseaux d'associations spécialisées dans les troubles addictifs afin de proposer des solutions durables. Ainsi, l'actuel cadre législatif permet de développer et déployer sur le territoire national les dispositifs de réduction des risques et des dommages à destination des PPSMJ. Aucun décret n'est donc prévu, dans l'immédiat, en la matière. Le Conseil d'Etat, dans une décision n° 466859 rendue le 8 avril 2024, a confirmé cette position, considérant qu'il ne « résulte pas que l'application de cette politique aux personnes détenues serait subordonnée à l'intervention préalable du pouvoir réglementaire ». Enfin, l'engorgement des commissions de discipline des établissements pénitentiaires a favorisé l'expérimentation de procédures alternatives aux poursuites disciplinaires au sein de plusieurs directions interrégionales des services pénitentiaires. Ces mécanismes, entérinés par le décret n° 2024-1062 du 25 novembre 2024, ont pour vocation d'apporter une réponse immédiate aux incidents de faible gravité et éviter ainsi que ne se développe un sentiment d'impunité parmi la population pénale. Réservée aux personnes détenues majeures, elle ne peut être appliquée que pour certaines fautes du 2ème degré et toutes les fautes du 3ème degré. Les mesures de réparation peuvent être à visée pédagogique, restaurative ou de privation. Si la mesure de réparation n'est pas exécutée par la personne détenue dans son intégralité, les faits reprochés peuvent faire l'objet de poursuites disciplinaires. La procédure alternative aux poursuites disciplinaires ne se substitue pas aux poursuites disciplinaires. Elle permet de prioriser l'audiencement des actes violents en CDD.

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